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Si vous avez un problème écrivez moi, réponse assurée ! Bon travail LES PATRONS SONT DESORMAIS TELECHARGEABLES AU FORMAT PDF ! VOUS DEVEZ POUR POUVOIR LIRE LES FICHES AVOIR AU MINIMUM ACROBAT READER 5 ! (si vous ne l'avez pas, cliquez sur le logo ci dessous) Animaux plats Élévationde température: ° c Max. Température ambiante:-° c ~ ° c. Résistance d'isolement: 100MΩ Min 500VDC. Rigidité diélectrique: 500 V AC 1 minute. Radiaux Lecture: 0.02mm Max (450g-load) Arbre Jeu Axial: 0.08mm Max (450g-load) Spécifications: Modèle. Étape Angle (°) Longueur L (mm) Couple de maintien (N. m) Courant (A/Phase nonton film sweet and sour sub indo. 16 juin 2011 4 16 /06 /juin /2011 0400 Incroyable mais vrai ! J'ai re-sorti mes rocailles ! Ce perroquet est réalisé en perles de rocailles 9/0 sur du fil de nylon. Oui, du fil de nylon, et ça non plus, ça ne m'était aps arrivé depuis un moment, je pense même que ça se compte en années, voir en une dizaine d'années lol Et vous savez quoi ? Et bien je sais pourquoi ça fait si longtemps que je n'avais pas fait d'animaux en nylon c'est la plaie et je trouve le rendu moins bon qu'avec le laiton C'est un animal qui m'a été commandé. Il est basé sur un modèle du livre Anima-perles, dont j'avais mis le patron pour adaptation sur ce blog, ici. Bonne journée ! Published by Cecile - dans Animaux en rocaille COMPTE-RENDU, critique opéra. MARSEILLE, le 22 février 2020. OFFENBACH La Périchole. Membrey / Lepelletier. Dans un flamboiement de rouges Second Empire, un encadrement de cage de scène souligné de rampes lumineuses encadre un autre cadre pareillement illuminé qui enchâsse à son tour une petite scène avec rideaux, chapeautée en fronton d’une clinquante enseigne Cabaret ». TOUT FEU TOUT FLAMME Théâtre dans le théâtre travestissements. C’est la première réussite des décors et de la mise en scène d’Olivier Lepelletier, dans l’espace exigu du plateau de l’Odéon, cet agencement gigogne en termes savants, cette mise en abyme », théâtre dans le théâtre pour la plaisante théâtralité globale de l’histoire et de ces personnages, deux pauvres petits comédiens de profession, ou de métier inavoué des courtisans, déguisés ou non, dans le théâtre politique et hypocrite de la cour, haute par les perruques des grands, basse par leurs œuvres, manœuvres et bassesse morale. En fond de cette scène, le rideau s’ouvrira, découvrira dans le palais du libidineux Vice-roi du Pérou, symboliquement derrière son trône, un grand tableau d’érotisme à l’alibi mythologique du XVIIIesiècle libertin sur un nébuleux décor de forêt sombre trouée d’un ciel bleu, l’éclat nacré du nu de la nymphe Callisto défaillant entre les bras de Diane identifiée par le croissant de lune de son diadème indiquant, d’un doigt érigé, un phallique objet rouge prêt à pénétrer le mol envol rose satiné du triangle d’un voile vaginal, bientôt plus virginal,sur lequel folâtrent deux amours témoins de la scène saphique alors que Cupidon, à bonne place sexuelle, semble titiller de sa flèche la déesse, en fait le dieu comédien, Jupiter, métamorphosé en Diane pour séduire sa suivante qui en est amoureuse. Malgré le fauteuil qui en offusque un pan et les mouvements des personnages qui l’occultent, je l’identifie comme un tableau de 1759 de Boucher, La Nymphe Callisto, séduite par Jupiter sous les traits de Diane visible dans la photo ci dessus. Déguisements Tout, d’une mise en scène, n’est pas forcément ni obligatoirement perceptible de la salle ni du spectateur moyen, mais ses références culturelles, sensibles ou non, font sens interne, l’enrichissent globalement et j’apprécie ce choix subtil et plaisant, exact historiquement et cohérent dans cette histoire où abondent les travestissements pour assouvir la luxure luxueuse du Vice-roi, qui apparaît d’abord déguisé. Les seuls à n’être jamais masqués ni travestis sont les deux héros comédiens, même s’ils semblent déguisés en costumes de cour qu’on leur imposera avec le mariage imposé, mais ils les portent avec une telle élégance naturelle de vraie noblesse populaire que ce sont les nobles qui semblent travestis ce sont eux la populace moutonnante d’étonnantes perruques montées comme des pièces de pâtisserie, barbes à papa aussi bouffies que leurs prétentions et leurs noms et titres à rallonge une temporellement proche mais géographiquement lointaine guillotine française tranchera dans le vif du col de cette aristocratie trop montée du collet avec ces rouges sanglants prémonitoires. Bien que gesticulant, complices complaisants des caprices et déguisements inutiles du Vice-roi et des serviles dignitaires, ils sont momifiés dans leur morgue et drapés dans leur fausse dignité alors que les deux pauvres hères de héros saltimbanques drapent leur même pas hautaine misère chantante et le métissage racial Il grandira car il est Espagnol… » dans le glorieux et déjà trop grand drapeau espagnol d’un empire bientôt aussi réduit comme peau de chagrin dans la proche décolonisation, intermittents du spectacles d’hier réduits à faire la quête tout en chantant la conquête Le conquérant dit à la jeune Indienne… ». Pour l’heure, à la grisante et rassasiante fête pour les uns quand les héros meurent de faim on admire la beauté des robes des dames, les soies, satins, taffetas, velours qui mettent en valeur contrastante les déguisements burlesques du couple de grands ministres, Don Pedro de Hinoyosa en blanc boulanger Éric Vigneau et le Comte de Panatellas Jacques Lemaire en vieille gitane, sinon beaux lurons, bons larrons en foire avec leurs plans foireux, mettant toute leur rouerie à faire la roue devant le maître, bêtes de scène duettistes, l’un tonnant, l’autre chuchotant, mais en parfait unisson comique. La palme du déguisement dissonant du rouge ambiant, c’est celui, en bonne sœur à cornette, cornes de diable, du vicelard Vice-roi lui-même, errant dans Lima, dans un incognito transparent, pour épier son peuple et vérifier sa popularité mais, hors détracteurs, parmi un choix d’adulateurs à cet effet payés digne d’un candidat politique dans un béat bain de foule, mais à l’inverse du flot du fleuve où l’on ne se baigne qu’une fois, il s’y baigne, imbibe et imprègne, sous le masque qui le camoufle pour s’éviter le camouflet, campé, grandiose et grotesque, par un Olivier Grand, impérial en voix et truculence tonitruante. Autres plaisants déguisements, le couple de notables notaires cardinaux campés avec toute la drôlerie qu’on leur connaît par Michel Delfaud, plus tard inénarrable vieux prisonnier digne de l’Abbé Faria s’évadant du Château d’If, l’espoir chevillé au corps, et Antoine Bonelli par ailleurs Grand Chambellan chamboulé par la favorite. Un beau brin de trio de cousines, à la cuisine et au bar du cabaret, plus tard dames d’atours de la cour, l’accorte et onctueuse Kathia Blas, la succulente Marie Pons et l’avenante Lorrie Garcia excellente et souriante trilogie, image diffractée en trois du charme et de l’intelligence féminines que résume et condense l’héroïne singulière dans cette Histoire toujours faite par les hommes où la femme est réduite aux histoires, à l’historiette mais où elle règne finalement. Tout feu, tout flamme, tout femme aussi, toutes voiles dehors, danses toujours à propos, habilement agencée sans gêner ni ralentir l’action, bien dans le temps musical et scénique, dans cet espace étroit mais jamais encombré, danseuses devenant une garde de rêve, fusil à l’épaule, irrésistibles et martiales mousquetaires en jupette et jolies gambettes aux pas, ni de l’oie ni de l’oiselle, bien réglés par Esméralda Albert. Un remarquable Valentin le Désossé viendra se joindre à elles dans un ébouriffant finale de french cancan péruvien, peut-être retour aux origines hispaniques de la danse, le chahut-cancan inspiré de la cachucha andalouse et dansé dès 1836 par la fameuse danseuse autrichienne Fanny Essler. Les chœurs, bien mouvants aussi, sont aux premières loges et leur plaisir à chanter, contagieux, gagne la salle. Le chef, toujours sacrifié, invisible sur scène aux saluts, qui sont toujours des interminables bis, bis, bis d’un air étourdissant de verve qui le tiennent dans sa fosse, est le bien vif, vivant, vibrant Bruno Membrey que l’on salue. Âges et rôles Sans invoquer de théories contradictoires sur l’art et le paradoxe du comédien, qui ne peut l’être que s’il joue ce qu’il n’estpas, ou ne joue bien que ce qu’il estoù est le jeu, alors ?, notre point de vue égoïste et jouisseur de spectateur, doublé du devoir de critique, trouve du bonheur à constater une adéquation physique entre un personnage et l’acteur et chanteur qui l’incarne. Certes, l’opéra, et même l’opérette sont des genres où l’on accepte forcément la convention à son degré extrême de conventionalité opposé au naturel, tout art est artifice et même dans le supposé retour à la nature du vérisme, le vrai n’y est guère vraisemblable ne serait-ce que par le fait que ses héros expriment leurs douleurs en chantant. Bien sûr, on a connu une époque sans les exigences terribles des gros plans du cinéma ou de la télé qui les retransmettent, où le physique et l’âge des chanteurs ne correspondaient guère à ceux des héros lyriques qu’ils étaient supposés représenter, d’autant qu’une voix doit mûrir avec le temps tandis que les personnages demeurent en leur éternel printemps on n’a jamais vu une Cio-Cios San de quinze ans incarner Madame Butterfly. Mais c’était alors la voix seule, et la technique du chanteur, qui exprimait la jeunesse du personnage incarné ainsi, je tiens que Montserrat Caballé, du moins dans le disque, a sans doute été l’une des chanteuses ayant incarné le mieux la jeunesse, l’ingénuité perverse de Salomé demandant doucement et cruellement, puis obstinément et rageusement, la tête de Jokanaan, Jean le Baptiste. Hortense Schneider n’était plus dans la fleur de l’âge lorsqu’elle donna vie à la Périchole, œuvre tardive des auteurs génialement blagueurs. C’est donc un bonheur bien grand de la vue et de l’oreille que de trouver ici un couple de chanteurs crédibles en physique, voix proportionnée et jeu, pour ces deux rôles. On connaît Samy Camps, habitué de l’Odéon, récemment encore un Orphée mémorable au physique et claire voix de jeune premier, il joint un air fragile d’adolescent où perce encore l’enfance boudeuse parfois et, sous ses noirs sourcils froncés, on ne sait quelle mélancolie de victime d’une vie injuste. Dans le couple, c’est la Périchole qui semble l’homme fort de la tradition machiste, elle protège ce nigaud ». Mais sous l’apparente faiblesse du jeune ingénu,c’est la dignité morale qu’il est le seul à exprimer parmi tous ces corrompus en dédaignant les bénéfices que pouvait lui procurer le statut très, envié par les courtisans, de mari complaisant, non récalcitrant », consentant à son infortune conjugale pour assurer sa fortune matérielle et sociale. Sa pureté contraste avec la duplicité perverse du chœur des courtisans entonnant le quatrain parodiant le second acte deLa Favoritede Donizetti Quel marché de bassesse ! C’est trop fort, sur ma foi, D’épouser la maîtresse, La maîtresse du roi ! » C’est un vrai sens de lhonneur qu’il exprime dans son air On me proposait d’être infâme » et, au-delà des allusions grivoises du couplet, Ma femme, avec tout ça, ma femme, Qu’est-ce qu’elle peut fair’ pendant c’temps-là ? », c’est une vraie détresse amoureuse qu’exprime ce chanteur comédien sensible. Avec son cotillon à volants sur sa cotte ou jupe rouge de danseuse Héloïse Mas est une Périchole de rêve grave velouté sous un aigu facile, agile, gracile, dansante, yeux grands et vifs d’écureuil, cest une poupée qui n’est pas une marionnette. C’est le personnage essentiel et tout repose sur ses jolies épaules qui portent avec élégance le spectacle. Son intelligence l’élève au-dessus de la bêtise des hommes Mon Dieu, que les hommes sont bêtes ! », du Vice-roi vaincu par sa subtilité et de son amant Piquillo qu’elle adore sans se leurrer sur son manque de qualités qu’elle lui énoncera avec une cruelle indulgence amoureuse mais protectrice Tu n’es pas beau, tu n’es pas riche, Tu manques tout à fait d’esprit ; Tes gestes sont ceux d’un godiche, D’un saltimbanque dont on rit. Et pourtant… » Elle saura hoqueter sa griserie pour le côté badin de l’histoire mais sa lettre de rupture, reprise de celle de Manon Lescaut à des Grieux, elle l’aura détaillée avec le lucide cynisme fatal de sa conscience de classe et la pauvreté qui condamne l’amour sans pain, abandonné comme un dessert de luxe pour les repus repas des possédants de la terre. Le joli couple n’aura eu la capiteuse coupe aux lèvres des vins espagnols prestigieux de la vie, n’aura goûté au luxe qu’à l’occasion d’une manipulation, d’une farce forcée par le caprice luxurieux des privilégiés. Créée en 1868 à l’apogée de la folle fête impériale qui va sombrer en 1870, sous ses dehors folâtres et drolatiques, remaniée en 1874 sous la IIIeRépublique et après la Commune, La Périchole n’est pas une opérette ni un simple opéra-bouffe mais, par le nombre de numéros musicaux, un véritable opéra-comiqueau vrai sens théâtral du mot, de demi-caractère par le soin attaché aux deux héros principaux. On me permettra de rappeler des éléments historiques que j’ai évoqués dans d’autres productions de l’œuvre, qui en éclairent les contours. Une turbulente et troublante artiste DE LA PERRI CHOLI » PÉRUVIENNE À LA PÉRICHOLE ________________________________________________________________________________________________ Il était une fois, dans le fastueux Pérou espagnol de la seconde moitié du XVIIIesiècle, une jolie et piquante comédienne, danseuse et chanteuse, comme l’exigeait le genre sûrement de latonadillahispanique, souvent centré sur une femme. Elle sait lire, écrire privilège pour une femme de son temps. À Lima, Micaela Villegas y Hurtado de Mendoza 1748-1819 est déjà célèbre lorsque débarque le nouveau Vice-roi d’origine catalane, Don Manuel Amat y Junient. Antérieurement gouverneur du Chili, grand administrateur, réformateur et bâtisseur, il lance des missions d’explorations vers les îles du Pacifique. Il a cinquante-sept ans, elle, dix-huit. Il en tombe amoureux, en fait sa maîtresse, sa favorite, l’installe au palais, au grand dam de la noblesse espagnole et créole qui n’a pas, sur ce chapitre, la largeur de vues de l’aristocratie française habituée aux incartades officielles, pratiquement institutionnelles, de ses monarques. Mieux, ou pire que cela, il fait de sa belle métisse le centre mondain de Lima, la laisse inspirer des constructions nouvelles dont une magnifique fontaine, reflétant la lune qu’elle lui a demandé de mettre à ses pieds et, scandale, va jusqu’à lui offrir un carrosse somptueux, prestigieux privilège exclusif de la noblesse, dans lequel elle se pavane dans la capitale, pour le grand bonheur du peuple de voir l’une des siennes ainsi intronisée, et le dépit et mépris des nobles qui honnissent l’intruse tout en étant forcés de la saluer bien bas, et de l’applaudir très haut au théâtre qu’elle n’a pas abandonné. La gifle qu’administre, en pleine scène à l’un de ses partenaires l’impulsive vedette, lui vaudra une disgrâce de deux ans. Mais les amants socialement inégaux mais égalisés par l’amour et le désir qui renversent toujours les classes sociales, renouent une liaison finalement heureuse de près de quatorze ans, malgré des hauts et des bas de ménage passionné. Le fruit en sera un fils auquel le Vice-roi donne même son propre nom. Perricholi », cho’ comme chocolat et non cocolat » Donc, Péri chole à prononcer comme chochotte », comme devait bien dire Mérimée, savant hispanophile et ami intime de l’Impératrice espagnole Eugénie de Montijo, et non Péri cole, par une tradition linguistique erronée. Micaela avait un nom elle va gagner un surnom la Perricholi ». Dans l’intimité, le Vice-roi l’appelait tendrement petit xol » prononcé petichol », petit bijou’ en catalan, ou, familièrement pirri xol », ma petite métisse’ ; il n’est pas exclu aussi que le Vice-roi, âgé comme un père, les jours de colère contre les frasques de la tumultueuse enfant, dans les alternances après tout conjugales du cœur, l’ai appelée perra chola » en castillan, chienne de métisse’, sonnant perri choli » avec son accent catalan et le sifflement probable de sa bouché édentée. Toujours est-il que l’opinion publique s’empara plaisamment du terme affectueux ou injurieux selon que l’on fût admirateur ou détracteur de la belle devenue pour tous, en des sens opposés, la Perricholi » de la légende. Histoire et légende Actrice et favorite, ce n’est pas la légende mais l’histoire qui conte aussi sa générosité. Un jour, narguant la noblesse dans son célèbre carrosse, elle aperçut un modeste curé portant à pied le Saint-Sacrement pour l’administrer à un mourant. Ému et honteuse, telle déjà une Tosca pieuse, elle descendit du luxueux véhicule, s’agenouilla, et en fit cadeau au prêtre pour qu’il pût exercer confortablement son pieux ministère. C’est de ce geste célèbre que Prosper Mérimée, à Grenade en 1830 chez les Montijo, tira sa comédie en un acte Le Carrosse du Saint-Sacrement, publiée pour la première fois dans la Revue de Paris en 1829, ajoutée en 1830 à la seconde édition du supposé Théâtre de Clara Gazuldont il est l’auteur caché, jouée sans succès en 1850. Mais, hors du Pérou et de l’Espagne, la Perricholi, avait déjà inspiré La Périchole, vaudeville de Théulon et Deforges 1835 avant l’opéra-bouffe d’Offenbach et ses compères 1868. Puis, en 1893, vint la pièce en vers de Maurice Vaucaire, adaptateur de Puccini en français au théâtre de l’Odéon de Paris, ensuite Le Carrosse du Saint-Sacrement, opéra en un acte, livret et musique d’Henri Büsser 1948 et, enfin, le célèbre film de Jean Renoir, Le Carrosse d’or 1953 avec Anna Magnani. Belle postérité pour notre belle, que l’on retrouve, naturellement chez le grand écrivain péruvien Ricardo Palma 1833-1919 qui recueille traditions, anecdotes et histoires du Pérou dans ses inépuisables Tradiciones peruanas. ________________________________________________________________________________________________ COMPTE-RENDU, critique opéra. MARSEILLE, le 23 février 2020. OFFENBACH La Périchole. Membrey / Lepelletier Marseille, théâtre de l’Odéon, La Périchole de Jacques Offenbach, le 22 février 2020. Livret de d’Henri Mailhac et Ludovic Halévy, d’après Le Carrosse du Saint-Sacrement de Prosper Mérimée, A l’affiche les 22 et 23 février 2020 NOUVELLE PRODUCTION Direction musicale Bruno MEMBREY Mise en scène Olivier LEPELLETIER Chorégraphe Esméralda ALBERT La Périchole Héloïse MAS 1ère Cousine / Guadalena Kathia BLAS 2ème Cousine / Berginella Lorrie GARCIA 3ème Cousine / Mastrilla Marie PONS Piquillo Samy CAMPS Vice-Roi Olivier GRAND Panatellas Jacques LEMAIRE Hinoyosa Éric VIGNAU Tarapote / Un Notaire Antoine BONELLI Le Vieux Prisonnier / Un Notaire Michel DELFAUD Chœur Phocéen Orchestre de l’Odéon Décors et costumes Opéra de Marseille Photos © Christian Dresse COMPTE-RENDU, critique opéra. MARSEILLE, Opéra, le 13 fév 2020. TCHAIKOVSKI Eugène Onéguine. Tuohy / Garichot. Le chef américain Robert Tuohy, méconnaissant sans doute les montagnes russes, ces hauts et ces bas qui peuvent l’être aussi bipolaires psychiquement, ne semble connaître, de la Russie, qu’une vaste et surtout morne plaine comme ce Waterloo, où au moins un héros de l’œuvre, le Prince Grémine, contribua à battre Napoléon à plate couture. ONÉGUINE EUGÊNÉ PAR LE CHEF ________________________________________________________________________________________________ Plate battue pratiquement que la sienne, apathique, asthénique qui, si elle peut répondre au neurasthénique et peu sympathique Eugène qui surjoue en snob son spleen singé d’un Byron mal digéré, ne répond ni à la vitalité des jeunes, Olga, la joueuse rieuse, Lenski l’amoureux d’enfance d’abord enjoué, et encore moins à l’exaltation romanesque et romantique de Tatiana dans sa scène nocturne de la lettre, comme soufflée par des élans sentimentaux du cœur, des élancements physiques de sa respiration, portée, transportée par les souffles des montagnes orchestrales de passion russe qui semblent lui dicter sa folle déclaration d’amour à l’inconnu. Le silence fait partie de la musique. Mais le chef Tuohy les exagère tellement à certains moments scène de la lettre, scène finale que pauses, silences deviennent des trous dans la texture musicale qui suspendent d’un vide les acteurs dans leur mouvement, même pas un arrêt sur image mais un arrêt sans musique tel un précipité musical. Et dans ces deux mêmes scènes capitales, la lenteur de la battue gêne les chanteurs qui ont besoin d’un orchestre solidaire pour être soutenus, soulevés, portés par un élan pour les aider à surmonter un passage périlleux ou pour masquer un manque, une éventuelle défaillance dans l’aigu, accident toujours possible mais pas condamnable d’un spectacle vivant, ainsi la belle Tatiana de Marie-Adeline Henry, au timbre frémissant,frisson d’un aigu un peu froissépar la lenteur de l’envolée, qui avait besoin du support du dynamisme orchestral dans sa sortie de scène de la lettre, et son cri final désespéré sur le si, note la plus aiguë de son rôle, de son adieu final à Onéguine. L’élégant Eugène de Régis Mengus, avec un timbre égal et une bonne tenue de ligne, semble s’ennuyer plus que de nature et sa dernière scène trop étalée en rythme musical, en contradiction avec l’agitation scénique, n’a plus la frénésie érotique ni la folie suicidaire que lui prêtait le compositeur et semble plus perdu qu’éperdu sur un plateau gagné de vide et troué de silence. Évidemment, la sombre et lancinante méditation de Lenski avant le duel, qui pressent sa mort, s’accommode parfaitement de cette langueur rythmique devenue une mortifère mélancolie du héros sacrifié et Thomas Bettinger lui donne une poignante vérité qui bouleverse. La polonaise du second bal, dont il ne faudrait pas oublier que c’était une marche guerrière, héroïque, est un peu atone, compatissante peut-être aux anciens combattants. Il faut toute la science du chant de Nicolas Courjal, qui fit son premier Prince Grémine en 2011, toute sa maîtrise du souffle, et il en faut plus à une basse, pour se tirer d’affaire et faire d’une lenteur qui délaye tout contour de cet air à la carrure virile qui convient à ce militaire, héros victorieux, qui réussit à transformer par son art et sa sensibilité cette stase, cette parenthèse presque statique en un moment extatique d’amour presque mystique, caressant texte et musique comme on imagine qu’il caresse son épouse, d’une tendre voix aux nuances amoureuses, murmurant une confidence qui suspend le temps par la vérité avouée doucement de l’homme mûr amoureux pleinement, comme d’un inestimable trésor, d’une femme plus jeune que lui. Il fait comprendre à Eugène, par son estimation délicate de la jeune femme, la jeune fille qu’il méprisa jadis. On regrette d’autant plus que la distribution est des plus soignées, séduisante avec cette Olga espiègle, frivole mais très charnelle d’Emanuela Pascu, qui a quelques accents touchants de gamine à peine sortie de l’enfance avec ses jouets, dont même le poète Lenski fait partie ; touchante avec le couple de voix graves de Madame Larina et de Filipievna, Doris Lamprecht et Cécile Galois, la mère et la niania, nourrice, double maternité affective pour une double filiation de filles, complicité tendre de femmes mûres, doucement amères sur le passé et lucides sur leur présent, la vie où, lentement, l’habitude a remplacé le bonheur ». C’est un superbe contrepoint de l’expérience nostalgique des rêves passés aux rêves incertains de futur des deux jeunes filles. Déchet fuyant et restant de la Révolution française, Français échoué dans une Russie francophone sinon encore francophile à cause de Napoléon, précepteur sans doute et amuseur dans une charitable famille russe, le touchant Monsieur Triquet d’Éric Huchet n’est pas sacrifié, existant comme prestidigitateur et versificateur de vers faciles sur un timbre désuet de sa lointaine France, une romance oubliée d’Amédée Bauplan. Pour éphémères qu’elles soient, toutes les autres figures ont un relief théâtral bien dessiné, Sevag Tachdjian qui assure une présence militaire pleine de prestance, qui rappelle que la guerre n’est pas encore loin et la silhouette de Jean-Marie Delpas dont l’apparente bonhommie est froidement démentie par sa remarque de juge vétilleux du duel Je tiens à ce qu’un homme soit tué selon les règles. » Sentence qui condamne déjà Lenski en l’absence encore d’Onéguine, qui survient, non sans provocation chez le snob, avec un témoin hirsute, visiblement pas de la bonne société, Monsieur Guillot Wilfrid Tissot. Le petit garçon, rôle aussi muet, est un délicat contrepoint, un écho scénique du petit-fils de la niania, la nourrice qui, toute vouée et dévouée aux maîtres, au-delà de l’oubli de son passé intime d’une époque où l’on ne parlait pas d’amour », a encore une vie familiale personnelle. Les chœurs d’Emmanuel Trenque sont toujours remarquables, soit masse de serfs venus rendre tribut à la maîtresse maternelle apparemment généreuse, invités provinciaux du premier bal ou aristocratiques du second. C’est toute une humanité sensible, réaliste, dans ce drame sans drame, la tragédie du duel étant une cruelle péripétie qui n’affecte pas la trame de l’action entre les deux héros, plus diluée dans le roman où Olga oublie deux jours après son fiancé mort pour elle, oubliés aussi par le texte, que Tchaïkovski et son collaborateur ont superbement condensé. D’où les regrets de cet Onéguine malade de langueur et de longueurs du chef, qui ne fait plus de l’excellent Orchestre de l’Opéra de Marseille un personnage à part entière mais un simple accompagnateur où, parfois, il est vrai, dans cet étirement, se détachent quelques bonheurs de timbres. RÉALISATION… ________________________________________________________________________________________________ Vieille déjà, mais toujours jeune, cette production est d’une somptueuse simplicité et je reprends tout ce que j’en disais de la réalisation de Toulon de janvier dernier. Scénographie unique Elsa Pavanel pour divers lieux plus qu’une réaliste forêt, des troncs d’arbres immenses, stylisant la grande forêt russe non domestiquée ni polie encore par la ville lointaine mais que la présence de deux couples de femmes, deux jeunes et deux âgées, d’un enfant, civilise de douceur. Les expressives lumières changeantes selon le jour de Marc Delamézière, dorées de crépuscule, bleuies de nuit, blanchies d’aurore, soulignent paradoxalement un fond presque toujours noir, exalté à la fin par une immense lune oppressante pour un nocturne bal masqué de blanc et une pluie onirique de lettres. La sobriété de ce décor dans cette enveloppante mais rayonnante obscurité, permet d’en faire économiquement tour à tour jardin d’été où l’on reçoit les visiteurs et les offrandes des paysans, rustique salle de bal de la fête, chambre de Tatiana où un simple lit bateau Empire, une table avec sa bougie prennent une présence poétique intense, surtout ce voile blanc planant, ciel de lit suspendu, nuage du ciel et, symboliquement, tombant vaporeusement sur le sol comme un rêve trop lourd d’idéal de la jeune fille, vaste drap ou tablier de jeu terrestres des paysannes en blanc. Les dames du premier bal campagnard, dans des couleurs d’estompe gris, rose, jaune, ont des robes à manches à gigot Claude Masson et des coiffes et des coiffures dans le goût des années 1830 de l’écriture du roman, et non celles de la narration, la fin de la guerre contre Napoléon dont Grémine est l’un des héros et Eugène un absent sinon déserteur. Les troncs disparus, c’est le noir sur noir nuancé, digne de Soulages, du salon mondain du second bal et sa martiale et angoissante polonaise de masques blancs sur costumes noirs. Sans naturalisme aucun, le jeu est d’un naturel confondant, même les danses paysannes, la valse, le cotillon, la polonaise funèbre du second bal du dernier acte avec ses masques, bien réglées par Cooky Chiapalone. Tout semble juste dans cette subtile mise en scène la tendresse entre la mère, Madame Larina, onctueuseet noble dans sa simplicité, attentive à son chevalet où elle dessine, échangeant avec la nourrice, témoin attentif de son passé, en contrepoint nostalgique du chant insouciant des deux jeunes filles, des souvenirs sentimentaux de jeunesse, des rêves fanés, concluant avec la résignation de l’expérience L’habitude nous tient lieu de bonheur. » Grande lectrice autrefois comme sa fille Tania, elle tente de la persuader que les héros de roman n’existent pas. Filipievna, la niania, la nourrice amie tendre de la mère, maternelle, avec les filles, est touchante seule à la table avec ce rituel religieux de l’icône, un jeu de divination avec la cire e la bougie, bouleversante dans l’aveu de la bribe de son passé qui se lacère en mémoire, mariée à treize ans avec un garçon plus jeune toute une vie en quelque phrases. C’est l’exemple même d’une production scénique qui ne s’est pas usée mais bonifiée à tant tourner, dont les diverses incarnations par les chanteurs semblent facilitées justement par la justesse du traitement accordé aux personnages. N’ayant plus que des réminiscences très lointaines du russe, pas suffisamment réactivées par des voyages, je ne me prononcerai pas sur la prononciation des interprètes, tous français à deux exceptions près, la Roumaine Olga d’Emanuela Pascu et le Libanais Sévag Tachdjian dans le rôle brévissime du Capitaine. Mais il n’y a pas de raison de ne pas rapporter ici les échos flatteurs sur la coach » de russe Elena Voskresenka. ________________________________________________________________________________________________ PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI EUGÈNE ONÉGUINE Scènes lyriques en trois actes et sept tableaux Livret de Piotr Ilitch TCHAÏKOVSKI et de Constantin CHILOVSKI, d’après le roman en vers de POUCHKINE Opéra de Marseille, le 13 février 2020 A l’affiche les 11, 13, 16, 18 février 2020 Production Opéra National de Lorraine – Angers-Nantes Opéra Direction musicale Robert TUOHY / Assistante à la direction musicale Clelia CAFIERO Mise en scène Alain GARICHOT Assistante à la scène et chorégraphie Cookie Chiapalone Décors Elsa PAVANEL Costumes Claude MASSON. Lumières Marc DELAMÉZIÈRE Distribution Tatian Marie-Adeline HENRY Olga Emanuela PASCU / Madame Larina Doris LAMPRECHT Filipievna Cécile GALOIS Eugène Onéguine Régis MENGUS Lenski Thomas BETTINGER / Le Prince Gremine Nicolas COURJAL Monsieur Triquet Éric HUCHET Un Capitaine Sévag TACHDJIAN / Zaretski Jean-Marie DELPAS / Un Paysan Wilfried TISSOT Coach linguistique russe Elena Voskresenka. Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille Ayant longuement traité l’œuvre l’an dernier, je reprends ici la documentation dont j’accompagne mes critiques. ________________________________________________________________________________________________ L’ŒUVRE POUCHKINE… Magnifique et terrible vie que celle du poète romancier Alexandre Pouchkine 1799-1837, descendant d’un Africain et appelé à devenir le premier écrivain à avoir donné ses lettres de noblesse littéraire à la langue russe, vénéré comme tel en Russie. Jeunesse tumultueuse, dissidente politiquement, il connaît l’exil puis le carcan récupérateur de postes officiels imposés, notamment censeur, à l’opposé de ses aspirations libertaires. Comme son héros Lenski dans son roman en vers, Pouchkine meurt en duel, tué par son beau-frère, un officier alsacien qui avait déjà épousé la sœur de Natalia, sa frivole épouse, afin de détourner ses soupçons et désarmer le premier défi du poète. La simplicité classique de la langue de ce romantique exalté aura le mérite d’inspirer nombre de compositeurs, Glinka Rouslan et Ludmila, Dargomyjski La Russalka, Le Convive de Pierre, Moussorgski Boris Godounov, Tchaïkovski Eugene Oneguine et La Dame de pique, Mazeppa, Rimski-Korsakov Mozart et Salieri, Le Coq d’or, Rachmaninov Le Chevalier avare. Le roman et l’opéra De ce roman en vers, plus qu’un opéra avec nœud, péripéties et dénouement dramatique, Tchaïkovski tire, comme il l’intitule justement une suite de scènes lyriques » en trois actes et sept tableaux, des moments dans la vie du héros Eugène Onéguine, jeune gandin guindé, fringué et arrogant, jouant les dandies blasés et cyniques à la mode anglaise des Lovelace de Richardson et de Byron, en vogue dans les années 1820. Séduisant d’emblée la romanesque Tatiana, jeune provinciale qui se livre entièrement à lui dans une lettre, prisonnier de son rôle, il la repousse, pour en tomber éperdument amoureux lorsqu’il la retrouvera plus tard mariée et princesse fêtée de la capitale, et en sera repoussé à son tour. Entre temps, il aura tué en duel son meilleur ami, le poète Vladimir Lenski, après un badinage provocateur avec la coquette Olga, la fiancée de ce dernier, sœur de Tatiana. Bref, ce sont, pratiquement, à l’exception du duel, presque comme un accident qui ne semble avoir d’autre incidence sur l’histoire qu’un long voyage d’Eugène, des scènes domestiques intimes, égayées de danses de paysans et avec deux bals antithétiques province et capitale et deux scènes tout aussi opposées entre Tatiana et Eugène, et deux refus symétriquement inverses de l’homme, puis de la femme, de répondre à l’amour de l’autre. Lettres symétriques Eugène Oneguine, paru en feuilletons, roman en vers commencé à vingt-deux ans, terminé quelque huit années plus tard, est court en texte mais long en élaboration. Dans une architecture très libre, très lâche même avec ses digressions lyriques et ses commentaires de l’auteur sur ses personnages, il est néanmoins structuré par deux lettres parallèles et dissymétriques celle de Tatiana à Eugène au milieu du chapitre III après leur rencontre, et celle d’Eugène à Tatiana mariée au Prince Grémine, après leurs retrouvailles des années après, au chapitre VIII, la fin. Dans la première, c’est tout son être que livre la jeune fille, campagnarde romantique, à l’élégant citadin blasé, s’abandonnant à son vouloir À jamais je te confie ma destinée ». À quoi, un Eugène repenti qui avait gardé la lettre de Tatiana, répond en écho décalé mais tardif Faites de moi / Ce qu’il vous plaît […] Je m’abandonne à mon destin. » Sans répondre à sa lettre absente de l’opéra, le faisant attendre impitoyablement des mois durant, même en avouant qu’elle l’aime encore, Tatiana lui répètera presque mot pour mot ce qu’il lui répondit alors votre leçon » en refusant son amour. Et la jeune femme tire amèrement mais implacablement la leçon commune de la rencontre ratée de deux êtres, victimes et de la fatalité invoquées par tous deux Et le bonheur était si proche, / Si possible… Mais le destin / A tranché. » Héros antinomiques images Pouchkine, dès l’épigraphe qui précède son roman, place son héros sous des auspices peu sympathiques Pétri de vanité » ; d’orgueil, causé par un sentiment de supériorité, peut-être imaginaire ». Dans l’exergue immédiatement en tête du premier chapitre, il indique Il est pressé de vivre, il a hâte de jouir. » Il le présente à la suite faisant risette à un mourant » qu’il voue au diable, un oncle dont il espère hériter car son père a ruiné la famille. Plus humoristiquement, il le traite de jeune vaurien », mon polisson », Vêtu comme un dandy de Londres », sachant écrire et lire le français / à la perfection », garçon instruit mais pédant », faisant illusion sur sa culture, finalement pas très grande, mais suffisamment pour séduire des coquettes déjà expertes » au nez de leur mari, sachant fort tôt porter le masque », collectionneur précieux de précieuses babioles de toilette, affligé d’une paresse mélancolique », mais passant trois heures au moins / Par jour à se voir dans la glace », et, finalement, il sortait de son cabinet / Semblable à Vénus la friponne » déguisée en homme, sophistication toute féminine. Mondain, apprécié partout dans le grand monde, il hante les soirées, les théâtres. Même à la fin, le narrateur le nomme Mon incorrigible excentrique », bizarre compagnon », voyageant avec lui après la rupture absolue avec Tatiana. Autant dire que ce personnage superficiel longuement présenté, est à l’extrême opposé de la rêveuse Tatiana, parue plus tard dans le roman, qui n’avait ni la beauté/ Ni la fraîcheur de sa cadette ; Rien qui attire le regard. / Triste, sauvage, enfermée, Pareille à la biche craintive, / Elle avait l’air d’une étrangère/ Au sein de sa propre famille ». Elle n’est jamais câline » avec les siens, sans poupée, on ne l’avait jamais vu s’amuser » Rien d’espiègle en elle », à l’inverse de sa sœur Olga, se lassant vite des jeux frivoles avec leurs petites amies », en rien attirée par les travaux domestiques féminins, le travail d’aiguille. Lectrice de Richardson, de Rousseau. Autant dire que cette personne profonde, douée ou affligée d’une pensive rêverie/ Depuis qu’elle était tout enfant », si elle a le coup de foudre pour Onéguine, ce n’est qu’un malentendu reposant sur une image et il aura sans doute assez de lucidité pour deux pour refuser cet être projeté sur lui par la romanesque jeune fille. Et quand il la retrouve plus tard, mariée à un héros, le Prince Grémine, élégante donnant le ton dans les salons, c’est sans doute de cette image qu’il s’éprend et prend pour un amour qui a couvé durant ses longs voyages après avoir tué Lenski en duel. L’opéra, Cosí fan tutte slave Le tourmenté Tchaïkovski, né en 1840 et mort prématurément en 1893 sans que l’on sache de quoi, tout aussi fêté en son pays que Pouchkine il aura droit à des funérailles nationales crée en 1878 sa version musicale du roman en vers. Sa volonté toute moderne de vérité le pousse à refuser, pour ces rôles principaux de jeunes gens amoureux, des chanteurs vétérans et leur préfère la fraîcheur et la spontanéité de jeunes solistes du Conservatoire de Moscou où l’œuvre est créée au théâtre Maly, le 29 mars 1879. On dirait de cet opéra, par ses sentiments et situations, qu’il est vériste » si le vérisme n’était souvent qu’une exacerbation de sentiments extrêmes alors qu’ici, tout est dans un intimisme qui, malgré les élans passionnés, demeure dans une grande pudeur dont même la transgression de la lettre d’amour de Tatiana n’est qu’une exaltation de cette limite rompue. En sorte, non tragédie, mais drame d’un décalage dans le temps, dit-on, mais aussi, on ne le remarque pas, de deux couples mal assortis tels ceux de Cosi fan tutte de Mozart le délicat poète Lenski, ténor, eût mieux convenu à Tatiana, comme le souligne Eugène dans le roman, soprano rêveuse et sentimentale telle une Fiordiligi, que la sœur Olga, mezzo frivole comme Dorabella, mieux avenue avec le baryton libertin Eugène. ________________________________________________________________________________________________ Photos © Christian Dresse 1 – Quatuor de dames avec enfant; 2 – Olga; 3 – La nourrice et Tatiana intimes; 4 – Le bal qui tourne mal Ogla entre Lenski et Onéguine. 5 – Duel dans les règles; 6 – Grémine et Onéguine; 7 – Pluie de lettres de l’adieu. ________________________________________________________________________________________________ LIRE aussi notre critique de cette production présentée en juin 2019 à l’OPERA DE TOULON Tchaikovsky Eugène Onéguine LIRE aussi notre critique de cette production présentée en 2015 par Angers Nantes Opéra Compte rendu, opéra. Angers, Le Quai, mardi 16 juin 2015. Tchaikovski Eugène Onéguine. Gelena Gaskarova Titiana, Charles Rice Onéguine, Suren Maksutov Lenski, Claudia Huckle Olga… Orchestre national des Pays de la Loire. Chœur d’Angers Nantes Opéra. Lukasz Borowicz, direction. Alain Garichot, mise en scène. Fin de saison pleinement réussie pour Angers Nantes Opéra en cette mi juin 2015… preuve est encore offerte sur les planches du mariage réjouissant entre théâtre et musique. ________________________________________________________________________________________________ COMPTE-RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, Odéon, le 14 déc 2019. OFFENBACH Orphée aux enfers. Trenque / Duffaut. Par la qualité de la mise en scène de Nadine Duffaut, des décors d’Éric Chevalier, des costumes de Katia Duflot, de la direction musicale enflammée d’Emmanuel Trenque, l’interprétation d’une troupe brûlant les planches, cet Orphée aux Enfers, était comme un cadeau anticipé de Noël. L’OEUVRE… opéra-bouffe hilarant d’Offenbach et consorts, Orphée aux enfers, créé pour sa première version en 1858, en 1874 pour la seconde, est une irrésistible parodie de l’Orphée et Eurydice, célèbre opéra de Gluck créé à Vienne en 1762, en italien, remanié, en 1774 en, français, à Paris, dont Berlioz tira version en 1859 pour la grande contralto Pauline Viardot García, avec un énorme succès dont témoigne l’hommage bouffe que lui rendit Offenbach. Il en parodie des passages, dont le fameux lamento J’ai perdu mon Eurydice », entonné en écho par Diane, Vénus et Cupidon. Orphée d’Offenbach à Marseille Odéon ENFER DIVIN Dans cet opéra-bouffe, le mythe est plus que mité, dynamité. Pour mémoire mythologique oublieuse Orphée, demi-dieu de la musique a tout pouvoir sur la nature, les animaux sauvages le suivent en douceur, sa voix attendrit même les pierres. Il a épousé la nymphe Eurydice ; piquée par une vipère, elle meurt. Désespéré, il n’hésite pas à descendre aux Enfers pour convaincre, en vaincre les dieux par la beauté de sa musique et de son chant et ramener au jour sa chère femme, qu’il perd en se retournant malgré l’interdit du dieu. Orphée et Eurydice, sont le couple amoureux idéal. Ici, c’est le couple bourgeois rongé par l’habitude, un mari et une femme fatigués l’un de l’autre. Orphée est chez Offenbach un médiocre compositeur, un violoniste dont Eurydice, quel supplice, si elle est piquée, c’est de rage elle est à cran contre le crincrin de son violoneux de mari. Eurydice déteste Orphée qui le lui rend bien, chacun cocufiant l’autre. Réalisation On aime, dans les réalisations de Nadine Duffaut, avec la densité culturelle, alliée au sens musical, la sensibilité sociale. Les décors d’Éric Chevalier à cet effet sont parlants avec des vitrines d’enseignes commerciales du temps une rue fin XIXeou début XXesiècle, un atelier de la jeune fée électricité, un salon de coiffure masculin féminin, une épicerie si l’on s’en souvient bien, et la boutique du luthier Orphée, premier Prix de violon du Conservatoire. Sur cette rue ou place, chacun passe, chacun va, pas drôles de gens que ces gens-là, petit monde d’un autre monde, pas celui du grand ni des dieux,modestes travailleurs vaquant ou allant à leurs occupations, des boulangers, un vitrier, un balayeur, une bonne d’enfant poussant le berceau, des membres de l’Armée du Salut, une religieuse, un curé, une chanteuse des rues à la Piaf, un photographe paparazzi, genre espion à lunettes noires ou inspecteur échappé d’une série, Bogart par le feutre, Colombo par l’imperméable avachi Jacques Freschelpromu en Charlot à la fin. À moins qu’il ne soit en mission de filature conjugale car filant l’adultère voici, couleur cocu, canaille jaune canari, ou plutôt serin, guère serine, l’Eurydice pimpante d’Amélie Robins, jolie comme les boutons d’or et bleuets invisibles qu’elle cueille de l’absent champ de blé d’emblée, pas besoin de presse à scandale, elle s’empresse, coquine coquette et cocotte cocottante, d’une lumineuse voix guère intime, de mettre le public dans la confidence en publiant ce qu’il ne faut pas publier N’en dites rien à mon mari !» hi-hi. Ah, ah ! la friponne file le parfait mais occulte amour avec Aristée, berger d’Arcadie ivre de mélodies » dont l’archaïque couplet a de sournoises douceurs du miel de ses abeilles, en fait faux pastoureau mais vrai maître des Enfers, le sardonique Pluton auquel Marc Larcher, déguisant traîtreusement sa voix de ténor puissant, donne de mielleuses demi-teintes innocentes la ténébreuse beauté du diable chrétien inconnu des Grecs pour le diable au corps d’Eurydice dans ces païennes et mythologiques amours. On ne sait plus à quel sein, pardon, saint, se vouer dans ce méli-mélo cultuel et culturel. Orphée le luthier, lutinant musicale fatalité une nymphe, survient pincé par sa femme qui en pince pour un autre. L’épouse volage retourne la situation l’Eurydice peu ménagère s’avère une mégère guère apprivoisée prête à bouffer son Orphée d’époux sauf la touffe artiste de ses cheveux qui ne bouge pas d’un poil, le pauvre demi-dieu doit sentir ses poils se hérisser devant l’hystérie agressive de sa conjointe qui le fait reculer de peur. Lyre du mythe oblige, lyriquement, il a beau clamer et déclamer son chant, s’il attendrit la nature, et nous tant la voix de Samy Campsest bellement rivale du fallacieux berger, sa femme excédée, exaspérée, exagérée lui reprochant ses vers hexamètres n’en est guère attendrie. Quelle scène, grands dieux, le beau gosse et la belle garce ! On serre les poings, compte les points. Décidément, Eurydice ne s’en laisse pas conter et touche la corde sensible, celle du violon d’Orphée, atteint dans sa fibre. Touché mais pas coulé, le benêt, le berné, brandit l’arme fatale et finale, non l’instrument du mythe mais son violon, et menace la vipère qui n’en sera pas piquée de son dernier concerto d’une heure et quart. La voilà pantelante, suppliante à ses genoux avec des aigus de détresse de soprano colorature stressée tandis que le jeune premier d’époux, ricanant de sadisme, se gratte le violon non sur le toit mais sur le sexe de bonheur orgiastique tel un Elvis déchaîné entamant une danse guerrière tandis que son concerto, assez concertant, est joliment joué derrière un drap sur scène par la violoniste de l’orchestre, mercenaire pour les beaux yeux et la bourse du bel Orphée. Tout est, naturellement, à un train d’enfer mené en sous-main infernale par le machiavélique Pluton au noir sourcil et à l’éclatante dentition carnassière qui a soufflé à Orphée souffrant l’involontaire crime parfait mettre un piège à loup contre l’amant dans lequel, voulant le protéger, tombe son amante. Sacré Diable ! Le voilà dévoilé à nous tel qu’en lui-même, pétant le feu, peu platonique Platon, pardon, Pluton sorti de sa caverne infernale, béret rouge, lavallière flambante et veste flamboyante sur sexy pantalons en cuir noir, tel un fougueux meneur de revue non crrigé, entouré de ses boys et girls, loubards très hard gay et rock gothique et lubrique, à voile et vapeur infernale. Et voilà Eurydice interdite partant, non pour le vert paradis des amours enfantines mais pour l’alléchant enfer des adultes plaisirs non interdits. Épouse enfin parfaite —elle est morte—elle laisse poliment ce mot d’explication à son époux Je quitte la maison parce que je suis morte, [Aristée est Pluton] et le diable m’emporte. » Son mari qui n’en est guère marri, il en chante et danse de joie. Mais voici, empêcheur de danser en rond, un personnage apparu au lever du rideau, L’Opinion publique, trouble-fête, toujours Prête à sortir de la coulisse, / Comme un deus ex machina ! » C’est la douche écossaise, froide sur Orphée brûlant d’amour pour une autre. Mais cette Opinion publique, l’avez-vous bien vue, si vous l’avez entendue noblement proclamer qu’elle fustige l’adultère entre époux —mais seuls ceux sur scène,rassurez-vous public au bras de votre maîtresse ou amant ? Regardez-la bien blondasse Marylin, ruban canaille de guingois et robe à la guimauve rose pour affaires peu moroses d’adultères de la sale scène immorale et non de la salle pleine de spectateurs douteux, c’est, voix de velours sur le fer féroce des paroles morales, Marie-Ange Todorovitch, démarche langoureusement chaloupée, impériale, impérieuse Opinion Publiqueppppp, allitération inévitable un peu pute tout de même, non ? disons cagole ou mère maquerelle. Sous son aile en tous les cas, prenant Orphée au chantage du qu’en dira-t-on dans sa bourgeoise clientèle qu’il risque de perdre, elle le traîne, elle l’entraîne non vers les enfers odieux mais vers le paradis des dieux olympiens pour réclamer de Jupiter qu’il lui rende Eurydice, non certes pour raccommoder un couple qui n’existait plus, plus lié par la haine que l’amour, mais juste pour ce grandiose défi immortel, unique, paradoxal, d’un époux voulant retrouver sa femme Pour l’édification de la postérité, il nous faut au moins l’exemple d’un mari qui ait voulu ravoir sa femme. » D’Orphée à Morphée il n’y a qu’une lettre, et la montagne à gravir on grimpe dans l’Olympe où les dieux, sans grande vigueur olympique roupillent, ronflent ron, ron, ron », bercés par Morphée le dieu du Sommeil puisqu’en ce lieu, en somme, le seul bonheur, c’est le somme. Sans sommier affalés les uns sur les autres, accoudés à des tables de bistrot de petit déjeuner. Arrive à pas de loup, l’Amour, Éros en grec, Cupidon en latin, casquette vissée sur la tête. Fonction amoureuse oblige, il a fait l’école buissonnière », gavroche galopin, garnement dégingandé, poulbot pas pied bot, bondissant comme un ressort puisque, bien dansante et chantante, Julie Morgane l’incarne. Digne fils de sa mère Vénus qui a découché et couché avec qui ? laquelle rente en tapinois sans tapin indigne d’une déesse, attirant dans son sillage lascif, venu du rivage des songes tant il est somnolent, son amant peu flambard, le Mars guère martial de Mikhael Piccone, dans la lune lunetté, béat, hébété, bouche bée non devant Hébé absente, mais devant la divinité de Cythère, la belle Perrine Cabassud. Tout le corps complet des dieux est réveillé par la sonnerie de cor beaucoup de cornes en ces lieux de la chasseresse Diane, aux voluptueuses formes flamencas de Caroline Géa, moins pudique que lubrique, pleurant à grand renfort de Kleenex, tontaine tonton », son Actéon voyeur de ses bains exhibitionnistes intimes, transformé en cerf dix cors par Jupiter jaloux de la réputation terrestre de sa chaste fille, dévoré par les chiens de la belle déesse. Elle se récrie, récusant le donneur de leçons guère exemplaire, éveillant les soupçons de sa divine épouse, la dondonnante Junon de Jeanne-Marie Lévy. Jupiter, tonnant pas détonant, tonitruant de longues tirades morales majestueuses qu’il faut être vraiment un dieu pour les mémoriser, c’est Philippe Ermelier, qu’on dirait jupitérien s’il ne l’était déjà. Il prêche non par l’exemple à ses enfants le respect des apparences car la licence des dieux fait cancaner les mortels, étalée dans la presse à scandale. Mars ? Présent ! », en bon soldat en première ligne, non du front mais des affronts à la morale sur le tableau d’honneur ou déshonneur des faits et méfaits de ces divinités, selon la plainte fondée ou non de Vulcain, le forgeron mari boiteux de la Vénus qui les a dénoncés à Jupiter, Jupin pour ses intimes. Minerve Davina Kint ouvre avec éclat le bal du réquisitoire des frasques amoureuses du patelin paternel. Il va en prendre pour son grade, en pleine gueule il a fait l’appel, mais reçoit en riposte le rappel à toute allure par ses enfants, de ses célèbres métamorphoses pour séduire les femmes Ah ! Ah ! Ah ! » Les femmes ? Il manque, hypocrisie bourgeoise, à son palmarès à plume et à poil, le dieu des dieux, sa métamorphose en aigle pour enlever le plus beau des mortels, Ganymède, dont il fit son échanson, chargé de servir aux dieux le nectar et l’ambroisie qui les rendent immortels. Quand les dieux boivent, Emmanuel Trenque, sans trinquer heureusement, au risque soporifique de ces saponeuses subsistances. Certes, de sa baguette, il leur verse l’ivresse insipide, un peu sirupeuse, de l’ambroisie qui arrose le nectar mais il se réserve pour les boissons de la réserve infernale, plus corsées que ces fades agapes olympiennes guère olympiques, qu’il mènera à train d’enfer. Car humains, trop humains, ces dieux, de ce dispendieux menu lassés, monotonement écologique mais peu économique, rêvent de nourritures terrestres et font la grève du zèle divin et la révolte gronde et cela justifie bien l’anarchie révolutionnaire et pétitionnaire de quelque dérapage et décalage. Bipède ailé en vélocipède, Mercure, Éric Vignau, très facteur IIIe République, vient dévoiler au céleste dieu des dieux la dernière de l’infernal Pluton l’enlèvement d’une mortelle, Eurydice. Celle-ci, remisée en un boudoir, boude et bout infernalement. Elle, qui frétillait d’impatience érotique pour son diabolique amant, s’impatiente maintenant de sa chaste solitude forcée depuis deux jours où Pluton l’a plantée et se demande si elle n’a pas misé sur le mauvais cheval, le croyant étalon, et fait un mauvais coup de Bourse pour avoir gagé sur celles d’un Pluton absent, chaud lapin qui lui en a posé un. Elle est à bout Je vais regretter mon mari ! » Dans ce salon, cabinet particulier très Second Empire,un lunaire Jacques Lemaire campe un plus mélancolique que flegmatique John Styx, stylé majordome anglais, déchu de son trône de Béotie, mais non béotien grossier, chantant sa rengaine nostalgique comme il irait revoir sa Normandie, sa royauté perdue qu’il n’oublie pas, bien qu’atteint de l’Alzheimer mythologique de l’ivresse du Léthé, fleuve infernal de l’oubli. Victime aussi des charmes de l’intraitable Eurydice. En mission impossible aux Enfers, démasquant le rapt de Pluton, Jupiter sans encore s’y frotter, se pique de la piquante personne ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… La coquine ! mais il est vrai qu’avec les traits et la voix de la Robins…Pour la conquête amoureuse anonyme, l’hypocrite inaugure une autre de ses métamorphoses, quelle mouche le pique ? Il se fait grosse mouche car, sans jouer la mouche du coche, le dieu d’en haut veut moucher le dieu d’en bas, le battre au poteau de la prédation amoureuse. Et le voilà tout miel pour attraper Eurydice, battant des ailes, entonnant un bourdon, un fredon de frelon pour séduire la frêle belle en apparence. Et c’est le plus beau duo, bezeu, bezeu » du monde qui prendra qui ? Mais le piège féminin fait mouche. C’est naturellement la fine mouche qui prend la grosse à son jeu. L’Enfer, c’est les autres », disait Sartre ici, tout le monde s’y rue. Les manifs, ça paie ayant fait touche, Jupiter, touché, dans sa toute clémence, lève l’interdit, invite à s’encanailler dans le chaud royaume de Pluton devenu Méphisto. Non seulement ses enfants les dieux mais aussi les dieux et idoles du ciné, Cléopâtre, Robin et Robine des Bois, Charlot, Sitting Bull, indiens et pirates, sans oublier Elvis Presley et un adorable petit Cupidon blond avec son carquois. Ce cabaret d’enfer n’est guère infernal, plutôt égrillard, paillard, buveur et danseur de french cancan, un galop infernal », dans une bacchanale folle, surprise, menée par Eurydice, devenue une bacchante déchaînée en tenue légère de Lola Montez ou de Marlène, bas résilles, guépière et haut de forme, en formes superbes et voix magnifique aussi acrobatique que son final en apothéose sur les épaules des danseurs remarquables du Ballet de l’Opéra Grand Avignon Éric Bélaud. Le Chœur Phocéen Rémy Littolffentonne avec ivresse Vive le vin ! Vive Pluton ! » Rien de tel que l’enfer pour savourer la vie. Mais savez-vous ce que devint Orphée, le vrai, le mythique, après la perte définitive d’Eurydice? Pour ne pas trahir son aimée, il se désintéressa des femmes, préféra les garçons. Et savez-vous ce qu’il advint? Les bacchantes, furieuses, le dévorèrent… Donc, notre Amélie furibarde prête à mordre à belles dents son bel époux qui n’est pas un dur à cuire, était dans le vrai du mythe. Il l’a échappé belle le pauvre Samy! ________________________________________________________________________________________________ COMPTE-RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, Odéon, le 14 déc 2019. OFFENBACH Orphée aux enfers. Trenque / Duffaut ORPHÉE AUX ENFERS COPRODUCTION Théâtre Municipal de l’Odéon / Opéra Grand Avignon / Grand Théâtre de Reims Marseille, théâtre de l’Odéon ORPHÉE AUX ENFERS Opéra bouffe en deux actes Livret d’Hector Crémieux et Ludovic Halévy - Marseille, Théâtre de l’Odéon Les 14 et 15 décembre 2019 Direction musicale Emmanuel TRENQUE. Mise en scène Nadine DUFFAUT Décors Éric CHEVALIER. Costumes Katia DUFLOT. Lumières Philippe GROSPERRIN DISTRIBUTION Eurydice Amélie ROBINS / L’Opinion Publique Marie-Ange TODOROVITCH Junon Jeanne-Marie LÉVY / Cupidon Julie MORGANE / Diane Caroline GÉA / Vénus Perrine CABASSUD Minerve Davina KINT / Orphée Samy CAMPS / Aristée / Pluton Marc LARCHER Jupiter Philippe ERMELIER Mercure Éric VIGNEAU / John Styx Jacques LEMAIRE Mars Mikhael PICCONE Chef de Chœur Rémy LITTOLFF Orchestre de l’Odéon Artistes du Ballet de l’Opéra Grand Avignon. Direction de la danse Éric BELAUD Danseurs Arnaud BAJOLLE, Anthony BEIGNARD, Bérangère CASSIOT, Béryl DE SAINT-SAUVEUR, Noëmie FERNANDEZ, Joffrey GONZALES Photos © Chrisian Dresse Pluton et ses hard loubards Larcher et danseurs; Orphée et l’Opinion Publique ; Elvis, Mars et autres dieux; COMPTE-RENDU, opérette. MARSEILLE, le 19 octobre 2019. FRANCIS LOPEZ Le Prince de Madrid. Conti / Clin. Vive le mélodrame où Margot a pleuré ! » disait Musset. Ajoutons vive l’opérette où le peuple a chanté… Car le public de l’Odéon, souvent, chantonne, chante à voix plus ou moins basse des airs de l’opérette qui s’y donne et je m’étonnais moi-même, la première fois que j’y mis les pieds, de découvrir avec stupéfaction que je connaissais, sans le savoir, les airs, et même les paroles des chansons du Chanteur de Mexico, que je n’avais jamais vu, en dehors du trop fameux Mexico, Mexicoooo… » qu’il n’y a aucun mérite à connaître tant il est devenu légendaire et seriné par tant de pubs miracle de mémoire collective inconsciente qui, quelle que soit notre culture singulière, notre prétention ou snobisme particuliers, nous replace à notre modeste niveau pluriel de communauté culturelle globale dont on se croyait sottement affranchi. A l’Odéon de Marseille Un PRINCE DE MADRID… ROYAL ! Trop requis par la volonté de démêler l’Histoire ficelée à la fiction de l’intrigue, je ne dirai pas que j’étais capable de chanter les airs du Prince de Madrid, mais, à coup sûr, tout comme mon voisin, homme de culture, en sortant, nous étions incapables de nous défaire de la musique, simple mais obsédante, du dernier numéro répété infatigablement, il est vrai, avec ardeur, par les chanteurs à la requête du public ravi. Alors, n’est-ce pas assurément la marque d’une qualité musicale que de marquer immédiatement, peut-être indélébilement l’esprit, la mémoire, d’un savoir-faire qui sait se faire valoir ? Personne ne déniera ce métier profond à Francis Lopez qui incarne ainsi une sorte de noblesse musicale populaire avec ses airs ici qui vont de la simple chanson à l’air lyrique plus exigeant plus soutenu d’orchestre même si une lente percussion ternaire valsante de lever de rideau,zin-boum-boum/zin-boum-boum, est une tradition naïve mais touchante du cirque, mais, on le dira sans injure, qu’on trouve invariablement comme accompagnement des airs chez le doux Bellini et même dans l’ouverture déchirante de La traviatade Verdi. Quoi qu’il en soit, on était heureux de retrouver l’Odéon, ce temple de l’’opérette, le seul en France totalement voué au genre en dehors des pièces de théâtre de boulevard invitées et des ballets, dont l’avenir semble incertain. Voulue par le Maire de Marseille Jean-Claude Gaudin qu’on dit féru d’opérette — sans qu’on l’y voie jamais, ni ici ni ailleurs— soutenue à bout de bras et de souffle financier par l’Opéra et son directeur Maurice Xiberras, on ne sait ce que réservent les prochaines élections à cette institution dont nous témoignons, par son public de seniors avancés, qu’il remplit aussi une fonction sociale, notamment avec ses concerts à prix abordable Une heure avec… du mercredi à 7 € dans le foyer avec son rituel entracte avec thé ou café et biscuits gratuits, ses concerts Amuse-gueule à 12h15 à 12 € avec dégustation en rapport avec le thème marseillais, espagnol, napolitain cette année et à des horaires 14h30 pour les opérettes les samedi et dimanche qui ne découragent pas la sortie de personnes jeunes ou âgées. Et que dire de cette pléiade d’artistes qui trouvent un lieu où s’exprimer, travailler? Du Roy d’Espagne à l’Avenue du Prado Situé dans l’Espagne de la fin du XVIIIesiècle, l’action tourne autour de Goya, anobli, intronisé, pour un soir, tel une Cendrillon, par le caprice rebelle de la fameuse duchesse d’Albe qui, au grand scandale de la cour, adoube publiquement le peintre plébéien, le décrète Prince de Madridle temps de danser pour un soir avec lui. Elle mêle la grande Histoire à la petite, vrais personnages historiques et de fiction. Dont certains ont eu un rapport particulier à Marseille, laissant une empreinte dans ses quartiers qu’il est plaisant de signaler. À part la duchesse, on voit paraître, magnifiquement habillée, la princesse des Asturieséquivalent de la Dauphine en France, María Luisa de Parme,future reine, incarnée noblement par la plus belle que l’original Émilie Sestier, rôle simplement et son époux, futur roi avaient confié le décor du dôme de la salle à manger de leur palais à Francisco Bayeu, beau-père de Goya qui a ainsi déjà un pied à la cour, sans être courtisan dans ses tableaux de la famille royale comme on peut en juger par ses représentations la princesse puis reine n’est jamais flattée, on la voit en matrone ambitieuse, autoritaire peu gracieuse. Son époux Charles IV absent de la pièce, couronné en 1788, est tout faiblesse face à elle et ses velléités de réformes stoppées par la peur de la Révolution française. Manuel Godoy, simple hidalgo garde du corps, au corps remarqué à vingt et un ans par l’encore Princesse des Asturies María Luisa, éblouie par sa prestance à cheval. Il aura une promotion au galop à peine seize jours après l’accession au trône de sa maîtresse Ministre universel avec pouvoir absolu. Elle a seize ans de plus que lui. Il lui aurait donné deux enfants royaux ». Jalouse, pour l’éloigner de sa maîtresse, le dotant fabuleusement, la reine le marie à une altesse royale mais il gardera femme et amante sous le même toit et la reine s’accommode de sa liaison comme le roi de la sienne. Il avait tenté de sauver Louis XVI, cousin du couple royal, puis devient Prince de la Paixaprès avoir signé la paix avec la République française en 1795. Destitué un moment, il est replacé au pouvoir sur pression de Napoléon alliance désastreuse avec la France puisque les flottes franco-espagnoles sont anéanties en 1805 à Trafalgar par les Anglais. Pire encore, Charles IV et la famille royale, convoqués par Napoléon à Bayonne, le roi cède sa couronne à l’Empereur qui place sur le trône d’Espagne son frère Joseph. La détention de la famille royale et l’imposition d’un roi français causent le soulèvement de 1808 du peuple espagnol, le premier qui ait résisté à Napoléon début de sa fin comme le dit Stendhal, atroce guerre dont Goya tira avec, ses célèbres 2 et 3 de mayosur les massacres des patriotes madrilènes par les Français, puis ses terribles gravures des Désastres de la guerre. Et pour ajouter au drame, Napoléon, revenu de son île d’Elbe, en 1814, mit sur le trône espagnol l’infâme Infant Ferdinand qui, après avoir comploté contre père et mère qu’il laissa mourir en exil à Rome, réactionnaire absolu, rétablissant l’Inquisition, massacrant, chassant les libéraux, dont Goya, devait s’avérer le plus horrible monarque de l’histoire espagnole. Marseille Quant au roi et la reine, ne pouvant supporter le climat du palais de Compiègne, ils avaient été logés de 1809 à 1812 à Marseille, château aujourd’hui disparu dans le quartier qui garde son nom, le Roy d’Espagneet la belle avenue qui y conduit, même si elle fut tracée plus tard, s’appellera le Pradocomme la célèbre avenue madrilène qui mène au musée où l’on peut admirer les tableaux de Goya. Godoy, abandonné par sa femme, les suit avec sa maîtresse Pepita Tudó et les accompagne dans leur exil à Rome, le ménage à trois, non, quatre, continue. Il accompagnera la reine jusqu’à sa mort en 1819. Exilé de Rome par le pape, il meurt dans la misère à Paris en 1851. Goya et la Duchesse démocratique » ________________________________________________________________________________________________ C’est le nœud, plutôt le cœur, du Prince de Madrid. À cause, ou grâce à un quiproquo, Goya tombe amoureux de la jolie Florecita, mais il est accaparé par l’illustrissime mais peu conventionnelle duchesse d’Albe, María del Pilar Teresa Cayetana de Silva y Álvarez de Toledo 1762-1802, l’une des femmes les plus riches de son temps et à coup sûr la plus titrée du monde avec cinquante-six titres de noblesse. Au grand scandale de la cour, elle accepte de se rendre, contre toute étiquette, dans l’atelier de Goya pour qu’il la maquille, vérité historique. Vérité aussi, la duchesse, dès sa jeunesse s’est forgée une légende de non conformisme et de liberté, sortant seule, fréquentant, incognito, dit-on tout bas, les bals populaires, invitant à ses fastueuses fêtes aristocratiques de gens du peuple. Lasse de sa guerre de sape, sapées toutes deux de bijoux concurrentiels [1], contre la reine María Luisa qui la hait, elle se retire dans son palais andalou de Sanlúcar près de Cadix, où elle invite Goya. C’est là qu’il peint son mari, le beau et cultivé duc José Álvarez de Toledo y Gonzaga en 1795 puis sa mère, et la duchesse en blanc, un doigt vers le sol. Après la mort du mari, il la peint en noir, dans un tableau où son doigt impérieux indique, sur le sable, ces mots Solo Goya » Goya seul’. et ses bagues portent la mention Goya » et Alba ». Avec l’album de dessins intimes de la duchesse, ce sont là les éléments de la légende des amours entre la fantasque duchesse et le peintre, alors plus âgé et déjà sourd. Mais il est peu probable qu’il l’ait peinte en Maja vêtue et nue, le modèle étant probablement Pepita Tudó la maîtresse de Godoy chez lequel, après sa chute et l’inventaire de ses biens, on trouva les tableaux avec d’autres nus. Mais, à la mort prématurée de la duchesse à quarante ans comme son mari, peut-être empoisonnée par la reine María Luísa et Godoy qui la haïssaient, le ministre s’était emparé de ses collections de tableaux et, la reine, de ses bijoux. Sans enfants, la duchesse, généreuse envers les humbles, dont les dessins de Goya témoignent de sa tendresse de mère envers la fillette qu’elle serre dans ses bras,avait affranchi et adopté María de la Luz, sa petite esclave noire, dont elle fit son héritière. Elle coucha aussi sur son testament Javier, fils de Goya mais également son médecin, son bibliothécaire et ses serviteurs. Pour ses goûts et ses amours plébéiennes, on l’a souvent surnommée La duchesse démocratique » ; elle le méritait aussi par sa générosité, devenant un mythe qu’on chante encore aujourd’hui dans des chansons. En 1948, en pleine hypocrisie pudibonde franquiste, on exhuma le corps de la duchesse pour l’étudier, la mesurer, et tenter de la laver du soupçon d’avoir osé poser pour La Maja nuealors que la légende, fondée ou non, de sa liaison avec Goya est justement sa gloire, la sauve de l’oubli et nous la rend chère et proche. On ne sait s’ils furent vraiment amants, mais qu’importe, ils s’aimèrent sûrement à voir ce rapport exceptionnel entre le peintre et son modèle et cet héritage d’amour de l’œuvre d’art qu’ils nous ont léguée. Interprétation et réalisation ________________________________________________________________________________________________ Et, quand au cinéma, elle est incarnée par Ava Gardner et ici, par Laurence Janot, on veut y croire, on y croit de tout cœur même si le vrai, parfois, peut n’être pas vraisemblable. On ne sait si Janot a des titres hérités, mais à coup sûr mérités si elle n’est pas duchesse, reine, par naissance, ce dont on se moque, elle l’est par nature, ce qui est mieux, duchesse par sa noblesse innée, mieux, reine par son port, souveraine par son talent. Chacune de ses apparitions est réellement une apparition » dans sa mousseuse robe mauve de bal, drapée dans une cape jaune ou sa robe rouge passion. Mais ce ne serait qu’une vaine et charmeuse silhouette si ne s’ajoutait, à l’élégance du geste, la justesse du jeu et l’expressivité du chant. Elle n’est pas défigurée par une énorme voix mais, fine et raffinée, bien projetée et conduite, sa voix ambrée, ronde, est émouvante dans un air de supplique, un air des larmes à María Luisa pour sauver Goya de l’Inquisition, passant du déchirement charnel passionnel aux demi-teintes infimes de la confidence à mi-voix. On se dirait que le combat est perdu à l’avance face à une telle rivale si, dans les tableaux précédents nous n’avions admiré la présence scénique immédiate de la Florecita d’Amélie Robins, saine et fraîche, adorable, dont on admire l’aisance à dominer, par son jeu et son chant maîtrisé et contrôlé, les scènes immenses comme Orange ou plus intimes comme ici. Svelte, gracieuse, elle est rayonnante dans sa robe de dentelle blanche, solaire dans sa robe jaune à pois, teintée de bleue turquoise dans sa cape ou jeune fleur jaune aux pieds majestueux de la rouge duchesse. Si Goya est le Prince de Madrid, elle en est la Princesse. Sa voix, égale sur toute sa tessiture, large, est brillante, joliment perlée dans des mélismes espagnols, jamais faciles, qu’elle déroule avec un naturel confondant. Ces deux belles dames sont prêtes à s’arracher les yeux pour les beaux yeux du Goya, plus flatté que nature, œil noir caressant de souriant latin lover, campé par Juan-Carlos Echeverry, à l’agréable accent hispanique qui ne messied pas au personnage. Il est jeune, mince, élégant dans toutes ses tenues diverses, les cheveux dans la résille espagnole lui donnant un air traditionnel d’espiègle Figaro, aux grands yeux noirs rieurs, séduisant sans jouer les séducteurs. Sans être démesurée, il a une belle voix qui va bien à son physique, égale et agile, à la virile couleur, ronde, et c’est sur un souffle long qu’il paraphe certaines phrases de roulades flamencas, arrachant des Olé ! » à certains connaisseurs du public. À son élève, l’innocent Horazio est dévolu un air flamenquisant en espagnol dont Fabrice Todaro, à l’accent près qu’il aurait dû apprendre du maître, se tire bien, assez pour le rendre moins timoré pour répondre avec audace aux agaceries de la piquante Priscilla Beyrand. On pardonne au Costillares côtes’ sinon côtelettes’ de Frédéric Cornille, pour la puissance de son chant de baryton et sa prestance physique, de nous avoir fait applaudir un torero, un matador, un tueur’ donc, que nous abhorrons. Mais, comme me le dira le Goya / Juan-Carlos Echeverry, lui aussi affublé d’un costume de lumière, il n’y a que les toreros sur scène que l’on peut aimer. Godoy, Philippe Béranger, n’est pas ici le jeune et fringant hidalgo faisant se pâmer María Luisa, mais il en a la trogne, la grogne et la rogne du puissant, en gueule aussi, ministre de la maturité. On attend toujours avec gourmandise, vivacité d’écureuils complices, le couple de chanteurs, acteurs, danseurs autant qu’acrobates, Juppin / Morgane, Grégory et Juliepour le public qui les a adoptés depuis longtemps. Le premier, picaresque Paquito, piquant piqueur de bourses en pince pour sa Paquita de Julie, soubrette délurée et allurée qui ne s’en laisse pas compter, aussi souple de voix et jeu que de marche et démarche dansante et dansée, qui saura faire marcher le marcheur paresseux pour le mettre au boulot. L’affiche ne serait pas complète, et la ficherait mal, sans tous les obscurs et sans grade sans lesquels les lumières de la rampe ne brilleraient pas complètement Davina Kint Dolores, Marilyne Fauquier Première Jeune fille, jolies filles sous la bonne escorte du double Jean-Luc Épitalon Alfonso / Fernando, la bonne garde de l’ineffable et fidèle Michel Delfaud L’Officier et le contrôle de Damien Rauch Le Contrôleur. Ah, le couple Marquis/Marquise de Simone Burles et Antoine Bonelli si chouchoutés de leur public marseillais ! Ils ne chantent pas mais leur allure est une autre chanson décadents, décatis, près de la décomposition, ils composent un tableau cruel de la monarchie, dignes de cette famille royale en déliquescence peinte par un Goya, lucide libéral, qui dut s’exiler à Bordeaux où il mourut pour fuir les foudres réactionnaires de ce futur Ferdinand VII figurant flatteusement dans le cadre. Autre couple sans voix chantée, mais qui ne reste pas coi, et quelle voix multiple de racaille, le canaille Esteban de Claude Deschamps qui, du dur duo de larrons en foire avec Paquito passe au duel d’abord puis à la paix matrimoniale avec la duègne tante Inés de Florecita qui a plus d’un tour et de durosd’or dans son sac pour le déciderà cesser de voler pour convoler en mariage avec elle. Elle, c’est Caroline Clin, qui signe une mise en scène alerte et fine avec une intelligence sensible dans un décor épuré sur deux niveaux séparés par quelques marches, deux simples arcades nues parées de deux grandes mantilles pour des variations de lieu, d’atmosphère et de lumières bleues, rouges. Rideaux et toiles peintes, certaines inspirées des taureaux de Goya. L’atelier de Goya est subtilement rendu avec des ébauches ou des étapes plus ou moins achevées des célèbres cartons pour tapisserie du Goya première manière, manière heureuse de temps heureux on reconnaît Les vendanges, l’Ombrelle, etc. Lors de la visite de la duchesse, une toile voilée, par son format, laisse pressentir un dévoilement et, au divan et coussins préparés, on devine l’approche de La maja vestidadont, avec une élégante langueur, la duchesse Laurence Janotprend la pose en s’y allongeant, les bras sous la tête, tandis qu’à jardin, le voile tombe révélant La maja nue… Dans une grande beauté plastique, comme un spectacle mimétique offert à la duchesse d’Albe, un autre célèbre tableau, La gallina ciega,Le colin-maillard’ sera concrétisé sur scène par une danse. Et c’est sans doute un point fort de la musique et du spectacle laissons la valse, bien que non incongrue car c’est l’époque où elle naît, mais Francis Lopez semble avoir donné un traitement musical privilégié à ces danses espagnoles qu’il connaissait bien fandangos, boléros, séguedilles, de l’époque, sévillanes moins anciennes. Elles sont particulièrement soignées et historiquement précises par les chorégraphies de Felipe Calvarro, lui-même danseur, bien connaisseur de l’école boleradu XVIIIesiècle,berceau de la danse classique espagnole, les castagnettes de ses remarquables danseurs sonnant aussi très exactes. La jota aragonaise, danse virile assez acrobatique, en défi souvent avec les femmes, est superbe en costume baturrotraditionnel. Et c’est une autre des réussites du spectacle des costumes de la toujours excellente Maison Grout, somptueux, avec des changements nombreux pour tous les principaux protagonistes d’une irréprochable vérité historique pour les héros, d’une jolie fantaisie pour les choristes. Ces derniers forcément repoussés souvent dans l’immobilité du deuxième plan pour laisser place aux nombreuses danses, joyeux sous la baguette enflammée mais précise de Bruno Conti, qui conduit un orchestre invisible mais bien présent, à la fête. C’est pourquoi on peut chanter avec eux C’est la fiesta ! », surtout pas la feria » au sens féroce taurin que ce joli mot, a pris hélas. À Duchesse démocratique, royal, régal, ce Prince ! ________________________________________________________________________________________________ COMPTE-RENDU, opérette. MARSEILLE, Odéon, le 19 octobre 2019. FRANCIS LOPEZ Le Prince de Madrid Le Prince de Madrid de Francis Lopez 1967 Opérette en deux actes Livret de Raymond Vincy NOUVELLE PRODUCTION Théâtre de l’Odéon, Marseille, les 19 et 20 octobre Direction musicale Bruno CONTI Chef de chant Caroline OLIVÉROS Mise en scène Carole CLIN Assistant mise en scène Sébastien OLIVÉROS Chorégraphie Felipe CALVARRO Décors Théâtre de l’Odéon Costumes Maison GROUT DISTRIBUTION La Duchesse d’Albe Laurence JANOT Florecita Amélie ROBINS Paquita Julie MORGANE Doña Inez Carole CLIN La Marquise Simone BURLES Maria Luisa Émilie SESTIER Léocadia Priscilla BEYRAND Dolores Davina KINT Première Jeune fille Marilyne FAUQUIER Goya Juan-Carlos ECHEVERRY Paquito Grégory JUPPIN Horazio Fabrice TODARO Esteban Claude DESCHAMPS Costillares Frédéric CORNILLE Le Marquis Antoine BONELLI Godoy Philippe BÉRANGER Alfonso / Fernando Jean-Luc ÉPITALON. L’Officier Michel DELFAUD Le Contrôleur Damien RAUCH Chœur Phocéen Chef de Chœur Rémy LITTOLFF Orchestre de l’Odéon Danseurs Sophia ALILAT, Laureen DEBRAY, Sabrina LLANOS, Valérie ORTIZ, Felipe CALVARRO. ________________________________________________________________________________________________ [1] María Luisa exhibait avec orgueil un collier précieux que lui avait envoyé Marie-Antoinette de France la duchesse en fit faire des copies en grand nombre qu’elle distribua aux servantes pour humilier la reine. Photos Christian Dresse 1. Robins ; 2. Etcheverry, Janot ; 3. Le coquin conquis Morgane, Juppin ; 4. Cornille, Robins, Etcheverry ; 5. Colin-Maillard ; 6. Robins, Janot ; 7. Etcheverry. COMPTE RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, le 27 oct 2019. GOUNOD La Reine de Saba. Deshayes, Courjal… E. Trenque / V. Vanoosten. Opéra sous contrainte… Valéry parlait des merveilleuses contraintes qu’il se donnait pour écrire. On n’y contredira pas, les contraintes sont une discipline nécessaire. Quand on les choisit elles permettent de domestiquer l’imagination, l’expression excessive, de contenir un flux qui peut devenir un flot et noyer le sujet. Même extérieures, elles peuvent être un stimulant défi. Mais, Mais, sans dénoncer absolument les contraintes, qui peuvent être productrices de sens, d’intensité, donc, esthétiques, celles que subirent Gounod et ses librettistes, rappelées par Sébastien Herbecq dans la plaquette introductive du programme de l’Opéra relèvent plutôt des fourches caudines imposées par le vainqueur au vaincu.. Les deux dramaturges s’inspiraient du Voyage en Orientde Gérard de Nerval, plus précisément d’un épisode, Histoire de la reine du Matin et de Soliman, prince des Génies. Mais l’Opéra de Paris, la grande boutique » comme la surnommait Verdi, tant il y avait de personnel, de sujets,donc de sujets de mécontentement et de revendications contradictoires, était une institution figée sur des normes, des exigences esthétiques précises celles du grand opéra à la française », imposé par l’Allemand Meyerbeer, avec ses canons, pacifiques, spécifiques, ses règles calquées sur le succès de son Robert le diable1831, vieux rêve académique, en tenant les règles de retenir, répéter le succès. Résurrection de La Reine de Saba de Charles Gounod à l’Opéra de Marseille L’ARCHITECTE ET LE ROI CONFLIT AU SOMMET D’abord, quel que fût le sujet de l’œuvre à présenter, tous les corps de métiers de l’Opéra devaient mis en valeur l’orchestre, bien sûr et ses divers pupitres solistes se jalousant les uns les autres ; le chœur, les chanteurs fameux, le corps de ballet et ses étoiles ombrageuses, les décorateurs, les costumiers. Après tout, c’est une estimable contrainte d’entreprise paternalistes. Mais, estimant flatter le goût du public, pour un opéra long nécessairement en cinq actes, on demandait aux auteurs obligatoirement une grande scène de foule, de nombreux changements de décors, de costumes. Et, toujours quel que soit le sujet, un ballet en général au troisième acte pour que ces distingués messieurs du Jockey Club aient eu le temps de dîner somptueusement avant de venir voir et applaudir leur danseuse, leur maîtresse entretenue en ville, lever la jambe. Si l’on n’oublie pas que les interprètes, forcément des célébrités, avaient leurs demandes pressantes, exigeant des airs convenant à leur voix, à leur registre d’expression, des airs d’entrée avec chœur, de sortie sur le rideau pour les applaudissement on sait que Mozart fit des chefs-d’œuvred’air des exigences jalouses des deux prima donnasde son Don Giovanni ; si l’on ajoute la danseuse étoile qui veut absolument un solo avec une simple flûte, convenons que c’était parfois la quadrature du cercle pour le compositeur, soumis à tant de conditions bref, en liberté conditionnelle autant que les auteurs dont le drame, les personnages se dissolvaient sous tant d’impératifs divers. Opéra contraint, sujet restreint Pour le sujet, il s’agit de la mythique Reine de Saba, Balkis, venue à Jérusalem épouser le roi Salomon, nommé ici Soliman. Passant par le temple, la reine tombe amoureuse de l’architecte Adoniram avec lequel elle veut s’enfuir, endormant le roi par un narcotique, dans une scène aux apartés vaudevillesques entre Balkis et Soliman. Mais celui-ci sera assassiné par trois de ses ouvriers révoltés auxquels il refusait le titre, le code » de Maître. Balkis, la reine, découvre son amant mort mais lui passe l’anneau de mariage qu’elle avait enlevé du doigt de Soliman/Salomon endormi et les djinns, les génies enlèvent l’âme immortelle de l’artiste. Bric à brac de bric et de broc Passons sur tout l’orientalisme de bazar à la mode dans une France colonialiste l’importation culturelle est l’alibi de l’exploitation économique des conquêtes. Nerval, Hugo, Flaubert y ont sacrifié en poésie et littérature, Delacroix et d’autres en peinture, Félicien David en musique. À orientalisme de bric et de broc, bric à brac de brocante nordique wagnérienne brinquebalante avec ses nains, ses géants, ses dragons, ses walkyries. Mais, grattée la fade féerie enfantine, il reste au moins la mûre réalité humaine. Malheureusement, ici, on frôle des sujets, les laissant de côté. Revendication salariale et promotion Ainsi, les trois ouvriers, des apprentis, des compagnons, demandent une augmentation salariale, une promotion, un code » de reconnaissance à une maîtrise que l’Architecte du Temple leur refuse sèchement, plus en grand patron intraitable que Grand Maître, sans qu’on sache pourquoi. Hors l’allusion maçonnique, puisque maçonnerie concrète il y a, on peut penser à la volonté sociale tout de même aujourd’hui reconnue de Napoléon III d’organiser les ouvriers. Ce refus du statut revendiqué entraînera la mort d’Adoniram. Mais c’est une pièce rapportée qui entraîne le drame sans qu’on en connaisse l’incidence profonde. Par ailleurs, même dans une version de concert, les scènes de grand spectacle développées à grand envol d’orchestre, l’intervention puissante des chœurs a une masse qui ne laisse guère de place à l’individu, la fusion collective nuit à l’effusion lyrique soliste, le déploiement global à l’éploiement personnel. Puissance temporelle ou gloire immortelle duo, duel Malgré tout, si l’on passe sur le livret et son exotisme antiquisant fabuleux avec djinns, Baal, et autres esprits bienfaisants ou malfaisants, si l’on passe sur les archétypes, les méchants bien méchants, trois Dalton étagés en voix et stature, l’amoureuse bien amoureuse, il reste, comme nœud, le conflit entre l’artisan, l’artiste et le roi, l’architecte au service du monarque devant lequel il se courbe courtoisement mais sans plier le roi a la puissance temporelle, ici-bas, l’Artiste revendique une gloire au-delà du temps, se mesurant audacieusement à la divinité. Il oppose l’Art à l’argent et au pouvoir que lui propose même de partager Soliman. Au-delà de la rivalité virile amoureuse convenue, cet affrontement a une grandiose dimension qui pose des questions trace artistique dans le monde ou place dans l’Histoire, grandeur ou vanité de l’art, témoignage artistique temporel face à l’intemporalité de Dieu, arrogance de la créature créatrice défiant son Créateur ? Les allusions rapides à la tour de Babel aspirant au ciel, prétendant à l’éternité, vanité face à l’Éternel. Cela se tisse au fil de l’intrigue sans grand intérêt pour éclater dans le sublime duo entre Adoniram et Soliman, les deux seuls caractères complexes de cette œuvre qui ne l’est guère. Interprétation Gounod paie de nous avoir trop habitués à sa veine mélodique, à sa grâce pour ne pas nous dérouter ici puissante masse orchestrale de l’ouverture qui emporte, transporte torrentiellement, mais avec le paraphe, la signature délicate d’un solo de violon comme un clin d’œil complice. La sollicitation des cuivres, des roulements de percussions sonnent de façon wagnérienne dans des moments de fracas, de tumulte, de tempête la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Marseille enflammé sous sa direction,le jeune chef Victorien Vanoosten attise le feu, déchaîne et dirige la tempête et l’apaise pour des plages de calme comme ces chœurs de femmes, horizon lointain de chœurs masculins, homophones, non morcelés de polyphonie, ont une puissance digne du Temple et l’on sent le bonheur à l’exprimer. Cécile Galois Sarahil existe en deux phrases, voix sombre capable d’aigu et un sourie rayonnant ; quelques apparitions mais nécessaires à l’action d’Éric Martin-Bonnet. Traîtres en trio et triade montante Jérôme Boutillier Méthousaël, baryton, Régis Mengus Phanor, baryton, Eric Huchet Amrou ténor, se partagent sans méchanceté les phrases méchantes et criminelles, concertant avec un Salomon digne de sa haute réputation, refusant de croire au mal. En smoking de travesti, Marie-Ange Todorovitch, de Bénoni, un personnage inconsistant, fait une personne par la beauté de sa voix sombre, allégée juvénilement, regards émerveillés du disciple au Maître, faisant sentir l’admiration, la dévotion, sans nous rien faire ressentir de la difficulté de sa partie, hérissée d’aigus d’entrée de jeu, avec une aisance et une fraîcheur stupéfiantes. Personnage de légende, la Reine de Saba, c’est Karine Deshayesqui règne littéralement sur cette partition étrange, qui nous fait attendre longtemps un grand air, mais quel air ! Il est monumental et elle en maîtrise les pièges en souveraine du chant avec force et délicatesse. La voix est souple, sonore sur tout le registre, médium riche de mezzo et aigus colorés et pleins. Une douceur déchirante dans son air d’adieu à Adoniram à mi-voix, comme pour elle, mais envol d’émotion qui nous étreint tous. On aime la franchise, la vaillance de Jean-Pierre Furlan voix d’airain comme la matière noble qu’il travaille, métal et feu, il est immédiatement dans le personnage orgueilleux, arrogant, patron de choc, inflexible, n’éludant pas l’affrontement ni avec ses ouvriers disons en grève, ni avec Salomon, et surtout pas avec un orchestre déchaîné a tutti tous contre un ! Il le brave, le surmonte dans une tessiture inhumaine, des aigus délirants. S’il est assailli de doutes, c’est face à la divinité, à l’orgueil humain qui se dresse palais et temples qu’il n’habitera que brièvement le temps d’une existence humaine un instant contre l’éternité. Tenaillé du même doute, Vanitas vanitatum, Vanité des vanités’, Salomon même baptisé ici Soliman, est le sage de la légende mais assez sage pour n’être pas asservi à sa sagesse amoureux lucide, il abdique sa puissance Sous les pieds d’une femme », reconnaissant sa folie. Mais qui n’a pas un grain de folie n’est pas aussi sage qu’il croit et le roi Salomon Sage des sages, l’exprime admirablement dans un air d’introspection qui est un sommet psychologique de l’œuvre. Même vaincu par une jalousie bien humaine en apprenant la trahison de Balkis, il est clément comme un Auguste face aux conspirateurs qui a tout appris et veut tout oublier ». Ayant tous les pouvoirs, il n’en invoque aucun pour se venger pas de loi du talion, pas d’œil pour œil ni dent pour dent. Au contraire il offre à Adoniramn pour le retenir, le partage du pouvoir. Pourquoi pas de la femme ? Nicolas Courjal, toujours juste dans ses interprétions, avec la fatalité de la voix noire de basse qui le voue aux noirs desseins, a toujours dans le timbre, l’expression, une lumière, une nuance, une vibration humaine qui rédime le personnage le plus sombre qu’il incarne. C’est une sensibilité sans sensiblerie qu’il sait distiller avec le contrôle absolu de sa voix ductile et souple qui passe de la puissance à la confidence, du cri au murmure. Et, à ce roi de marbre de la légende il donne une chaude humanité. Ses deux monologues de Soliman/Salomon sont une profonde et poignante méditation qui mériteraient amplement de figurer dans un récital tout autant que celui de Wotan. On ne dira jamais assez la parfaite diction de tous ces interprètes. Cocu devant l’Éternel Bienséance et censure bourgeoises obligent, on ne saura pas si la belle reine couche avec son plébéien architecte. Mais, sous le sceau du mariage avec le gage de l’anneau matrimonial qu’elle a repris au roi qu’elle n’a pas hésité à endormir avec un narcotique, elle a l’intention de le faire. En sorte que Soliman, le grand Salomon auquel on prête le sensuel, l’érotique Cantique des cantiques, le roi aux mille femmes [1], est potentiellement trompé par la reine de Saba et si, effectivement, il n’est pas cocu devant les hommes, il est cocu devant Dieu. Opéra de Marseille ________________________________________________________________________________________________ GOUNOD La Reine de Saba 1862 Opéra en cinq actes de Charles Gounod, Livret de Jules Barbier et Michel Carré Version de concert Opéra de Marseille, les 22 25, 27 et 30 octobre 2019. Balkis KARINE DESHAYES Bénoni MARIE-ANGE TODOROVICH Sarahil CECILE GALOIS Adoniram JEAN-PIERRE FURLAN Soliman NICOLAS COURJAL Amrou ERIC HUCHET Phanor REGIS MENGUS Méthousaël JERÔME BOUTILLIER Sadoc ERIC MARTIN-BONNET Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille Direction musicale Victorien Vanoosten Chef de Chœur Emmanuel Trenque Photos Christian Dresse 1 Courjal, Deshayes, Furlan ; 2 Deshayes. [1] Il était crédité, si l’on peut dire, de sept cents femmes et trois cents concubines 1 Rois11,2-3. . COMPTE-RENDU, concert. MARSEILLE, Festival Musique au cœur, le 24 août 2019. Haydn, Schubert, Brahms… Trio Goldberg… Voir naître un festival est un privilège, le voir grandir, un bonheur. Témoin, il y a trente-neuf ans de celui de la Roque d’Anthéron, quelques amis serrés sur une petite estrade un soir de mistral, qui en eût pu prédire la merveilleuse aventure ? C’est la même que l’on souhaite au festival Musique au Centre, voulu par l’obstination et le dévouement de deux enseignants, Gwénaelle Castex et Pierre Laïk. De leur complice passion pour la musique de chambre est née leur association Musica Intima en 2016 et, de celle-ci, a éclos en 2018 ce petit festival, quatre concerts en trois jours, un quatre sur trois donnant ce sept mythique ou mystique hantant ou sous-tendant tant de légendes ou croyances on lui en souhaite l’influx bénéfique de la croyance heureuse et non peureuse du chiffre sept. Un nouveau festival de musique de chambre à Marseille LYCÉE PÉRIER… MUSIQUE AU CENTRE, MUSIQUE AU CŒUR Des lieux patrimoniaux L’an dernier, du 24 au 26 août, le festival s’était niché en plein centre-ville, dans la sobre cour adoucie de platanes du lycée Montgrand, ancien hôtel Roux de Corse, géométrique architecture néo-classiquedu milieu du XVIIIe où, reçu fastueusement par le maître des lieux, le 22 juillet 1756, le maréchal duc de Richelieu, de retour des Baléares victorieux contre les Anglais par la prise de Minorque, se fit servir, pour accompagner le poisson, la mahonnaise ramenée de Port-Mahon, nationalisée mayonnaise ne le rappelons pas trop haut, musica intima oblige, car les sourcilleux Catalans nationalistes reprochent déjà aux Marseillais de leur avoir volé la version forte de la mahonnaise, leur alloli, aïl et huile’, bref, l’aïoli !. Loin de ces querelles culinaires, ce lycée fut, en 1891, le premier lycée de filles à Marseille. La première soirée de 2018 eut même le baptême, sinon du feu autre que celui des musiciens, celui du vent qui en parapha la naissance par une intempérie intempestive de mistral faisant voler tempétueusement les partitions, cachet d’authentique festival de la région. Temps béni pour ce crû, canicule tempérée, douceur aimable. Cette année, dans le creux musical entre la fin du Festival de la Roque d’Anthéron le 18 septembre et le début de la saison à Marseille —et avant la rentrée des classes pour ces deux professeurs ! — les organisateurs ont programmé leurs quatre concerts du 23 au 25 août dans la cour d’un autre établissement scolaire classé aussi au patrimoine marseillais, le lycée Périer, cher à ma lointaine Philo et mes Prix, premières classes mixtes en Terminale et fumoir autorisé. Sur un plat de la longue rue Paradis prenant son souffle après la raide montée, le lycée Périer étire sa longue façade blonde ponctuée de fenêtres carrées sur blanches colonnes et tour moderne sur pilotis ; une haute grille légère ornée dune spirale, telle une clé de sol ouverte à deux battants de papillon métallique, donne accès à un vaste hall d’entrée montant en escaliers vers un carré de lumière où veille un haut relief néo-classique imposant de la sereine et sage Athéna, due à Antonio Sartorio, décorateur de la façade de l’Opéra, de partie du Palais de Justice et de la prison des Baumettes —de l’extérieur !— et l’on découvre, plein ciel ouest, une colline échevelée d’une pinède griffonnée sur l’azur qui ouvre plus qu’elle ne clôt l’immense cour prolongeant, en hauteur de quelques marches, le généreux terrain de jeux. Bâti sur le château de Théophile Périer, l’ancien lycée, foyer de professeurs résistants qui sauvèrent des élèves juifs de la fureur nazie, bombardé, fut agrandi fin des années en style néo Art Déco provençal pierres à la blondeur tendre du beurre. Des platanes ombragent parallèlement cet espace aéré scandé de larges arcades au-dessus desquelles s’étagent, face à la colline, deux corps de bâtiment allégés d’une galerie au fines balustres métalliques aux motifs géométriques épurés. Au fond, la petite scène se dresse, adossée à un mur dont l’appareil s’érige en cet immémorial opus incertum, petits moellons en pierre de dimension et de forme irrégulières, soudées d’un large trait de ciment, héritage antique local de la tradition romaine. Sous le ciel provençal, le romantisme allemand accordé. Concert pleines cordes Cordes cordiales, cordes sensibles, accordées plein cœur pour le premier concert du 24 août, à 18 heures, le Quintette à deux violoncellesD956 en ut majeur de Schubert, servi amoureusement par Alexandre Amedro violon 1, Benoît Salmon violon 2, Magali Demesse alto Yannick Callier violoncelle 1, Anne-Claire Choasson violoncelle 2. Peut-on parler sans émotion de cet immense quintette composé par Schubert peu après sa dernière symphonie durant l’été 1828, deux mois avant sa mort ? Il ne l’entendit jamais exécuter sachant qu’il ne fut créé qu’en 1850 au Musikverein de Vienne et publié seulement en 1853, on mesure le privilège de l’entendre ce soir. Une aimable brise fait bruire doucement, délicatement, les feuilles des platanes et, fermant les yeux, on a la sensation que ce léger motif caressant du premier mouvement, fuyant sur les ailes du rêve, semble en émaner, un allegro joyeux mais que le ma non troppo teinte, modère de la mélancolie, suivie de courses, de présages d’orages et retour déchirant du motif. Le second mouvement, c’est l’adagio, un lent, un impondérable rideau de soie s’ouvrant, émergeant du silence ou des songes, ponctué des pizzicati du second violoncelle comme des pas menus sur la pointe des pieds, une indécise brume flottante traitée, interprétée si respectueusement, à la limite infime parfois du perceptible que n’était-ce la vue des musiciens, fermant les yeux, on croirait cette impalpable musique venue d’un ailleurs très lointain mais issu de nous et l’on retient sa respiration comme on retient un rêve évanescent qu’un souffle pourrait évanouir. Les grandes arcades profondes semblent toutes magiquement tendues vers cette délicatesse irréelle, comme de grandes oreilles attentives, pour ne rien perdre de cette délicatesse. Le troisième mouvement, Scherzo presto, est comme un réveil joyeux où Schubert, souriant dans la détresse, semble vouloir effacer d’un revers de corde l’indéfinissable nostalgie, la mélancolie du précédent mouvement, dansant, bondissant, mais un brusque changement de tempo arrête l’ivresse de vie pour sombrer, replonger dans une sombre réflexion, avant le retour bondissant du premier thème joyeux sourire traversé de larmes, traversée de la vie ? Le dernier mouvement Allegretto, au rythme dirait-on de vive polonaise, avec babillage du violon sur fond attentif des cordes graves, a parfois les reflets argentés de la Truite, mais court, fébrilement, comme vers un abîme dans la frénésie de la strette. Les musiciens donneront en bis un extrait de ce mouvement. Les interprètes, tout au long, on les aura senti tout pénétrés de ce grave sentiment de l’œuvre exceptionnelle dont ils nous ont offert, sans aucun grossissement, aucun effet appuyé, une délicate et sensible version, toute intime, toute intérieure faisant de ce lieu ouvert sur l’espace, un espace clos, confidentiel, un salon, une chambre où les cinq musiciens pour un unique Schubert, ne semblent jouer que pour un seul, l’auditeur qui reçoit au singulier la grâce de cette musique de l’âme, miraculeusement partagée au pluriel du public. Concert sous les étoiles Pas encore exactement les étoiles dans ce long crépuscule d’été mais une agréable restauration légère sur place à déguster sur les tables et bancs de la cour ou qui parsèment la pinède. D’aimables lycéens jouent les agréables guides du festival, accueillant le public, distribuant programmes et renseignements, réalisant des sondages, des interviews audio-visuelles sur le concert qu’ils mettront sur le site à cet effet prévu. Un reste de lueur du crépuscule enfui baigne de vague rose les pierres blondes et nous regagnons nos places pour le second concert. Les solistes du premier, par ailleurs ayant une carrière de solistes, étaient tous des musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Marseille, sauf Benoît Salmon, rattaché à l’Orchestre de Toulon Provence Méditerranée. Les membres du Trio Goldberg, Liza Kerob violon, Federico Hood alto,Thierry Amadi violoncelle sont issus de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, quant à la pianiste Shani Diluka, qu’on ne présente plus, est Monégasque aussi. C’est dire qu’un arc méditerranéen unissait ces interprètes pour faire, de cette soirée marseillaise, provençale, dépassant toute fallacieuse frontière, une rêveuse enclave du romantisme allemand. Mais, autre vanité des frontières, des genres et styles, arbitrairement séparateurs, c’est le classicisme de Joseph Haydn qui ouvrait leur programme, présenté avec humour, amour aussi, par les interprètes, avec son Trio à cordes [opus 53 n°1], joué par les Goldberg une soirée où les cordes à l’honneur, en auront plus d’une dans l’arc si riche des combinaisons musicales. Un solaire sol majeur semblait rappeler, par le son, le soleil doucement enfui, tandis que les grandes arcades, peu à peu illuminées de rouge de plaisir, étaient des paupières closes, ombrées de la dentelle sommeilleuse des arbres, dans le bercement de ce thème et variation, léger, avec un air souriant de danse galante, en toute allègre innocence. Sautillements, arrêts surprise, glissements, des voltes le violon babille, l’alto pétille, le violoncelle est volubile. C’est léger, piquant, pimpant, joué avec une grâce sans gracieuseté, un froissement de soie dans les feuilles des arbres. Des platanes, des pins qui, par la grâce de la musique de Schubert devenaient ce Lindenbaum, ce tilleul humide et scintillant qu’il a souvent chanté. Présenté avec l’émotion qui nous étreint encore en évoquant ce jeune homme de trente ans, malade, en fin de vie, lucide sur son sort, qui lègue et délègue ce chef-d’œuvre À ceux qui y prendront du plaisir » ; et le nôtre sera grand par cette respectueuse interprétation fervente et parce que nous savons qu’au moins, frustré tant de fois, par l’échec ou l’absence d’écho de ses œuvres, le compositeur aura eu le bonheur de voir exécuter cette pièce à Vienne le 26 décembre 1827 et, l’année même de sa mort en 1828, dans une fête amicale, une de ces Schubertiades, qui nous est magiquement recrée ici ce soir. En quatre mouvements, ce Trio pour cordes et piano n°2 [D929] en mi bémol majeur. Le premier, allegro, de forme sonate, commence par un thème à l’unisson amical des instruments, populaire, presque joyeux, coloré d’un peu de noir mineur du second, dans une hâte fébrile, piano perlé de notes qui peuvent toujours être des larmes. Et le deuxième mouvement, même tiré d’une chanson populaire, même popularisé par le film Barry Lindon de Stanley Kubrick, semble mouillé de ces pleurs, Andante con moto », allant avec mouvement’, mais allant vers où ? marche inéluctable de la vie, vers la mort, ponctué par les pas implacables du piano, opposés aux vibrations cordiales du violoncelle ou funèbres frissons dans le frémissement de vie, le bouillonnement du clavier et la reprise lancinante, fatale, de la marche avant. Le silence émotionnel après ce mouvement, avant l’autre, semble même religieux. Le troisième est comme une brise chassant les sombres nuées, une promesse de vie, mais le dernier, malgré les ponctuations pianistiques et les pizzicati des cordes, comme des rires peut-être, avec les reprises du thème bouleversant du second, efface ce sourire qui cachait mal les larmes et nous renvoie aux essentielles interrogations de ce motif morbide et vital qui ne veut pas finir. Après un entracte, la dernière partie est dévolue au Quatuor avec piano n°3 [opus 60] en ut mineur de Johannes Brahms, admirateur de Schubert mais plus heureux que lui puisqu’il fut lui-même au piano lors de sa création en 1876. Mais, d’entrée, le déchirement étiré du violoncelle, les pizzicati des cordes pincées disent plutôt le pincement au cœur d’un tourment fiévreux dans l’effusion éruptive de la montée passionnelle des instruments. On comprend que Brahms ait référé cette œuvre rageuse parfois, orageuse, désespérée, aux souffrances du romantique et suicidaire Wertherde Goethe, image sonore pleine de sève, de vie mais sevrée d’espoir, nimbée de mort dans son amour possible et impossible pour Clara Schumann à laquelle, le troisième mouvement chaud, enveloppant, tendre, caressant, serait une ésotérique et presque ouverte déclaration. Clara et Robert avaient aussi vécu une passion traversée, exprimée souvent cryptiquement dans leurs œuvres à l’autre secrètement dédiées le temps de leur longue séparation. Sans doute le jeune et brillant Johannes, dont ils distinguèrent et encouragèrent le génie vint-il illuminer un peu leur vie tourmentée lors de la maladie et folie de Schuman. On peut du moins, rétrospectivement le rêver pour la sacrifiée Clara, compositrice empêchée, déchirée entre sa nombreuse famille, sa carrière de pianiste, avec le poids d’un époux en partance dans la folie. Il ne pouvait manquer ici et un bis, le quatrième mouvement du Quatuor à cordes et piano op. 47, véritable lettre d’amour lumineuse de Robert à Clara. Merveilleuse soirée pour un festival dont la réussite farde les efforts, tout le travail acharné des deux organisateurs, comme sut le dire avec brio, éloquence et sourire, Liza Kérob en leur offrant des remerciements que nous partageons de tout cœur. ________________________________________________________________________________________________ COMPTE-RENDU, concert. Marseille, Lycée Périer Festival Musique au Centre, samedi 24 août 2019 Concert à cordes pleines, 18 heures Schubert Quintette à deux violoncellesD956 Alexandre Amedro – violon 1 Benoit Salmon – violon 2 Magali Demesse – alto Yannick Callier – violoncelle 1 Anne-Claire Choasson – violoncelle 2 Concert sous les étoiles, 21 heures Haydn, Schubert, Brahms Les membres du Trio Goldberg Liza Kerob – violon Federico Hood – alto Thierry Amadi – violoncelle Shani Diluka – piano Photos © ; © Florent Gauthier 1. Concert 18h ; 2. Cour la nuit ; 3. Trio Goldberg; 4. Liza Kérob, Thierry Amadi. Shani di Luca COMPTE-RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, Odéon, le 24 fév 2019. BENATZKY L’Auberge du cheval blanc. Conti / Olivéros. Guerre des boutons… disons plutôt des boutonnages de tuniques, le révolutionnaire, par devant, ou le réactionnaire, inversion et perversion, par derrière même les souples chimpanzés auraient du mal à s’auto-boutonner, non ?. Sur les verdoyants alpages tyroliens, vert de rage—couleur pâturage— risque de s’alpaguer —il en a des boutons— Napoléon Bistagne, cherchant la castagne au sommet contre un contrefacteur, avisé qu’il est par une walkyrienne contreutfactrice lui apportant par courrier recommandé la sommation à comparaître en procès contre César Cubisol. Bref, Bistagne tonne, on se déboutonne, c’est la guerre des boutonnages inverses rivaux, ouverte, déclarée, entre le génial créateur de la combinaison Napoléon » devant et celui de la César » derrière auquel César Napoléon Bistagne ne rendra pas ce qui ne lui appartient pas. Mais que va faire sur cette galère alpestre le Marseillais de la rue Saint-Ferréol, rêvant de Bandol et sa plage pour attaquer le plagiaire Cubisol qui jouera l’Arlésienne du Tyrol puisqu’il ne paraîtra jamais ? LA GUERRE DES BOUTONS N’AURA PAS LIEU À cette guerre sans dentelles mais… mais, peut-être les combinaisons en ont-elles ? s’ajoute la guerre d’amour Léopold aime Josépha qui aime Guy qui aimera Sylvabelle… Quatuor, quadrille ; ajoutez un autre couple, le leste rejeton de Cubisol et un beau zeste de fille zozotante et cela fait, en trois couples, un sextuor. Et en avant la musique ! Les solos alternent avec les duos et les chœurs, toujours mêlés habilement de danses par Estelle LELIÈVRE-DANVERS, valses, fox-trots, et même un ranz des Vaches qui Rient autant que nous, dans un rythme oxygéné des hauteurs, mais pas de tyrolienne de Piccolo… Un rideau de scène peinturluré de sapins, encadré à cour et à jardin des hures hilares de deux chevaux des bêtes en carton découpé comme les deux chalets, agrémentés de quelques tables incrustées de motifs floraux tyroliens et sièges. Et avec tout le déploiement fidèle des costumes de la Maison Grout, plus tyroliens que nature, tabliers, jupes pour les dames, chapeaux feutre à plume, shorts, bretelles chaussettes à mi mollet pour les hommes. Voilà pour le lieu, encore célèbre de villégiature où se bousculent les estivants, accueillis par une armée chantante et dansante de serveurs stylés, dont Piccolo Lothaire LELIÈVRE, jeune et digne comme un groom. Ah, oui ! Nous sommes dans l’auberge autrichienne de Saint-Wolfgang oui, comme Mozart, que l’on canoniserait volontiers si l’on croyait aux saints, mais qui n’en a nul besoin puisqu’il est divin où les gens qui en ont les moyens viennent chercher celui de se refaire une santé à l’air pur. La rêche et revêche patronne rabroue son élégant maître d’hôtel Léopold qui a le tort d’être amoureux d’elle comment peut-elle maltraiter le bien chantant, le beau Grégory BENCHÉNAFI, qui couve son amour, couvre l’ingrate de fleurs et lui roucoule Pour être un jour aimé de toi », voix tendre, souple, nuancée de brumes romantiques. Mais, ni rêche ni revêche, la pimbêche anti Léopold pour son Guy Florès d’avocat parisien, beau ténébreux au sourire étincelant et à l’œil de velours, Marc LARCHER, dont la voix solaire, chaude, dès qu’il arrive, fait monter la température le désir de la dame et la rage de l’amoureux dépité. Et la voilà, l’accorte Jennifer MICHEL puisqu’il faut l’appeler par son nom,qui déploie l’éventail d’une voix ample, fruitée, offerte, épanouie, voluptueuse et enveloppante comme une promesse d’amour. Qui sera frustrée, tant pis pour elle le Florès en question fait florès et la roue de sa ronde voix prenante, prenant sous son charme la jolie Sylvabelle Bistagne Charlotte BONNET au sourire radieux, au timbre limpide comme une source montagnarde dont son aigu a les pics lumineux sourire pour sourire, voix pour voix, les deux tourtereaux s’assemblent. Comme se ressemblent les timbres plus doucement corsés et accordés de Léopold et Josépha, autre vérité que la dame comprendra à la fin. Narcisse auto-proclamé, on n’est jamais si bien servi que par soi-même, souple comme un écureuil rieur et railleur, le béguin bondissant Célestin Cubisol, Vincent ALARY, une nature qui, du zozotement de sa belle n’a cure, ni dent dure car il est vrai que sa Clara, Priscilla BEYRAND, est à croquer, mais tendrement. Vive les couples heureux. Qui ont des histoires. Petites histoires du temps suspendu entre la Grande Histoire 1930, opérette allemande adaptée et adoptée par la France entre deux Guerres mondiales… Et l’on regrette même, en compensation joyeusement et pacifiquement belliqueuse, que l’affrontement au sommet entre Cubisol, absent, n’ait pas lieu avec Napoléon Bistagne quand on sait que celui-ci est personnifié par Antoine BONELLI, tout en rondeur mais hérissé de pointes pas de casque teuton mais sans accent pointu, Marseillais à couper au couteau, occupant le plateau comme un Empire personnel, qui déclenche la salve inoffensive des rires avant même d’ouvrir la bouche, un spectacle à lui tout seul, puis en shorts ! Et l’on regrette que son prénom ne soit pas exploité par le texte ni la scène quand on sait que ce Napoléon rencontre, incarné par Claude DESCHAMPS, le mélancolique Empereur d’Autriche François-Joseph 1830-1916, veuf de Sissi assassinée en 1898 dont l’empereur français, vainqueur du père, devint son beau-frère en épousant Marie-Louise… On lui pardonnera pour sa tristesse et sagesse, comme aux cuivres sonnant la chasse bestiale, qu’il vienne ici pour un concours de tir jamais de bon augure pour les bêtes et les hommes. Notre indulgence, qui n’est pas grande pour les massacreurs d’animaux, nous la réservons au plus inoffensif Garde général des forêts », Michel DELFAUD, ineffable même fusil, pour rire, à l’épaule, inénarrable avec son compère Jean GOLTIER, en shorts obligés, autre couple hilarant. À ajouter au tableau de chasse de l’opérette. Juif dansant On n’aurait garde d’oublier, en Professeur Hinzelmann, Dominique DESMONS et l’on avoue frémir un peu à le voir, en noir, chapeau Loubavitch en tête, deux grandes mèches en spirales, les payos », encadrant sa face barbue l’image caricaturale du Juif qui, en rajoute d’ailleurs avec son histoire de petites économies débitées d’une petite voix à l’accent yiddish, qui nous rappelle quelqu’un. Dans le contexte des années 30 allemandes, par notre temps de retour d’antisémitisme à vomir, on craint le pire mais on s’abandonne au rire et l’on se dit, non n’en déplaise au politiquement correct, ces blagues, comme les blagues corses, belges, auvergnates, marseillaises, etc, tout ce folklore nous appartient, il est à notre communauté sans discrimination d’origine. D’ailleurs, le voilà qui se lance, avec un autre quadrille dans une danse devenue patrimoine comique national, celle de Louis de Funès dans Rabi Jacob de Gérard Oury. Non, il ne faut pas renoncer au rire sain qui libère des haines sa proximité, sa familiarité, c’est finalement notre fraternité. Derrière moi, une vieille dame émerveillée, chantonnant les airs et commentant presque à haute voix les costumes avec sa voisine, avisant la factrice Walkyrie détonante Perrine CABASSUD en casque à cornes, chope de bière en main, dévorant une saucisse, s’écrie naïvement, indifférente aux frontières et anciens conflits, à voix basse Vé, la Gauloise, elle mange la choucroute ! » Blagues tyroliennes, blagues juives, Walkyrie et Gauloise tout le merveilleux œcuménisme culturel de notre Europe à tous. L’auberge tyrolienne est une vraie auberge espagnole on y apporte ce qu’on a, culture et cœur. ________________________________________________________________________________________________ COMPTE-RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, Odéon, le 24 fév 2019. BENATZKY L’Auberge du cheval blanc. Conti / Olivéros L’Auberge du Cheval Blanc Im Weissen Rössl, 1930 Opérette en 2 actes et 8 tableaux Livret d’Erik Charell, Hans Müller et Robert Gilbert Musique de Ralph Benatzky 1887-1957 Adaptation française de Lucien BESNARD et René DORIN Marseille, théâtre de l’Odéon 23 et 24 février L’Auberge du Cheval Blanc de Ralph Benatzky Direction musicale Bruno CONTI Chef de chant Caroline OLIVÉROS Mise en scène Jack GERVAIS Assistant mise en scène Sébastien OLIVÉROS Chorégraphie Estelle LELIÈVRE-DANVERS Décors Théâtre de l’Odéon ; Costumes Maison Grout DISTRIBUTION Josepha Jennifer MICHEL ; Sylvabelle Charlotte BONNET , Clara Priscilla BEYRAND Kathy Perrine CABASSUD Léopold Grégory BENCHENAFI / Bistagne Antoine BONELLI / Guy Florès Marc LARCHER / Piccolo Lothaire LELIÈVRE / Célestin Vincent ALARY / L’Empereur Claude DESCHAMPS / Le Professeur Hinzelmann Dominique DESMONS ; Le Garde général des forêts Michel DELFAUD ; Le Cook / Le Guide Jean GOLTIER Orchestre du Théâtre de l’Odéon Chœur Phocéen Chef de Chœur Rémy LITTOLFF. Danseurs Laura DELORME, Malory DE LENCLOS, Mylène MEY, Laia RAMON, Evgeny KUPRIYANOV, Serge MALET, Gérald NEEB, Sullivan PANIAGUA . ________________________________________________________________________________________________ Photos © Christian Dresse Le Marseillais Napoléon Bistagne et la factrice Walkyrie / Claire et Célestin, au milieu le Professeur juif / Florès et Sylvabelle dans le bleu. . ________________________________________________________________________________________________ COMPTE-RENDU, opéra. MARSEILLE, Opéra, le 19 février 2019. GOUNOD Faust. BORRAS, COURJAL. L FOSTER / N DUFFAUT. À reprise d’une production, reprise d’une introduction sur une œuvre qui ne bouge pas, même remuée des remous qui accueillirent à Avignon cette mise en scène de Nadine Duffaut, certes, dérangeante, hésitant entre symbolisme et réalisme, mais jamais indifférente. À Marseille, au rôle de Wagner près, c’est la distribution qui est renouvelée. L’OEUVRE Diables d’hommes Sur l’homme vendant son âme au diable contre l’amour d’une jeune femme, l’Espagne connaissait déjà quelques pièces de théâtre,El esclavo del demonio 1612, L’esclave du démon’, de Mira de Amescua et, entre autres plus tardives, El mágico prodigioso, La magicien prodigieux’ 1637 [1] de Pedro Calderón de la Barca, inspirée de la légende des saints Cyprien et Justine, martyrs d’Antioche, IIIe siècle pour l’amour de la jeune chrétienne, le jeune savant païen, qui s’interrogeait sur le pouvoir absolu d’un Dieu unique contre la pluralité dissolue du panthéon des dieux antiques, signe un pacte avec le Diable. C’est aux écrivains allemands du Sturm und Drang, dont Herder, Schiller et Goethe, férus de culture espagnole antidote au classicisme français, que l’on doit le renouveau de l’intérêt pour la poésie du Siècle d’Or espagnol Gœthe en adaptera des poèmes et son théâtre, dont s’abreuvera aussi Hugo. Il est probable que Gœthe y ait puisé, pour sa fameuse tragédie, l’enjeu de la femme dans le pacte avec le diable, étant absente dans le livre source, Historia von Dr. Johann Fausten dem weitbeschreyten Zauberer und Schwarzkünstler…,couramment appelé Faustbuch, le Livre de Faust’, paru à Francfort en recueil populaire s’inspirait des légendes ténébreuses entourant le réel Docteur Johann Georg Faust 1480-1540, alchimiste allemand, astrologue, astrologue, nécroman, c’est-à-dire magicien. Un Musée lui est consacré à Knittlingen, sa ville natale. La science rationnelle moderne, n’était pas encore sortie de la gangue des sciences occultes dans lesquelles, astrologue et astronome confondus, dans les secrets encore incompréhensibles, on voit souvent, par crainte et superstition, la main, la griffe du diable. Ainsi, la mort du savant Docteur Faust en 1540, dans une explosion due sans doute à ses recherches chimiques ou alchimiques, passera pour le résultat de ses expériences diaboliques, du pacte qu’il aurait passé avec le Diable, signé de son sang, pour retrouver la jeunesse sinon l’amour. [2] Ce livre, qui sera aussi traduit avec succès en français en 1598, sera adapté, d’après la traduction anglaise, par Christopher Marlowe dans sa pièce La Tragique Histoire du Docteur Faust 1604 et, donc, deux siècle après, pa Johann Wolfgang von Gœthe dans son premier Faust1808, qui fixera dans l’imagerie romantique, la touchante figure de Marguerite au rouet séduite, enceinte, abandonnée, matricide, infanticide enfin condamnée à mort, et refusant d’être sauvée avec la complicité de Méphistophélès, pour le salut de son contemporain, Gotthold Ephaim,avait aussi commencé, sans l’achever, une pièce sur Faust en 1759. Berlioz avait représenté à Paris, sans guère de succès, en 1846, La Damnation de Faust [3] d’après la célèbre pièce de Goethe traduite en 1828 par Gérard de Nerval Pour la Chanson du rat’,il n’y avait pas un chat dans la salle », constatera cruellement Rossini. Ruiné, Berlioz s’exile. Gounod sera plus heureux. Hanté par le thème, gratifié du bon livret que lui écrivit Jules Barbier, la contribution de Michel Carré, auteur d’un drame intitulé Faust et Marguerite, se limitant à l’air du Roi de Thulé et à la ronde du veau d’or, deux beaux textes, il est vrai. Après des remaniements, l’opéra triompha en 1859, et rivalise en popularité dans le monde avec la Carmen de Bizet. REALISATION Vaste demeure dévastée de l’hiver d’une vie à vau-l’eau vanité des vœux, des rêves du savoir, des souvenirs évanouis à l’heure des bilans, des faillites, quand les regrets remplacent les projets. Vautré, avachi sur un immense prie-Dieu, un lit, dont la traverse est une croix, qui se multiplie en ombres, le vieux Docteur Faust se lamente avant d’être relayé par le jeune, vivifié par le pacte de sang ou transfusion sanguine, salvateur élixir de jouvence, dont le garrot élastique devient, comme un crachat, lance-pierre offensif d’un chenapan Méphisto contre une effigie christique. Efficace scénographie unique d’Emmanuelle Favre dans des clair-obscur, au sens précis du terme, mélange de lumière et d’ombre à la Rembrandt, virant parfois aux contrastes rasants caravagesques lumières de Philippe Grosperrin, qui arracheront à la pénombre les têtes d’une foule de spectres goyesques, cauchemar plein de choses inconnues, funèbre carnaval émergeant, surgissant des trappes, sinon des enfers, des arrière-fonds, des bas-fonds de l’âme sans doute, comme un retour du refoulé. Surplombant la scène, théâtre dans le théâtre, une autre scène ou tableau un Christ de profil au regard douloureux sur ce monde, témoin apparemment aussi impuissant que le vieux Faust omniprésent rêvant ou revoyant sa vie au moment de sa mort, apparaissant ponctuellement dans le cadre, ainsi que divers personnages, dont le théâtral Méphistophélès. Rêve ou mirage, Marguerite est projetée en immense portrait. Plafond effondré, tout est terreux, ruineux, grisâtre, brunâtre, ainsi que les costumes Gérard Audier ; le seul éclat sera celui de Marguerite, toute fraîche en robe vichy bleu à la Brigitte Bardot des années 60, apparemment seule vivante dans ce monde fantomatique, escortée de Dame Marthe, plus rieuse que pieuse, impérieuse, en austère tailleur noir. Une marionnette géante descendant des cintres de la manipulation diabolique symbolise la jeune fille. Le Faust jeune, aura l’éclat d’une chemise blanche sur ses jeans et Méphisto, en blouson de cuir, arbore des souliers rouges et non des pieds de bouc comme signe de son origine, comme le coffre et non coffret des bijoux, dont on s’étonne que Gretchen, Margot, ne l’ait pas vu du premier coup d’œil tant il accapare abusivement l’espace et la vue. Pas de rouet mais un nécessaire de couture de jeune fille de ce temps, pliée aux travaux de ménage et d’aiguille. Jolie trouvaille, le bracelet dont se pare la jeune fille est vraiment une main qui sur [son] bras se pose », surgie magiquement de la marionnette diabolique. C’est la poupée mécanique, menaçante, de l’univers fantastique des Contes romantiques d’Hoffmann par la manipulation du Diable. Sur les murs lépreux, des projections de vagues fleurs —pas forcément heureuses déjà à Avignon, et encore moins dans le vaste plateau marseillais qui les dilue—figurent un invraisemblable jardin et l’invisible bouquet d’un jeune Siebel masculin éclopé, expliquant sans doute sa réforme, il ne part pas à l’armée ; plus dramatiquement parlantes, celles d’actualités cinématographiques de nébuleux soldats coloniaux du retour des troupes qui déchanteront une gloire discutable des aïeux dont la mise en scène de Nadine Duffaut, loin de donner dans le cliché de la guerre jolie, montre la vérité, les blessés, les estropiés, les gueules cassées, les morts sous le regard du Christ semblant regarder de biais et non de front le monde, sous l’écrasante croix, on se pose inévitablement la question de ce Dieu bon » que priera Marguerite à la fin qui permet cet enfer sur terre, autorise finalement ce Démon tout puissant, encore que terrassé parfois comme un vampire par l’ombre ou la lumière de la croix qui le crucifie. Sous le détail, décoratif en apparence, on retrouve l’humanité inquiète, militante et non militaire, de Nadine Duffaut. En somme, refusant le faste facile, néfaste souvent au drame, la mise en scène propose une lecture nouvelle de cette tragédie, parlant plus à l’esprit que séduisant les yeux. INTERPRETATION D’emblée, on est capté par le rythme, sans concession aux numéros » que le public attend pour applaudir, qu’impose Lawrence Foster à la partition. On a la sensation de redécouvrir cette œuvre usée de trop d’usage et d’habitudes paresseuses une rigueur diabolique qui gomme les émollients clichés romantiques et, malgré les parenthèses obligées d’amour et de rêve du jardin, depuis le début, tout semble courir, concourir, dans la fièvre, à la course finale à l’abîme au galop haletant méphistophélique. Une conception globale perceptible malgré la longueur de l’œuvre. Et tout cela sans rien sacrifier au détail. Dans la Sérénade » de Méphistophélès, on croit entendre les rires, les railleries des instruments qui nous font soupçonner que Gounod n’ignorait pas le persiflage instrumental du Catalogue » de Leporello dans le Don Giovanni de Mozart dont son amie Pauline Viardot avait sans doute pu lui passer la partition qu’elle avait achetée. En tous les cas, on sent, dans cette interprétation magistrale toute la finesse mozartienne loin des pesanteurs orchestrales à la mode romanticoïde. La scène de l’église est angoissante avec cet orgue lointain et menaçant Frédéric Isoletta dont les vagues ondes semblent avancer pour engloutir Marguerite. Les chœurs Emmanuel Trenque, peut-être déshumanisés par les masques, trouvent alors leur pleine humanité par la musique et ils sont saisissants les reproches à leur héros Valentin incapable de pardonner en mourant à sa sœur sont bouleversants d’une vérité morale, humaine et religieuse, qui dépasse leur apparence spectrale. À certains moments de liesse populaire ou sensuelle, entre ciel et terre, trois acrobates semblent défier la pesanteur d’ici-bas. Le baryton Philippe Ermelier qui figurait dans la production d’Avignon, confirme avec bonheur ce que j’en disais c’est un solide Wagner de taverne digne compagnon sinon d’embauche guerrière, de bamboche, de débauche de bière ou vin qui hésitera moins entre les deux boissons qu’il ne les alternera. Originalité de cette mise en scène, le pénible aujourd’hui rôle travesti de Siébel, dévolu à un mezzo léger, est rendu à sa vérité théâtrale de jeune homme amoureux Kévin Amiel bien qu’affublé d’une prothèse d’éclopé —sans doute blessure de quelque aventure militaire qui montre que la guerre est bien contre toute éthique et esthétique, contre la morale, la bonté, la beauté. Il est jeune, touchant, voix ronde de ténor de toutes les tendresses et délicatesses du cœur et il incarne, dans une vérité immédiate et sensible, l’amour désintéressé, la compréhension, la compassion humaine et chrétienne envers la Marguerite rejetée par la communauté. Élément de comédie, d’opéra-bouffe, Dame Marthe, savoureuse, voluptueuse, veuve vite joyeuse, sous l’uniforme trop étroit de la duègne austère, vite maquerelle, faisant couple, sinon accouplée au fuyant Méphisto qui ne succombe pas à la tentation, tenté sans doute par d’autres types d’amours comme semble le suggérer le pluri-sexe Walpurgis, est campée avec une vivacité aiguë par la piquante mezzo Jeanne-Marie Lévy. Le baryton Étienne Dupuis, a tout l’héroïsme de Valentin, voix aussi large et généreuse qu’il le sera peu pour sa sœur, par ailleurs très expressif, effrayant et sans compassion en maudissant Marguerite comme le fera Méphisto. Celui-ci, c’est Nicolas Courjal photo ci dessus il mène le bal, et danse, se dandine même au son de ce transistor dont il tente, par la magie révolutionnaire de l’appareil, de tenter le vieux Faust dont les élucubrations de toute une vie n’auront pas suffi à créer ou imaginer cette merveille, ce miracle technologique. Il est un sacré diable facétieux, espiègle, qui épingle les ridicules de certains, diablement sûr de lui, sauf des faiblesses à la Croix, jouant des mains et des doigts comme on aspergerait les dévots d’une eau bénite, maudite plutôt, infernale. La tessiture est tendue, surtout dans le Veau d’or » mais il s’en tire avec aisance, retrouvant des creux de graves infernaux à sa mesure. En moine blanc, dans la remarquable scène de l’église contre Marguerite, plus de plaisanterie c’est le Démon dans une atroce volonté de destruction de la frêle jeune femme. Celle-ci est incarnée par Nicole Car elle a une saine vitalité, un sourire rayonnant, un regard solaire, qu’on imagine mal en général pour la fragile héroïne romantique des froideurs nordiques mêmes réchauffées par un Diable mutin. Ses exclamations de joie Ah, je ris… », elle ne les donne pas en fines notes piquées de la glotte, toujours dangereuses pour l’organe, mais d’une voix large moins de jeune fille que de femme prête, sinon à croquer les diamants, à dévorer la vie qu’elle découvre avec enthousiasme. Cette solidité prend un sens tragique dans la scène grandiose de l’église où elle affronte le démon dans l’ombre, opposant la force de sa foi à la puissance infernale et sa prière qui clôt l’épisode est déjà la victoire qui annonce celle de son hymne final Anges pures, anges radieux… » Marguerite accouche Autre signe de l’humanisme réaliste de Nadine Duffaut, on voit Marguerite enceinte, ce qui est dissimulé toujours, à peine dit par de plus pudiques que pieuses allusions mais c’est la réalité de son drame. Des spectateurs se sont offusqués de la voir accoucher, aidée par la compassionnelle Marthe, après la malédiction du frère. Mais cet enfant qu’elle noiera, qui lui vaudra sa condamnation à mort, occultée ici celle de sa mère, semble être parti avec l’eau du bain de la pudibonderie qui, pour oraison funèbre, ne lui concède qu’une rapide phrase de Faust, alors que c’est le cœur de la banale et triviale tragédie de la fille séduite et abandonnée. Deux Faust L’un des problèmes du théâtre, c’est sans doute la présentation d’un personnage à deux âges de sa vie, doublé ici par la difficulté que la métamorphose se fait à vue. Loin de grimer et de dégrimer ostensiblement le vieil héros prêt à se faire une injection mortelle de drogue et piqué sans doute à l’élixir de vie par Méphisto de ce même sang de la signature du pacte infernal, Nadine Duffaut a opté pour deux Faust, le vieux,c’est Jean-Pierre Furlan, dont la voix toujours juvénile anticipe sur sa nouvelle jeunesse infernale. Il est émouvant dans ses regrets et adieu à la vie, Faust encore sans faute, qui restera sur scène en témoin accablé de son pacte fautif sous le regard d’un Christ douloureux, sous l’ombre portée de la croix, poids de son péché, éternel stigmate de sa damnation, ou rédemption par ce regard qui semble le hanter dans ce théâtre des ombres du monde. C’est sûrement l’une des réussites de cette audacieuse mise en scène ce regard rétrospectif à la fin de la vie, à l’heure cruellement lucide des bilans. Et soudain, sans solution de continuité, c’est le jeune Faust qui surgit, insolent et insultant de jeunesse moins physique que vocale, encore qu’un peu empêtré dans sa corpulence mal fagotée dans un blouson de teenager d’un joyeux luron avide de rattraper le temps perdu, à corps perdu. Dans ce sens, on comprend, en contrepoint physique maillée, émaillée de ces acrobates du plus bel effet graphique, perchés sur la croix du prie-Dieu devenu lit de débauche multi-libertine pour un heureux Faust repu plus qu’en repos. La voix de Jean-François Borras est ronde, onctueuse, souple, d’une égale qualité dans tous ses registres, suavement triomphante dans l’aigu dès l’effet méphistophélique non méphitique mais bénéfique de Méphisto. Et voilà notre vieillard savant, oublieux des grands mystères du monde qui faisaient sa sublime ambition, qui chante, tout guilleret, un couplet digne d’un épicurien et contemporain bourgeois d’Offenbach, Brésilien ou Baron, qui borne, ou au contraire chante une insatiable ambition très Second Empire, s’en fourrer jusque-là », avide de plaisirs terrestres et non plus spirituels ou intellectuels À moi, les plaisirs, Les jeunes maîtresses, À moi leurs caresses […] Et la folle orgie Du cœur et des sens. Un Faust bourgeois plus physique que métaphysique. [1] J’ai adapté cette pièce sous le titre de Faust vainqueur ou le procès de Dieu à la demande du metteur en scène Adán Sandoval. [2] Sur les divers Faust, je renvoie à mon livre Figurations de l’infini. L’âge baroque européen, Prix de la prose et de l’essai 2000, le Seuil, 1999, De Dieu le Père au Père-Dieu », La fin des thaumaturges », [3] Berlioz ne devait pas ignorer la pièce de Calderón, si admiré par Wagner qui dit, dans une lettre à Liszt, qu’il le lit pour maintenir l’inspiration de son Tristan. En tous les cas, l’invocation à la nature de son Faust est très proche de la tirade lyrique de Cyprien découvrant sa puissance diabolique dans Le Magicien prodigieux. Cf mon livre, Figurations de l’infini, op. cit. , p. 398. ________________________________________________________________________________________________ Faust de Gounod à l’Opéra de Marseille Coproduction Opéra Grand Avignon / Opéra de Marseille / Opéra de Massy / Opéra Théâtre Metz Métropole / Opéra de Nice / Opéra de Reims A l’affiche les 10, 13, 16, 19, 21 février 2019 Direction musicale Lawrence FOSTER Mise en scène Nadine DUFFAUT Décors Emmanuelle FAVRE Costumes Gérard AUDIER Lumières Philippe GROSPERRIN Marguerite Nicole CAR Marthe Jeanne-Marie LEVY Faust Jean-François BORRAS Vieux Faust Jean-Pierre FURLAN Méphistophélès Nicolas COURJAL Valentin Étienne DUPUIS Wagner Philippe ERMELIER Siebel Kévin AMIEL Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille Photos Christian Dresse Les deux Faust ; Méphisto ; Combat e Marguerite contre le Démon. COMPTE RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, Odéon, le 20 janvier 2019. LEHAR La veuve joyeuse. Membrey / Lepelletier. Oui, vive la Veuve ! On ne criera pas pour autant Mort aux maris ! » par prudence, presque chacun l’étant, l’ayant été ou le sera. Encore que la disons Pension de réversionque le vieux Palmieri de Marsovie laisse en mourant élégamment très vite à sa jeunesse d’épouse Missia, plus que le budget restauré de la petite principauté d’Europe centrale ruinée, une constellation de millions, ferait le bonheur d’une myriade internationale de prétendants, soupirants aspirant à sa main pour restaurer leur fortune, ou la faire, pour la dilapider en restaurants chics parisiens avec champagne à gogo et gogo girls en campagne, dans cette capitale du monde et de la fête qu’est ce Paris de la fin du XIXesiècle où tout le monde se retrouve, mondains comme fripouilles, entre le Maxim’s cher déjà à tel Président d’hier, cher à faire rire jaune même un gilet d’aujourd’hui, et lieux de plaisirs racaille et canaille des hauteurs de la Butte à putes de Pigalle et Montmartre. VIVE LA VEUVE ! Mais, pour éviter l’évasion fiscale de la Veuve, fatale aux finances de la Marsovie, l’Ambassadeur à Paris complote pour lui donner pour époux un Marsovien non venu de Mars, le Prince Danilo, attaché d’Ambassade, peu gourmé gourmet, gourmand d’affriolantes gourgandines parisiennes, apparemment peu tenté par la tentante Veuve, dont on apprendra que son cœur battit autrefois pour elle, avant que celui du mari n’en claqua d’amour. Bref, léger, très léger argument du vaudeville initial d’Henry Meilhac 1830-1897, prolifique auteur, viveur et noceur, fréquentant réellement le monde de la fête du Gaipas encore officiellement gay Parisqu’il décrit. Avec son complice Ludovic Halévy, rencontré un an avant cette pièce, en 1860, il commencera une intense collaboration de près de vingt ans, semée de chefs-d’œuvre, les livrets érudits et comiques des plus célèbres opérettes de Jacques Offenbach, La Belle Hélène1864, La Vie parisienne1866, La Grande-duchesse de Gérolstein1867 et La Périchole1868 et, naturellement, Carmende Georges Bizet 1875, etc. Une œuvre prolifique, rentable, qui permettait à ce célibataire endurci de vivre sa vie sans veuve à laisser ni à désirer pour son argent. Ici, l’argument est bien mince, encore aminci par la nécessité d’une adaptation pour la musique, qui allonge toujours le temps des textes. Mais cette pauvreté dramatique est habillée, enrichie d’une musique qu’on a beau connaître semble-t-il depuis toujours tant elle a une sorte d’évidence intemporelle de la mémoire collective et individuelle, qu’on est toujours étonné de la redécouvrir dans la fraîche beauté de sa paradoxale et déjà ancienne éternité. On retrouve donc l’Odéon, seule maison en France entièrement vouée et dévouée à l’opérette et, dans le foyer, à des récitals d’airs d’opérettes Une heure avec… un ou deux grands chanteurs hors des pièces de théâtre en avec un plaisir à la fois enfantin et érudit que l’on découvre de simples décors en carton peint d’un temps où le théâtre s’acceptait humblement comme théâtre, avec ses voyants artifices, et l’on se dit que Mozart, notamment avec sa miraculeuse Flûte enchantée populaire, devait en connaître de semblables. Ici, de symétriques colonnades à boulons d’architecture industrielle du temps, et, en fond de lumières changeantes, une Tour Eiffel contemporaine, chef-d’œuvre métallique d’industrie, illuminée par le miracle aussi contemporain de la Fée électricité ». Les costumes, de l’Opéra de Marseille, comme toujours, seront élégants, d’époque aussi mais avec, dans les scènes de liesse nationale, d’un folklore imaginaire d’Europe centrale de fantaisie pour cette fantasque Marsovie, une minuscule parcelle imaginaire du vaste Empire austro-hongrois qui va bientôt voler en miettes comme les fastes du Titanic, ceux de cette Belle Époque feront aussi naufrage avec cette folie suicidaire d’une Europe en Guerre de 14-18. Mais la musique, elle, surnagera et vivra pour notre bonheur. À la direction musicale, Bruno Membrey la traite amoureusement, la caresse, suivi avec une effusion affective par un Orchestre de l’Odéon au mieux de son engagement et l’on apprécie la finesse des timbres mis en relief de certains pupitres. Le Chœur phocéen de Rémy Littolf fait plus que jouer le jeu il joue avec un contagieux plaisir dans le rythme très musical, sans temps mort qu’Olivier Lepelletier, autre spécialiste de ce répertoire respectueusement servi, donne à sa mise en scène, avec une distribution où, du dernier comparse aux rôles principaux, chacun, sans s’économiser, contribue avec bonheur au nôtre par son engagement et son talent. D’ailleurs, les Bis ! » qui fusent de la salle et les généreuses reprises par toute la joyeuse troupe des couplets de la fin, à n’en plus finir, sont une gratitude, une reconnaissance par le public, de tout ce travail élaboré à la fois individuellement et collectivement. Même des figures, de simples silhouettes sont campées avec une précision loufoque, ainsi les comparses Pritschitch Jean-Luc Épitalon et Bogdanovitch Michel Delfaud, paire devenue trio avec le Kromski d’Antoine Bonelli qui n’a même pas besoin de chanter il lui suffit de ralentir une syllabe, de dénouer lentement le ruban de la missive, pour déchaîner les rires, tous en peine d’épouses encanaillées. Dans ce domaine, sans non plus chanter, Simone Burles est une, lubrique Praskovia lancée à l’assaut sexuel du Prince Danilo. Dans un finale festif endiablé, Carole Clin est unecManon menant Maxim’s de main de maître, pardon, de maîtresse, et à la cravache ! Avant de reprendre dans ce lieu même sa Gaby Deslys marseillaise qu’il a ressuscitée, Christophe Bornest un Guatémaltèque haut en couleurs et timbre de voix de ténor, duo avec la voix de baryton du D’Estillac de Frédéric Cornille, remarqué à l’Opéra dans Traviata, joyeuse paire de compères prétendants intéressés de Missia. Dans la catégorie mari aveugle, stentor à grande gueule tonitruante sur ventre trônant et moustaches avantageuses, Olivier Grandest un Baron Popoff inénarrable de suffisance et de naïveté face à sa femme. Et quand celle-ci est la piquante Caroline Géa, qui fut aussi ici une digne et remarquable Fille de Madame Angot, l’Ambassadeur marsovien a intérêt à veiller à ses quartiers de noblesse la belle Nadia, jouant les mutines, câlines et coquines Zerlina, allusion musicale de la pièce à Don Giovanni, veut et ne veut pas, ne veut pas et veut, très lyriquement en forme, finit tout de même, comme dans les Noces de Figaro, autre clin d’œil, par entrer dans le propice joli pavillon » que lui chante et ouvre, d’une superbe voix d’amant postulant, Camille de Contançon, un élégant, romantique et ardent ténor Christophe Berry. Il est vrai que ledit pavillon a la forme d’un éventail qui, comme dans Tosca, a sa part dans l’intrigue. Fort heureusement, la générosité de Missia, la Veuve, la sauvera du déshonneur conjugal dans lequel elle veut et ne veut pas sombrer mais on sent bien qu’elle succombera un jour. À moins qu’elle ne soit vite veuve de son pouffant Popoff d’époux. Voulant et ne voulant pas non plus succomber, lui aux charmes de la Veuve, du moins l’affirme-t-il, Danilo, le Prince décadent, est incarné par Régis Mengus, qui fut ici un superbe Ange Pitou dans la Fille de Madame Angot. Il lui prête sa prestance et un beau timbre de baryton large et chaud, et un talent d’acteur qui sait donner comme une distance même en chantant son crédo libertin, nimbant sa voix d’un grain de mélancolie vanité, vacuité de cette vie ou chagrin secret de l’amour désintéressé raté dans sa jeunesse avec Missia Manon, Lison, Ninon… » ne sont sans doute que la ronde des figures interchangeables, même dans leur sonorité qui riment, mais ne riment à rien, de l’amour sûrement avec un grand tas mais non de l’Amour avec un grand A de la Missia perdue, pauvre, retrouvée riche mais perdue pour le sentiment, qui ne s’achète pas. Cette Veuve que l’on dit joyeuse, toute riche qu’elle soit de feu son mari, ne l’est pas plus qu’il ne faut et garde le sourire et la tête froide au milieu des assauts galants de galants par l’odeur du fric attirés. Ils ont beaux jouer les boys empressés de comédie américaine lui offrant, espérant plus, des joyaux dans une scène où elle est érigée en Marylin Monroe, elle ne chante pas pour autant Diamants are girl’s best friends, Danilo, l’amour de jeunesse étant pour elle un trésor d’une autre trempe. Elle n’est même pas coquette, c’est plutôt lui le coquet caquetant comme un coq dans le poulailler de ces dames vénales qu’il n’a même pas eu à conquérir mais à prendre ou même à ramasser. Pourtant, que d’atouts déploie, sans outrancière ostentation, la Missia de Charlotte Despaux ! Bonne actrice, blonde, belle sans agressivité, physique de poupée, elle a une voix facile, ample, au médium fruité, aux aigus chaleureux, menée avec un art consommé du chant sa ballade de la légende de Vilya, la dryade aux yeux mystérieux », est un moment de poésie, un appel, un rappel au passé d’un amour vivant à Danilo. La musique déroule, dans un enchaînement voluptueux, airs solistes, duos, ensembles, danses, d’une grande beauté. Le septuor Ah, les femmes, femmes, femmes ! » y est le plaisant couplet d’une misogynie neutralisée par son excès même, scandé avec un grand dynamisme. La danse ne pouvait manquer, marquée du sceau d’Offenbach dont le souvenir passe aussi dans l’œuvreavec ses satiriques politiques cancaniers et les érotiques cancans et french-cancan. Mine de rien, avec sa mine naïve et sa candide chevelure, le FiggdeJacques Lemaire entre dans la danse avec des transes de trans ou travesti levant la jambe, déchaîné au milieu du déchaînement chorégraphique réglé par Esmeralda Albert où Adonis Kosmadakis est un Valentin le Désossé plus souple et démantibulé que nature. À s’en démantibuler les mâchoires de rire. ________________________________________________________________________________________________ COMPTE RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, Odéon, le 20 janvier 2019. LEHAR La veuve joyeuse. Membrey / Lepelletier. Die lustige Witwe1905 LA VEUVE JOYEUSE Opérette en 3 actes DE FRANZ LEHÁR Livret de Victor LÉON et Léo STEIN d’après L’Attaché d’ambassade 1861 d’Henri Meilhac La Veuve joyeuse de Franz Lehár Marseille, Théâtre de l’Odéon, Les 19 et 20 janvier 2019 Direction musicale Bruno MEMBREY Mise en scène Olivier LEPELLETIER Chorégraphie Esmeralda ALBERT Missia Palmieri Charlotte DESPAUX Nadia Caroline GÉA Manon Carole CLIN PraskoviaSimone BURLES Prince Danilo Régis MENGUS Baron Popoff Olivier GRAND Camille de Contançon Christophe BERRY FiggJacques LEMAIRE D’EstillacFrédéric CORNILLE LéridaJean-Christophe BORN Kromski Antoine BONELLI Pritschitch Jean-Luc ÉPITALON Bogdanovitch Michel DELFAUD Danseurs Esmeralda Albert, Doriane Dufresne, Léha Henry, Adonis Kosmadakis, Mathilde Tutialis. Illustrations Christian Dresse 1 – Le coq et ses poulettes Mengus et girls; 2 – “Diamants are girl’s best friends” Veuve et prétendants; 3 – “Heure exquise…” Missia, Danilo; COMPTE-RENDU CRITIQUE, comédie musicale. MARSEILLE, le 23 janv 2019. NEVROTIK HÔTEL. Michel Fau / Antoine Kahan … Chambre, oui, d’hôtel et rose comme un bonbon ou un smashmallow qui, s’il ne dégouline pas des murs, c’est qu’ils ont la rigidité du carton-pâte rigidement découpé et peint tels les décors de Picasso pour les Ballets russes ou de Cocteau sous l’Occupation. Pompeuse entrée de rideaux de vrai ou faux théâtre, de guingois, mur de traviole pour un lit et appliques murales en simili style Louis XV stylisé, fétiche épate-bourgeois, ou plutôt Louis Caisse Lévitan pour la sous-catégorie populaire d’un peuple qui, pour avoir guillotiné un roi, ne s’en remit jamais, béatement admiratif et nostalgique des fastes de la royauté. Le tout abondamment, hyperboliquement fleurdelysé au pochoir pour que nul n’en ignore. Un angelot baroque doré sur la table de nuit et, de l’autre côté, un téléphone rose hollywoodien. Deux chaises aux pieds de biche de même faux style viennent compléter la chambre. LA VIE EN ROSE BONBON Névrotik Hôtel Fait irruption, éruptive, une dindonnante dondon, plantureuse plante plus à craquer qu’à croquer dans sa robe végétarienne, Marylinisée comme on dirait caramélisée, blond plus filasse que mousseux, escarpins dorés, embagouzée et emperlouzée tous les voyants attributs multipliés de la vieille star trop tard durée, de la diva déchue de sa divinité, aussi branlante malgré son armature apparente que ces lignes déclinantes du décor. Gestes et prolifiques formes impériales et voix impérieuse, restes d’une majesté et autorité perdues, capricieuses et tyranniques exigences exercées désormais sur les sans grade, l’invisible standardiste de la réception ou le groom grimé, mince moustachu, cintré dans son uniforme rose de petit soldat de plomb, dont elle va faire, à son corps défendant, ou défendu, sinon un souffre-douleur, un mercenaire acteur de jeux de rôle de ses fantasmes apparemment jusque-là inassouvis, peut-être, faute encore d’atouts, comme un va-tout de la dernière chance,vaisseaux brûlés d’un dernier voyage sans retour. Gestes et générosité théâtralement larges, elle offre pourboires et contrat comme elle jouerait les restes de sa fortune à la roulette, sûrement russe dans on ne sait quel désespoir qui perce sous les discours emphatiques, déclamatoires, d’abord sur la laïcité, contre le communautarisme, avec une revendication zinzin de zen bouddhique à la mode et, plus tard, une belle tirade sur le préavis avant licenciement ou démission. Pleine d’effets, la voix fait défiler des registres, de tête, de poitrine, dans une rhétorique stylisée du mélange des genres sexuels, mais sans caricature, adhérant au personnage et non visant une personne. Puis Lady Margaret, puisqu’il faut l’appeler par son nom, Lady Margarine pour le groom, son boy » facétieux, se lance dans une chanson sur la mer visible de la fenêtre de cet hôtel normand à la Proust, loin de celle de Trénet mais qu’on ne peut manquer d’avoir pour horizon mémoriel. Le texte est intéressant par ses trouvailles mais difficile à suivre dans ses jeux verbaux, et à mémoriser par une musique qui, en revendiquant ce répertoire n’en a pas pour autant la simplicité musicale qui accroche et deux personnages, tour à tour, seront solistes ou duettistes dans des airs dont les vers, difficiles à retenir, sont pleins de fantaisie, avec des rives, des dérives phoniques parfois oulipiennes et œdipiennes telles les déclinaisons de mer » en mère », allusion au rapport maternel, inconsciemment incestueux, entre les deux personnages, où le son vague, divague, extravague, ou bien la logique des rimes fatalement en —ex du Printemps au Sussexclin d’œil sexuel grivois ?, ou encore le Syndrome de Stockholm. C’est intelligent, subtil, peut-être trop pour être bien perçu, comme les clins d’œil ou allusions dont est semé le texte, Barrage contre le Pacifique de Duras ou son Amantasiatique, qui révèle soudain, après l’hystérie du tableau du Mont Blanc, la faille du personnage d’amour blessé par un amant indien mythifié dans l’Himalaya de sa perte. Ce qui explique peut-être le nom de Lady Marguerite, autre Marguerite Duras, dont le couple final avec le jeune Yann Andrés modèle implicitement celui sadomasochiste et presque incestueux avec le groom. Les deux acteurs sont remarquables, Michel Fau laissant entrevoir le vrai sous le faux, la fragilité désespérée sous le masque de la matrone autoritaire et, sous l’apparente fragile raideur du groom, Antoine Kahan s’avère un athlète tout muscle qui peut, appuyé sur deux avant-bras, jouer l’angelot cambré des rêves de la finalement touchante Lady Margaret, sans doute une grande âme trahie par la vie. Plus que chanter à proprement parler si en termes lyriques sérieux on parle, tous deux jouent à chanter, et bien, variant intentions, intonations et couleurs. À jardin, les trois musiciens, piano, violoncelle qui tapisse les airs, accordéon aux envolées parfois symphoniques, s’amusent parfois à meubler les scènes d’effets dramatiques dignes d’accompagnements de films muets expressionnistes. Les musiques des chansons, il faudrait les réécouter pour formuler un jugement plus fondé, toujours belles dira-t-on globalement, mais on n’a rien retenu pour accrocher, du premier coup, l’oreille. Par ailleurs, comme les divers rôles du jeu contraint, hégélien de la maîtresse et de l’esclave, avec son inévitablement renversement dialectique, on n’en perçoit pas la logique dramatique et la continuité, scènes décousues, juxtaposées, de même les chansons, enfilées comme des perles auxquelles, paradoxalement, manquerait le fil. ________________________________________________________________________________________________ LA VIE EN ROSE BONBON Névrotik Hôtel Comédie musicale de chambre Marseille, la Criée, le 23 janvier 2019 Présenté du 23 au 26 janvier 2019 Avec Michel Fau, Antoine Kahan Piano Mathieu El Fassi. Accordéon Laurent Derache. Violoncelle Lionel Allemand Mise en scène Michel Fau Trame et dialogues Christian Siméon. Chansons Michel Rivgauche, Julie Daroy, Pascal Bonafoux, Jean-François Deniau, Christian Siméon, Hélène Vacaresco, Claude Delecluse et Michelle Senlis Musiques Jean-Pierre Stora DécorEmmanuel Charles Costumes David Belugou Lumières Joël Pascale Fau. Perruque Laure Talazac. Assistant à la mise en scène Damien Lefèvre. Collaboration artistique Sophie Tellier Production ScenOgraph, Scène conventionnée théâtre et théâtre musical – Figeac, Saint-Céré – Festival de Figeac / Production déléguée – Théâtre des Bouffes du Nord Photos © Marcel Hartmann MARSEILLE, Concert lyrique caritatif, le 22 janvier 2019. 40 artistes lyriques pour les victimes de novembre 2018. Le lundi 5 novembre 2018, deux immeubles, de la rue d’Aubagne, s’effondrent provoquant la mort de huit personnes. D’autres, miraculeusement rescapés, absents de chez eux à cette heure-là, sont restés d’abord à la rue, puis relogés dans l’urgence, dans la précarité, ayant tout perdu. Dans les semaines qui suivent, la municipalité a évacué plus de mille huit cent Marseillais habitant dans au moins cent-quarante-quatre logements dangereux. Déplacés de leur foyer, de leur environnement immédiat, désemparés, les enfants, dans les cours d’école ressassent à l’obsession, au cauchemar, le drame, évité physiquement mais vécu moralement, perpétué par la mémoire et l’imagination si jeunes et sans doute blessés à jamais, exilés de l’intérieur. La détresse, les besoins des sinistrés sont immenses. La générosité s’était spontanément organisée. Des concerts de soutien aux victimes ont été organisés au café-concert Le Molotov et à l’Espace Julien, si voisins du lieu du drame. Malheureusement, l’actualité politique et sociale en jaune massif répétitif a pris le pas sur cette tragédie si proche de nous, devenue si lointaine, malgré sa toujours urgente actualité. CALM Mais les artistes, même les minoritaires mieux lotis, ne vivent pas dans une tour d’ivoire, et leur majeure intermittence est, littéralement, celle des battements sensibles du cœur. Ainsi, à l’initiative de Mikhaël Piccone,baryton, ils ont fondé une association au joli nom, CALM, acronyme de Collectif des Artistes Lyriques Marseillais, rejoint, dans le triumvérat de tête par la soprano Lucile Pesseyet Luca Lombardo, ténor, qui a chanté sur d’innombrables scènes internationales. Ils n’ont pas eu de peine à gagner à la cause le cœur, le chœur nombreux de tant de chanteurs qui honorent Marseille, ville profondément lyrique. Richard Martin,directeur du théâtre Toursky, dont la sensibilité sociale est bien connue, leur a offert son théâtre et, entre deux spectacles programmés depuis longtemps, il a pu caser, le mardi 22 janvier, à 21 heures, un grand concert lyrique dont le bénéfice ira aux sinistrés via la Croix Rouge. L’afflux a été si grand qu’il a fallu privilégier les ensembles sur les solos pour pouvoir caser tous ces artistes dans ce concert de deux heures, qui risquait de durer toute la nuit! Quelque soixante et dix chanteurs, sept pianistes, trop nombreux pour qu’on puisse les citer dans un concert où l’ego n’est pas au service des égoïsmes individualistes mais d’une cause commune à défendre. Mais Emmanuel Trenque, chef de chœur et chef d’orchestre de l’Opéra de Marseille, réglera musicalement toutes ces généreuses bonnes volontés. D’ailleurs, le CALMs’est voué, dans ses statuts, à défendre au moins annuellement, une cause humanitaire. ________________________________________________________________________________________________ MARSEILLE, Théâtre Toursky GRAND CONCERT DE SOLIDARITÉ PAR LE CALM COLLECTIF DES ARTISTES LYRIQUES MARSEILLAIS Mardi 22 janvier 2019 Théâtre Toursky, 16, Passage Léo Ferré, 13003, Marseille. Tél. 04 91 02 58 35 ; Métro ligne 2 rouge, Station National, bus 89, arrêt Auphan/Vaillant. Prix des places 15 € COMPTE RENDU, opéra. MARSEILLE, le 26 décembre 2018. VERDI Car, Janot… La Traviata. Abbassi, Auphan. Ô Dieu, mourir si jeune… », s’écrie la malheureuse phtisique dans l’un de ses derniers spasmes. La chance des morts, c’est qu’ils ne vieillissent pas. Palme de martyre et privilège des Mozart, Schubert, fixés dans la jeunesse d’une œuvre éternelle, tels James Dean, Marylin Monroe qu’une fin prématurée fixe dans l’éternité de leur jeune beauté, ou même une Greta Garbo, admirable Marguerite Gautier, qui sut rompre à temps le miroir par sa mort publique pour se conserver éternellement belle dans la mémoire par la perfection de son image de cinéma. Une héroïne sans futur pour une œuvre qui ne vieillit pas dans une réalisation déjà ancienne de Renée Auphan, réalisée par Emma Martin, mais qui n’a pas pris une ride. L’Opéra de Marseille finissait et commençait une année par le pathos de la pathologie romantique. L’œuvre sources Faut-il encore raconter l’aventure de cette Dévoyée », sortie de la bonne voie, de cette Violetta Valéry verdienne tirée du roman autobiographique La Dame aux camélias 1848 d’Alexandre Dumas fils ? Il en fera un mélodrame en 1851, qui touchera Verdi. Alexandre Dumas fils était l’amant de cœur de la courtisane Marie Duplessis qui inspire le personnage de Marguerite Gautier, maîtresse un temps de Liszt, morte à vingt-cinq ans de tuberculose. HEURTS ET MALHEURS DES COURTISANES Le jeune et alors pauvre Alexandre, offrira plus tard à Sarah Bernhardt, pour la remercier d’avoir assuré le triomphe mondial de sa pièce qui fait sa richesse, sa lettre de rupture avec celle qu’on appelait la Dame aux camélias, dont il résume l’un des aspects cachés du drame vécu Ma chère Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je voudrais, ni assez pauvre pour être aimé comme vous voudriez… » Noble mais fausse rupture comme il y a de fausses sorties au théâtre, puisque Armand Duval, dans le roman, s’accommodera assez aisément du vieux duc, qui loue même la maison de campagne qui abriteront ses amours non tarifées avec la courtisane amoureuse qui l’embrasse triomphalement Ah, mon cher, vous n’êtes pas malheureux, c’est un millionnaire qui fait votre lit. » Car le roman est d’une cruelle crudité financière sans fard. C’est l’entremetteuse et profiteuse Prudence, cocotte sur le retour, de ces amies dont l’amitié va jusqu’à la servitude mais jamais jusqu’au désintéressement », qui énonce longuement au jeune amoureux idéaliste les exigences du train de vie fastueux d’une courtisane trois ou quatre amants sont au moins nécessaires pour en entretenir une seule. Marguerite, fort cotée, en a deux officiels, le Comte G… et le vieux Duc richissime pour subvenir à ses immenses besoins l’amant de cœur en est d’abord réduit à guetter qu’ils sortent de chez elle pour y entrer la retrouver. Ce seront d’ailleurs les seuls à son enterrement. Histoire d’argent La vénalité amoureuse, juste présente dans l’opéra par la scène de jeu du second tableau de l’acte III, est thème essentiel du roman, L’argent est le cœur de l’histoire d’amour. Le père de son amant exige le sacrifice de la courtisane car il redoute que les amours scandaleuses de son fils avec une poule de luxe ne compromettent le mariage de sa fille dans une famille où on ne sait si la morale ou l’argent fait loi. On y craint surtout que le fils prodigue ne dilapide l’héritage familial en cette époque où le ministre Guizot venait de dicter aux bourgeois leur grande morale Enrichissez-vous ! » Bourgeoisie triomphante, pudibonde côté cour mais dépravée côté jardin, jardin même pas très intérieur, cultivé au grand jour des nuits de débauche officielles avec des lionnes, des horizontales », des hétaïres, des courtisanes affectées et infectées au plaisir masculin que les messieurs bien dénient à leur femme légitime. Sans compter le menu fretin inférieur des grisettes, des lorettes,racoleuses de Notre-Dame-des-Lorettes. En tous les cas, ni l’amie Prudence, ni même Marguerite, ne cachent au jeune amant de cœur la nécessité des amis de portefeuille Marguerite dépense 100 000 fr de l’époque par an, en a 30 000 de dettes ; le duc lui en octroie annuellement 70 000 somme qu’elle refuse honnêtement d’augmenter, et l’on peut supposer que le comte G. pourvoie au reste, mais le compte n’y est pas dans la fuite en avant des dépenses. Alors, le malheureux Armand avec ses 7 000 ou 8 000 fr de rente par an peut se rhabiller, pauvre et nu…Fière de son plan campagnard, sa cure d’amour et d’air frais avec le jeune amant, Marguerite fait financer la location de la maison de campagne par le duc, refusant tout de même, par élégance morale, de lui faire assumer les frais du séjour à l’auberge voisine d’Armand, qu’elle paie elle-même, pour préserver les apparences et la dignité du vieil amant. Elle ne l’invite à demeure un certain temps que parmi d’autres de ses amis, causant la rupture avec le duc qui s’en scandalise en arrivant de manière inopinée au milieu d’un repas où il fait figure de barbon grincheux trouble-fête. Demi-monde fastueux Alexandre Dumas, digne fils de son géniteur, qui disait tout fier de son rejeton marchant sur ses pas qu’il usait les vieilles chaussures et les vieilles maîtresses de son père », tous deux ayant la même pointure », s’était fait une spécialité de scandale de la description du monde de la galanterie parisienne. C’est sans doute à sa pièce Le Demi-Monde1855 que l’on doit le terme de demi-mondaine pour définir ces prostituées de haut vol, pratiquement toutes issues du peuple mais que leur luxe et souvent leur raffinement final feront arbitres des élégances, imposant même leur mode aux femmes du monde les plus huppées, aux aristocrates, courtisanes anoblies souvent par des mariages prestigieux. Qu’on songe, pour ne s’en tenir qu’aux strictement contemporaines, à Lola Montès, l’Irlandaise fausse danseuse espagnole, sans doute amante, entre autres, des Dumas père et fils, parcourant toute l’Europe, multipliant scandales et mariages, bigame, séduisant Wagner, Liszt contraint de fuir ses fureurs, des princes, devenue comtesse de Lansfeld, entraînant à Munich émeutes, révolution en 1848 et la chute de Louis 1erde Bavière, son amant protecteur, contraint d’abdiquer, avant de finir, après avoir écumé les États-Unis et même l’Australie d’une pièce à sa gloire, ruinée et confite en dévotion. Sans allonger la liste des horizontales finissant bien debout plus titrées que maltraitées comme la pauvre Marguerite/Violetta, on croit rêver à lire la vie de la Païva, de sa lointaine et misérable Russie, épousant et divorçant d’aristocrates allemand, anglais, et gardant son nom du titre de marquise portugaise qu’elle conserve après la ruine de cet autre malheureux époux. De ses immenses et innombrables propriétés, on peut juger par le somptueux hôtel particulier du 25 Champs-Élysées, aux grilles noires et dorées, dont Dumas père disait sarcastiquement, lors de sa construction C’est presque fini, il manque le trottoir ». Demeure vite appelée par les rieurs non payeurs, jouant sur son nom Qui paye y va ». Même Napoléon III. La chair est chère, dirait-on. Mais sûrement rentable, chacun y trouvant son compte, en banque pour la courtisane entretenue, en prestige social, précieuse monnaie d’échange pour l’homme dont le train de vie se mesure à celui qu’il offre à sa maîtresse officielle, affichant par-là, pour les affaires autres que d’amour, qu’il est solvable et fiable. D’où la surenchère avec les concurrents, et le triomphe des amours-propres et non de l’amour. Marguerite Gautier, avec une amertume lucide, l’explique à son jeune amant, fauché à cette échelle de valeurs monétaires vertigineuses Nous avons des amants égoïstes qui dépensent leur fortune non pas pour nous comme ils disent, mais pour leur vanité. […] Nous ne nous appartenons plus. Nous ne sommes plus des êtres mais des choses. Nous sommes les premières dans leur amour propre, les dernières dans leur estime. » Un amant de cœur, une fleur à la main, une larme à l’œil comme dit Marguerite, faisant secrètement antichambre tandis que le payeur » comme disait déjà Ninon de Lenclos est encore dans la chambre, c’est donc comme une revanche de l’amour sur l’amour-propre épidermique. Il faut dire aussi que la jeune Marie Duplessis, prise en mains par son premier amant aristocrate, en reçut éducation et manières elle joue au piano l’Invitation à la valsede Weber, même si elle avoue buter sur un passage en dièse, alors que, six ans auparavant, elle ne savait pas écrire son nom comme elle le confesse sans fard à Armand. Elle est spirituelle, lit Manon Lescaut, et ne rate pas une première à l’Opéra ou au théâtre, terrain de chasse certes, où elle ne passe jamais inaperçue malgré son élégante discrétion un noble amant se doit aussi d’être fier de la femme qu’il affiche à son bras. Elle tiendra un salon littéraire et politique. D’ailleurs, le fidèle Comte de Perregaux l’épouse à Londres, la faisant comtesse même si lassée, elle rentre à Paris, reprend son ancienne vie et meurt l’année suivante, après un an d’amour avec Alexandre Dumas fils qui l’immortalise en Marguerite Gautier. Elle habitait Boulevard de la Madeleine, mais Dumas fils lui donne un magnifique appartement » Rue d’Antin. Le rideau se lève sur un vaste salon digne d’elle. Réalisation Pour être moderne, soyons classique ! » s’exclamait Jean Cocteau au début des années 20 pour protester contre certaines dérives artistiques. Depuis un demi-siècle déjà, on redoute, au lever de rideau d’une œuvre classique, le traitement, souvent affligeant que va lui infliger un metteur en scène en mal d’originalité, qui se sentirait déshonoré de respecter l’œuvre pour ce qu’elle est. Austères en ligne, n’était-ce la sombre beauté du ronce de noyer aux délicates veinures fondues de marron, ces murs lisses tissent une élégante et sobre harmonie sur laquelle affleure l’efflorescence de robes floues des femmes, des dames, en délicates teintes pastels, parme, vaguement rose, bleu pâle, paille, délivrées du carcan des crinolines ou raides cerceaux mortificateurs qui auraient signé, avec des coiffures datées, une époque précise. Les habits des hommes sont aussi des smokings libérés d’un temps figé, celui des courtisanes célèbres ayant eu pour butoir la Grande Guerre. La scène n’est pas encombrée de meubles tentures dorées sur le miel ambiant, candélabres, ce canapé noir déjà funèbre qui, à la couleur près, pourrait être Récamier, sauf que les dames, avec la nonchalance des Femmes au jardinde Monet ou autres peintres, préfèrent s’assoir souplement par terre, fleurs écloses épanouies sur les pétales étales de leur robe, qui ont toute l’élégance raffinée de costumes de Katia Duflot. Ce beau monde semble plus le monde que le demi-monde, sans doute assez juste historiquement pour Marie Duplessis qui tenait salon mondain, littéraire et politique, les amants protecteurs pouvant aussi, recevant chez leur maîtresse, y recevoir des gens d’un autre monde qui n’auraient jamais été reçus dans le leur, pour brasser officieusement des affaires impossibles à étaler au grand jour officiel. Mais cette élégance, c’est sans doute aussi une façon pour la metteur en scène à l’origine, puis sa réalisatrice, sa décoratrice et sa costumière, beau quatuor de dames, de dignifier ces femmes souvent décriées et réprouvées par la morale ambiante de surface de leur société corsetée dans les préjugés. On rappellera que, par la volonté d’Audrey Hepburn de faire porter à son héroïne, une humble call girl, une robe noire de Givenchy et de magnifiques chapeaux, la modeste Holly de Diamants sur canapé, atteint à une sorte de mythe de l’élégance féminine. C’est justement au nom de ces belles manières dont devaient faire montre en public les courtisanes, pour racheter par la forme le jour l’informalité de leurs nuits, qu’on s’étonne de la familiarité de ces bises prodiguées dans la première scène. On apprécie le même décor varié, contraste vif avec le salon canaille de Flora, olé olé précisément avec ces toréros de mauvais goût, ces bohémiennes. Le regard complice mais égrillard de Flora à son amie au premier acte en était déjà une aguicheuse annonce et sa danse affriolante, robe et jambes fendues, affolant ses invités et le public, est une élégante bacchanale de la sculpturale Laurence Janot, qui nous émerveille toujours en artiste complète, jouant ici, de crédible façon, l’envers, le revers de Violetta ludique et non pudique, dominatrice même avec son marquis, bien campé par le mince, juvénile et joyeux Frédéric Cornille. C’est aussi un contraste bien vu avec le sombre baron bourru, bourré sans doute, de Violetta, incarné solidement par Jean-Marie Delpasqui, dès sa première apparition, préfigure la meurtrière jalousie frustrée puisque c’est lui qui sera blessé dans le duel qui l’opposera à Alfredo. Carl Ghazarossian est le Gaston qui complète au mieux et ferme la trilogie des fêtards particularisés. Dans ces rôles secondaires, forcément nécessaires, la révélation, c’est Carine Séchaye en Annina, voix claire et figure touchante, plus de suivante confidente que de chambrière et garde-malade de la courtisane. À l’acte II, c’est une juste attitude de reproche qu’elle manifeste envers l’inconscience d’Alfredo qui n’a pas l’air de voir que quelque chose cloche dans le pied sur lequel il vit. Cette subtile attention à tous les personnages est comme une signature de Renée Auphan qui a toujours rendu l’opéra au théâtre, à un théâtre qui n’ignore ni le cinéma ni la télévision, par un travail d’acteurs qui bannit toute outrance du jeu qui y deviendrait insupportable dans les gros plans. Heureuse idée, justement, de faire vivre une de ces silhouettes, c’est le cas du Docteur Grenvil, incarné en de trop brèves phrases par la sombre voix d’Antoine Garcin, mais qui existe ici, même muet, dans l’acte II puisque, belle trouvaille, visiteur dans l’heureuse campagne de Violetta et Alfredo, il en signifie certes et qu’elle va mieux mais que la maladie est toujours là, devenant le confident privilégié du jeune amant enthousiaste, donnant une vérité à un air monologue en général adressé au vent. Dans cet acte, l’intelligente et belle structure unique du décor de Christine Marest, permet, avec les éclairages expressifs et différenciés de Roberto Venturi, sans hiatus, le changement, le passage du I à l’acte II campagnard des plantes d’agrément, un canapé et un fauteuil beige clair, plus marqués néo Louis XV Second Empire ou 1900, et des vêtements intemporels d’Alfredo, sur les mêmes parois marrons allégées de lumière, des camaïeux de bis, bistre, crème, miel glacé. Un univers à la paix retrouvée que vient troubler, avec le crépuscule puis la nuit tombante des rêves de Violetta, l’intrusion douce mais violente de Germont, père d’Alfredo. En costume strict, noir, la raideur d’un col ecclésial lui donne l’air sévère d’un pasteur qui n’est pas un bon berger, oiseau moralisateur de mauvais augure pour la jeune femme rédimée par l’amour, par la clémence de Dieu, mais condamnée par les hommes. Cependant, Étienne Dupuis, dans cette mise en scène, n’en fait pas un personnage odieux. La voix est belle, égale, bien conduite, toute en nuances expressives. Certes, il y a la culpabilisante image de la fille angélique à la fille perdue, l’inévitable chantage aux larmes Piangi, piangi, o misera… » pour les Marie Madeleine repenties ; il ébauche des gestes de tendresse, hésite à embrasser Violetta qui le lui demande, mais cela devient plus pudeur que froideur. À son fils, son air fameux Di Provenza il mare, il sol… », devient une tendre berceuse murmurée où le legato, le phrasé, sont d’une émotion qu’il nous fait partager. Et c’est sans doute aussi la marque de cette production musicale menée souplement et fermement par Nader Abassi les airs les plus connus semblent redéfinis de l’intérieur, leur rythmique, souvent savonnée, retrouvée, met en valeur chaque mot, en polit le sens, nous émerveillant de la subtilité verdienne parfois gommée par des excès vocaux. On trouve ces qualités dès les premières strophes d’Enea Scala, un Alfredo que sa virilité vocale n’empêche pas de ciseler avec une impeccable aisance précise les triolets de son Brindisi » que peu de ténors réussissent dans leur finesse, détaillant avec ivresse son bonheur ou proférant de convaincante façon sa douleur et son remords de l’insulte publique à la femme aimée. Nicole Car, par sa silhouette élégante, sa grâce, son sourire, la finesse de son jeu expressif, est une digne Violetta, de grande classe. Elle se tire parfaitement de ses répliques désinvoltes aux compliments du jeune amoureux ; son récitatif méditatif, dans la tradition baroque des affects opposés comme ceux d’une Donna Elvira, est touchant mais, vite, la voix s’assèche dans les aigus, raidit. On sent l’effort dans la vocalise la plus haute qui monte au ré bémol avant d’amorcer la cabalette vertigineuse qu’elle couronnera d’un aigu tenté, effleuré, mais prudemment glissé à la note inférieure. Cependant dans sa grande scène de l’acte II avec le père, dans une tessiture moins tendue, elle bouleverse de bout en bout tout est exprimé dans une douloureuse douceur, piano ou pianissimo, et son partenaire y répondant par un art consommé, c’est bien un sommet émotionnel rare, pathétique sans pathos, que nous donnent ces deux grands artistes. Nader Abassi, d’entrée, fait naître la nostalgique brume de l’ouverture, comme un rêve évanescent, gommant les zim-boum-boum » percussifs de l’accompagnement un peu forain, qui contrastera avec l’éclat brillant de la fête. Ilsemble parfois tirer de l’ombre de la fosse des couleurs instrumentales qu’on entend rarement, notamment dans le récitatif de Violetta. Même la joyeuse cohue des chœurs Emmanuel Trenque est exempte de débordements autres que festifs, et réglés par la mise en scène. Un grand raffinement. ________________________________________________________________________________________________ COMPTE RENDU, opéra. MARSEILLE, le 26 décembre 2018. VERDI Car, Janot… La Traviata. Abbassi, Auphan LA TRAVIATA 1853 de Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave, d’après La Dame aux camélias1852, drame d’Alexandre Dumas fils tiré de son roman éponyme 1848 – Production Opéra de Marseille Opéra de Marseille, 23 décembre 2018 1430 26 décembre 2018 2000 28 décembre 2018 2000 31 décembre 2018 2000 02 janvier 2019 2000 Direction musicale Nader ABBASSI Mise en scène Renée AUPHAN Réalisée par Emma MARTIN Violetta Nicole CAR Flora Laurence JANOT Annina Carine SÉCHAYE Alfredo Enea SCALA Germont Étienne DUPUIS Baron Douphol Jean-Marie DELPAS Gastone Carl GHAZAROSSIAN Marquis d’Obigny Frédéric CORNILLE Docteur Grenvil Antoine GARCIN Le Commissionnaire Florent LEROUX-ROCHE Giuseppe Wladimir-Jean-Irénée BOUCKAERT Un Domestique Tomasz HAJOK Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille Photos Christian Dresse 1. Le Docteur et Alfredo Garcin, Scala ; 2. Une Violette parme Car; 3. La danse affriolante de Flora Janot. COMPTE RENDU, DANSE. MARSEILLE, les 24 et 25 nov 2018. Concerto, Misatango Julien Lestel. Comme il y a l’art pour l’art, il y a dans cette chorégraphie, le jeu du classicisme pour le classicisme chorégraphique, dans sa pureté, son innocence enfantine, délivré, même avec la musique d’un Tchaïkovski, auteur pourtant des plus célèbres ballets narratifs, de toute narration anecdotique le geste pour le geste, la chorégraphie classique mise purement en scène pour elle-même, pour sa beauté. LE TANGO SUBLIMÉ PAR LA MESSE DE JULIEN LESTEL Trois chorégraphies de Julien Lestel Opéra de Marseille, le 24 novembre 2018 CONCERTO ________________________________________________________________________________________________ Cette chorégraphie, sur le Concerto pour violon en réde Tchaïkovski, présentée au Théâtre Toursky le 24 février 2018, dans le cadre d’une soirée dévolue à toutes les classes de l’École Nationale de Danse de Marseille, était la contribution de Julien Lestel au spectacle, une créationconçue pour les Classes 3C1, 3C2 et DNSP préparatoire. On les retrouve avec bonheur ici. Élèves et ballet mûris de quelques mois mais qui n’ont rien perdu de leur grâce juvénile, de leur fraîcheur. On se borne à en redire les grands traits. Cette chorégraphie éclatait d’abord comme une symphonie en blanc immobile d’un premier tableau, qui s’animait doucement, adagio, dans des lenteurs, des langueurs d’algues ondoyant, ondulant indolemment sous la houle caressante de la musique ou encore des inclinaisons, des infléchissements de fleurs dans la corolle de leur tutu, bercées voluptueusement par un vent amoureux sans hâte avec ces arabesques, ces rondeurs des bras, ces arrondis d’ensemble, ces figures enchaînées comme naturellement, qui semblent l’harmonieuse signature du chorégraphe. Puis cela se détaillait de pas de deux, pirouettes des garçons sur une jambe, entrechats et sauts légers de biche synchrones, jetés des filles, tout le vocabulaire classique concourant à une indubitable beauté, ainsi la strette finale du premier mouvement se résolvant, comme une cadence musicale, dans la cadence des mouvements de bras joués, suspendus dans le glissando infini du violon. Trop longue pour être détaillée avec une précise pertinence, abdiquant le regard critique qui contrarie le regard spectateur, le pur plaisir du voir freiné par l’exercice mental, on s’abandonnait à la fraîcheur, à l’esprit d’enfance préservé, retrouvé, au charme de cette chorégraphie qui non seulement est faite sur cette musique, mais exactement dans la musique, l’épousant, la faisant vivre gestuellement dans ses plus délicats plis et replis, comme dans un temps hors du temps, qu’on eût rêvé suspendu. Digne fleuron du florilège de la danse classique. Concerto par les élèves de l’Ecole Nationale de Danse de Marseille. Sur le Concerto pour violonen ré majeur, op. 35 Piotr Ilitch TCHAÏKOVSKI Costumes École Nationale de Danse de Marseille QUARTET ________________________________________________________________________________________________ Autre univers sonore et chorégraphique, mais nonnarratif si ce n’est une note d’intention qui dicte les attentions pour en percevoir le propos. Sur un fond verticalement barré par des tranches égales aux couleurs estompées d’arc-en-ciel, mauve, violet, vert, bleu, orange dont le spectre horizontal tapisse le plateau, dans une brume ombreuse, étagés sur une minimale estrade métallique, les quatre solistes du Quatuor à cordes de l’orchestre Philharmonique de Marseille. La musique de Phil Glasssemble naître, sourdre comme un murmure minuscule de cette ombre incertaine, un nuage, un nappage vaporeux, pas de sensation de ligne malgré le tissage linéaire des violons ou des cordes graves, lancinant, mais un pointillé, un fourmillement de notes, des grappes, des cellules répétitives, monochromes, tournoyant, à l’effet obsédant, hypnotique ; des accélérations haletantes strient l’espace. Cette musique dite minimaliste emplit au maximum l’espace de la scène, présence fluide, parfois enflée en expansion semble-t-il infinie, comme une fugue, une fuite que n’arrête que l’accident, la volonté du musicien et non la logique en ligne continue d’un développement tonal qui culminera sur la sensible et se conclura sur la prévisible tonique. Au centre du plateau, immobile mêlée, un vague amas, une grappe, un agrégat de corps agrippés, mi penchés sur le sol, indiscernable masse plurielle d’où se détacheront les silhouettes singulières des danseurs. Jeans pour les garçons, shorts noirs, justaucorps bleus pour les filles, notes colorées par des T-shirts masculins aux couleurs détachées, autonomes, de l’arc-en-ciel figé du fond et du sol. Solo des solitudes cherchant le duo qui devient duel, fille et garçon front à front affrontés ; face à face de groupes ou bandes rivales impossibles à souder ; symétriedes fuites de corps et d’âmes parallèles ne se rejoignant peut-être qu’à l’incertain infini, autant dire, jamais si le désir de l’Autre, agresser pour agréer, mains et bras en quête d’étreinte, ne tentait des approches, des rapprochements, même par le viol, la violence désespérée, cherchant à tout prix la communication, pour la communion. Sur cette bruine musicale, vaporeuse, les notes des couleurs dansantes virevoltent dans la quête éperdue des bras tendus vers l’infini fuyant de l’Autre, inatteignable, insaisissable, parfois saisi mais jamais compris complètement, glissant entre les bras, les doigts avec la fluidité, même corporelle, du sable des rêves impossibles à retenir. Les bras se tendent, se distendent, les nœuds se font, se défont, se fondent puis se confondent dans le corps à corps qui embrasse et étreint mal. Échec et chute. Mais obsédante et répétitive comme la musique, comme une inlassable cellule accumulative, impossible renoncement, la reprise du même mouvement, désir inextinguible du Je vers le Nous le solitaire, cherche le solidaire. Vers l’utopique l’idéal de la fusion du Même dans l’Autre, un harmonieux arc-en-ciel final recomposé dans sa fraternelle unité plurielle comme cette musiquegénéreusement disséminée. Signature ou marque sans doute de Lestel, qui paie ici de sa personne au milieu de ses danseurs, intégré dans leur dynamique ou témoin isolé des groupes, les corps dans leurs pires torsions ou contorsions, même tordus, ne sont jamais torturés. Ni angles aigus agressifs ni brisés, mais des courbes et contrecourbes, des ondulations harmonieuses d’algues toujours dans une vivante beauté plastique qui est une célébration de la vie. Gestuelle ondulatoire, avec des mouvements étirés visant à atteindre l’au-delà du geste », dit le chorégraphe, métaphore, certes, mais pour dire, sans doute, le dépassementpar l’allongement de la main, des doigts au bout du bras, du corps dans l’espace, illusion visuelle, virtuelle, comme celle, auditive, du bras du violoniste sur l’archer qui, au bout d’un pianissimo infime sur la note finale, semble prolonger le son à l’infini du silence, sensible alors à nos oreilles la pesanteur de la chair sensible sublimée par la grâce. ________________________________________________________________________________________________ QUARTET Pour onze danseurs Musique Philip GLASS Costumes Patrick MURRU Lumières et scénographie Lo-Ammy VAIMATAPAKO Quatuor à cordes des solistes de l’Orchestre Phiharmonique de Marseille Violon Da-Min KIM Violon Alexandre AMEDRO Alto Magali DEMESSE Violoncelle Xavier CHATILLON ________________________________________________________________________________________________ MISATANGO Messe ________________________________________________________________________________________________ Leterme de messe », est un mot repris de l’expressionite missa est»,allez, la messe est dite’, ou envoyée’ , que prononce le prêtre à la fin du rite il s’agit de l’Eucharistie, célébration du sacrifice du corps et du sang de Jésus-Christ présent par transsubstantiation sous les espèces du pain et du vin dans l’hostie. On distingue, depuis les origines, la petite messe ou messe basse, qui se dit sans chant, et la messe haute ou grande messe, celle qui est chantée par des choristes. En musique, une messe est un ensemble cohérent de pièces musicales pour servir d’accompagnement aux rites liturgiques catholique, anglican ou luthérien. L’effectif nécessaire était à l’origine purement choral. On se mit assez tardivement à faire accompagner par un orchestre les pièces qui la composent. Les textes chantés sont généralement en latin, mais pas forcément. Nombre de grands compositeurs ont écrit des musiques pour la messe, qui peuvent être adaptées pour des circonstances particulières, comme lesTe deum, actions de grâce, lesrequiemou messe des morts. On y retrouve en général les mêmes parties, le Kyrie christe eleison, le Gloria,leCredo, Benedictus,Dies irae, Agnus dei,etc. Depuis le grégorien, les musiques en peuvent être variée. La Misatango ________________________________________________________________________________________________ Renouant avec le succès mondial de la fameuse Misa criolla de son compatriote Ángel Ramírez, créée en 1963, composée en espagnol sur des thèmes populaires latino-américains, le compositeur argentin Martín Palmeri, né en 1965 à Buenos Aires, crée saMisatango, Messe tango’ouMisa a Buenos Aires. Palmieria fait de profondes études de composition, de chant, de direction d’orchestre, titulaire de prix prestigieux. À la tête d’un ensemble choral, quelque peu frustré par la difficulté d’interprétation du tango par un chœur, forcément morcelé par des morceaux sans cohérence entre eux, en hommage à ses choristes et au tango, il décide de composer cette œuvre à laquelle la cohérence de la messe donne une structure et une dramaturgie, allant du credo, de l’acte de foi, de la crucifixion à la résurrection, chant d’espérance pluriel. Ilassocie chœur, orchestre, piano, mais aussi le bandonéon, emblématique du tango. L’originalité, ici, c’est que cette messe se déploie magnifiquement sur le rythme et la musique de tango, une danse née dans les bordels de Montevideo et de Buenos Aires vers la fin du XIXesiècle, longtemps condamnée par l’Église comme danse indécente, immorale. Jolie revanche historique, cette messe a eu l’onction et la bénédiction d’un particulier très particulier, le pape François actuel, Argentin, dont nous savons qu’il fut longtemps évêque de Buenos Aires suprême honneur et consécration, bénédiction même, en2013,cette musique jadis anathémisée est interprétée au Vatican, en l’honneur du Pape, dont on murmure, messe basse plus que haute, qu’il ne dédaignait pas de danser le tango. LaMisatango sera créée en 1996 à Buenos Aires par l’Orchestre symphonique de Cuba, avec les chœurs de la faculté de Droit de Buenos Aires et le chœur Polyphonique Municipal, dédicataires de l’ commence à tourner dans le monde et finit triomphalement l’année 2016 au Carnegie Hall de New York, donnée depuis dans le monde entier. Mais cette version chorégraphiée par Julien Lestelpour les danseurs de sa compagnie est une création, et une réussite. Misatango dansée Dans le silence, dans l’entrebâillement opale ou la déchirure verticale, lumineuse, d’un fond noir comme la Nuit obscurede l’âme de la théologie négative d’un saint Jean de la Croix, une silhouette se détache, se glisse, puis une autre, suivies d’autres encore, apparemment féminines, dans un remous indécis de robe on discernera, dans les premiers mouvements, dans la lumière ombreuse, inspirées peut-être des pantalons bouffants des gauchos, de larges jupes longues, noires, dont on découvrira par intermittence les fendus et revers de pures couleurs, jaune, violet, vert,et surtout, ce rouge flambant. Venu de l’au-delà mystérieux des coulisses, de ce fond de scène comme une limite de ce monde, immatériel par une distance qui semble infinie, invisible, sans être introduit par un Introït d’orchestre dans la fosse, le chœur éclate d’une douce force suppliante pour le Kyrie d’imploration de pitié de Dieu où perce la déchirure du bandonéon sur les accords plaqués d’un piano. Arrachés à la pénombre d’un amalgame indiscernable de formes, des corps, torses nus pour les hommes, dans des transparences de chair pour les femmes, se détachent, scandés par le rythme saccadé, dans une ronde de tournoiements ailés de jupes. Un corps singulier soutenu, retenu dans sa chute par le pluriel du groupe solitude de l’homme, à lui seul l’humanité entière, criant sa douleur dans le chœur, implorant la clémence par son corps. Une chaleur chorale et cordiale, qui vient du cœur’, selon le sens de cet adjectif semble gagner de ferveur les officiants de la danse dont les bustes nus, détachés sur le fond noir sont à la fois fragilité et force humaine. Un même geste, à l’unisson, bras, ouverts et fermés en éventail, en plis et replis du bandonéon, semble, sur ce fond noir, un même mouvement tremblé, décomposé comme celui, fameux, du nu de Duchamp descendant l’escalier. Sur le fond nocturne, les bras et torses nus, éclos des éclats des fendus colorés des jupes, se détachent telle une fresque, une frise mouvante, émouvante. Ensembles symétriques de foule, duos, solos se succèdent sur la houle de la musique déjà poignante des tangos enchaînés. Les groupes se forment dans des mouvements plastiques que, n’était-ce leur permanente mobilité, on dirait issus de sculptures d’un marbre animé, saisi par la fébrilité irrépressible de la vie. La rondeur, le rond, sont comme la matrice formelle de la chorégraphie, une cellule qui se décline en arabesques des bras, forcément répétées, envoûtantes, potentiellement à l’infini. Un infini céleste que tentent sans doute d’atteindre ces sauts dans un envol de campanules de jupes qui semblent éclater, éclore dans l’air, pétales de coquelicots éthérés, frappés fatalement par le poids et la chute. Parmi tant de beautés, un moment de grâce sur le solo en douceur du Gloria par la remarquable chanteuse Lorrie Garcia, un onirique tissage fluide en ralenti des corps, dans une lumière d’abord livide, bras comme des tentacules ou algues ou plantes ondulant dans le flot ou vent de la musique et, plus tard, ce corps élevé comme une hostie christique, bras écartés en croix, mais sans aucune plate et indécente illustration. Sur le Miserere, de dos, un bras masculin a un frémissement horizontal d’aile blessée dans son impossible envol. Le jaillissement d’un bouquet de bras, les doigts comme des pétales éplorés, émergeant d’un faisceau de corps, tendus vers le ciel, devient un appel muet de profundis, de nos abysses, de nos abîmes humains vers les hauteurs ou une tentative désespérée de rattraper un invisible Dieu enfui à tous jamais. Le Sanctus, a une longue introduction au piano, avec quelques accents jazzy, relayé par le bandonéon, avant le solo de la chanteuse sur les tournoiements de derviches des danseurs. Refusant toute référence redondante au tango dansé, Lestel ne tombe pas dans le piège illustratif, il met sa syntaxe et son vocabulaire chorégraphiques, son style bien personnel, au service d’une musique et d’une œuvre, porteuse de sens, à travers les sensations, la sensualité, le sentiment qu’il exprime, à la fois profane et spirituel. En osmose avec son remarquable scénographe et éclairagiste Lo-Ammy Vaimatapako,il est servi magiquement par le chœur doucement maîtrisé d’Emmanuel Trenque et par un chef orchestre espagnol, Néstor Bayona, qui résiste aussi à la tentation ostentatoire de surligner l’hispanité exotique de l’œuvre. Équilibre extraordinaire donc entre fosse, plateau et ce chœur lointain et pourtant si présent. La chanteuse, dans ses solos très marqués par le tango, ne sombre pas non plus dans l’expressionnisme tanguiste » qui afflige malheureusement tant d’interprètes du genre mezzo chaleureux, elle est belle, noble et digne, émouvante. Pieds sur le sol, tête dans les étoiles, l’homme, entre terre et ciel, sublimé par Lestel, dans ce rituel profane et religieux, nous tend un miroir de notre immanence face à la transcendance, de notre finitude confrontée à l’infini Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. » Mais qui tente y des retours, par la foi, par l’art. C’est la réalité terrestre du corps dans la transe, la danse, qui cherche à en épuiser les limites pour les dépasser. Car à l’extase atteinte par le corps, aucun mystique n’échappe, témoin Thérèse d’Avila. Célébration physique pour dire la métaphysique, la mystique religieuse, le dépassement profane du corps dans la quête de l’âme, d’un Dieu caché dans la divinité de la chair en gloire. Si le pape a approuvé a cette musique, le compositeur, lui, a adoubé Lestel pour sa chorégraphie. ________________________________________________________________________________________________ Opéra de Marseille, 24 et 25 novembre 2018 MISATANGO Pour dix danseurs de la Compagnie Julien Lestel Musique Martin PALMERI Chorégraphies Julien LESTEL Lumières et scénographie Lo-Ammy VAIMATAPAKO Costumes Patrick MURRU Direction musicale Néstor BAYONA Bandonéon Yvonne HAHN Piano Vladimir POLIONOV ; Orchestre et Chœur Emmanuel TRENQUE de l’Opéra de Marseille Teaser de Misatango Interview de Julien Lestel Photos 1. Concerto; 2. Quartet Crédit Cécile Manoha ; 3. Misatango Crédit ©IkAubert/ COMPTE-RENDU, concert. MARSEILLE, Samedi 10 novembre 2018, récital de clavecin Christine Lecoin. François Couperin. Heureuse idée, en effet, que de célébrer le jour de la naissance du grand musicien par un brillant récital de clavecin par une de ses meilleurs interprètes, Christine Lecoin. Pianiste et claveciniste, en 1990, elle est l’unique française sélectionnée pour participer à la Master class de Gustav Leonhardt au Symposium International de Clavecin d’Utrecht Pays Bas, invitée ensuite pendant quatre ans, à travailler avec lui à Cologne. L’an d’après, lauréate du Premier Prix du Concours International de Clavecin de la fondation Spivey Atlanta, USA, elle se promène en soliste aux États-Unis et en Europe. Sans abandonner les concerts solistes ou de continuiste dans des ensembles baroques, désormais fixée à Marseille, elle est Professeur d’Enseignement Artistique en clavecin au Conservatoire National de Région, appréciée d’élèves attentifs à sa douce rigueur pédagogique. C’est dans la belle bastide de la Magalone, où elle prodigue aussi ses cours, qu’elle donnait un sensible et élégant récital à l’image même, sonore, du musicien qu’elle servait. La Magalone Il y a des lieux privilégiés où la musique se love en un acte d’amour Symétriquement en face de la toujours moderne Cité radieuse » de Le Corbusier, franchie la ligne du majestueux boulevard Michelet, un mur aveugle d’où débordent des arbres curieux. Un portail à l’ancienne ; un parc de buis taillés, géométrique bassin et fontaine, allées dont la raideur rectiligne à la française est déjouée par la fantaisie exotique de palmiers mêlés aux platanes introduits en Europe au XVIIIe siècle, et magnolias, jardin peuplé de quelques statues un chemin conduit nonchalamment à la belle Magalone, harmonieuse bastide entre XVIIe et XVIIIe siècles, façade et fronton classiques avec des réminiscences baroques. Sa vaste salle d’entrée, scandée de deux majestueux escaliers symétriques aux rampes en fer forgé, sous deux arcs en anse de panier du XVIIIe, portes soulignées de trumeaux et cartouches en style rocaille ornés de trophées dorés aux murs, est un intime salon de musique ancien pour un public choisi atmosphère et proportion exacte des concerts d’autrefois. Concert français Lieu rêvé pour ce clavecin vert, la musique qui s’y va donner, et cette instrumentiste blonde joliment longiligne, ensemble pantalon corsaire noir et ceinture ceinte d’or, d’élégantes espadrilles aux lacets montant sur le mollet. L’expliquant avec le naturel souriant de la pédagogue, elle prend la pose imposée par Couperin même la jambe face au public allongée sous l’instrument forcément sans pédale. Le compositeur, nous dit-elle, dans les préfaces de ses quatre livres de clavecin 1713, 1722, 1730 priait les interprètes, de respecter à la lettre ses partitions, sans ajout ni omission ; dans L’Art de toucher le clavecin 1716 et 1717, le professeur exposait une méthode pratique de jeu, cette position du corps, des doigts, et, surtout, la manière de réaliser les d’agréments. En commentant, spécialiste scrupuleuse, Christine Lecoin, physiquement, entre donc déjà en Couperin avant d’entrer dans sa musique, mais trouvera dans les contraintes, si chères à Valéry, sa paradoxale liberté. Évidemment, on ne saurait réduire à l’unité du semblable les deux-cent-vingt-six pièces composées par Couperin. L’interprète en a choisi quinze, qui la définissent quelque peu par son choix autant qu’elles dessinent un univers du musicien, alternant, dans la manière baroque, le vif et le lent, le gai et le grave. Wanda Landowska, à qui l’on doit la renaissance de l’instrument au XXe siècle, parlait du noble ferraillement » du clavecin, sonore image belliqueuse, qui valait sans doute pour le sien, un Pleyel bien particulier, mais sans doute pas pour Couperin. Homme bien de son temps à cheval sur deux siècles, entrant dans une période rococo qui, après les lourdeurs et pesanteurs grandiloquentes des fastes compassés d’un Versailles crépusculaires, déserte ses immenses galeries, préfère l’intimité heureuse des salons en ville, les formes légères et brèves en art. C’est toute l’esthétique, je dirais l’éthique du plaisir Les idées heureuses d’une Régence délivrée de ce poids. Classés selon des Ordres, appellation particulière, aussi étranges que ses Baricades mistérieuse[sic],aux obsédants amas brumeux d’accords dans le grave, ces pièces courtes, assurément, sont de sortes d’aphorismes musicaux à la touche rapide dirait-on en terminologie picturale, qui sera plus tard en faveur dans la peinture galante des Boucher, Fragonard, Tiepolo La Voluptueuse, La Favorite, La Ténébreuse, des tableautins peignant explicitement des scènes campagnardes idylliques dans le goût pastoral du temps Les Moissonneurs, Les Bergeries, un énigmatique animal Amphibie indéterminé, des portraits peut-être pensés à façon de La Bruyère La Visionnaire, La Ténébreuse, La Lugubre, La Charolaise, ou un catalogue plaisant d’objets dans un style plaisamment représentatif Le Tic-toc, Le Réveille-matin, sans oublier une adorable cantilène berceuse, Dodo ou l’amour au berceau, où l’amoureux XVIIIe siècle, plus qu’un bébé ou Jésus, ne voyait sûrement que Cupidon. Des titres donc par lesquels Couperin, sans les négliger Canaries, dépassait la traditionnelle suite de danses en enfilade, celles-ci servant dans cet échantillon, d’indication de forme, de rythme —ou de signe ou clin d’œil d’identification à ses mystérieux portraits La Ténébreuse, c’est une Allemande » ; La Lugubre est une sarabande », d’origine espagnole, renvoyant, par un ironique renversement cette danse picaresque vive on en a gardé l’expression Faire la sarabande », à la gravité prêtée alors au peuple espagnol ; La Favorite est marquée par une chaconne en rondeau », danse aussi espagnole, mais à la formule réitérative variée, allusion peut-être malicieuse à la ronde incessante des favorites répétées. Qui sait, autant d’hypothèses que nous proposons à ces devinettes mignardes au charme piquant mais mystérieux. En tous les cas, l’expressivité de l’interprète, tenue fidèlement par ces titres souvent énigmatiques de Couperin et ses révélatrices indications de tempo et de caractère Gravement, noblement, gaiement, naïvement, vivement, tendrement, légèrement… » dessine à nos oreilles certes non une musique pléonastiquement figurative, mais peuplées de figures par lesquelles, leur donnant un sens, elle éveille nos sensations, nos visions, nos images l’œil et l’oreille ravis. C’est que le charme du clavecin, incapable d’enfler ou de diminuer le son, sans le forteraccoleur d’autres instruments qui nous tiennent à distance, sans le pianoqui invite à aller chercher la musique, convie à se laisser éclabousser par un flot délicat et délicieux mais entier, par sa fraîcheur ruisselante comme la blondeur solaire de la claveciniste semblait auréolée du nimbe argentin des notes. Cependant, les limites de l’instrument sont habilement fardées ou dépassées par la virtuose passant avec une prestesse de prestidigitatrice du registre aigu au grave, c’est bien l’illusion du passage de piano au forte que nous donne Lecoin Les Bergeries. La dextérité, la célérité de ses agréments, pincés simples ou doubles, ports de voix, tremblements, batteries de croches, trilles, notes très vertigineusement rapprochées, semblent les lier, prolonger la durée du son, colorent une palette de nuances qu’on dénie à tort à l’instrument. Si bien que la netteté précise du son n’empêche pas de doux éclats satinés, diaprés, chatoyants, moelleux, vaporeux art, artifice de la technicienne bien imprégnée d’un temps se plaisant aux trompe-l’œil, qui nous jouant aussi, voluptueusement, de l’illusion d’oreille. Vers la fin du concert, la salle comble, la chaleur des spots affecte un peu la justice et justesse des cordes mais, finalement, pour une oreille contemporaine, délicatesse de plus à savourer comme le fin scintillement d’eau d’une fine cascade, poussière lumineuse irisée par le soleil, se vaporise en arc-en-ciel léger sous le soupir joueur d’un aimable zéphyr. ________________________________________________________________________________________________ COMPTE-RENDU, concert. MARSEILLE, Samedi 10 novembre 2018, récital de clavecin Christine Lecoin. François Couperin. Les idées heureuses Pour les 350 ans de Couperin 10 novembre 1668 – 22 septembre 1733 Récital de clavecin Christine Lecoin Samedi 10 novembre 2018, Bastide de la Magalone, Marseille Compte rendu, opéra. Marseille, Opéra, le 15 juin 2016. Verdi Macbeth. Steinberg / Bélier-Garcia. Triomphale fin de saison à l’Opéra de Marseille. L’OEUVRE. Contexte théâtral théâtre de l’horreur. Tout en s’en démarquant quelque peu, la tragédie de William Shakespeare 1564-1616, Macbeth entre 1603 et 1607, demeure, par sa brutalité, les scènes de meurtre, dans la veine d’un théâtre européen de l’horreur à cheval sur les XVIe et XVIIe siècles dont, en France, Les Juives de Robert Garnier 1583, par leur violence imprégnée de celle des Guerres de religion, demeurent un exemple. Shakespeare, avec son Titus Andronicus vers 1590/1594, ne déroge pas à cette inspiration barbare des pièces élisabéthaines de la fin des années 1580, prodigues en scènes atroces cannibalisme, mutilation, viol, folie. Il y renchérit même sur les œuvres plus que violentes de ses rivaux, tels Christopher Marlowe qui porte à la scène avec crudité la Saint-Barthélemy Massacre de Paris, 1593 et la cuve d’huile bouillante de son Juif de Malte 1589 ou Thomas Kyd et sa Tragédie espagnole. Macbeth fut le plus grand succès public de Shakespeare, longtemps rejouée, traduite en allemand par des compagnies itinérantes. Mais ce mélange d’horreur et de pathétique, dérogeant aux règles de la bienséance classique s’imposant au milieu du XVIIe siècle, la pièce sera reléguée après avoir régalé le grand public. MACBETH, un théâtre de l’horreur Le dramaturge anglais s’inspire librement d’une chronique médiévale relatant des événements historiques, la vie de Macbeth, roi des Pictes, qui régna en Écosse de 1040 à 1057 ; il monte sur le trône en assassinant Duncan, le roi légitime. Mais de cet événement, un régicide, le meurtre d’un roi, somme toute banal dans l’histoire, Shakespeare tire la peinture, le portrait d’un assassin ambitieux certes, mais timoré, freiné puis tourmenté par des scrupules moraux. Cependant, il est incité par sa machiavélique femme, Lady Macbeth, qui le pousse dans la marche au pouvoir qui ne se soutient que par l’enchaînement inexorable de crime en crime. Le couple maudit, rongé par la crainte d’être découvert et le remords, acculé à la surenchère criminelle pour se maintenir au sommet de la puissance, dans son escalade criminelle, trouve son expiation, son châtiment, lui, saisi d’abord d’hallucinations croyant voir même dans un banquet, au milieu des courtisans, le fantôme de Banquo, l’ami qu’il a fait assassiner, elle, Lady Macbeth, son âme damnée, sombrant dans le somnambulisme qui la trahit, dans la folie, lavant sans cesse des mains tachées du sang du régicide, avant de périr. Shakespeare ajoute au drame historique une dimension surnaturelle ce sont des sorcières, qui, après une glorieuse bataille, saluant Macbeth, seigneur de Glamis, du titre supéarieur de seigneur de Cawdor, seront les agents de sa fulgurante ascension politique et de sa chute. En prophétisant ce titre inattendu de seigneur de Cawdor, que lui décerne sur le champ le roi Duncan pour prix de sa victoire sur les Norvégiens envahisseurs, et en lui prédisant qu’il sera également roi d’Écosse, les sorcières enclenchent la mécanique de l’ambition, qui déclenche la tragédie. Elles sont peut-être la manifestation de son inconscient. À son ami, l’autre général, Banquo, elles prédisent également que, sans régner lui-même, il sera l’origine d’une lignée de roi. Quoiqu’il en soit, Macbeth écrit ces prédictions à sa femme et met en route en elle l’ambition fatale qui les perdra tous deux. Sentences célèbres de Macbeth Ce qui est fait, est fait… », Qui aurait dit que le corps de ce vieillard pouvait contenir autant de sang ? », dit la femme fatale, Notre vie est une pièce de théâtre pleine de bruit et de fureur racontée par un idiot, et qui n’a pas de sens » , conclut le héros maudit. Le livret de Francesco Maria Piave est remarquable de concision, supprimant des scènes qui s’éloignent du noyau du drame qu’il resserre, notamment celle, comique, du portier ivre, contraste nécessaire du drame baroque anti-aristotélicien qui mêle les registres. Le massacre de la femme et des enfants de Macduff est réduit à la plainte déchirante de l’époux et père, qui se dressera en vengeur valeureux. De la première version de Florence en 1847 à celle de de Paris en 1865, Verdi a aussi resserré et intensifié la musique d’un opéra qui, dérogeant aux conventions de l’opéra romantique qui exalte l’amour, en fait un drame lyrique nouveau où règne seul l’amour du pouvoir ou la volupté dans le crime et le vertige du remords dans un couple maudit. Réalisation et interprétation Théâtre baroque du monde, mais une scène au fond d’une salle classique livide aux rigidités linéaires de froid édifice d’architecture fasciste, éclairée de deux suspensions Arts Déco. Pilastres engagés, rainurés, accentuant l’angoisse des raides verticales, trumeaux aveugles au-dessus des portes latérales scénographie, Jacques Gabel. Découpées en carreaux égaux impénétrables, les mystérieuses portes frontales seront celles par où se glisse insidieusement à tour de rôle le couple meurtrier, lui, pour tuer le roi, elle, plus froidement, pour assassiner les serviteurs et leur faire porter le poids du régicide. La lumière glaciale Roberto Venturi tombe d’entrée, progressivement, d’une verrière géométrique aux vitres brisées sur l’ombre des murs quelque chose de pourri, sinon dans le royaume du Danemark d’Hamlet, dans celui d’Écosse de Macbeth. Ombre et lumière comme clair-obscur de la lucidité trouant les ténèbres de l’âme, indécise pénombre de la conscience morale assoupie comme le sommeil goyesque de la raison qui engendre des monstres. Les éclairages seront ensuite plus généraux qu’individuels, comme à l’époque baroque, avec ces fonds opaques et glauques de cloaque où grouille un cauchemar de choses inconnues, les sorcières consultées par Macbeth, incarnation objective d’une conscience subjective gagnée par le mal, mais ici surgies en nombre de l’ombre, scène intérieure extériorisée, démons intimes matérialisés, pour peupler une sorte d’asile d’aliénés à la Michel Foucault, théâtre où figure aussi, avec un poussah misérable, le Pape et le Roi près du gueux, image encore d’une vanité baroque de l’inanité des richesses, de la puissance face à l’égalité de tous devant la mort. Peuple idiot » qui, s’il ne raconte pas cette histoire de bruit et de fureur » qu’il a mise en branle, sera, tout au long, l’implacable spectateur, témoin de la farce tragique du pouvoir qui se joue devant lui. Lueurs de l’abondance du sang du meurtre et sa fatale multiplication. Une colossale colonne gagnée de mousse ou de pourriture, descendra lourdement des cintres pour s’encastrer, au centre, reliant ciel et terre, objet lascif d’enlacements de Lady Macbeth, phallique symbole de la puissance du mâle dont s’empare cette virile femme face à un époux veule et vil, peut-être impuissant, copulation monstrueuse à l’échelle de son ambition et de la volupté du pouvoir qui la hante et qu’elle chante, ou anticipation de l’écrasement du couple monstrueux sans descendance. Les sombres costumes Catherine et Sarah Leterrier, hors de longs manteaux en général d’époque et les intemporelles robes des sorcières, pourpoints, hauts de chausses et bottes pour les hommes, s’ourlent au col d’une frise de fraises à la Greco de l’Enterrement du Comte d’Orgaz, et, élargis en délicate collerette au cou des enfants, progéniture sauve de Banquo mais promise au massacre de Macduff, en dit d’avance la fragilité de papillons épinglés plus tard par les poignards des sbires de Macbeth têtes comme sur le plateau des larges cols à godrons de futurs décapités. Les robes des dames éclaireront de gaies couleurs les scènes de cour mais jamais éclairer la teinte obscure générale du drame. Les insolites fauteuils Louis XV sont-ils une métaphore de raffinement pervers dans la brutalité du reste du mobilier, d’intemporalité ou une coquetterie à la mode usée de mêler les époques? La table, un piano, renversés sont des signes connus de décadence et chute, de révolution, chez Frédéric Bélier-Garcia qui signe cette mise en scène. On admire la qualité plastique, l’agencement pictural des groupes, de ce chœur pratiquement omniprésent et admirablement préparé par Emmanuel Trenque, notamment les sorcières qui, sous la baguette nuancée et puissante de Pinchas Steinberg, passent du murmure sardonique au ricanement sarcastique, d’autant plus inquiétantes d’être traitées scéniquement en femmes banales, presque en voisines le mal est parmi nous. Le chef, dès le prélude, donne aux cordes un frémissement de vol effaré d’effroi d’oiseaux de mauvais augure, trilles angoissants, pincements aigus de flûtes affutées et claquement effrayant de cuivres, un éclair, un éveil de cauchemar, glisse l’angoissante onirique et désolée de la scène du somnambulisme. Tout au long de l’œuvre, il nous fera goûter les mêmes qualités de relief délicat pour les détails des divers pupitres et de violence déchaînée sans jamais brouiller les lignes, les volumes d’une œuvre polie par Verdi pendant près de vingt ans. PLATEAU ADMIRABLE Le plateau est admirable. Tour à tour valet servile de Macbeth, assassin à gages asservi aux noirs desseins du maître, une apparition puis médecin de Lady Macbeth, Jean-Marie Delpas, multiplie en peu de phrases une grande présence dramatique et vocale, sombre en timbre mais limpide en diction. Fils du roi Duncan assassiné, menacé lui-même, fuyant le danger et ne revenant que pour hériter de la couronne que lui ont conquise ses partisans, Malcolm est un personnage épisodique et falot, encore réduit par le librettiste, et l’on ne reprochera pas au ténor Xin Wang, timbre soyeux, un manque de présence que le rôle ne lui accorde pas. Beaucoup plus présente par le travail scénique que lyrique, Vanessa Le Charlès, suivante de Lady Macbeth est traitée, cheveux courts et habits masculins, comme son obsédante ombre portée virile, dont les attouchements furtifs de mains avec sa maîtresse laissent supposer une intimité plus grande que celle d’une simple femme homme de chambre. Lorsque on entend enfin les quelques phrases de son joli soprano le contraste est frappant. En époux et père douloureux, d’autant qu’on l’avait vu tendrement en scène avec son enfant, émouvante trouvaille, découvrant au milieu de la masse persécutée l’horreur du massacre de sa famille, Stanislas de Barbeyrac est bouleversant, déchirant son timbre lumineux de ténor de la déchirure de sa chair, retrouvant en jeune héros des accents vengeurs superbes pour terrasser le monstre. Autre père attentif, veillant sur sa progéniture, son fils, et réussissant à la sauver dans la forêt du piège, Banquo, auquel les sorcières ont prédit que, sans régner, il aurait une lignée de rois, est incarné par la noble allure de Wojtek Smilek. Dans son grand air assailli de noirs pressentiments sur la mort qui le guette, il déploie le sombre tissu de sa voix de basse, passant du murmure oppressé à son fils à l’éclat terrible de la révélation lucide du complot jusqu’à un éclatant mi aigu final. On sait que Verdi, toujours soucieux de vérité dramatique, voulait, pour sa Lady Macbeth, un timbre laid mais expressif, ce qui fut la chance de Callas selon son propre aveu quand elle fut choisie à la Scala par Toscanini soucieux de respecter le vœu du compositeur. On ne dira pas que la soprano dramatique hongroise Csilla Boross remplit le réquisit verdien de laideur vocale en revanche, même si l’expression dramatique dans la scène du somnambulisme semble paradoxalement trop sommeiller, sa voix charnue, immense, remplit pleinement toutes les exigences du rôle largeur et couleur égale du timbre, passant avec aisance des notes les plus corsées de la tessiture terrible du rôle aux sauts d’aigus pleins et triomphants. Un triomphe assurément. À ses côtés, en Macbeth, scéniquement et vocalement, le baryton Juan Jesús Rodríguez, triomphe pareillement égale aussi sur tout le registre, sa voix d’airain aux teintes bronzées se joue de la difficulté de ce rôle écrasant sans en être écrasé. Homme du doute, à peine entré dans le premier degré du crime, poussé par sa femme, il traduit si sensiblement ses remords qu’il en deviendrait humain et touchant. Un grand artiste que l’on découvre. Triomphale fin de saison à l’Opéra de Marseille. Opéra de Marseille, Macbeth de Verdi Livret de Francesco Maria Piave d’après la tragédie de Shakespeare Coproduction Opéra Grand Avignon 7, 10, 12, 15 juin 2016 Orchestre et chœur Emmanuel Trenque de l’Opéra de Marseille sous la direction de Pinchas Steinberg. Mise en scène Frédéric Bélier-Garcia. Scénographie Jacques Gabel ; costumes Catherine et Sarah Leterrier. Lumières Roberto Venturi. Distribution Macbeth Juan Jesús Rodriguez ; Lady Macbeth Csilla Boross ; Banquo Wojtek Smilek Macduff Stanislas de Barbeyrac ; suivante de Lady Macbeth Vanessa Le Charlès ; Malcolm Xin Wang ; serviteur de Macbeth, un sicaire, une apparition, le médecin Jean-Marie Delpas ; un hérault Frédéric Leroy. Photo © Christian Dresse / Opéra de Marseille 2016 Compte rendu, opéra. Marseille, Dôme, le 5 juin 2016. Bizet Carmen. Marie Kalinine. Jacques Chalmeau, Richard Martin. Les défis d’une production. Le pari était de taille celle, démesurée, du Dôme. La réussite est à cette mesure ou démesure. Les défis une œuvre fétiche, une salle, un plateau immenses, un nombre impressionnant de cent-vingt choristes et soixante enfants s’ajoutant aux chanteurs, acteurs, sur scène et un nombre nourri de spectateurs pour un financement sous-alimenté frôlant le zéro à cette échelle, n’était-ce la généreuse participation de l’Opéra de Marseille qui sent bien dans cette entreprise de l’Opéra Studio Marseille Provence de populariser l’art lyrique un moyen d’y attirer des gens qui n’y viennent pas ; former les futurs spectateurs par l’intéressement volontaire au projet des lycées et centres de formation professionnelle comme l’an dernier pour la miraculeuse Flûte enchantée qui charma un public nouveau médusé et respectueux, souvent des parents, plongés dans le cœur de la création pendant les mois où leurs enfants avaient participé, sous la direction de maîtres à saluer, à la conception des décors, des costumes, sous l’œil bienveillant du chaleureux Richard Martin qui en signait une magique mise en scène sous la baguette du même Jacques Chalmeau, qui dirigeait déjà la Philharmonie Provence Méditerranée, soixante et dix musiciens en fin de cursus dans les conservatoire de région, auxquels on offre une belle expérience professionnelle. Défis de Carmen Ce noble désir de populariser sans démagogie l’opéra, modeste en moyens mais ambitieux dans ses vœux, était riche d’un fastueux plateau de niveau national et international. Les deux compères, à la scène et à la fosse, Martin et Chalmeau, se retrouvaient donc de nouveau pour cette aventure d’autant plus périlleuse que Carmen est une œuvre patrimoniale, sacralisée et popularisée, qu’on ne touche jamais sans risquer de heurter un public qui a fait d’une œuvre publique une propriété personnelle. Autre risque supplémentaire, déconcerter des connaisseurs par un minutieux travail de recherche d’archives en bibliothèque, Jacques Chalmeau nous offrit le luxe d’une édition critique originale de la partition de Carmen, telle qu’elle fut créée, selon lui, le 3 mars 1875 à l’Opéra-Comique, allégée d’ajouts, allongée de passages supprimés. On ne peut que saluer cette belle initiative musicologique, même si nous pouvons aussi la questionner plus bas. Réalisation et interprétation Remplir l’immense plateau sans effet grossier de remplissage n’était pas le moindre défi relevé par Martin. Il le meuble sans l’encombrer et l’intelligente et sobre scénographie de Floriande Montardy Chérel joue le jeu avec une simplicité qui rejoint le naturel évident de cette production sans maniérisme à jardin, au fond, des structures évoquant vaguement, autant qu’on puisse juger dans des lumières vagues, des murs —sans doute ceux de l’usine, la manufacture de tabac— peut-être des remparts, ceux de Séville où se nichera la taverne de Lillas Pastia, sur lesquels apparaîtra enfin Carmen, juchée, perchée, intronisée physiquement mais avec désinvolture, sur cette hauteur la hautaine gitane ironique, les hommes à ses pieds cherchant vainement à l’atteindre, est d’entrée signalée on dirait par son altitude, une échelle littéralement supérieure par sa beauté au reste des femmes, bien au-dessus du troupeau des hommes qu’elle domine par son intelligence. Quelques cubes, des murets au centre seront aussi banc de repos pour la pause des cigarières, pour des mères de famille, des grand-mères promenant le landau de la progéniture, ou, à cour, socle ou siège, pour les soldats, des gendarmes français des années d’après-guerre où se déroule ici l’action forum antique d’une Séville au long passé romain, agora marseillaise d’une Phocée grecque, bref, vaste place, piazza ou plaza méditerranéenne où chacun passe, chacun va », s’offrant en spectacle et commentaire à tous les autres, toujours témoins de la comédie et des drames en plein air, grand marché avec marchande des quatre saisons, étals de ventes diverses, une carriole avec des oranges des vergers andalous. Et, en fond, en graphismes scalènes par les vidéos suggestives de Mathieu Carvin, les toitures anguleuses d’un quartier ouvrier avec la verticale des cheminées en briques, et les grandes fenêtres hagardes de la manufacture de tabac, sans doute celle, marseillaise, de la Belle-de-mai, parfois traversées d’ombres chinoises. D’autres projections, dans des lumières oniriques, dessineront des épures mouvantes, linéaires, presque abstraites, de paysages urbains ou montagnards la technique d’aujourd’hui pour évoquer et éviter les lourds décors d’autrefois. Sans faste inaccessible à ce monde ouvrier sauf pour les danses gitanes de la taverne, les costumes de Gabriel Massol et Didier Buro jouent avec justesse la mode des années 50, tabliers de travail des femmes sur les blouses simples, d’où se distinguent quelques robes à volants des Bohémiennes, suggérant subtilement, sinon la lutte des classes, celles des ethnies affrontées. Détail touchant à la pause de la Manufacture, les ouvrières s’empressent d’allumer la cigarette mais une mère se presse, se précipite pour en profiter pour donner le sein à son enfant que gardait la mémé. Un camion joyeusement traîné par les enfants de la garde montante, des gendarmes boutonnés jusqu’au col, l’armée gardienne de l’ordre et des travailleurs traverse ostensiblement, occupe l’espace et, groupe inquiétant de noirs corbeaux immobiles à cour et à jardin, deux chœurs de prêtres l’Église, l’autre pilier d’un état répressif de fonctionnaires comme une oppressante famille qui fonctionnait comme l’état, celle de Don José avec la Mère et ses principes au centre, Mère Patrie et Mère Église, Travail, Famille, Patrie. Vichy n’était pas loin et la Libération, de passage au fond, peut être incarnée par la gitane libertaire et ses anarchiques hors-la-loi. On sait gré à Richard Martin, dont on connaît la fibre, d’avoir souligné cette présence inquiétante, non de la religion qui peut aussi libérer, mais d’une écrasante Église espagnole toujours au service des puissants je rappellerai que l’Espagne, loin avoir écrasé l’infâme » voltairien, après la parenthèse libérale due à la Révolution française, l’avait vue revenir, plus puissante et arrogante que jamais, avec le rétablissement même de l’Inquisition, à l’époque de cette Carmen, dans les bagages de Ferdinand VII, le pire monarque de son histoire, que les 100 000 fils de Saint Louis », l’armée envoyée par la France et saluée par Chateaubriand, avait restauré sur son trône, assis déjà sur le massacre et l’exil des libéraux, comme fera, exactement un siècle plus tard le général bigot Franco. Et je ne puis m’empêcher de voir, dans ce dérisoire et luxueux trône de procession porté dans sa vacuité triomphale dans le grotesque défilé final des toreros, piètres héros d’un peuple asservi aux jeux de cirque sans pain, une allégorie de la sinistre mascarade franquiste qui se pavanait encore aux jours où Martin situe l’action. Les masques goyesques de sinistre carnaval tauromachique, le ridicule char de triomphe d’un Escamillo attifé de grotesque façon, dénoncent aussi clairement l’imposture de l’héroïsme de farce d’une corrida où le sadisme des spectateurs paie pour applaudir le sang versé, pour acclamer en direct la torture et le meurtre d’une vie Viva la muerte ! », Vive la mort !’, le cri même du fascisme espagnol. Ce même public qui fera cercle pervers, avide du spectacle sanglant, mais immobile et indifférent au drame qu’il n’empêchera, pas autour de l’estocade finale de Don José à Carmen dans ou hors de l’arène, la même soif de sang. La nécessaire sonorisation des solistes, du moins à la première, pose un problème de réglage spatial les voix du fin fond de la scène, ou des coulisses pour Escamillo et Don José, paraissent plus grosses que lorsqu’elles sont devant où elles retrouvent un volume plus acceptable. Les vifs déplacements des personnages du délicat quintette, perturbant les volumes sont cause sans doute aussi d’une impression de décalage. La joyeuse chorale turbulente des enfants, avec cette distance et ce mouvement, était difficile à tenir à la baguette. Les chœurs, statiques, sonnent bien tout naturellement, emplissant l’espace, tout comme l’orchestre finement tenu par Chalmeau qui, avec une dévotion respectueuse, suit à la lettre les subtiles indications de dynamique et de nuances de volume de Bizet, parfaitement suivi par sa phalange. L’autre problème est le choix, discutable, au prétexte de fidélité originelle, de la version Opéra-comique de Carmen les passages parlés imposent aux chanteurs un déplacement fatigant de la voix qui n’est pas toujours heureux, sans compter le jeu théâtral différent du lyrique. Seules les voix graves, en général parlent et chantent sur la même tessiture et le Zúñiga plein d’élégance de la basse Frédéric Albou, à partir d’un sol ou fa, garde la même égale et belle couleur sombre dans sa parole ou chant. Le handicap du texte parlé ne se pose pas pour les truculents et picaresques comparses, fripons fripés, pendards évidemment pendables, Jean-Noël Tessier, joli ténor, le Remendado, et Mickael Piccone, baryton, le Dancaïre, qui assument allègrement la part opératique comique de l’œuvre. Ce versant presque opérette était annoncé par l’air restitué ici à Morales, excellemment interprété par le baryton Benjamin Mayenobe, une histoire vaudevillesque saugrenue, d’ailleurs soulignée par la projection d’un Guignol. Autre retour à la version originale, le changements de tessiture de Mercedes, redevenue ici soprano léger, délicieusement et malicieusement incarnée par Sarah Bloch, avec sa digne complice en frasques, Frasquita, au timbre doucement voluptueux de la mezzo Hélène Delalande. Seule étrangère » de cette distribution française, la soprano arménienne Lussine Levoni est autant une Micaela étrangère au monde grouillant sévillan et gitan qu’elle est intégrée lyriquement dans un rôle français qu’elle sert avec une voix tendre mais ferme, égale sur toute sa tessiture. Le baryton Cyril Rovery, se tirant sans difficulté de l’air ardu du toréador qui nécessite autant de grave que d’aigu, les chanteurs sacrifiant en général le premier pour faire sonner le second, d’une voix égale, campe un Escamillo certes ostentatoire mais plein de panache, avantageux et généreux de son athlétique personne, vrai star qui ose un strip, lançant spectaculairement son débardeur aux fans, aux femmes, et l’on est heureux qu’il offre la beauté de sa plastique aux dames et à l’envie des hommes plutôt qu’à une brave bête de taureau qui n’en a rien à faire. Don José, c’est le Marseillais international Luca Lombardo, qui a chanté le rôle dans le monde entier, incarnant et défendant le beau chant français. Il unit, à un physique d’homme mûr, blessé par l’existence, la fraîcheur juvénile d’une voix comme une nostalgie déchirante de la jeunesse qui rend plus poignant son émoi devant la jeunesse et la beauté de Carmen. C’est une autre dimension humaine du personnage qu’il apporte à l’œuvre, une vérité passionnelle qui n’est pas simplement l’incompatibilité ironisée par la gitane entre le chien soumis gardien de l’ordre et le loup épris de liberté l’homme accroché à une jeunesse qu’il poignarde, cloue d’un couteau faute de pouvoir la fixer. Ligne de chant, tenue de souffle, sa voix se plie au nuances et nous offre l’aigu de l’air de la fleur en un pianissimo doucement douloureux, voulu par Bizet, que les ténors n’osent jamais en scène. Digne objet de ses vœux, allure, figure, jeunesse, Marie Kalinine, dans la tradition dépoussiérée par les grandes interprètes espagnoles du rôle comme Los Ángeles ou Berganza, est une Carmen de grande classe, non de classe supérieure aristocratique, mais de la noblesse innée gitane, ouvrière, cigarière, contrebandière, mais en rien roturière ou ordurière, ce n’est pas une cagole marseillaise. Comme dans Mérimée, elle se fera castagnettes des débris d’une assiette qu’elle casse pour accompagner sa danse, et qu’elle rejette ensuite avec dédain. Carmen, en latin et en espagnol signifie charme’, sortilège elle est l’intelligence de la femme qui toujours fut suspecte, d’Ève aux sorcières auxquelles l’assimile d’emblée le timoré Don José pour se justifier et s’innocenter de sa folle passion. Velouté coloré de la voix, grave profond sans effet vulgaire de poitrine, elle joint, à l’élégance de la silhouette celle du timbre d’une voix aisée sur toute la tessiture, un jeu tout en finesse, sans effet, qui rend plus terrible, celui comme un coup de poignard qu’elle assène à José d’un murmure cruel Non, je ne t’aime plus», allant au devant de son suicide. Mère et fille, sœurs par la beauté égale de leur silhouette, les chorégraphes et danseuses flamencas María et Ève Pérez, assurent et assument la vérité andalouse d’une Carmen que nombre d’Espagnols, en dehors des emprunts Iradier et inspirations Manuel García de Bizet, sentent comme vraiment espagnole. Version originale de Carmen? Tout en saluant le travail musicologique de Chalmeau pour revenir à l’original de la création, on se permettra quelques remarques. D’abord, les textes parlés ne sont pas donnés, heureusement, in extenso. Même coupés, ils n’apportent pas grand chose sauf un détail de la vie de José qui a fui la Navarre après un drame d’honneur, un duel sans doute, et sont bien moins bons que les récitatifs concis et bien frappés de Guiraud. Les pages orchestrales rétablies sont naturellement belles mais leur légèreté, à une première et seule écoute, tire encore l’œuvre vers le versant Opéra-Comique et l’air rajouté de Morales, cette comique histoire de cocu, la fait sombrer, avec le pendant du quintette des contrebandiers, franchement vers l’opérette. Bizet fut sans doute avisé de les couper et, sans nier le plaisir de la curiosité, il n’y a sans doute pas lieu de sacraliser la première d’un spectacle vivant toujours appelé à bouger l’intérêt historique n’est pas forcément esthétique. Figaro s’était “mis en quatre”, selon l’expression de Beaumarchais pour plaire car la version en cinq actes de la première fut un échec ; Mozart fit un deuxième air pour son Guglielmo de Cosí, plus court, et on ne chante pratiquement jamais le premier, sans compter les retouches d’autres œuvres ; on sait aussi ce qu’il advint du Barbier de Rossini à la première ; Bizet aussi, de son vivant, retoucha le n’a cessé de remanier ses opéras. Par ailleurs, si c’est là la version originale, on s’étonne de ne pas trouver la habanera initialement écrite par Bizet enregistrée en plus » par Michel Plasson dans un enregistrement puisque il abandonna cette mouture et emprunta ce qui est devenu L’amour est enfant de Bohème… » au plaisant duo entre un séducteur créole et une jolie mulâtresse, El arreglito de Sebastián Iradier, qu’il cite, musicien espagnol professeur de l’Impératrice Eugénie de Montijo, connu universellement par son autre habanera, La paloma. Compte rendu critique, opéra. Marseille, Dôme, le 5 juin 2016. Bizet Carmen. La Philharmonie Provence Méditerranée, le Chœur Philharmonique et le Chœur Amoroso du CNRR de Marseille sous la direction musicale Jacques Chalmeau. Mise en scène et lumières Richard Martin. Scénographie Floriande Montardy Chérel ; costumes Gabriel Massol et Didier Buro. Vidéo Mathieu Carvin / Char et le costume d’Escamillo Danielle Jacqui. Distribution Carmen Marie Kalinine ; Micaela Lussine Levoni ; Mercédès Sarah Bloch ; Frasquita Hélène Delalande ; Don José Luca Lombardo ; Escamillo Cyril Rovery ; Morales Benjamin Mayenobe ; le Dancaïre Mickael Piccone ; le Remendado Jean-Noël Tessier ; Zúñiga Frédéric Albou Ana Pérez et Marie Pérez chorégraphie et danse flamenco. Photos © Frédéric Stephan UNE OEUVRE DE SON TEMPS, INTEMPORELLE … Si on veut bien croire, pour entrer dans le jeu misogyne de l’opéra, que Cosí fan tutte ,Qu’ainsi font-elles toutes’, en trahissant, heureusement, ainsi ne font-ils pas tousles metteurs en scène qui, miracle aujourd’hui, se contentent, pour notre bonheur, de respecter texte et musique sans besoin de transposer, de transporter l’œuvre dans quelque insolite Mac Do ou lointaine galaxie une recherche acharnée d’originalité de temps et lieu qui sent depuis longtemps le lieu commun ranci. Bref, on redécouvre tout bêtement que, comme Le Nozze di Figaro, Cosí fan tutte, loin de l’opéra baroque et seria mythologique ou historiciste, sont bien ancrés, avec leurs personnages et situations, dans ce XVIIIesiècle des Lumières, avec ses ombres, là sociales pré-révolutionnaires, ici psychologiques, solairement libertines et ombreusement perverses. Le cœur farcesque de l’intrigue, le pari de deux amoureux pris au jeu d’un roué libertin cynique, le faux départ des deux amants pour une guerre subite, s’il se justifie à l’époque où l’Empereur Habsbourg d’Autriche tente de reconquérir les anciens Pays-Bas espagnols et, l’Espagne, sa Naples perdue, devient invraisemblable dans tant de mises en scènes laborieusement tirées vers notre époque surinformée par médias, téléphone internet même la farce a besoin d’un minimum de vraisemblance car du postulat du pari découle tout le déroulement logique de la suite des événements. Si le retour des amoureux déguisés en nobles turcs ou valaques la Turquie fait alors face à Naples est dans la tradition des turqueries de l’époque et du goût bien attesté des travestissements, déjà assez incroyable même si l’anecdote, dont furent victimes deux dames de Ferrare à Vienne ou isolées dans la sensuelle Naples, sur laquelle se fonde l’opéra est paraît-il réelle, elle serait absurde aujourd’hui avec ces faux Albanais richissimes, même pas migrants, outrancièrement travestis d’habits traditionnels. Sextuor exceptionnel Certes, l’opéra n’est réaliste que dans les sentiments, qui ne sont pas d’un temps, mais intemporels. Justement, sans invoquer la filiation avec le conte de La Fontaine et l’opéra-bouffe de Dauvergne Les Troqueurs 1753 sur l’échange des fiancées, cette œuvre semble emblématique de toute la frivolité et l’inconscience d’une société aristocratique qui danse en 1790 sur un volcan ici, le Vésuve! révolutionnaire Marie-Antoinette, la sœur de l’empereur commanditaire, et sœur légère de nos héroïnes, sera guillotinée bientôt. Despina, dans ses récriminations contre ses patronnes, est cousine de Figaro de Beaumarchais, même édulcoré par la censure de Vienne dans l’opéra. La cruauté froidement expérimentale de l’épreuve et ses déguisements révélateurs, très Marivaux, le cynisme assez Laclos Les Liaisons dangereuses, digne du libertin à l’œil froid de Sade, sont bien des divertissements d’époque d’une classe sociale oisive et décadente que ne biffe pas le bouffe de ce dramma giocoso. Cosí est bien la captivante émanation captée par deux génies, le librettiste et le musicien, de l’air du temps fol et léger d’un Ancien Régime à son crépuscule qui vit naître l’œuvre et qui va mourir avec la Révolution. Et c’est en étant de son temps, profondément frivole, qu’il parle au nôtre en profondeur. Réalisation et interprétation Bains… Le rideau se lève non sur un de ces cafés devenus alors à la mode, mais sur les vapeurs sensuelles d’un bain turc où les deux jeunes officiers demi-nus, fiers de leur corps, et leur philosophe d’ami Don Alfonso, le cerveau, suent, mijotent et se font plus ou moins cajoler par de plus ou moins rudes masseurs enturbannés, prélude logique à la proche Turquie adriatique et turquerie drapée culture du corps pour le culte du cœur dont dissertent ces gentilshommes oisifs avec une volupté volubile sur les mérites respectifs de leurs belles. Lieu mâle de rencontre tout occupé des femmes. Se mettre à nu engage à la confidence et à la vérité, mais qui décide, ici, paradoxalement, du mensonge et du déguisement du pari à vérité drapée, menteurs attrapés. Lit… Le bain a la creuse rotondité matricielle des thermes romains, qui est souvent celle de l’architecture napolitaine du baroque urbain. Sobre scénographie modulable de Roberto Platé, qui devient dès la seconde scène, l’appartement des deux fiancées, fermé d’une immense porte persienne, ouverte sur une abstraite bande jaune et un bleu du ciel ou de la mer, qui évacue l’encombrement décoratif seul élément de décor, un sensuel Saint-Sébastien alangui sur son tronc d’arbre, apparemment érotique objet de dévotion des deux sœurs, que l’on découvre s’éveillant langoureusement dans un lit qui trône ostensiblement au milieu du vaste espace, surmonté du voilage d’un baldaquin ou ciel de lit —promettant le septième— objet à peine légèrement voilé de tous les désirs latents ou avoués l’enjeu dévoilé de l’affaire, le lieu des tendres combats plus amoureux que guerriers. Le plaisir de Dorabella qui s’y attarde paresseusement signe d’avance sa sensualité alors que le baldaquin drapera la pudeur de sa sœur ou couronnera du voile ses rêves matrimoniaux. La haute porte se fermera sur l’injonction de Dorabella jouant la tragédie laissant percer ombre et lumière striée des persiennes, pénombre mentale des sentiments indécis ; et une fenêtre enchâssée donnera plus tard à Don Alfonso le regard du voyeur en surplomb de sa trame sur le drame qui vivent les malheureuses dupées, et la cruelle duperie découverte par Ferrando. Les éclairages de Jacques Rouveyrolles disent les heures qui passent et le passage des émotions, des sentiments de l’ombre à la lumière brutale de la révélation. Dans la tonalité générale de beige, les costumes tout aussi sobres de Jacques Schmidt et Emmanuel Peduzzi, mettent en valeur les soieries, les châles colorés des faux Valaques plutôt des Touaregs, des hommes bleus du désert, le corsage vert et la tournure de Despina. Un parti pris minimaliste qui évacue, avec la barque, les chœurs chantant dans un lointain peu audible. Cela concentre l’attention sur le jeu des six protagonistes et la mise en scène de Pierre Constant, riche de cette pauvreté visuelle mais qui, sans l’encombrer, remplit le vaste espace de trouvailles scéniques bien venues, malgré un mariage final bien a minima pour des époux opulents a maxima à ce qu’on nous en a dit retour au statut quo, noces sans faste, néfastes? On aime, entre autres signes, ces soieries, ces châles orientaux dont on sent bien lorsque les filles se les passent, qu’ils outrepassent l’ornement pour exprimer la possession et la passion du sentiment nouveau, comme Fiordiligi, lucide, se l’enlève comme exorcisme pour revêtir le manteau protecteur de son fiancé à l’amour duquel elle se range après le dérangement de l’émoi physique avec le faux Turc. On avait déjà bien vu, pendant son premier grand air où elle chasse les intrus, l’humour dans sa tentative de ne pas entrer dans ce nœud ni habits en tentant de déchiqueter le lien de la longue écharpe et, faute d’y parvenir, la tordant convulsivement, ne faisant que la nouer davantage. Barrière à l’affrontement ou ancien lieu de rencontre entre Despina et Alfonso, le lit central, aux barreaux démontés, sera aussi champ et armes de bataille entre les prétendants et les prétendues offensées qui les bombardent de ces oranges qu’ils leur ont offertes. Mais le don de l’orange de Guglielmo, accepté par Dorabella, devient promesse de se donner. On ne sait si le metteur en scène a pensé à la symbolique platonicienne, mais non platonique, dans certains pays méditerranéens de l’orange coupée en deux, dont on dit que chaque sexe doit chercher obstinément l’autre la moitié qui lui convient, samoitié. À l’évidence, le masque fait advenir la vérité des caractères et la correspondance des voix assortis la quadrature du cercle de l’orange puisque, les masques déposés, on en revient à la fausse donne conventionnelle de départ le Don Juan Guglielmo avec sa douce moitié Fiordiligi qu’il trompera, la frivole Dorabella avec le tendre Ferrando qu’elle cocufiera. À moins de rêver à l’harmonie des contraires. Notamment dans les finales d’actes concertants, le rythme, est souvent vif au risque de petits décalages —parfois inévitables dans le spectacle vivant— sans la parfaite musicalité et maîtrise des interprètes qui corrigent vite, jouent et chantent avec une égale crédibilité, soumis à la baguette rigoureuse du chef Lawrence Foster. On connaît le sens de l’humour de ce dernier et, on a beau connaître son Cosí par cœur, note à note et parole à parole, on reste encore étonné d’en découvrir, avec émerveillement, des effets instrumentaux ironiques, humoristiques qui soulignent, surlignent, ou contredisent, les tirades pompeuses des protagonistes. Un régal de discours orchestral qui sertit de joyaux les paroles de Da Ponte, dont les récitatifs, vifs et inventifs, sont joliment brodés avec esprit au pianoforte par un interprète malheureusement omis dans la distribution. L’œuvre requiert un sextuor vocal sans faiblesse et nous fûmes ici dans l’excellence. Avec ses airs solistes dans une répartition équilibrée qui correspond aux exigences du temps, deux pour le premier et second soprano selon la terminologie de l’époque mais avec une longueur et une difficulté plus grandes pour Fiordiligi et une amorce d’air et, récit obligé et arioso supplémentaire pour elle Fra le amplessi… », deux pour Despina, deux airs pour les amants, tous plus brefs, et brévissimes interventions d’Alfonso, Cosí fan tutte est un opéra qu’on dirait madrigalesque tant les ensembles sont importants et complexes, duos, trios, quatuors, quintettes, sextuors. Aucune faille dans cette distribution jeu et chant d’artistes aussi bons musiciens qu’acteurs. À Don Alfonso, sachant alléger sa voix pour la volubilité de sa première scène, Marc Barrard prête sa faconde ironique mais, sous l’apparente bonhomie, une noirceur vocale qui colore le cynique philosophe d’une inquiétante dose de perversité jouisseuse à contempler, de sa fenêtre, les souffrances des marionnettes qu’il manipule. Il a une digne partenaire dans la rayonnante maturité de la Despina d’Ingrid Perruche, piquante et picaresque, voix corsée pour femme, sinon du monde par injustice sociale, de ce monde, de cette terre, dont elle nous fait sentir avec émotion qu’elle en a une expérience pas forcément rose sans doute une grande âme trahie par la vie. Le quatuor des amants est d’une fraîcheur et d’une jeunesse qui semblent directement issues de l’œuvre elle-même si le complot est né de l’esprit pervers d’un homme mur et roué, qui, sinon d’imprudents hommes jeunes peuvent y entrer et qui, sinon de naïves oiselles et demoiselles y succomber? Beauté physique et vocale sont l’apanage de ces jeunes chanteurs. Imposant une voix pleine d’assurance virile pour ce sympathique personnage outrecuidant, le baryton basse Josef Wagner campe un Guglielmo gandin, grand gaillard goguenard et élégamment égrillard, dont on entend vite qu’il a sa moitié d’orange dans la chaleur vocale et la féminité chantante à tous niveaux de la belle Dorabella de Marianne Crebassa, qui ne se laisse pas si facilement dorer la pilule à séducteur, séductrice et demie, voix de voluptueux velours sans lourdeur, admirable dans sa parodie d’air tragique, aimable et légère dans le survol, sans poser, sans peser, au charme irrésistible, de son second air, È amore un ladroncello… » Les deux voix aiguës se marient également de manière idéale ce qui rend cruel le retour final aux couples désassortis. Beau gosse mais gugusse naïf et touchant, Frédéric Antoun, a une stature athlétique digne du gymnase et bain du début, force qui rend plus touchante sa faible figure brisée d’amant trahi argentée, la voix est large, solide sur toute sa tessiture, élégiaque pour dire l’ardeur amoureuse, puissante dans le déchirement. Avec une certaine réserve pudique, Guanqun Yu, Fiordiligi, lui semble prédestinée douceur du timbre, léger velours du grave, elle se lance vaillamment dans les deux airs terribles vocalement, hérissés de difficultés du grave aux sauts aigus, avec un bonheur de tessiture, de timbre et d’expression qui bouleversent. Surtitres plats Dans la réussite totale de ce spectacle, on regrettera la platitude des surtitres. Pour les spectateurs qui ne comprennent pas l’italien et la langue savoureuse et savante de Da Ponte, parfois bardée de parodies érudites du latin, de plaisantes références mythologiques, ce ne sont pas ces surtitres qui en donneront la moindre idée. Certes, on ne peut traduire toute l’abondance du texte, mais, même sans contresens, ils sont synthétiques à l’excès, résumés abusivement et gomment systématiquement les images pittoresques, les traits humoristiques et dépouillent les personnages comme Alfonso de sa culture latine finem lauda, Guglielmo de sa mâle verdeur langagière de soldat et Despina, de la populaire truculence de ses jurons son Caspita ! Saperlipopette’, non d’une pipe’, son vigoureux Corpo di Satanasso ! Par la queue du Diable !’, cette queue du diable qu’elle invitait les filles à connaître dans son air sont banalisés à la simple interjection et l’ardent Vésuve que la Napolitaine Dorabella sent dans son cœur est affadi en quelconque volcan ». Compte rendu, opéra. Marseille, Opéra. Le 19 avril 2016. Mozart Cosi fan tutte. Lawrence Foster, Pierre Constant. COSÍ FAN TUTTE à l’Opéra de Marseille Dramma giocoso en deux actes 1790 Musique de Wolfgang Amadeus Mozart 1756-1791 Livret de Lorenzo da Ponte 1749-1838 Les 19, 21, 24 , 26, 28 avril 2016 Fiordiligi Guanqun Yu Dorabella Marianne Crebassa Despina Ingrid Perruche ; Don Alfonso Marc Barrard ; Ferrando Frédéric Antoun Guglielmo Josef Wagner Orchestre et Chœur Emmanuel Trenque de l’Opéra de Marseille Direction musicale Lawrence Foster. Mise en scène Pierre Constant. Décors Roberto Platé. Costumes Jacques Schmidt et Emmanuel Peduzzi. Lumières Jacques Rouveyrolles. Photos © Christian Dresse / Dorabella, maillon faible des deux sœurs Perruche,Yu, Crébassa ; Compte rendu, opéra. Marseille, Opéra, le 16 mars 2016. Puccini Madame Butterfly. Svetla Vassileva. Nader Abbassi… L’œuvre. Reprise d’œuvres du répertoire, reprise de présentations répertoriées sur les mêmes. Sur la genèse de cet opéra, n’en pouvant renouveler forcément l’origine, je reprends donc ce que j’ai déjà dit, avec des ajouts. Papillon épinglé Avant ce chef-d’œuvre, il y eut d’autres œuvres sur le thème Madame Chrysanthème 1882, roman autobiographique de Pierre Loti. Se mettant en scène crûment, il raconte comment, à Nagasaki, le temps d’une escale de son navire, par contrat légal renouvelable d’un mois, il épouse en juillet une jeune Japonaise qu’il quitte en août, la femme pouvant se marier ensuite sans problème, du moins nous dit-on. Porté par la mode orientaliste et l’exotisme colonial manifeste dans Lakmé de Delibes 1883 qui oppose deux mondes, l’Orient er L’Occident impérialiste, le roman à succès fut mis en musique par Messager 1893. Le galant et ambigu Loti récidivait il avait déjà écrit Le Mariage de Loti Rarahu 1882, évoquant un séjour et un mariage à Tahiti, sans oublier une aventure galante à Istanbul, avec, selon lui, une femme du harem. Beaux succès féminin pour un homme qu’on nous dit amoureux de ses homologues. Sa Madame Chrysanthème, mise en musique par Messager 1893, proche de lafuture Butterfly par le thème du mariage entre une Japonaise et un marin étranger, n’est pas exactement une victime, c’est une femme intéressée, faisant une bonne affaire, et non amoureuse de l’homme blanc abandonneur comme la future Madame Butterfly de la nouvelle américaine de John Luther Long, devenue une pièce anglaise mélodramatique 1900 de David Belasco de même titre. Le thème cruel de la geisha épousée, engrossée, abandonnée et suicidée, est ainsi présent dans une actualité sinon une conscience occidentale sûre de son bon droit colonialiste quand Puccini, en 1904, lui donne la finition et la définition qui en font un opéra définitif, qui a éclipsé ces œuvres, qui ne lui ont pas survécu. Encore une fois, comme pour Norma, Tosca, tirées de pièces de théâtre, La traviata, d’abord roman puis pièce, Lucia de Lammermoor, La Bohème, adaptées de romans, c’est la musique qui fixe dans l’imaginaire collectif un sujet errant avant son archétypale mise en forme lyrique. Dans un langage harmonique qui n’ignore ni Wagner et ses leitmotive voyageurs ni Debussy et ses raffinements délicats de timbres mais puissamment personnel, Puccini dote son œuvre d’un orchestre riche et fin à la fois qui en fait un opéra symphonique où les trois airs » sont pris dans la trame serrée d’une musique continue, d’un pittoresque oriental sensible mais qui ne nuit en rien à l’expressive sensibilité universaliste, science musicale savante au service d’une émotion humaine immédiate. La réalisation et interprétation. C’est une reprise de la réalisation mémorable de 2007 par Numa Sadoul. Dans une concise Note de mise en scène », il précise la place primordiale de l’enfant, aux premières loges de la mort de sa mère et du rapt de son père assassin . C’est à travers ses yeux, ses rêves heureux ou cauchemardesques, ses fantasmagories, qu’il nous livre sa vision, à partir du moment où Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille… » ne s’élargit pas ici comme disait Hugo, réduit à deux femmes abandonnées Douleur, nom de baptême final que lui donne sa mère décidée à mourir, n’est pas né dans la liesse mais la détresse qu’on lui a dissimulée. Heureux ceux qui meurent dans la mort consentie, même si on les y a contraints, malheur à ceux qui restent. L’issue rabâchée, le sort de Butterfly scellé depuis l’origine pour le public, c’est le regard sur celui qui reste que porte Sadoul, la compassion inévitable pour la même ne devant pas dissimuler par son pathos l’héritage dramatique reçu par un enfant de trois ans. D’où les passages oniriques dont le petit garçon est le héros central le jour joueur dans l’innocence de l’enfance avec ses petits copains, dont il est déjà différent, la nuit assailli de rêves poétiques et angoissants. C’est sensible et bien venu. La mise en scène de Sadoul, s’inscrit délibérément en contre des japoniaiseries » trop ornementales, qui tempèrent souvent d’un luxe japonisant et de rêve exotique occidental la cruauté d’épure de la situation un officier américain, dans l’arrogance insouciante de son pouvoir de séduction et de la puissance de l’argent, s’offre, le temps d’un séjour à Nagasaki pour une mission militaire, une adolescente, issue d’une famille noble ruinée par le suicide imposé au père par l’Empereur, réduite à la prostitution, apparemment élégante, de geisha pour survivre cruellement avec sa mère. La morale ne trouverait pas grand chose à redire dans l’entretien matériel d’une maîtresse lucide sur sa situation si ce statut de femme entretenue n’était fardé par un mariage à la japonaise, valable 999 ans », vrai pour elle, pittoresque jeu pour lui, résiliable tous les mois, comme la location de la maison qu’il lui offre en même temps. Maison, non luxueuse comme on voit la plupart du temps avec une nuée de domestiques, mais ici une modeste, presque misérable cabane de bois, un petit ponton allant vers un gouffre sur la mer. Il ne s’est pas ruiné pour ce que la jeune énamourée estime paradis, ce fringant officier de frégate fièrement nommée Abraham Lincoln », qui paya de sa vie sa lutte pour l’égalité raciale des noirs esclaves. Avec un nom au ton de rose, Pinkerton, porte lui-même les prénoms Benjamin Franklind’une autre généreuse figure des USA, Président de la première ligue abolitionniste de l’esclavage. Ironie onomastique qu’on ne relève guère… Décor minimaliste de Luc Londiveau, sous les lumières crues ou fantomatiques, livides, de Philippe Mombellet pour la cruauté maximaliste du sujet un abus tragique de pouvoir, le cynisme d’un officier blindé comme son navire contre lequel s’écrase fatalement le papillon brûlé à la flamme de l’amour, épinglé par son propre couteau face à l’infamie de l’abandon et à l’arrachement de son fils elle semble le pressentir en découvrant que, dans le pays de son époux, on épingle les beaux papillons. Le papillon enclos dans son cadre, l’enfant présent dès l’ouverture, la femme sacrifiée, de dos, en croix, comme un tragique épouvantail, signent d’emblée une densité poignante qui pèse sur tout le spectacle. Les costumes sobres et sombres de Katia Duflot, gris, à peine adoucis de teintes bronze, moutarde, vieux rose, même éclairés par la robe blanche de mariage de Butterfly, les ombrelles dansantes, les quelques fleurs de Suzuki, loin des pittoresques estampes japonaises, ont le deuil du bonheur et les couleurs du drapeau américain, une vivacité dérisoire comme l’Hymne américain, ou l’ America for ever », qui retentissent avec une grandiloquence ironique à l’orchestre. La belle robe de Madame Pinkerton, portée avec une élégance opulente de nantie par Jennifer Michel tout en douceur de voix et sympathie pour ces pauvres femmes, culpabilisée d’un crime qu’elle n’a pas commis et cherchant sans doute le rachat par l’amour qu’elle vouera à l’enfant de son mari, montre toute la distance entre deux mondes, accusée encore par la pauvreté sensible de la petite japonaise passée naïvement à l’Occident et à la religion de son mari Vierge de Lourdes, statue de la Liberté corps et âme, avec un brutal retour à l’esprit et chair sacrifiée du Japon l’hara-kiri. Seuls éléments spectaculaires, le rêve de l’enfant, les bulles de savon constellant la nuit, et le cauchemar de Butterfly personnifié par le bonze effrayant en voix et corps Jean-Marie Delpas à la tête des spectres familiaux vindicatifs ligués contre son apostasie, sont intégrés avec force dans la logique dramatique, puissant contraste avec le magnifique interlude du nostalgique et lointain chœur à bouche fermée de l’attente entre veille et sommeil Emmanuel Trenque, douce exhalaison d’un rêve lointain de bonheur évaporé à l’aube éclatante du tutti orchestral. Un orchestre,bien connu etconduit magistralement par Nader respirer les chanteurs dans la tradition lyrique italienne, exaltant l’envolée érotique du duo d’amour, il garde un œil minutieusement attentif aux divers pupitres, fait rutiler dans le forte et cisèle en douceur les couleurs riches et complexes de cette musique à l’harmonie raffinée, aux accords concis changeant rapidement d’atmosphère, tranchant parfois comme une lame et caressant comme un drapé soyeux de kimono. La distribution est nombreuse et bien en place. On reconnaît à peine sous la vraisemblance orientale Mikhael Piccone en Commissaire impérial flanqué de son acolyte Frédéric Leroy en Officier du registre. Même épisodique, elliptique prétendant à l’amour de l’intraitable désormais Madame B. F. Pinkerton qui le repousse bien durement, le Yamadori de Camille Tresmontant réussit à nous attendrir en alternative crédible et sensible, japonaise, à l’officier infidèle américain on souhaiterait qu’elle accepte cette solution. Habillé à l’occidentale en homme qui a saisi le vent et le cours de l’histoire d’un Japon qui commence à s’ouvrir, Rodolphe Briand est un sinueux Goro, entremetteur mielleux et fielleux, mais, lâche face aux femmes qui le battent même, il est presque un attachant et amusant personnage de comédie. En Sharpless, la conscience morale non écoutée, le baryton Paulo Szot, retrouvé avec plaisir, déploie la beauté de sa voix et un jeu sensible sans sensiblerie. Le ténor roumain Teodor Ilincai prête à l’officier Pinkerton un corps de garçon bien nourri et bien pensant du Middlewest, guère raffiné, buvant à même la bouteille sans même penser d’abord à offrir au Consul, sûrement d’une autre extraction sociale, un verre. Ironique face aux éventails, ombrelles et kimonos, aux rituels d’une culture raffinée dont les codes délicats lui échappent, c’est, en quelque sorte, l’éléphant dans le magasin de porcelaine. Guère de malice, apparemment, en lui, ni de cynisme grand seigneur, plutôt une bonne conscience du droit que lui donne l’argent et la jeune puissance américaine, traduite par l’insolence d’une superbe voix éclatante en aigus triomphants de coq érotique et patriotique sans scrupules America for ever !», sûr de lui, sans grandes nuances, avec une impatience masculine du désir que cherche à satisfaire immédiatement sa bonne santé plus qu’une voluptueuse recherche érotique du plaisir baiser plus que faire l’amour. À l’inverse, choc subtil de sexe féminin et de civilisation, la femme, la japonaise Cio-Cio-San, ancienne geisha pliée à l’art d’amour, oppose à la brutalité du désir mâle tous les atermoiements délicats de la coquetterie préparation, jeux préliminaires, poétisation culturelle d’une sexualité qui, sans cela, serait bêtement animale. Et il faut dire que la silhouette gracieuse et gracile de la soprano bulgare Svetla Vassileva, aux gestes et à la démarche comme chorégraphiés, sa grâce enfin, rendent crédible ce personnage de trop jeune fille à l’âge invraisemblable, mais archétype d’une grande âme trahie par la vie qui va vers la grandeur du sacrifice. La voix, souple malgré une indisposition due aux effets pervers du mistral qu’elle nous avouera après, sait allier à la puissance requise pour vaincre la rampe orchestrale de Puccini, l’arc-en-ciel de demi-teintes. Sa dignité sans pathos dans la misère puis la tragédie, rend plus barbare le triomphalisme du mâle occidental, même saisi tardivement par le remords. Son grand air, à genoux d’abord, comme une prière, est une sorte de rêve, une touchante hallucination et son air d’adieu à son fils, l’adorable petit Basile Mélis, une déchirure à vif qui arrache les larmes. La digne Suzuki au dévouement absolu campée par la Roumaine Cornelia Oncioiu, voix ronde, chaude comme il sied au personnage de nourrice et servante, a un rayonnement maternel émouvant, déchirée de détresse dans son inutilité à sauver sa maîtresse. Dans des rôles différents en importance, le trio des trois femmes différentes est un contrepoint finalement solidaire et touchant, sans défenses, au monde du pouvoir écrasant même le Consul malgré sa morale, le représente des hommes dominants. Compte rendu, opéra. Marseille, Opéra, le 16 mars 2016. Puccini Madame Butterfly. Nader Abbassi, direction. Numa Sadoul, mise en scène. Madama Butterfly de Puccini à l’Opéra de Marseille, les 16, 18, 20, 22, 24 mars 2016 Distribution Cio-Cio San Svetla Vassileva Suzuki Cornelia Oncioiu Kate Pinkerton Jennifer Michel Pinkerton Teodor Ilincai Sharpless Paulo Szot Goro Rodolphe Briand Le Bonze Jean-Marie Delpas Yamadori Camille Tresmontant Le Commissaire impérial Mikhael Piccone L’Officier du registre Frédéric Leroy Douleur Basile Mélis. Chœur de l’opéra de Marseille Chef de chœur Emmanuel Trenque Orchestre de l’Opéra de Marseille Direction musicale Nader Abbassi. Mise en scène Numa Sadoul. Décors Luc Londiveau. Costumes Katia Duflot. Lumières Philippe Mombellet. Photos copyright Christian Dresse 2016 Compte rendu, opéra. Marseille, La Criée. Cavalli L’Oristeo, 1651. Recréation. Jean-Marc Aymes. On ne reprendra pas ici tout ce qui s’est dit de Cavalli et de l’Oristeo que l’on trouve dans tous les dossiers de presse à l’occasion de sa magnifique résurrection dans le cadre de Mars en Baroque par le Concerto soave. Je me bornerai à apporter des éléments pour montrer que ce compositeur, presque né avec le siècle, à près de cinquante ans, avec un librettiste qui meurt l’année même d’une création qui en marque la moitié, est la synthèse géniale, pragmatique, de toute une effervescente réflexion esthétique théâtrale et musicale de 1600 jusque-là. Comedia, commedia, opéra » Tout siècle qui commence s’éprouve comme neuf. De l’Astronomia nova de Képler aux Musiche nuove de Caccini 1600, 1601, des sciences aux arts, c’est l’enthousiasme de la nouveauté qui est la marque du Baroque, de tous ces créateurs que nous qualifions aujourd’hui anachroniquement de baroques » et qui, tous, dans une guerre de manifestes », se revendiquent de la nouveauté et se proclament hautement modernes. » Dès les premières années du siècle, en Italie, en Espagne, on a réglé leur compte aux Anciens », dans une Querelle des Anciens et des Modernes » qui ne sera soldée, en France, qu’au tournant des XVIIe et XVIIIe. Musique nouvelle. C’est la prétention à la nouveauté, à la primauté, à la paternité de l’invention de recitar cantando, qui expliquent la course de vitesse entre Peri et Caccini pour leurs respectives Euridice 1600, et tout le déferlement d’œuvres nouvelles en compétition d’originalité, de polémiques amplifiant la querelle entre la prima et la seconda prattica en Italie[1]. Des fondateurs de la Camerata de’ Bardi et Vincenzo Galilei, père du savant, qui théorise en 1581 le dialogue entre la musique ancienne et moderne Della musica antica et della moderna , en passant par Vincenzo Giustiniani partisan d’une musique actuelle Discorso sopra la musica de suoi tempi, 1628, Pietro della Valle, qui en réclame la paternité en 1640, on entend jusqu’au milieu du siècle les échos de la querelle dont le traité de l’Espagnol Caramuel résonne encore et la résume dans son Ars musicæ Vienne, 1646, qu’il publie en castillan à Rome Arte nueva de música, 1669. Au milieu du XVIIe siècle de l’apogée de Cavalli, donc, la musique scénique, rappresentativa, s’est imposée partout en Europe sauf en en Italie même, vocalement, passé l’engouement de la nouveauté du recitar cantando, on commence à en dénoncer la monotonie, et Domenico Mazzocchi, dès 1626, dans sa préface à La catena d’Adone, explique qu’il a semé son œuvre de mezz’arie, de moitié d’airs’, pour compenser l’ennui tedio du récitatif. La voie est ouverte pour la fluidité musicale de Cavalli, glissant insensiblement d’un récit arioso à un air concis qui refuse encore la clôture symétrique de l’aria à venir, son da capo se réduisant souvent au simple retour de deux vers, catalyseur exemplaire d’un demi-siècle de musique en Italie. Comedia et livrets. Une Italie aux trois quarts espagnole. De la Sicile au Royaume de Naples confinant aux portes de Rome où l’Espagne fait encore les papes, en passant par le Milanais, avec Gênes et Florence comme satellites ou alliés, à l’exception de l’irréductible Venise, toute la péninsule subit la politique et l’empreinte culturelle de l’Espagne. Notamment de son nouveau théâtre, la comedia nueva, théorisé en 1609 par Lope de Vega et son Arte nuevo de hacer comedias en este tiempo, Art nouveau de faire du théâtre pour notre temps’, adressé à l’Académie de Madrid. C’est le premier manifeste, dont se souviendra Hugo, du théâtre moderne ici et maintenant, le Baroque, sans les nostalgies passéistes du classicisme figé dans l’imitation antique. Déjà annoncé par Giordano Bruno et son Candelaio abandon de la règle artificielle des trois unités d’Aristote, de temps, de lieu et d’action. À quoi s’ajoute l’uniformité de style et de ton tragédie et comédie séparées. À l’inverse, au nom du naturel, de la vie, Lope mêle allègrement le tragique et le comique, celui-ci dévolu à des personnages populaires, doubles cocasses des maîtres, souvent les valets, traducteurs en langue simple des propos alambiqués des nobles héros un théâtre intelligible pour toutes les classes sociales. L’action n’est plus unique mais sans qu’on puisse réduire à l’unicité son protéiforme théâtre, elle est souvent dédoublée avec deux intrigues parallèles, affectant en général deux couples, les deux jeunes premiers et les symétriques seconds, dans un quadrille aux chassés-croisés amoureux et quiproquos vaudevillesques. Faustini, le librettiste de Cavalli s’en fera une spécialité. Foin des cinq actes pesants on passera à trois actes, les deux entractes occupés par des délassements comiques musicaux, les entremeses qui donneront plus tard, unifiés, l’opera buffa. Adieu les sujets mythologiques chers aux grosses et chères machines du théâtre de cour[2]. Dans des cours modestes en plein air et jour corral, justement se joue ce théâtre savant et populaire à la fois, dont les intrigues foisonnantes et palpitantes vont nourrir nombre de scenari de l’italienne Commedia dell’Arte, dont le Don Juan et sa statue parlante qui court l’Europe, ainsi que les mélodrames, le théâtre mélodieux’, dont certains de Cavalli, comme son fameux Giasone, son dramma per musica le plus représenté, qui s’inspire de La viuda valenciana et de La fuerza lastimosa du même Lope, ainsi que son célèbre Xerse, qui en reprend Lo cierto por lo dudoso[3]. Polymétrie. Il est vrai que Lope de Vega est une mine extraordinaire de sujets avec les mille-huit cents comedias qu’on lui prête neuf cents sont documentées. Abondance qui s’explique par la technique d’écriture rapide qu’il a mise au point et formalisées dans son Arte nuevo. Il envoie aux orties l’unité de style aristotélicienne, préconise la polymétrie et un mètre de vers adapté aux situations les récits relatos, s’écriront en vers de romance, c’est-à-dire le mètre de la poésie populaire héritée du romancero, octosyllabes avec une simple rime assonante et uniforme aux vers pairs, et des parties plus élaborées, en rimes consonantes, parfois des formes closes, lyriques, comme les sonnets. Il est difficile de ne pas voir, dans ce bilinguisme » métrique de la comedia en trois actes, et cette exigence de variété naturelle de tons, de mètres, comme un antécédent de celui du dramma per musica qu’imposera Venise contre le florentin, le faisant descendre du Parnasse et Permesse d’Orphée à la joyeuse kermesse polymorphe vénitienne. Rhétorique des affects. On peut gager que les académies italiennes qui discutaient du nouveau théâtre espagnol, entre autres la vénitienne des Incogniti dont les membres parmi lesquels Faustini et Ciccognini, librettistes de Cavalli dédièrent nombre de poèmes à Lope, n’auront pas manqué de noter la première et rapide exposition, dans l’Arte nuevo, d’une théorie des affects et des moyens rhétoriques de les exprimer sur scène[4]. Pour la musique, l’ouvrage Musica poetica 1606 de Joachim Burmeister semble plus cryptique et lointain. Plaire au plus grand nombre. Car ce qui caractérise Lope, chantre du théâtre public pour tous, c’est un pragmatisme mercantile que, face à ses détracteurs, il affiche sans honte avec une logique cynique Si le peuple qui paye y trouve un agrément, Tout moyen pour lui plaire en devient pertinent. Contrainte du théâtre commercial privé plaire au public dont dépend sa survie, acte moderne de génie créateur autant qu’affairiste qui est aussi la marque de Cavalli comme le démontre abondamment Olivier Lexa dans sa biographie. Changement de lieux. Quant à la polytopie, la multiplication anti-aristotélicienne des lieux de l’action, qui font rêver les spectateurs, encore théorisée par Lope, elle est formulée par Cervantes dans une de ses pièces, dans ces quelques vers de romance, La comedia est une carte où à peine un doigt distant tu verras et Londres et Rome et Valladolid et Gant. Peu importe au spectateur que je passe en un instant de l’Allemagne à l’Afrique sans qu’il bouge pour autant, car la pensée a des ailes et il peut bien, un moment, me suivre partout en rêve ni égaré, ni fatigant. L’Oristeo ressuscité L’œuvre. Des trente-trois opéras connus de Cavalli, sur les vingt-sept conservés, il est le seul de sa main, mais sans les soins d’un exemplaire soigneusement recopié dans l’atelier du compositeur, ce qui fait imaginer ceux de Jean-Marc Aymes pour en déchiffrer l’écriture, défricher le fatras, remplir les vides et assurer la réalisation musicale. Exemplaire travail à en juger par le résultat.< Entre 1651 et 1652, Cavalli et Faustini associés dans leur théâtre Sant’Aponal de Venise, la première salle lyrique de l’histoire fondée et dirigée par un librettiste et un compositeur, inaugurent avec L’Oristeo le premier des quatre chefs-d’œuvre de leur fructueuse association La Rosinda, La Calisto et L’Eritrea, qui ont en facteur commun le mélange des genres musicaux et dramatiques. Le sujet, avec le quadrille de jeunes amants sans doute puisé dans la comedia espagnole, a la complication du roman baroque qui s’est forgé avec la redécouverte, à la Renaissance, de ce que l’on appelle le roman grec » ou byzantin du IIe au IVe siècle de notre ère dont le modèle canonique est Théagène et Charicléeou les Éthiopiques, d’Héliodore aventures et mésaventures de deux jeunes amants qui sont séparés et subissent des épreuves à rebondissements multiples avant de convoler enfin en justes noces.< Drame et vaudeville Ici, comme dans La Forza del destino de Verdi inspiré de la pièce espagnole de A. S., Duque de Rivas, dans un malheureux combat nocturne, le roi Oristeo, le héros amoureux, tue accidentellement le père de sa promise, la princesse Diomeda et celle-ci, si elle ne s’enferme pas dans un couvent comme la verdienne Leonora, fait un vœu religieux de chasteté. Assez relatif puisqu’on la découvre au lever de rideau acceptant avec complaisance les hommages empressés du prince Trasimede, lui-même promis de la princesse Corinta déguisée sous le nom d’Albinda, tentant de récupérer son fiancé volage, elle-même convoitée par Oresde, un rustique maître jardinier qui lui conte lourdement fleurette, tandis que le roi Oristeo, sous le masque de Rosmino, sous-jardinier, essaie de reconquérir son ingrate beauté. Bref nous avons un schéma dramatique classique A aime B qui aime C aimé de D, aimée de F, et une situation que l’on dirait vaudevillesque puisque tout ce monde se retrouve en même temps où il ne faudrait pas, dans un même lieu la cour de Diomeda. Ce petit monde s’abandonne aux délices et poisons de la guéguerre d’amour, des dépits amoureux qui font bouger les lignes du quadrille, quand la vraie guerre fait irruption dans leur tendre univers Corinta, est détrônée et poursuivie par un usurpateur ; Trasimede, vainement exhorté à l’action par Erminio, prosaïque et ironique soldat d’amour, risque de perdre son trône dans les mollesses de sa passion pour Diomeda et les deux sont poursuivis par l’adverse Nemeo, puis par Eriale, le fils vengeur d’Oristeo qui les croit meurtriers de son père disparu. A chacun, donc, son escorte d’assassin. Une sorte d’intermède mythologique des trois Grâces avec le cynique Intérêt, chantre de l’amour vénal, et du favorable Cupidon, opposera la gracieuse bienveillance des dieux à la fatalité qui séparait les couples, qui, masques déposés, réconciliés, convoleront en justes mais de justesse noces. Réalisation et interprétation Un couple, devant le rideau, amorce une explication, pas très explicite, de la complexe intrigue. On manquera ainsi de clés sur les nombreux personnages, dont deux déguisés, affublés d’un faux nom, et treize autres assumés par les mêmes six chanteurs ; sept autres rôles masculins sont interprétés par des soprani travesties, une Grâce est de sexe masculin, seul Oristeo, en genre et nombre, ne chante que sa part. On mettra cela sur l’étroite comptabilité économique du théâtre aujourd’hui et, gentiment, sur le compte de l’ambiguïté sexuelle baroque, mais la clarté n’y trouve pas le sien. Les maladresses et faux sens de la traduction des surtitres, donnant systématiquement les couples de héros comme mariés alors que toute l’intrigue repose sur leur désir effréné d’hymen, couronné à la fin, n’éclaireront guère notre lanterne. Les lanternes, justement, au lever de rideau, posées sur le sol, captent et ravissent notre attention sur fond ombreux de la vaste et profonde scène jonchée de roses, métonymie fleurie du jardin, elle soulignent de leur belle et sombre clarté, à jardin, une masse de musiciens, le chef, au clavecin et orgue, les cordes, et, avec le même effet caravagesque de luminisme/ténébrisme à cour, les vents, cornets à bouquin, flûtes à bec, un basson, une guitare baroque et un archiluth auquel le rai de lumière, qui caresse sa coque et sa hampe tel un mât gréé de ses cordes, au gré des mouvements de l’interprète, donne des allures de navire ancien prêt à prendre le large. Une rampe de cierges couronne les deux masses orchestrales qui n’en feront, féerique, qu’une seule en seconde partie. Le discret éclairage rasant arrache de l’ombre les corps et les visages avec une impression d’authenticité scénique baroque qui n’a pas oublié les leçons de notre ami Eugène Green, de son disciple Benjamin Lazar, dont se réclame le metteur en scène Olivier Lexa. Ces lumières Alexandre Martre sont déjà une belle réussite. Elles illuminent les lignes métalliques dorées d’un siège duo, parfait pour les amants qui se font face ou dos de dépit, une balançoire des nonchalances amoureuses ou des indécisions du cœur qui balance, une tonnelle, des chaises de jardin de même style. C’est léger et poétique. Tout l’immense fond de scène est occupé, ouvert sur l’espace, en première partie, par la vidéo d’un jardin labyrinthe amoureux à l’italienne où passe un garde avec une hallebarde au milieu de statues antiques Giardino Giusti de Vérone et, en seconde, d’un horizon marin vu d’un promontoire Castelo di Duino, Frioul. C’est d’une grande beauté, évoquant les grands tableaux baroques. Les costumes, choisis par Julia Didier dans les atelier de l’Opéra de Marseille, jouent le jeu d’une époque sans trop d’époque, en général dans le goût du XVIe siècle, seul Oristeo à la fin, rendu à sa dignité royale est en vêtements du XVIIe siècle, les Grâces, Penia, ont de seyantes robes années 30-40, les jardiniers en tabliers et canotiers, armés de brouette et arrosoir, fantaisie de bon aloi. Fort joyeusement, Olivier Lexa,ne sacrifie pas à la doxa de l’actio ou gestique baroque de ses prédécesseurs, en inventant une d’abord plaisante gestique qui tient de la gymnastique et des gestes et mouvements stylisés, saccadés, de la Commedia dell’Arte, bien en mesure, mais dont la répétition un peu trop mécanique, contrevenant à la souplesse de la musique variée, use vite la surprise. C’est le même défaut de l’excès répétitif de certaines trouvailles qui en neutralise l’effet personnages se roulant par terre, grimpant sur des chaises, mimant ce que chante l’autre dans un faux duo. Le déferlement de la guerre dans cette Cour d’Amour et les déguisements ne sont pas traités, épaississent une confuse action pourtant d’une grande géométrie de relations. L’intérêt, le piquant théâtral d’un déguisement est que le spectateur est en surplomb de l’action et connaît ce que les personnages ignorent. À part Oristeo Rosmin, dont le travestissement était annoncé dans le prologue parlé, les autres personnages, inconnus, non définis, semblent surgir d’on ne sait où ni pourquoi. Olivia Lexa, annonce d’entrée, dans le programme, une mise en scène résolument ironique et comique de l’œuvre ». Il ajoute Les lamenti de Cavalli ne sont pas toujours écrits pour nous faire pleurer » ce qui suppose que certains le sont, estimant même, arbitrairement, qu’ils sont pensés pour nous faire rire », sans qu’il apporte ni argumentation ni preuve. Conviction subjective démentie par leur musique émouvante si ce n’est bouleversante, dont les imprécations des héroïnes trahies. L’invraisemblance des situations n’empêche pas la vérité des sentiments, l’irréalité des actions, la réalité de la douleur, comme dans Cosí fan tutte. Ainsi, dans l’uniformité comique, les saillies ne font plus justement saillie sans effet de rupture. La dérision générale donne une unité de ton aristotélicienne à une œuvre qui ne l’est pas, efface le mélange de drame et de comédie, de ce dramma giocoso, drame joyeux’ que, par un anachronisme, le metteur en scène prétend paradoxalement qu’elle préfigure. Bref, si l’on renonce au sens d’une pièce qui n’est malgré tout pas insensée dans ses conventions pour s’abandonner à la seule beauté des images, à la sensualité de cette musique, le bonheur est parfait. Bonheur du raffinement de la réalisation de Jean-Marc Aymes, de ses brefs interludes orchestraux, à la souplesse de son soutien aux chanteurs, de ses appels de vents pour des passages martiaux qui seuls, sinon la mise en scène, colorent les passages guerriers. On goûte voluptueusement ce flot continu, sinon de simple favellare in armonia, de recitar col canto à basse continue, mais de récit obligé, déjà plus accompagné instrumentalement, qui tourne insensiblement, sans la stratification du da capo postérieur, à l’aria, toujours brève, qui ne pèse ni ne pose mais s’impose par un bonheur mélodique séducteur et accrocheur. Réminiscences montéverdiennes, couleur d’époque, ou main de la femme de Cavalli dans la copie de L’incoronazione di Poppea ?, on savoure des formules connues comme la jubilante Speranza, speranza » de Corinta, un jeu d’échos intertextuels qui ravissent le mélomane averti. Tous les interprètes sans exception dominent ce style baroque vibrato contrôlé, maîtrise des gruppi, du trillo encore caccinien, trille martelé sur une seule note comme cadence, ponctuation finale des phrases, aisance dans les vocalises qui ourlent les mots-clé. L’ambitus vocal de cette période de l’histoire lyrique est encore raisonnable, ne vise pas à la prouesse de la tessiture et c’est pratiquement en voix naturelle » que chantent les personnages, sauf quand l’expressivité dramatique l’exige pour les deux héroïnes, Diomeda, ductile soprano, joliment interprétée par Aurora Tirotta qui sera aussi un Amour frais et fripon, déchirée en imprécations hystérisées par le metteur en scène, et la Corinta de la mezzo Lucie Roche qui incarne aussi en belles formes Pénia, déesse de la pauvreté mais aussi mère de l’Amour, donc pratiquement Vénus, dont le désespoir amoureux la porte à l’extrême des aigus de son timbre chaud et voluptueux. Elles sont dotées d’airs d’une grande beauté musicale, vocale et dramatique. Successivement Erminio, Nemeo, deux mâles soldats en léger soprano d’humour, Maïlys de Villoutreys retrouve sexeet glamour dansune Grâce. Même miracle théâtral du travestissement défroqué pour Lise Viricel, gracieuse Grâce et vindicatif Euralio. Pour faire et parfaire le trio des Grâces, inattendu, dans sa robe moulante à plongeant décolleté, Pascal Bertin, contre-ténor, sinon en contre-emploi certains rôles comiques de vieille femme étaient dévolus à des hommes, se taille, sinon de guêpe, un beau succès comique, tout comme en Oresde, jardinier libidineux, qui ne lâche pas Albinda Corinta, mais lâche lâchement son maître à l’heure du danger. Celui-ci, le ténor Zachary Wilder, prête au roi Trasimede la beauté de son timbre lumineux, tout logiquement d’argent pour incarner L’Interesse, l’Intérêt’ qui vante l’amour contre or sonnant et trébuchant. Ne trébuche pas non plus malgré les chausse-trappes de la mise en scène qui fait jucher les chanteurs sur des chaises branlantes, mais voix d’or bien sonnante, le baryton Romain Dayez, stature imposante qui s’impose en faux jardiner mais vraiment royal Oristeo. Et tous ces interprètes, jeunes, sont sur scène, vocalement et théâtralement, comme chez eux. Surtitres plaisants Une réussite donc, un spectacle qui devrait tourner. Avec la précaution de corriger les surprises de l’amour et de l’histoire, pour de bon comiques, des surtitres tu blanchis » pour tu pâlis », une fois Zeus », une autre Jupiter », tous ces époux », épouse » qui brouillent les cartes de ces fiancés, de ces promis aspirant au mariage, devenus de la sorte tous adultères, qui font de Diomeda une aspirante bigame puisque, malgré le vœu de la Grâce I qu’elle redevienne l’épouse de l’amoureux Oristée » qu’elle repousse, elle cherche à le devenir de Trasimede. Quant au langage galant, précieux, européen, de l’amour, il offre aussi ses involontaires cocasseries on avouera que, au climax de ses imprécations douloureuses, si Diomede s’estimant dédaignée reproche à l’infidèle Trasimede Tu brûles pour un autre flambeau » ardi per altra face », cette princesse a bien sujet de se plaindre de se voir préférer un lampadaire d’époque et que le roi objet de ses fureurs fait mieux que le Xerxès de Cavalli amoureux d’un platane, alors que le malheureux, dans l’original, est accusé, dans la langue de Molière, de brûler d’une autre flamme. » L’Oristeo Dramma per musica de Francesco Cavalli 1602-1676 Livret de Giovanni Faustini 1615-1651 Création à Venise, teatro Sant’Aponal 1651 Recréation mondiale Mars en Baroque Marseille Théâtre de La Criée Le 11 mars 2016 Coproduction avec le Venetian Centre for Baroque Music et l’Institut Culturel italien de Marseille ; coréalisation avec La Criée ; en partenariat avec l’Opéra municipal de Marseille. L’Oristeo a été diffusé sur France-Musique le 19 mars à 19h08 au cours d’une soirée consacrée au Concerto soave de Jean-Marc Aymes et María Cristina Kiehr. Direction musicale Jean-Marc Aymes Mise en scène Olivier Lexa Assistant à la mise en scène Simon Allatt Lumière Alexandre Martre Costumes Julia Didier fournis par l’Opéra de Marseille Régie générale Romain Rivalan Assistant régie Nicolas Wattine . Technicien vidéo Michele Piovesan Distribution Oristeo Romain Dayez Diomeda, Amore Aurora Tirotta Erminio, Nemeo, Una Grazia Maïlys de Villoutreys Corinta, Penia Lucie Roche Oresde, Una Grazia Pascal Bertin Trasimede, L’Interesse Zachary Wilder Euralio, Una Grazia Lise Viricel Concerto Soave – Jean-Marc Aymes Marco Piantoni, Anaëlle Blanc-Verdin, violons Cécile Vérolles, violoncelle Pieter Theuns, archiluth Tiago Simas Freire, Sarah Dubus, cornets à bouquin/flûtes à bec Anaïs Ramage, basson Mathieu Valfré, clavecin Elena Spotti, harpe Jean-Marc Aymes, orgue, clavecin et direction Photos François Guery © 2016 [1] Je renvoie à mes livres D’Un Temps d’incertitude, Deuxième Partie, II. Nouveau, moderne 1, credo Baroque ; II Nouveau, moderne 2 manifestes de la nouveauté, Sulliver, 2008, p. 151-170 et Figurations de l’infini. L’espace baroque européen, Deuxième Partie, La musique conquise sur le ciel, Sous le signe d’Orphée, le Baroque, le Seuil, 1999, Grand Prix de la Prose 2000. [2] Lope de Vega est le premier librettiste d’un opéra, à sujet mythologique entièrement chanté à l’italienne » mais en espagnol, La Selva sin amor 1626, musique perdue de Piccinini et Monnani, dont il reste le texte et l’émerveillement de Lope sur les machines et les effets scéniques de Cosimo Lotti. [3] Cf Olivier Lexa, Francesco Cavalli, Actes Sud, 2014, 131. [4] Cf B. Pelegrín, D’Un Temps d’incertitude, Première Partie, VII. L’empire des passions, p. 95-116, Rhétorique scénique des passions p. 107. POLYPHONIE, POLYFOLIE. L’Ensemble Calísto chante l’amour à plusieurs voix. Plusieurs voix, plusieurs voies de l’amour, mais pas de voie de fait sinon la douce violence d’une parole amoureuse sans corset pour une musique apparemment corsetée par la polyphonie, en réalité libre sinon libertine, d’une folle virtuosité vocale pour dire les folies vertigineuses d’un érotisme comme elle aussi savant dans son expression que trivial, commun, courant populaire. La polyphonie érudite par quelques uns pour quelques uns, rendue à tous par une exécution impeccable du groupe Calísto a cappella qui démontre, en se jouant des difficultés, les paradoxes d’un art raffiné non confiné à l’élite mais délicieusement délité à la délectable jouissance de tous. Polyphonie Issue du chant d’église où le grégorien primordial s’étage d’abord en deux voix, puis plusieurs, le motif premier, la teneur, immuable, du texte sacré musicalement glosée, ornée, ourlée, chantournée mais religieusement respectée par les autres voix la reprenant peu à peu, pas à pas, en décalage, architecturée par la science musicale inféodée aux mathématiques depuis Pythagore, supposée à l’image d’un univers réglé par le Grand Architecte, ses croisements de lignes sont à l’oreille ce que la croisée d’ogive est à la vue dans l’architecture ogivale, avec sa clé de voûte soutenant un édifice symbolique total divin et humain. Bref, la polyphonie, effroi sacré, fait frissonner, effarouche, surtout en son acmé de la Renaissance, son apogée foisonnant et flamboyant, au sens de ce gothique tardif renaissant qui ne cesse de mêler, d’entremêler dans un rêve infini, les lacs et entrelacs de ses lignes horizontales superposées en accords consonants ou dissonants, mais conjoignant peu à peu par les nœuds verticaux du contrepoint. Avec la Renaissance, où la foi aveugle le cède à l’interrogation lucide, avide d’autres horizons que le Ciel et ses béatitudes, la polyphonie s’émancipe du texte sacré pour consacrer le bonheur terrestre l’enjeu religieux cède le pas au jeu, au grand dam de l’Église qui en fustige la frivolité. Chanter la femme. Et nous avions, pour fêter cette Saint-Valentin des amoureux, avec un décalage temporel digne de la polyphonie, unis comme les doigts d’une main, les cinq joyeux lurons de l’ensemble a cappella Calísto Benoît Dumon contre-ténor, Rémi Beer Demander ténor, Daniel Marinelli baryton et alto, Jean-Bernard Arbeit baryton-basse et Jean-Christophe Filiol basse-baryton. Ils sont à tour de rôle récitants et en jeux de rôles chantants, à trois, à quatre, à cinq, nous offrant, avec un plaisir communicatif des textes festifs, lascifs, jouissifs, lestes et verts, en gros du milieu du XVIe siècle avec une incursion au XVIIIe et une inclusion de la Madeleine de Palestrina, comme un remords ou clin d’œil à l’origine pieuse de la polyphonie mais il est vrai que cette pécheresse a des lettres de noblesse en volupté et que Jésus, son Maître adoré, préféra toujours récompenser davantage les grands péchés que les petites vertus. Ces joyeux lurons, à travers ces morceaux choisis sur la femme, comme on dirait avec gourmandise ses bons morceaux », la chantaient en ses avouables beaux yeux », mais aussi son beau tétin » Clément Janequin, mais en passant par son conin », gentiment décliné en con, con, con », sans oublier la métaphorique sans doute non de face mais pile cheminée », où l’on dirait en noble latin irréligieux mais révérencieux que se glisse augusta per angosta viam. Ils chantaient donc la Femme. Non la cruelle Belle Dame sans Merci des platoniques troubadours, idéalisée à l’image de la dame parfaite, la Vierge, qui, de Dante en Pétrarque, hante de son inaccessibilité l’imagerie érotique dépurée du mâle culpabilisé en ses désirs, remise en vogue par Pietro Bembo au début du XVIe siècle, mais la femme tangible, sensible sensuelle au sens du temps, bref, concrète, complète même en savoureux morceaux détaillée, comblée on l’espère ou sinon, qui réclame fort librement un complément plus qu’un compliment sous le voile transparent d’une métaphore noire Ramoney-moi ma cheminée », Nicolas de Cellier d’Hesdin, ou s’ébroue d’un rabiot de volupté Secouez-moi, je suis toute plumeuse » Dambert. Jeux de sons, jeux de sens, troubles et doubles sens où l’on voit, et entend, que même l’époque libertine de Campra L’autre jour, Isabelle fait écho au libertinage de la Renaissance, comme certains costumes des fêtes galantes de Watteau reprennent les fraises, cols et coiffures du XVIe siècle. L’ensemble Calísto non seulement ravissait l’ouïe mais l’esprit par ces textes souvent à double entente, avec la détente à l’évidence théâtrale aussi qu’entraîne la polyphonie avec ses effets des diverses voix entrant en scène et sa mise en espace, en jeu, des mots par les échos consonants ou dissonants également théâtralisés un art à entendre et à voir. On comprend alors les décrets condamnant la polyphonie du Concile de Trente 1545-1563 qui lance la contre-offensive contre le protestantisme, la Contre-Réforme catholique et sera un vecteur essentiel du Baroque. Pour ce qui est de la musique, le Concile dénonce les excès de la polyphonie de la musique religieuse qui, tout à la délectation de l’ouïe », en oublie le sens religieux de paroles devenues incompréhensibles à force d’entrecroisements de lignes vocales savantes et d’entrées décalées des voix sur le même texte de la sorte brouillé. Ce n’était pas nouveau. Une bulle du pape Jean XXII la condamnait déjà en 1322 Certains disciples d’une nouvelle école, mettant toute leur attention àmesurer les temps, s’appliquent par des notes nouvelles à exprimer des airs qui ne sont qu’à eux. Ils coupent les mélodies, les efféminent par le déchant, les fourrent quelquefois de triples et de motets vulgaires, en sorte qu’ils vont souvent jusqu’à dédaigner les principes fondamentaux de l’Antiphonaire et du Graduel, ignorant le fonds même sur lequel ils bâtissent, ne discernant pas les tons, les confondant même, faute de les connaître. Ils courent et ne font jamais de repos, enivrent les oreilles, et ne guérissent point les âmes. » Mais il faudra attendre la fin du XVIe siècle, face aux vives critiques des luthériens qui dénonçaient cette débauche sensuelle de sons offusquant le sens religieux pour que la Contre-Réforme catholique, réagisse et impose un retour à une musique plus simple, qui donne le primat au texte religieux, au dogme. La musique religieuse, pour des raisons éthiques exige donc un retour à la monodie accompagnée, au chant sur une seule voix avec des paroles compréhensibles. La musique profane, pour des raisons esthétiques, suivra aussi ce chemin avec l’avenir lyrique qu’on lui connaît. Mais sans réussir jamais à éteindre, on le sait, la polyphonie. Compte rendu, concert. Marseille, Temple Grignan, le 13 février 2016. Polyphonie, Polyfolie, l’amour à plusieurs voix. Ensemble Calisto. Concert de la Saint-Valentin. Campra, Dambert, de Celliers d’Hesdin, Gombert, Janequin, Josquin, Lassus, Ninot le Petit, Palestrina, Richafort, Sermisy, Sweelinck, Vázquez. Photo B. P. Marseille. Cavalli L’Oristeo. Recréation. Les 11 et 13 mars 2016. Evènement au Théâtre de la Criée à Marseille le chef Jean-Marc Aymes dirige l’opéra de la maturité du vénitien Francesco Cavalli, génie du drame lyrique en Europe au XVIIè. Cavalli saisit par sa loangue suave, poétique, grivoise parflois, contrastée mais toujours d’un raffinement superlatif. Le compositeur travaille étroitement avec le poète librettiste Faustini tous les deux s’engagent pour une série de chefs d’oeuvres, s’éloignant des théâtres San Cassiano et San Moisè jusque là familièrement investis ; Cavalli choisit donc le Teatro San Aponal, de mai 1650 à la fin 1651 soit pour quatre nouveaux ouvrages dont L’Oristeo, premier opus d’une tétralogie qui comprend ensuite, La Rosinda, La Calisto et L’Eritrea. Selon un schéma habituel voire conventionnel, L’Oristeo met en scène les épreuves d’un couple soumis à maints défis et obstacles, qui in fine, en un lieto final heureux, se retrouve enfin, plus aimant que jamais. Mais les épreuves auxquelles doit faire face le roi Oristeo sont d’autant plus délicats que sa future épouse a fait vœu de chasteté… Oristeo saura-t-il infléchir le cœur de son aimée ?Faustini est d’autant plus impliqué dans la création de ces nouveaux opéras qu’il s’agit de son nouveau théâtre et que dans l’écriture des effets spéciaux, la machinerie permet des personnages volants, emblème désormais de la salle concernée. Venise ne cesse alors d’inventer, de surprendre pour séduire voire fidéliser de nouveaux spectateurs à l’opéra public. La partition de L’Oristeo serait d’autant plus passionnante à suivre qu’il s’agirait du seul manuscrit entièrement de la main de l’auteur, les autres ouvrages nécessitant l’aide d’un atelier de mains secondaires, sans compter son épouse qui a généreusement copié nombre des manuscrits. Ici donné en recréation mondiale, l’Oristeo est le premier opus de la tétralogie du Sant’Aponal » que Cavalli et Faustini créèrent dans leur » théâtre à Venise au début des années 1650, réalisant une sorte de sommet lyrique vénitien, directement héritier des meilleures créations du maître Claudio Monteverdi, une décennie auparavant. Le Sant’Aponal demeure la première salle lyrique de l’histoire fondée et tenue par un librettiste et un compositeur. L’Oristeo inaugure une nouvelle forme de liberté, une conception artistique et esthétique inédite, dans le processus de création lyrique, qui s’appuye surtout sur l’entente entre les deux auteurs, musicien et poète comme Busenello et Monteverdi et plus tard, Da Ponte et Mozart. Succèdent à L’Oristeo La Rosinda, La Calisto et enfin L’Eritrea. L’Oristeo souligne la dimension comique du répertoire vénitien, annonçant l’opera buffa et le dramma giocoso du siècle suivant ; l’intrigue très efficace mêle les registres musicaux canzonette et lamenti et dramatiques en une grande liberté de ton. Après la mort fortuite de son père, la princesse Diomeda a fait voeu de chasteté alors qu’elle devait épouser le Roi Oristeo. Ce dernier, pour être à ses côtés et tenter de la reconquérir se déguise en jardinier, donnant lieu à de nombreux quiproquos, avant que les différents couples ne s’unissent… Amour, amour… L’Oristeo de Francesco Cavalli et Faustini Venise, 1651 Marseille, Théâtre de la Criée Vendredi 11 mars 2016, 20h Dimanche 13 mars 2016, 15h . Direction musicale Jean-Marc Aymes Mise en scène Olivier Lexa Assistant à la mise en scène Simon Allatt Costumes Opéra de Marseille Distribution Oristeo Romain Dayez Diomeda, Amore Aurora Tirotta Ermino, Nemeo, Una Grazia Maïlys de Villoutreys Corinta, Penia Lucie Roche Oresde, Una Grazia Pascal Bertin Trasimede, L’Interesse Zachary Wilder Euralio, Una Grazia Lise Viricel Concerto Soave – Jean-Marc Aymes Alessandro Ciccolini, Marco Piantoni, violons Cécile Vérolles, violoncelle Pieter Theuns, archiluth Tiago Simas Freire, Sarah Dubus, cornets à bouquin/flûtes à bec Anaïs Ramage, basson Mathieu Valfré, clavecin Elena Spotti, harpe Jean-Marc Aymes, orgue, clavecin et direction LIRE aussi notre dossier spécial Francesco Cavalli Compte rendu, concert. Marseille, Bibliothèques G Defferre, le 5 février 2016 Le Chevalier déconcertant. Moins déconcertant chevalier que concertant car tout concerte ici, musique, mise en scène et texte pour faire de ce Münchhausen en herbe, bavard baron, bavasseur bambin barré, bardé de bobards, de phrases, pris au mot, aux jeux de mots, non un concert sinon ce qu’au XVIIIe siècle, après Rousseau et son Pygmalion, on appellera, au sens strict du mot, un mélodrame, du théâtre déclamé entre et sur de la musique le Tchèque Benda s’en fera une spécialité et même Mozart sacrifiera au genre avec Thamos, roi d’Égypte, le Pierrot lunaire de Schönberg en étant un moderne avatar. Mélodrame, mini drame de minots en l’occurrence, sans outrance minimisé grâce au charme d’un texte de Raoul Lay et Charles-Éric Petit qui sait jouer, sans emphase, de l’enfance sans infantilisme, déjouant le piège dramatique de la cruauté enfantine des cours de récré, des bancs impitoyables de l’école, où Rudolf, jouant malgré lui les têtes de turc, va devenir, par le jeu, la tête d’un groupe d’amis,Wolf, Bolto, Flynt et Owen, se jouant du harcèlement, des persécutions, résistant à l’agression par l’arme du verbe les mots contre les maux. Plutôt que de devenir une grande âme d’avance trahie par la vie, il met de l’art, de l’imaginaire dans la vie. Concertant chevalier déconcertant Les six musiciens arrivent et repartiront au grand galop désordonné d’écoliers turbulents dans la salle de classe quand la cloche sonne l’entrée et la sortie et les instruments deviennent faciles facéties, clarinette longue-vue, cordes pincées du clavier, bâillement de l’accordéon, miaulements, couinements, prélude forain étirant les tonalités, qui n’a pas oublié la valsante fête foraine de Wozzeck, comme la rythmique parfois cligne du coin de l’œil vers L’Histoire du soldat de Stravinsky. Directeur de l’Ensemble Télémaque voué à la musique contemporaine qui court l’Europe et créateur du PIC qui la reçoit Pôle Instrumental Contemporain, le compositeur Raoul Lay, dont on sait la vaste culture musicale, nous offre en souriant ses citations amicales insérées dans son complexe tissu personnel musical, et dirige du piano, avec la minutieuse rigueur et la gestuelle géométrique qu’on lui connaît, ses musiciens ravis. Le texte s’amuse à être amusant et nous amuse, nous prenant dans son jeu, mais sans abus d’enfant ou d’enfantillage, semé de jeux de mots pas trop téléphonés l’écrivain qui se livre », le canard qui se confie », le canard laquais », sur des cocasses caquètements cancannants de la musique, et les images plaisantes fusent le binoclard, têtard à hublots », la meute des mâles », l’agité du bocal ». C’est plaisant sans forcer la note, mais les notes suivent onomatopées musicales, transcriptions sonores de bulles de bandes dessinées qui font partie d’un répertoire devenu aujourd’hui patrimoine moderne coups de timbales, vibrations du vibraphone, pépiement de flûte, éclat décalé expirant de trompette comme un pneu qui se dégonfle. La musique dessine, anime par ses figures ces figurations de dessin animé. Tous les musiciens entrent dans un jeu autant réglé par la musique que par la mise en scène, pratiquement musicale, d’Olivier Pauls. Il est vrai qu’il joue et jouit d’un instrument exceptionnel avec la comédienne Agnès Audiffren, aussi à l’aise dans les grands rôles tragiques que dans cette comédie qui l’insère étroitement, chorégraphiquement, en musique, dans la musique et entre les musiciens. Chaussée de bottes, chemise à jabot, jaquette dix-huitième siècle, affublée et offusquée d’une fantaisiste perruque bicolore, elle se glisse avec souplesses ou fausse maladresse garçonnière entre les musiciens, entre notes et mots qu’elle nous distille avec une grâce et un humour, irrésistibles, nous tenant en haleine pendant près de cinquante minutes, sans répit, avec un texte à une voix, paradoxale monodie polyphonique, unique par le narrateur impersonnel qui conte, et multiple par les personnages qui racontent, la bande des cinq, les cinq galopins attendrissants. Coulée dans la musique, admirablement dirigée, elle joue une partition physique, visuelle de tout son corps et de son mobile visage où passent toutes les émotions. Finalement, cette parabole, sans fariboles, s’envole, à son échelle modeste, du côté des grands fous dont la folle sagesse rachète la folle folie du monde Don Quichotte au grandiose et poétique et éternel esprit d’enfance. Bon enfant mais non infantilisant, pour enfants et grands, inscrit dans le programme de Télémaque, Grandes musiques pour petites oreilles, ce récit musical nous invite sympathiquement à les ouvrir toutes grandes, même nous, qui ne sommes pas petits. LE CHEVALIER DÉCONCERTANT Récit en musique de Raoul Lay, à partir de 9 ans. Livret de Raoul Lay et Charles-Éric Petit, d’après E. Raspe Création – Vendredi 5 février 2016 – Marseille, Bibliothèques Départementales Gaston-Defferre Livret Raoul Lay et Charles-Eric Petit, d’après E. Raspe Mise en scène Olivier Pauls Comédienne Agnès Audiffren Musiciens Charlotte Campana, flûte; Linda Amrani, clarinette ; Gérard Occello, Trompette ; Solange Baron, accordéon ; Christian Bini, percussions ; Raoul Lay, Clavier Electrique, samples et direction. Photo ©ensembletelemaque Agnès Audiffren PROJET PÉDAGOGIQUE Entre janvier et mai 2016, une centaine de collégiens – Henri Barnier 16ème, Jean Moulin 15ème, Darius Milhaud 12ème – vont suivre des ateliers de pratique vocale et percussions pour donner, aux côtés des musiciens de Télémaque, une version enrichie » du Chevalier Déconcertant en mai 2016 à l’Alhambra. CALENDRIER DES REPRÉSENTATIONS Jeudi 4 février à 14h30 au PIC – 16ème arr. Séance scolaire Vendredi 5 février à 14h30 à la Bibliothèque Départementale Gaston Defferre – 3ème arr. Séance scolaire Vendredi 5 février à 19h00 aux Bibliothèques Départementales Gaston-Defferre – 3ème arr. Samedi 6 février à 15h00 au Château de la Buzine – 11ème arr. Mercredi 10 février à 15h00 au Musée du Château Borély – 8ème arr. Jeudi 11 février à 10h00 et 15h00 à l’Atelier des Arts – 9ème arr. séance centres aérés. PROGRAMME DU PIC Pôle Instrumental Contemporain 36 montée Antoine Castejon, 13016 MARSEILLE Réservations 04 91 39 29 13 13 mars 2016, à 17h30 MALUCA BELEZA Quintet musique brésilienne – jazz 25 mars, 19h CHŒURS DE FEMMES -Biennale des écritures du réel 26 avril 19h30 ENSEMBLE TÉLÉMAQUE Concert en partenariat avec la Casa de Velázquez de Madrid 31 mai 19h30 COMME JE L’ENTENDS Benjamin Dupé Velléitaire Hamlet. Il faut, symboliquement, que le Père meure pour que le Fils advienne. L’Aiglon n’avait aucune chance face à un Aigle de père mort mais immortel. Mais sa chance historique aura peut-être été de ne pas régner après lui, comme celle de la trois fois reine Marie Stuart dont la fin tragique lui a laissé une place dans l’Histoire que son histoire ne lui aurait pas accordée. Né de l’Autrichienne Marie-Louise et de Napoléon, proclamé Roi de Rome à sa naissance en 1811 à Paris, apogée politique et militaire de l’Empire de son père qui en fera son héritier à son abdication en 1815, l’Histoire ne nous dit pas grand chose de ce pâle jeune homme mort en 1832 sinon qu’en 1830, alors qu’une nouvelle révolution chasse encore les Bourbons de France et restaure, effaçant la Restauration, le drapeau tricolore, on mise sur lui des espoirs de rétablissement de l’Empire, occasion qu’il ne sut ou put saisir exilé dans ce fantôme de Versailles de Schönbrunn, autre Sainte-Hélène, autre Elseneur pour cet Hamlet viennois, fasciné par l’action, il ne passera jamais aux actes, se rongeant aussi à rêver de venger son père, faute de le ressusciter. Un destin avorté favorable à la légende, d’abord forgée en collaboration par les poètes marseillais Auguste Barthélemy et Joseph Méry, course immobile à l’abîme entre ce qui fut et ce qui aurait pu être. Hamlet Viennois Intronisé duc de Reichstadt en 1818, il ne montera jamais sur le trône impérial que lui avait prévu son père, ni aucun autre par lignée maternelle, bien que le titre de Roi de Rome, dont le para habilement Napoléon, le désignât d’avance comme candidat à celui de Roi des Romains porté par les héritiers élus du Saint-Empire romain germanique, apanage des Habsbourgs, tel son grand-père maternel l’empereur François Ier. Et pourtant, en dehors des bonapartistes français, la Grèce libérée du joug ottoman, la Pologne et la récente Belgique lui offrirent leur trône. Il avait été cependant proclamé officieusement Napoléon II après la seconde abdication de son père, à quatre ans, avant que Louis XVIII ne reprît la couronne royale quinze jours. Même la série de ses prénoms, Napoléon François Charles Joseph Bonaparte, puisés dans ceux des deux familles, révèle l’enjeu dynastique et politique pesant sur l’enfant, par ailleurs petit-neveu, par sa mère, de Marie-Antoinette et de Louis XVI. Même s’il fut culturellement germanisé, il ne fut pas persécuté mais chéri dans sa famille autrichienne qui lui permit de réapprendre le français. Mais, son existence et sa filiation impériale étaient un potentiel facteur de troubles dans une Europe en paix qui se remettait lentement des désordres de l’épopée napoléonienne. Né pouvant avoir tout, il n’eut rien et le résuma lui-même avec une lucide amertume en mourant à vingt et un ans Ma naissance et ma mort, voilà toute mon histoire. Entre mon berceau et ma tombe, il y a un grand zéro ». L’ŒUVRE AIGLE À DEUX TÊTES. Contexte historique ambigu. Si la fière fièvre cocardière de la géniale pièce de Rostand se comprend en 1900 après l’annexion germanique de l’Alsace/Lorraine, suite de la cuisante défaite de 1870, l’exaltation guerrière de l’opéra, des sanglantes victoires de Napoléon, alors que la Guerre d’Espagne bat son plein depuis 36, champ d’essai fasciste pour la Seconde Guerre mondiale, la création à Monte-Carlo en 1937, précédant d’un mois l’écrasement de Guernica sous les bombes nazies de la Légion Condor, nous laisse un peu songeur par ce contexte politique de danse sur un volcan. La pièce, dans son hagiographie impériale, oublie Vienne, bombardée sans pitié pendant deux jours en mai 1809 par Napoléon, deux mois avant le charnier de Wagram, sommet de l’opéra, Beethoven terré dans une cave. Le compositeur avait déjà déchiré sa dédicace de sa Symphonie héroïque à Bonaparte libérateur quand il se fit l’Empereur oppresseur, rouleau compresseur de l’Europe. La souffrance ne porte guère à aimer sa cause et l’on peut comprendre, même si elle n’est pas attestée historiquement, dans ce texte manichéen, la haine inexpiable que Metternich reporte sur le fils de l’Empereur, ce Fils de l’Homme du poème en duo Barthélémy/Méry qui lançait la légende, mais où il était néanmoins conseillé à l’héritier de Napoléon, de ne pas mettre encore à feu et à sang une Europe qui avait gagné la paix contre son père. Il reste que, au titre sinon d’Empereur historique vainqueur, de héros romantique vaincu, on adhère par la compassion à l’épopée rêvée de ce chlorotique jeune homme portée par le souffle indubitable du texte et insufflée par la beauté de la musique. Remarquable livret. Le livret de Caïn est remarquable d’une pièce en six actes, à cinquante acteurs, il tire un livret concis en cinq actes, à quinze personnages. Sans doute eût-il raison de se plaindre de coupures abusives avec trois forts héros essentiels, l’Aiglon, Metternich et Flambeau, le reste n’est qu’une foule de personnages sans personnalité, et l’on regrette au moins que, aussi bifide que l’aigle d’Autriche, Marie-Louise subisse la mouise de cette désincarnation princesse autrichienne, Impératrice française, femme de L’Aigle et mère de l’Aiglon, elle méritait mieux que cette inexistence, d’autant que Metternich la soupçonne d’avoir remis le bicorne de l’Empereur à son fils. Les multiples autres rôles servent habilement de miroir réflexif au solitaire héros. Le texte est d’une grande beauté et, porté par la musique et la vivacité souvent de cette conversation musicale, il claque en répliques frappées comme des médailles napoléoniennes. Au jeune Duc de Reichstadt s’excusant ironiquement d’avoir foulé du pied une cocarde blanche, autrichienne, l’Attaché militaire français répond Dois-je apprendre au fils de l’Empereur Que la cocarde en France a repris ses couleurs ? métaphorisant de la sorte en deux vers la nouvelle situation politique de la France après la Révolution de 1830 qui abandonnait le blanc de la Restauration pour reprendre le drapeau tricolore de la Révolution, offrant un envol possible à l’Aiglon. La description symbolique des trois couleurs par le Duc est du registre poétique sublime Moi, si je dois régner, c’est avec ce drapeau, Plein de sang dans le bas et le ciel dans le haut. Le texte abonde en bonheurs d’expression que la musique rehausse de son expressivité, comme le Duc debout pour écouter Flambeau ; il est riche en métaphores expressives dans les chapitres de la grande Histoire des combats, les généraux sont les titres et les soldats les petits, les obscurs, les sans grades… les mille petites lettres » ; le bicorne de Napoléon, petite et sombre pyramide », chauve-souris des champs de bataille », fait avec deux ailes de corbeaux », etc. Il y a une grande volupté à écouter ce texte admirablement mis en relief et profondeur par la musique, sans ralenti, tout dans une sorte de course dynamique qui ne s’installe pas dans les stases commodes de l’extase de l’air ou de la description. Quant à la musique, on n’entrera pas dans la vanité du Qui a fait quoi ? ». Les deux compères font la paire mais la musique demeure une et uniformément belle dans son aussi duelle beauté sans duel. Le rôle principal, créé au théâtre par Sarah Bernhardt, reste dans la tradition lyrique du travesti de la chanteuse en jeune homme, et cela sert le propos dramatique qui fait du héros non advenu à l’adulte viril, un adolescent déjà écrasé œdipiennement par le Père, émasculé avec sadisme par Metternich, figure tyrannique de Parâtre. RÉALISATION Ressuscitée à Marseille en 2004 par la volonté de Renée Auphan, alors Directrice de l’Opéra, l’œuvre semble frappée encore de dualisme elle en confia, la mise en scène à Patrice Caurier et Moshe Leiser. Indisponibles pour cette reprise, Maurice Xiberras, l’actuel Directeur a passé le flambeau à Renée Auphan qui s’est chargée de remonter l’ancienne production qu’elle a fignolée avec amour et science à Lausanne et Tours. On ne cédera pas non plus à l’inanité insondable du Qui a fait quoi ? », d’autant que la modestie et l’élégance morales et professionnelles de Renée Auphan lui font dire qu’elle a tenté de rendre le plus fidèlement possible la mise en scène admirée de ses prédécesseurs. Cependant, ne gardant pas un souvenir précis de la production initiale, on oserait dire, sans manquer de respect aux deux metteurs en scène initiaux, qu’on retrouve ici les qualités que l’on aime de cette grande dame de l’Opéra dans la justesse contrôlée des mouvements et du geste, le subtil travail d’acteur sensible dans le jeu de tant de personnages. Bref, on est reconnaissant à ce trio, ces trois mousquetaires dont une Lady, de la réussite qu’on peut dire, sans emphase ni flagornerie, exceptionnelle à tous niveaux du spectacle cet hommage respectueux à cet opéra lui rend la dignité perdue de sa notoriété. Les décors de Christian Fenouillat sont d’une grande beauté et efficacité dramatique. Découpées en lames aiguës de guillotine géante par la lumière des cintres, sobres grandes parois du salon de Schönbrunn aux montants à peine torsadés d’un motif rocaille, baroque tardif germanique sur une surface plane néo-classique aux rehauts dorés. On dirait que leur vert malice ? est celui souvent appelé vert Empire, c’est dire celui exercé en Europe par la France au sommet de son influence culturelle même au cœur, la cour, de ses ennemis. Les fauteuils, le tabouret sont aussi, certes non de style Empire, mais purement Louis XV, de même que le somptueux bureau-miroir de sépulcrale laque noire glacée Napoléon III ? comme son âme de Metternich, aux ornements d’angles en bronze qui pourraient être des sphinx… de retour d’Égypte. Les parois s’ouvriront en vastes portes sur un jardin nébuleux de ruines XVIIIe siècle pour une fête galante explicitement à la Watteau, revu par Verlaine, où dansent de fantasques masques et bergamasques de la Commedia dell’Arte. Et enfin, grandes ouvertes, seront la sombre plaine de Wagram hallucinatoire. Les magnifiques costumes d’Agostino Cavalca sont d’époque, dames en robes ballonnées, bouillonnées, bouffantes, à manches gigots, coiffure à l’anglaise et grand chapeau mousquetaire pour certaine. Seule Thérèse de Lorget, la lectrice française déroge à ces engorgements bouffis de tissus par une tenue simple, robe droite à taille haute et courte veste qui tient plus de la mode Directoire ou Empire. Les hommes sont en uniforme en général, à l’exception de Metternich, immense jabot noir d’oiseau de proie et manteau sombre qui lui prête, sous les lumières dramatiques d’Olivier Modol d’après Christophe Forey une sinistre pâleur de vampire dans le caveau de son bureau ténébreux. Les valets aussi sont à la française. » INTERPRÉTATION La distribution est aussi soignée et couronne l’ensemble. Derrière les masques grotesques, on reconnaît le joli timbre de Caroline Géa, et on apprécie ceux des invisibles Anas Seguin, Camille Tresmontant et Frédéric Leroy sous leurs déguisements carnavalesques. La voix somptueuse de Bénédicte Roussenq rend plus cruelle la pauvreté en chant dévolue à Marie-Louise, la mère attachante du début et la touchante Mater dolorosa de la fin On saluera à deux mains, dans le rôle de l’historique danseuse Fanny Elssler, ici agent secret du complot en faveur du Duc étroitement surveillé, la performance de la belle Laurence Janot, qui danse et chante sa partie sur pointes qui n’altèrent pas la rondeur fruitée de sa voix. En double du Duc venue l’aider dans sa tentative d’évasion, Sandrine Eyglier campe, d’une sûre voix de soprano, une virile et héroïque Comtesse Camerata qui fustigera durement la faiblesse velléitaire de cet Aiglon aux ailes rognées dans sa cage. La voix cristalline et pure de Ludivine Gombert, toute douceur et humilité en Thérèse de Lorget, lectrice amoureuse de l’Aiglon, semble justifier joliment le surnom de petite source » dont la baptise le Duc ému. Le ténor Yves Coudray, complice de scène d’Auphan pour Manon, campe un menu, malicieux mais remuant et insinuant Frédéric de Gentz, âme damnée conseillère ou Spoletta malfaisant de ce Scarpia machiavélique de Metternich. Le ténor Eric Vignau se glisse avec noblesse dans la peau de l’Attaché militaire, mandé par le Roi de France, mais chatouilleux sur la grandeur française. Yann Toussaint prête sa belle voix de baryton au Chevalier de Prokesch-Osten, donnant une humanité un peu naïve au personnage d’instructeur militaire autrichien ami du jeune Duc. Dans le rôle du Maréchal Marmont qui avait trahi Napoléon dans les dernières batailles perdues d’avance, Antoine Garcin fait passer dans sa sombre voix de basse toute la lassitude humaine de tous ces combats incessants. S’amenant la réplique, la riposte cinglante de Flambeau Et nous, les petits, les obscurs, les sans grades… », morceau d’anthologie du registre populaire mais sublime, qui fait passer le frisson de l’épopée et de la revendication encore révolutionnaire sur nos échines par la ronde faconde de la voix de Marc Barrard, goguenard grenadier et grandiose grognard c’est l’un des sommets émotifs de l’opéra, opéré par un chanteur et acteur exceptionnel dont le personnage d’homme du peuple donne à son suicide face au peloton d’exécution, l’élégance aristocratique des Romains stoïciens. Metternich a l’allure vocale et physique du baryton Franco Pomponi, raide, impassible, inflexible, distant, arrogant au début, encore grandi par des ombres géantes, par sa cape noire flottante comme ailes de vampire face à son bureau aux lignes à peine soulignées de lumière blafarde. La scène d’hallucination haineuse face à Napoléon réincarné par son bicorne est encore un sommet, qui rebondit, dans un paroxysme crescendo dans la scène avec le Duc, destruction systématique et sadique des aspirations de grandeur du valétudinaire et aboulique jeune homme par une image de Père effrayant ramenant le garçon immature aux jupes et à la lignée historiquement névrosée de la mère, au drame historique non dit de la dégénérescence consanguine des Habsbourgs. Troisième sommet de l’opéra, la scène de Wagram. Stéphanie d’Oustrac nous a tellement habitués à l’excellence dans tout ce qu’elle nous donné à voir et à entendre, du baroque à la musique du XXe siècle, de Lully à Poulenc, qu’on a du mal encore à qualifier sa performance vocale et dramatique, que l’on en vient à la trouver toute naturelle venant d’elle injustice touchant toujours les gens de qualité. On ne s’étonne même pas que cette belle jeune femme, la féminité incarnée, se glisse dans l’uniforme et la peau de ce blond jeune homme avec une justesse si confondante qu’on en vient à l’oublier. Bien dirigée et sans doute contrôlée, sans faire le macho, elle donne à sa démarche, à sa voix, une fermeté virile crédible sans rien appuyer elle est le personnage, dans son élégance, son assurance mais aussi ses doutes, ses faiblesses et ce drame d’enfant terrorisé, écrasé par l’ombre d’un père et de Metternich traduit par la partition et ce rôle écrasant, présente pratiquement de bout en bout. Tout repose sur ses épaules, et, sans repos, au climax de l’œuvre, sur celles des soldats morts-vivants de Wagram, scène d’hallucination qui devient comme le résumé épique du héros plausible qu’il aurait pu être et ne fut pas. Sa voix de mezzo, qui se plie aux nuances, sait faire des limites aiguës du soprano du rôle, des râles de douleur, des cris de détresse bouleversants de vérité. Mais quelle diction, quelle beauté du phrasé comme dans la dernière scène, dans un seul souffle, presque le dernier J’assurerai d’abord de ma reconnaissance Le cœur qui, se brisant, a rompu le silence. Alors, si les deux vers des Méditations de Lamartine lus par Thérèse s’adressaient à l’Aiglon Courage, enfant déchu d’une race divine, Tu portes sur ton front ta superbe origine, nous adresserons ces deux autres à cette race d’artistes qui nous font sentir la transcendance Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. Orchestre et le chœur même en coulisses de l’Opéra de Marseille étaient aussi au diapason de l’exception. La langueur voluptueuse des valses contraste avec la cadence martiale des marches, des hymnes patriotiques dont on ne niera pas les vibrations émotionnelles qu’ils éveillent en nous, rythmés avec panache par Jean-Yves Ossonce dont la baguette, osons virile, évite cependant le claquant clinquant cuirassé de cuivres outrecuidants masculins à la caricature. Il y a, dans sa direction, un drapé joyeux de drapeau qui joue sans jurer avec le soyeux voltigeant des voiles festifs dans ce tissu sans coutures trop voyantes entre Honegger et Ibert, ce cocktail finalement grisant. Oui, les accents de La Marseillaise, même dans un pudique lointain horizon fondu de chœurs Emmanuel Trenque, comme un souvenir malheureusement délaissé, nous donne envie de nous lever et saluer et la confusion de n’avoir pas osé le faire. Les chansons enfantines de la fin de l’Aiglon mourant, nous serrent la gorge qui se dénoue enfin par l’acceptation de l’émotion par les larmes aux yeux. Les nations, sans mémoire, meurent. Sans être idolâtre de Napoléon —et beaucoup ne l’étaient pas qui lui rendaient hommage— même dans ses naïvetés, il nous faut reconnaître que cette œuvre remue de nécessaires souvenirs nationaux qu’il ne faut pas abandonner aux abusifs nationalistes, dans de superbes et frappantes images visuelles et musicales. À une France d’aujourd’hui qui souffre et doute, peut-être n’est-il pas mauvais de rappeler ses gloires d’autrefois un peuple vit aussi d’images d’Épinal. Compte rendu, opéra. Marseille, Opéra. Le 18 février 2016. Jacques Ibert / Arthur Honegger L’Aiglon. D’Oustrac, Pomponi… Jean-Yves Ossonce, direction. Renée Auphan, mise en scène. L’AIGLON DE JACQUES IBERT ET ARTHUR HONEGGER Drame musical en 5 actes D’après la pièce d’Edmond ROSTAND adaptée par Henri CAÏN Création au Théâtre de Monte-Carlo 1937 A l’affiche de l’Opéra de Marseille, les 13, 16, 18, 21 février 2016. Orchestre et chœur de l’Opéra de Marseille. Dernière représentation à Marseille, le 3 octobre 2004. Direction musicale Jean-Yves OSSONCE. Mise en scène Renée AUPHAN d’après Patrice CAURIER et Moshe LEISER. Décors Christian FENOUILLAT. Costumes Agostino CAVALCA. Lumières Olivier MODOL d’après Christophe FOREY. DISTRIBUTION L’Aiglon Stéphanie D’OUSTRAC ; Thérèse de Lorget Ludivine GOMBERT ; Marie-Louise Bénédicte ROUSSENQ ; La Comtesse Camerata Sandrine EYGLIER ; Fanny Elssler Laurence JANOT ; Isabelle, le Manteau vénitien Caroline GÉA. Flambeau Marc BARRARD ; Le Prince Metternich Franco POMPONI ; Le Maréchal Marmont Antoine GARCIN ; Frédéric de Gentz Yves COUDRAY ; l’Attaché militaire français Éric VIGNAU. ; Le Chevalier de Prokesch-Osten Yann TOUSSAINT ; Arlequin Anas SEGUIN ; Polichinelle, un matassin Camille TRESMONTANT ; Un Gilles Frédéric LEROY. Photos L’AIGLON © Christian Dresse LIRE aussi notre compte rendu L’AIGLON de Ibert / Honegger, Grand Théâtre Opéra de Tours, mai 2013 ZARZUELA. Ce terme désigne aussi un plat qui mêle poissons et fruits de mer liés par une sauce. Ce mot dérive de zarza qui signifie ronce, donc, zarzuela est un lieu envahi par les ronces, une ronceraie. Ce nom fut donné au Palais de la Zarzuela, résidence champêtre d’abord princière puis royale c’est la résidence actuelle du roi d’Espagne et de sa famille, aux environs de Madrid. Espagne, hispanisme, espagnolade D’Andalousie de Francis López au pays de la zarzuela à l’Odéon de Marseille Au XVIIe siècle Le roi Philippe IV, qui avait fui l’Escorial austère de son aïeul Philippe II, et habitait un palais à Madrid, venait s’y délasser avec sa cour, chasser et, disons-le, faire la fête, donner des fêtes somptueuses, des pièces de théâtre agrémentées de plus en plus de musique, qu’on appellera Fiestas de la zarzuela », puis, tout simplement zarzuela » pour simplifier. C’est pratiquement, d’abord, un opéra baroque à machines, d’inspiration italienne mais entièrement chanté es espagnol ou, plus tard, avec des passages parlés à la place des récitatifs. Alors qu’en France , il faudra attendre 1671 pour le premier opéra français, la Pomone, de Robert Cambert, en Espagne, environ cinquante ans plus tôt, en 1627, une de ces fêtes musicales de la zarzuela est, en fait, un véritable opéra à l’italienne. Bien sûr, on ne l’appelle pas opéra » puisque ce mot tardif, italien, signifie simplement œuvre’, les ouvrages lyriques de cette époque n’étant appelés que dramma per musica, drame en musique’, Monteverdi n’appelant son Orfeo que favola in musica’, fable en musique. En Espagne, on l’appellera donc zarzuela. C’est La selva sin amor, La forêt sans amour’, avec pour librettiste rien de moins que le fameux Lope de Vega, pour lors le plus grand dramaturge espagnol, qui serait auteur de plusieurs milliers de pièces de théâtre. La musique de Filippo Piccinini, italien établi à la cour d’Espagne, est malheureusement perdue. La mise en scène, fastueuse, extraordinaire, du grand ingénieur et peintre florentin Cosimo Lotti frappa les esprits et on en a des descriptions émerveillées. La zarzuela est donc, d’abord, le nom de l’opéra baroque espagnol aristocratique, fastueux. Au XVIIIe siècle On appelle toujours zarzuela une œuvre lyrique baroque à l’italienne, parlée et chantée, parallèlement au nouveau terme opéra » qui s’impose pour le genre entièrement chanté, qui mêle cependant, à différence de l’opera seria italien, le comique et le tragique. Cependant, l’évolution du goût fait qu’il y a une lassitude pour les sujets mythologiques ou de l’histoire antique qui faisaient le fonds de l’opéra baroque. L’Espagne avait une tradition ancienne d’intermèdes comiques, deux saynètes musicales insérées entre les trois actes d’une pièce de théâtre, la comedia dont la réunion des deux en un seul sujet donnera, dans la Naples encore espagnole, l’opera buffa. Au XVIIIe, ces intermèdes deviendront de brèves tonadillas populaires qui alternent danses et chant typiques ; étoffées, elles s’appelleront plus tard encore zarzuelas, avec des sujets de plus en plus populaires, puis nettement inspirés des coutumes et de la culture du peuple. XIX e siècle Du XIX e au XX e siècle, ce nom de zarzuela désigne définitivement une œuvre lyrique et parlée qui, donc, peut aller de l’opéra à l’opérette, dramatique ou comique. Les compositeurs tels que Francisco Barbieri, ou encore Tomás Bretón en ont illustré un versant pittoresque comique, typiquement espagnol. C’est souvent, pour la zarzuela grande, un véritable opéra Manuel de Falla appellera d’abord zarzuela » son opéra La Vida breve 1913. Mais la plupart mêlent toujours, par tradition depuis le XVIIe, le parlé et le chanté, précédant d’un siècle l’opéra-comique français, comique » car il appartient à la comédie » Littré, par les passages parlés, bref au théâtre Le XIXe siècle sera l’âge d’or de la zarzuela. Mais qui subit la concurrence de l’opéra italien qui règne en Europe avec Rossini, Bellini, Donizetti et bientôt Verdi. Vers le milieu du siècle, un groupe d’écrivains et de compositeurs rassemblés autour de Francisco Asenjo Barbieri 1823–1894, grand compositeur et maître à penser musical de l’école nationale renoue et rénove le genre, lui redonne des lettres de noblesse dans l’intention d’affranchir la musique espagnole de l’invasion de l’opéra italien. L’éventail des sujets est très grand, du drame historique à la légère comédie de mœurs. Mais toute l’Espagne et ses provinces est présente dans sa variété musicale de rythmes vocaux et de danses. Madrid devient le centre privilégié de la zarzuela urbaine, avec ses madrilènes du menu peuple, leur accent, ses fêtes, ses disputes de voisinage. Zarzuela et vanité du nationalisme C’était l’une des conséquences des guerres napoléoniennes qui ont ravagé l’Europe, de l’Espagne à la Russie, le nationalisme commence à faire des ravages le passage des troupes françaises a éveillé une conscience nationale, pour le meilleur quand il s’agit d’art, et, plus tard, pour le pire. Pour le moment, il ne s’agit que de musique dont on dit qu’elle adoucit les mœurs. Partout, d’autant que les gens ne comprennent pas forcément l’italien, langue lyrique obligatoire, il y a des tentatives d’opéra national en langue autochtone, même si les opéras italiens se donnent en traduction. Des expériences naissent un peu partout, en Allemagne avec Weber et son Freischütz 1821, premier opéra romantique, en langue allemande avec des passages parlés comme dans les singpiele de Mozart, L’Enlèvement au sérail, La Flûte enchantée, suivi de Wagner. La France a sa propre production lyrique. Mais jugeons de la vanité des nationalismes l’opéra à la française a été créé pour Louis XIV fils d’une Espagnole, petit-fils d’Henri IV le Navarrais, qui descend d’un roi maure espagnol par le Florentin Lully. C’est Gluck, Autrichien, maître de musique de Marie-Antoinette, qui recrée la tragédie lyrique à la française dans cette tradition ; c’est Meyerbeer, Allemand, qui donne le modèle du grand opéra historique à la française ; ce sera Offenbach, juif allemand qui portera au sommet l’opérette française, et l’opéra le plus joué dans le monde, dû à Bizet, c’est Carmen, sur un sujet et des thèmes espagnols. Fort heureusement, l’art, la musique ne connaissent pas de frontière et se nourrit d’un bien où on le trouve comme dirait Molière. L’Espagne Dans ce contexte européen, l’Espagne est plus mal lotie. Elle est plongée dans le marasme de la décolonisation, résultat des guerres napoléoniennes et de la Révolution française, car les colonies refusent de reconnaître pour roi Joseph Bonaparte imposé en Espagne. Il en sera chassé après une terrible Guerre d’Indépendance qui sonne le glas de l’Empire de Napoléon rappelons non pas les heureuses peintures de Goya des temps de la tonadilla, mais ses sombres tableaux sur la guerre, ses massacres, ses gravures sur les malheurs de la guerre. En dix ans, entre 1810 et 1820, l’Espagne perd le Mexique, l’Amérique centrale et l’Amérique du sud dont elle tirait d’énormes richesses. Elle ne garde que Cuba, Porto-Rico et les Philippines, qui, à leur tour, s’émanciperont en 1898, année qui marque la fin d’un Empire espagnol de plus de trois siècle. Et paradoxalement, ces années 1890 sont l’apogée de la zarzuela, avec le género chico le petit genre’, en un acte, qui connaît un essor sans précédent, indifférente aux aléas de l’Histoire contemporaine, chantant les valeurs traditionnelles d’une Espagne qui continue à se croire éternelle avec ses valeurs, courage, héroïsme, honneur, amour, religion, patrie, etc, tous les clichés d’un nationalisme d’autant plus ombrageux qu’il n’a plus l’ombre d’une réalité solide dans un pays paupérisé par la perte des colonies et les guerres civiles, les guerres carlistes qui se succèdent, trois en un siècle entre libéraux et absolutistes, la terrible Guerre de 1936, en étant qu’une suite en plein XX e siècle. La zarzuela devient une sorte d’hymne d’exaltation patriotique, de nationalisme autosatisfait où l’espagnolisme frise parfois l’espagnolade. Cela explique que le franquisme, isolé culturellement du monde, tourné vers le passé, cultiva avec dévotion la zarzuela, la favorisa de même qu’un type de chanson aflamencada », inspirée du flamenco, comme une sorte de retour aux valeurs traditionnelles d’une Espagne le dos tourné à la modernité. Après un rejet de la zarzuela, et du flamenco, récupérés et identifiés à l’identité franquiste, il y a un retour populaire apaisé vers ces genres typiques, d’autant qu’ils avaient toujours été défendus et cultivés, sur les scènes mondiales par tous les plus grands interprètes lyriques espagnols, de Victoria de los Ángeles à Alfredo Kraus, de Teresa Berganza à Plácido Domingo, de Caballé à Carreras, chanteurs dans toutes les mémoires, et de María Bayo à Rolando Villazón. Domingo par ailleurs, né de parents chanteurs de zarzuelas, a imposée la zarzuela comme genre lyrique obligatoire dans le fameux concours qui porte son nom. Musique espagnole du typique au topique La musique espagnole traditionnelle, typique, a une identité si précise en rythme, tonalités particulières, mélismes, qu’elle s’est imposée comme un genre en soi, si bien que rythmiquement,certaines de ses danses picaresques, même condamnées par l’Inquisition comme licencieuse, la chacone, la sarabande, la passacaille, le canari, la folie d’Espagne, le bureo devenu sans doute bourrée, se sont imposées et dignifiées dans la suite baroque. Quant à ses modalités et tonalités, elles ont fasciné les grands compositeurs, de Scarlatti à Boccherini, par ailleurs faisant intégrés à l’Espagne, de Liszt à Glinka et Rimski-Korsakof, de Verdi à Massenet, de Chabrier à Lalo, Debussy, Ravel, en passant par la Carmen de Bizet qui emprunte son habanera à Sebastián Iradier et s’inspire du polo de Manuel García, père de la Malibran et de Pauline Viardot, etc, pour le meilleur d’une vraie » et digne musique espagnole typique », écrite hors de ses frontières. Mais le typique trop défini finit en topique, en cliché avec l’espagnolade, qui a ses degrés, pas tous dégradants, et qui tiennent plus à une surinterprétation, à un excès coloriste de la couleur locale dans la musique, mais, surtout, à des textes, pour la majorité de musiques chantées, qui surjouent un folklore hispanique où règne le cliché pas toujours de bon aloi, une Espagne plurielle réduite abusivement à une Andalousie de pacotille, qui agace et humilie les Espagnols, caricaturée au soleil, au faux flamenco, aux castagnettes et à l’abomination de la corrida. UNE HEURE AVEC JENNIFER MICHEL ET JUAN ANTONIO NOGUEIRA Mercredi 6 janvier 2016 Encore une heureuse initiative de Maurice Xiberras, Directeur de l’Opéra de Marseille et de l’Odéon qu’il a réveillé avec l’opérette offrir une heure de chant, largement et généreusement débordée. C’était, accompagnés au piano par Marion Liotard, à la soprano Jennifer Michel, désormais bien connue et appréciée sur la scène lyrique marseillaiseet au ténor espagnol Juan Antonio Nogueira, nom galicien pour un originaire des Canaries, patrie du légendaire Alfredo Kraus, qu’était confié ce moment musical, prélude espagnol à l’opérette franco-espagnole, Andalousie, de Francisco López. Soulignons encore l’inanité des frontières et des nationalités ce compositeur fameux de chansons et d’opérettes, né en France par un accident de l’histoire puisque son père était Péruvien et sa mère, née en Argentine, mais tous deux d’origine basque, établis d’abord à Hendaye où le jeune homme passe son enfance, nourri comme Ravel par sa mère espagnole, des rythmes et mélodies ibériques. Le piano est couvert d’un mantón de Manila, un châle de Manille’, si intégré dans les parures typiques traditionnelles des Espagnoles ; il servira aussi à quelques jeux de scène à la chanteuse ; les dames, pianiste et soprano, entreront, chignon éclairé d’un œillet rouge très espagnol et c’est le ténor qui introduit d’une rafale dynamisante de castagnettes, le premier morceau, un duo tiré du Prince de Madrid, opérette sur Goya, España », un hymne à l’Espagne dont les paroles enfilent les clichés naïvement touristiques ce n’est pas Chabrier mais cela n’en est pas moins agréable et bien chanté par les deux voix qui se marient bien sur cette scène comme à la ville. En fait de scène, deux larges couloirs en équerre, qui mettent les chanteurs à moins de deux mètres du public nombreux, avec les contraintes de déplacement et d’angoisse inhérentes à la proximité. Le ténor, Premier Prix au Concours Voix du monde » en Espagne, se lance dans l’air héroïque sur l’épée tolédane, dont il brandit une copie de théâtre, un air tiré du Huésped del sevillano de Jacinto Guerrero, une zarzuela inspirée de Cervantes. La voix est vaillante, plus acérée que vibrante, et convient ici. Ensuite, jouant joliment de l’éventail, la soprano française, aborde, avec un style vraiment espagnol, les vocalises virtuoses, si hispaniques, du carillonnant De España vengo », Je viens d’Espagne, Je suis Espagnole’, du Niño judío de Pablo Luna, encore une arrogante proclamation d’hispanité, que la jeune cantatrice teinte d’un fier désespoir d’amour déçu qu’on perçoit rarement dans l’interprétation du pont » de l’air. La pianiste Marion Liotard, ancienne du CNIPAL, très sollicitée comme accompagnatrice partenaire et créatrice également d’œuvres contemporaines, rend un hommage verbal à Ernesto Lecuona, le grand compositeur cubain, si peu connu en France, dont elle interprète Granada », pièce tirée de sa suite Andalucía 1933 avec une virtuose souplesse dans les appoggiatures et autres mélismes andalous. Plus tard dans le concert, elle en proposera Córdoba », de la même suite, avec intensité et intériorité, nous laissant le regret et le désir qu’elle nous livre d’autres de ses exécutions de ce compositeur, que personnellement, je révère, et qu’elle découvre et explore avec passion selon son aveu. À suivre. Le ténor interprète alors, de Pablo Sorozábal, compositeur symphonique, républicain tenu à l’écart par le franquisme qui lui concéda néanmoins la direction de l’orchestre symphonique de Madrid mais pour la lui retirer brutalement en 1952 car il prétendait, pour ouvrir l’horizon musical d’une Espagne confinée, diriger la Symphonie Leningrad de Chostakovitch. Son œuvre lyrique est l’une des expressions les plus abouties et finales de la zarzuela au XXe siècle, comme le prouva l’extrait de Black el payaso 1942, que le chanteur aborde avec une mélancolique retenue qui s’anime ensuite. Sans doute le trac de ce trop proche voisinage avec le public à portée de main et un très grand nombre de collègues chanteurs répétant Andalousie et venus en voisins, une indisposition passagère, semblent lui causer une baisse de tonus pour la sorte de sérénade romantique de Bella enamorada, de Sotullo et Vert, dont il fait, cependant, avec habilité, une sensible confidence rêvée. Il retrouvera tout son mordant et une expressivité dramatique bouleversante dans le No puede ser » de La Tabernera del puerto du même Sorozábal, air dont Plácido Domingo, digne héritier de la zarzuela, a fait un classique pour les ténors. Étincelante, pétulante, Jennifer Michel, avec une superbe santé, de l’humour et un talent d’actrice comme stimulé par ce public assis comme à ses pieds, déploie tous les charmes d’un soprano dont le médium s’est enrichi sans rien perdre de son agilité et du brillant d’un aigu facile, rond, sans aucune des aspérités qui déparent parfois les coloratures, toujours musicale, des demi-teintes irisées, des sons finis en douceur comme des gazouillis. Accent espagnol parfait, naturel, et même andalou dans l’extrait fameux de l’opéra La tempranica de Gerónimo Jiménez, le fameux zapateado issu des danses méditerranéennes masculines, telle la tarentelle, pour écraser la tarentule supposée d’attaquer aux mâles en l’écrasant rageusement sous les pieds. Entre autres airs, dans J’attends le Prince charmant » du Prince de Madrid de Francis López, avec un charme ravissant, elle démontre magistralement la grandeur de ce qui n’est pas une petite musique. Les deux chanteurs et la pianiste se taillent un succès mérité pour une heure bien allongée, qu’on aurait aimé encore plus longue. ANDALOUSIE Livret d’Albert Willemetz et Raymond Vincy, musique de Francis López samedi 16 janvier 2016 Après le triomphe inattendu de La Belle de Cadix en 1945, déjà avec Raymond Vincy comme librettiste et un Luis Mariano presque inconnu comme personnage principal, Andalousie, est créée en1947, encore un triomphe du trio formé par Raymond Vincy pour le texte, Francis Lopez pour la musique et Luis Mariano pour le chant, prémices d’une série de succès pendant plus d’une décennie, d’inspiration espagnole d’un duo de Basques, López et González devenus Lopez et Mariano, deux étrangers bien étrangers, heureusement, au nationalisme qui fait des ravages aujourd’hui dans ce même Pays basque et ailleurs. Bien sûr, nous sommes en pleine mais non plane espagnolade, moins par ces jolies ou belles mélodies enchaînées que par un livret pauvret malgré deux librettistes… mais riche en clichés éculés sur l’Espagne, ou plutôt une caricature d’Andalousie amour passionnel ombrageux, jalousie mais honneur farouche, vaillance, bravade plus corrida obligée comme mythique moyen de promotion sociale d’un misérable vendeur d’alcarazas, parfaite idéologie du franquisme restaurateur viandard de ce que la République appelait La Honte nationale ». C’est sans doute cette présence de la corrida qui date le plus le spectacle, aujourd’hui largement désertée et réprouvée par la jeunesse qui, à l’inverse, après une période de rejet des danses d’un folklore sclérosé imposé aussi par le franquisme, revient joyeusement à ces habaneras, boléros, séguedilles, sévillanes et fandangos revitalisés dans leurs fêtes modernes. Quelques jeux de mots téléphonés font sourire. On sourit aussi à ces toiles peintes de notre enfance, ondulantes, gondolantes sur leur tringle, une rue à arcades andalouses, un fond exotique vénézuélien, et l’on en redécouvre rétrospectivement l’avantage d’un rapide —et économique— changement de décor et de lieu au lieu de nos actuelles scénographies uniques finalement cela souligne le jeu bon enfant de l’ensemble, mais surligne aussi deux belles fautes d’orthographe espagnole pour le nom de l’auberge avec Dona » pour Doña » et Vittoria » pour Victoria ». Mais, on apprécie le bon accent hispanique général, bien sûr, on ne s’en étonnera pas, surtout de Marc Larcher et de Caroline Géa. Les costumes, en revanche, d’un hispanisme de fantaisie, sont somptueux et très nombreux et ne sont pas pour rien au charme à la fois fastueux et désuet du spectacle que goûte un public largement âgé qui y retrouve, sinon un regain de jeunesse, du moins un rajeunissement des souvenirs. Avec ce peu musical, la direction de Bruno Conti aiguise au mieux l’Orchestre du théâtre de l’Odéon en progrès et le Chœur Phocéen Rémy Littolff s’en donne à cœur joieet joue en jouant, enjouement communicatif, dans une mise en scène toute en rythme de Jack Gervais, sans temps mort, mais trop de bras levés en signe superfétatoire et convenu de liesse, avec une plaisante mise en danse coulant de source de certains ensembles chorégraphie de Felipe Calvarro. La répartition des airs est inégale dans l’œuvre un ensemble pour la Greta de Julie Morgane ; deux airs, deux valses, obligées, pour la supposée cantatrice viennoise majestueusement et emphatiquement campée par Katia Blas ; et on aurait aimé davantage d’airs pour la jolie voix de Caroline Géa ; en conspirateur libéral, on a le plaisir trop rare d’entendre la sombre puissance de Jean-Marie Delpas . Une très poétique mélodie nous permet de découvrir le joli timbre de Samy Camps en Séréno, le veilleur de nuit, chargé de donner l’heure et d’ouvrir les portes des immeubles dont il avait toutes les clés, institution espagnole pittoresque dont le franquisme fit un délateur officiel du régime veillant entrées et sorties des maisons, surveillant tout rassemblement suspect. Les autres personnages n’ont pratiquement pas d’air, comme le Pepe, un toujours irrésistible Claude Deschamps qui se suffit à lui-même, vrai gracioso de la tradition espagnole de la comedia faisant paire avec la sémillante et pétillante Pilar de Caroline Gea, dont les amours ancillaires sont comiquement parallèles à celles des jeunes premiers. En Allemand vêtu à la tyrolienne à l’accent marseillais, le Baedeker d’Antoine Bonelli est une vraie réussite comique, salué par des applaudissements dès son entrée en scène, tout comme Simone Burles ils habitent le plateau comme chez eux et le public leur marque ainsi une joyeuse connaissance et reconnaissance, tout comme au ténor Marc Larcher qui a aussi su faire sa place dans ce théâtre qui dignifie l’opérette. Par son allure, sa prestance, Larcher échappe au ridicule qui, en Espagne, s’attache toujours à la fausse virilité et vaillance du matador, le tueur’ vaillance, virilité, c’est la beauté de sa voix lumineuse, aux aigus droits et drus comme une lame tolédane, élégance de la ligne, du phrasé, et une impeccable diction. Il a une digne et belle partenaire dans la soprano Émilie Robins, timbre raffiné,aigus faciles pour un médium large et sonore. Elle se meut avec grâce, esquisse avec gracilité quelques mouvements de bras en rythme andalou sans caricature. Tous deux assortis en voix, charme et beauté, sont de vrais jeunes premiers qui remportent les cœurs dans une troupe nombreuse, heureuse époque de dépense, où même les figures les plus passagères existent. Flamenco et zarzuela Mais il faut souligner qu’à la musique espagnolisante facile de l’opérette de Lopez, on a ajouté avec raison, un authentique ensemble flamenco au-dessus de tout éloge un guitariste chanteur, Jesús Carceller qui, malgré le micro pour l’immense salle, ne se contente pas de hurler comme le font trop souvent ceux qui caricaturent l’essence du cante hondo, mais, avec une belle voix, en fait ruisseler les mélismes délicats, murmure la déchirante plainte d’un père à la recherche de son fils, avec une sobre en pas par le chorégrapheet danseur Felipe Calvarro, le groupe de danseurs, Nathalie Franceschi, Valérie Ortiz, Félix Calvarro déploie tous les sortilèges de la danse flamenco dans des fandanguillos de Cadix, des bulerías, etc. dans des zapateados virtuoses au crépitement conjoint des castagnettes. Mais, dans le dernier tableau, où fut judicieusement intercalé, sans aucune annonce dans le programme, l’intermède complet de la gracieuse zarzuela de Gerónimo Jiménez 1854-1923, qui inspira par sa musique Turina et Manuel de Falla, El baile de Luis Alonso, on put apprécier que ces danseurs avaient une solide formation de la Escuela bolera classique en interprétant avec beaucoup de charme la jota. Ce fut un triomphe. L’Espagne vraie rattrapait la gentille espagnolade. Compte rendu, opéra. Marseille, Théâtre de l’Odéon, 16 et 17 janvier 2016. Andalousie de Francis Lopez. Direction musicale Bruno Conti. Mise en scène Jack Gervais Chorégraphie Felipe Calvarro. Orchestre du théâtre de l’Odéon, Chœur Phocéen Dolores Amélie Robins ; Pilar Caroline Géa ; Fanny Miller Katia Blas ; Doña Victoria Simone Burles ; Greta Julie Morgane ; la gitane Anne-Gaëlle Peyro ; la fleuriste Lorrie Garcia. Juanito Marc Larcher ; Pepe Claude Deschamps ; Valiente Jean-Marie Delpas ; Baedeker Antoine Bonelli ; Caracho Damien Surian ; Le Séréno Samy Camps ; un alguazil Pierre-Olivier Bernard ; un consommateur Patrice Bourgeois ; Gómez Daniel Rauch ; Aubergiste Emmanuel Géa ; Péon Vincent Jacquet. Guitariste chanteur Jesús Carceller ; Danseurs Nathalie Franceschi , Valérie Ortiz , Félix Calvarro. Chorégraphe danseur Felipe Calvarro. Illustrations Christian Dresse Atmosphère lourde, grave d’émotion contenue à l’Opéra de Marseille au lendemain des attentats qui ont endeuillé le pays. Minute de silence intense d’hommage aux victimes à la demande de l’Adjointe Déléguée à l’Opéra-Odéon et Art contemporain, remplaçant le Maire, Marie-Hélène Féraud-Grégori. Comme je l’ai écrit et dit ailleurs, malgré la terreur barbare, justement même à cause de cela, la culture saigne mais signe, existe, persiste, portes grandes ouvertes à tous. Et sans doute la terrible circonstance n’a-t-elle fait que galvaniser encore plus un plateau exceptionnel pour une œuvre, qui sans l’être, est tout de même un jalon toujours intéressant à visiter, surtout eu égard à sa rareté, dans la prolifique production de Verdi. À Marseille, pourtant si verdienne, l’œuvre demeurait insolitement inédite et inouïe et son Directeur Maurice Xiberras la présentait en version de concert, sans doute moins par prudence que par la fatalité économique des temps, mais avec une distribution où la présence de Leo Nucci, qui désirait présenter l’opéra à son ardent public de Marseille, justifiait à elle seule, l’entreprise. I Due Foscari à Marseille Hymne à la vie L’œuvre. Créé en 1844 à Rome, dirigé par Verdi lui-même pour les premières représentations, l’opéra fut un triomphe mais sombra ensuite dans l’oubli, peut-être balayé par le succès des compositions de la riche décennie suivante ou à cause de la difficulté écrasante du rôle principal dévolu à un baryton. Francesco Maria Piave en tira le livret d’une pièce de Byron de 1821 située dans la Venise du cuatrocento, du XVe siècle, une affaire de pouvoir comme celle mettant en scène le Doge de Gênes dans Simone Boccanegra. Elle met en scène un conflit cornélien entre le devoir et l’amour le Doge Foscari, par respect des lois, même déchiré par l’amour paternel, laisse condamner son fils à l’exil, l’autre Foscari, donc, qui a eu la maladresse d’entrer en contact avec une puissance étrangère ennemie de la Sérénissime République, trahison qu’attesterait une lettre, par ailleurs inopportunément perdue. Le Sénat, le Conseil des Dix magnifiques scènes de chœur, sont attisés par un ennemi implacable de rancœur, de haine, d’ambition perdant le fils, malgré les supplications et imprécations de sa femme, il tente politiquement de couler le père. Pas de justice reconnu innocent trop tard, le fils mourra, suivi du père, Doge aussi déposé. Pas de lieto fine, l’impitoyable Loredano vaincra et peut écrire Pagato ora sono ! », je suis enfin vengé !’, un enfin » qui ouvre une perspective rétrospective à la haine enfin satisfaite. Interprétation. L’œuvre, s’inscrit après deux succès de Verdi, Ernani la même année avec le même librettiste et l’antérieur Nabucco 1841 dont il garde des traces, telle la scène d’hallucination du roi, frappant ici le ténor, héros et fils malheureux, et les prières et malédictions de sa femme qui rappellent, par les sauts extrêmes entre grave et aigus, ceux d’Abigaïlle, mais des traits de I due Foscari annoncent des œuvres postérieures un bien modeste prélude de violoncelle est peut-être une ébauche de la sublime entrée de l’air de Philippe II dans Don Carlo, la tessiture de baryton pour le rôle essentiel au détriment du ténor préfigure celle de Simone Boccanegra mais, surtout, les imprécations en faveur du Doge contre les Dix en défense de son fils, sont déjà celles de Rigoletto réclamant sa fille, son seul trésor. À la tête de l’Orchestre Philharmonique de l’Opéra, Paolo Arrivabeni, d’une rare élégance, d’une précision alliée à la souplesse, attentif comme il sied dans l’opéra italien au confort des chanteurs, tire la quintessence d’une partition orchestrale qui n’a pas encore la richesse, bien plus tardive, du futur Verdi. Il met en relief des contrastes, détaille, certains timbres, harpe, flûte, clarinette, et cet alto et violoncelle d’un prélude, associés à situations, états d’âme ce sont de beaux brouillons d’œuvres en devenir. Plusieurs valses ondulent dans la partition. Les chœurs, le premier cantonné à mi-voix du murmure de la calomnie et de la conspiration Emmanuel Trenque, sont farouches et grandioses dans la haine collective et pleins d’allégresse dans la scène finale où la liesse populaire fait un fond cruel à la détresse déchirante du vieux Doge maudissant le Sénat et mourant de chagrin. Les comparses, le ténor Marc Larcher Barbarigo, Fante et Servo et la soprano Sandrine Eyglier la confidente Pisana existent malgré la fugacité de leurs apparitions. Habitué de notre scène, la basse Wojtek Smilek, en sombre et cruel Loredano, sans même un air, réussit le prodige d’imposer une présence maléfique en demi-teinte, sans éclat, dans la noirceur de sa grande voix. Héros malheureux byronien traînant sa mélancolie morbide, victime expiatoire, le premier Foscari, est campé par le ténor Giuseppe Gipali, qui déploie une voix belle, souple, un beau legato, un sens des nuances et des éclairs de révolte dans un combat perdu d’avance ce n’est pas une force qui va » comme l’Hernani de Hugo, c’est une âme dont on ne voit que faiblesse et fragilité, qui coule, sombre dans une dépression que l’on dirait romantique, qui naufrage enfin dans la folie, mourant de lui-même comme une flamme qui s’ l’inverse, vive flamme,sa femme, incarnée par la belle soprano, l’Ukrainienne Sofia Soloviy, remplaçant Virginia Tola, se lance avec passion et vaillance dans tous les affects et effets d’une partition terrible, des aigus arrachés à partir de graves, des vocalises cascadantes, défiant prudence au profit d’une expression superbe de l’accablement, de l’indignation, de la révolte, avec une grande vérité dramatique. La cantatrice triomphe avec justice si le personnage est vaincu par l’injustice. On comprend que Leo Nucci ait voulu nous offrir ce rôle il a trois grandes scènes impressionnantes, précédées de récits obligés dramatiques où tout son art scénique se déploie d’émouvante façon Doge gardien inflexible des lois, père blessé par ce qu’on croit la trahison de son fils, père ulcéré par le refus obtus du Sénat de rejuger une cause douteuse, père imprécateur face au complot avéré, tout est juste, profond, avec une grande sobriété de signes, une main, un doigt, un regard, une démarche. Si l’on ne savait un âge qu’il ne dissimule pas, on le dirait jeune comme au premier jour d’une voix homogène, magistralement conduite, qui bouleverse dans la douleur et engage dans la rage auprès de lui. Habitué à la performance en grandiose seigneur tout simple, il cède en souriant à une salle en délire qui lui réclame le bis de son terrible dernier grand air. En ce jour de deuil national, le public marseillais a fait un triomphe à la culture, à la musique à la vie. I due Foscari de Verdi à l’Opéra de Marseille. Le 15 novembre 2015. Opéra en 3 actes, livret de Francesco Maria Piave, d’après la pièce de Lord Byron. Version de concert. Orchestre et Choeur de l’Opéra de Marseille Direction musicale Paolo Arrivabeni. Chef de Chœur Emmanuel Trenque. Distribution Lucrezia Contarini Sofia Soloviy ; Pisana Sandrine Eyglier ; Francesco Foscari Leo Nucci. Jacopo Foscari Giuseppe Gipali ; Jacopo Loredano Wojtek Smilek. Barbarigo/ Fante/ Servo Marc Larcher. Photo © Christian Dresse. Marseille, Opéra. Verdi I due Foscari. Les 15 et 18 novembre 2015. Les deux Foscari de Verdi, inspiré de Lord Byron, demeure une œuvre méconnue, certes de la jeunesse de Verdi mais d’une rare intensité dramatique. Par son sujet, son traitement sombre et expressif, le profil des héros masculins, I due Foscari annonce le grand œuvre de la pleine maturité, Simon Bocanegra qui met en scène un doge, non plus à Venise mais à Gênes même si Bocanegra est créé à la Fenice. Dans les deux ouvrages, Verdi aborde un thème qui lui est cher pouvoir et humanité. En d’autre termes, les puissants sont-ils condamnés à la corruption et la barbarie immorale ? La famille Foscari dans la Venise décadente et cynique. Jacopo Foscari, le fils du Doge de Venise, est accusé de meurtre et de trahison. Malgré les supplications de sa femme et de son père, il est condamné à l’exil perpétuel, en particulier à cause d’un ennemi, le sénateur Loredano. L’opéra de Verdi, adapté de la pièce de Lord Byron du même nom, met en lumière l’impuissance d’un père face à la cruauté du monde. L’amour et la détermination de son père et de sa femme Lucrezia ne sauveront pas Jacopo qui meurt au moment même où une confession vient l’innocenter… la fatalité et les destins sacrifiés ont toujours inspiré Verdi. Opéra noir et sombre, mais dramatiquement très intense, I Due Foscari reste méconnu du grand public or il concentre déjà le meilleur de Verdi. L’écriture y est concise, efficace, serrée, comme précipitée précisément à l’acte III avec la scène flamboyante du carnaval… Trop rare sur les scènes lyriques, l’opéra de Verdi I due Foscari qui annonce Simon Boccanegra, traite de la solitude et de l’impuissance des puissants. A Venise, le Doge Francesco Foscari éprouve la barbarie de l’exercice politique, tiraillé entre l’intérêt de sa famille et le bien public comme la nécessité d’Etat. Créé au Teatro Argentina de Rome en 1844, I Due Foscari éclaire l’inspiration de Verdi fortement marqué par Byron dont il adapte pour la scène lyrique The two Foscari sombre texte théâtral où le doge de Venise, le vieux Francesco Foscari doit exiler son propre fils Jacopo, malgré son amour paternel et les suppliques de sa belle-fille, Lucrezia. Finement caractérisée, épique et aussi, surtout, intime, la partition verdienne se distingue par sa justesse émotionnelle dans le portrait du Doge Foscari, immersion au cœur d’une âme humaine, tiraillée et par là, bouleversante. Verdi semble y prolonger ce réalisme lyrique déjà si touchant chez Donizetti. Les déchirements intérieurs du Doge Foscari à Venise, annonce bientôt la sombre mélancolie solitaire, et comme irradiée du Doge de Gênes, Simon Boccanegra, où Verdi développe cette même couleur générale magnifiquement sombre et prenante. Le sens de l’épure, l’économie psychologique ont desservi la juste appréciation de l’oeuvre ce regard direct sur le tréfonds de l’âme humaine, loin des retentissements et déflagrations collectives parfois assourdissantes voire encombrées Don Carlos, La Forza del destino, Il Trovatore, sans omettre le défilé de victoire d’Aida… véritable peplum égyptien sont justement les points forts de l’écriture verdienne. Un nouvel aspect que l’auditeur redécouvre et apprécie aujourd’hui. La scène finale en particulier qui explore l’esprit agité et sombre du Doge Foscari reste le tableau le plus impressionnant un monologue comparable à la force noire de Boris Godounov de Moussorsgki et dans laquelle brilla le diamant profond de l’immense baryton verdien Piero Capuccilli… Comme Titien portraitiste affûté du Doge Francesco Venier dans un tableau déjà impressionniste illustration ci dessus où le politique paraît affaibli, hagard, défait, en rien aussi conquérant que le Doge Loredan auparavant peint par Bellini, Verdi brosse une figure saisissante par sa souffrance humaine un politique, otage du Conseil des Dix, instance haineuse, policière, inhumaine après avoir pris la vie de son fils Jacopo, le Conseil des Dix lui demande de se démettre de sa charge… ultime sacrifice duquel le Vénérable ne se relève pas. Heureux marseillais qui pourront mesurer le talent du baryton Leo Nucci notre photo ci dessus verdien devenu légendaire qui devrait en novembre 2015, éclairer l sombre diamant qui étreint le cœur du grave et humain Francesco Foscari… I due Foscari de Verdi à l’Opéra de Marseille Dimanche 15 novembre 2015, 14h30 Mercredi 18 novembre 2015, 20h deux représentations événements – version de concert Samedi 7 novembre 2015, 15h , Foyer de l’Opéra Conférence présentation de l’œuvre, entrée libre dans la limite des places disponibles. Réservation obligatoire 04 91 55 11 10 Opéra en 3 actes Livret de Francesco Maria PIAVE d’après la pièce de Lord BYRON Création à Rome, Teatro Argentina, le 3 novembre 1844 Première représentation à l’Opéra de Marseille Paolo Arrivabeni, direction Lucrezia Contarini Sofia SOLOVIY Pisana Sandrine EYGLIER Francesco Foscari Leo NUCCI Jacopo Foscari Giuseppe GIPALI Jacopo Loredano Wojtek SMILEK Barbarigo / Fante Marc LARCHER Marseille reprend en avril 2015, la production présentée aux Chorégies d’Orange en juillet 2014. De coupe encore traditionnelle, l’opéra a des airs facilement mémorables couplets du marin, ballade de Senta, marche de Daland, etc, et une ouverture saisissante que presque tout le monde connaît sans le savoir. La trame est dramatiquement habile dans sa construction exposition et présentation nette des personnages Daland, le Hollandais, Senta, Erik, nœud de l’intrigue deux amours de Senta en compétition, péripéties crise et méprise et dénouement tragique, mêlé habilement de scènes chorales de genre les marins, les fileuses. Les deux héros sont l’âme même du romantisme Senta, c’est une autre Tatiana romanesque qui a forgé dans ses rêves l’amour idéal, total, sacrificiel, qui l’arrachera à la banalité du quotidien l’atelier de filature et au prosaïsme cupide de son père et à l’esprit terrien, sans doute terre à terre de son fiancé Érik, chasseur et non marin. Le Hollandais maudit en quête de rédemption, est une sorte d’Hernani et il pourrait dire aussi De la légende du Vaisseau fantôme à un vaisseau fantôme de légende… Je suis une force qui va ! Agent aveugle et sourd de mystères funèbres ! Une âme de malheur faite avec des ténèbres ! Où vais-je ? Je ne sais. Mais je me sens poussé D’un souffle impétueux, d’un destin insensé. Je descends, je descends et jamais ne m’arrête. Mais à l’inverse du héros de Victor Hugo 1830, c’est une force qui s’en va, qui voudrait s’en aller, qui désire couler doucement vers le gouffre apaisant, le repos éternel qui lui est refusé par Dieu et que seul peut lui octroyer l’amour d’une femme fidèle face aux Éva pécheresses qu’il a connues dans son errance au long cours, Senta sera enfin, dissipé le malentendu, l’ Ave », la rédemptrice, l’Éros bénéfique ouvrant la délivrance de Thanatos, la mort par l’amour. Ne pouvant vivre ses rêves, elle rêve sa vie jusqu’au sacrifice final qui donnera corps et vie au songe. L’œuvre. Des personnages à la fois archétypaux, humains et surhumains. Du romantisme de son temps, Richard Wagner hérite et cultive le goût des légendes. Dans cet opéra en trois actes de 1843 dont il écrit le livret, il s’inspire de quelques pages du poète Heinrich Heine qui vient de publier Aus den Memoiren des Herrn von Schnabelewopski en 1831, Les mémoires du Seigneur Schnabelewopski’ où est relaté une version de la légende ancienne du Hollandais volant et de son vaisseau fantôme. Vaisseau fantôme La mer a ses fantasmes, l’océan, ses fantômes, les deux, ses légendes. Une court les flots et les tavernes des marins réchappés aux vagues et tempêtes des vastes espaces marins, l’existence d’un bâtiment hollandais dont l’équipage est condamné par la justice divine qu’il a bafoué à errer sur les mers jusqu’à la fin des siècles. En effet, son capitaine, malgré une tempête effroyable au Cap de Bonne Espérance bien nommé, a décidé de prendre la mer un Vendredi saint, jurant qu’il appareillerait, dût-il en appeler au diable, qui le prend au mot. Hollandais volant Un capitaine hollandais aurait accompli en trois mois un voyage de près d’un an normalement, d’Amsterdam à Batavia Djakarta, grâce au diable. Cela se passe au XVIIe siècle, époque où les Hollandais ont créé la Compagnie des Indes, courant les océans. La rencontre de ce vaisseau fantôme est considérée comme un funeste présage. Une première version écrite de la légende est parue dans un journal britannique en 1821. La première version française a été publiée par Auguste Jal, Scènes de la vie maritime, Paris, 1832. Cela inspira, en 1834, la nouvelle de Heinrich Heine Les Mémoires du Seigneur de Schnabelewopski qui servit de thème de l’opéra de Wagner quelques années plus tard. Victor Hugo cite aussi cette histoire dans La Légende des siècles C’est le Hollandais, la barque Que le doigt flamboyant marque ! L’esquif puni ! C’est la voile scélérate ! C’est le sinistre pirate De l’infini. À notre époque, un film légendaire d’Albert Lewin en 1951 réactualise le mythe du Hollandais volant le mêlant à celui de Pandora, la femme maléfique qui ouvre la fameuse boîte de Pandore des vices, Pandora and the Flying Dutchman, avec la mythique Ava Gardner dans le rôle de l’héroïne qui, par son sacrifice, trouve à la fois sa rédemption et celle du capitaine maudit. Un film plus récent, Pirates des Caraïbes, en 2003, s’en tient au strict vaisseau fantôme. Mais Heine, à la damnation éternelle du Hollandais ajoute un élément sentimental essentiel le Hollandais damné a le droit de faire port tous les sept ans et seule la fidélité absolue d’une femme peut lui apporter la rédemption malheureusement, il a toujours été trahi dans son amour lorsqu’il met ses espoirs de rachat dans la dernière, rencontrée, après la tempête, dans le havre inespéré d’un port norvégien. Chez Wagner, c’est Senta, déjà vaguement amoureuse du portrait du capitaine de la légende, qu’elle rêvait ou inventait, fille d’un capitaine norvégien, Daland, qui n’hésite pas d’emblée à l’offrir en mariage contre les richesses du mystérieux Hollandais, bien qu’il l’ait déjà promise à Erik, désespéré. LA RÉALISATION MARSEILLAISE Transposée du cadre grandiose d’Orange dans la salle plus intime de l’Opéra de Marseille, cette production passe d’une échelle mythique, épique, à une dimension domestique, poétique du grand large à l’horizon borné du port de la salle. Il faut, certes, évacuer les images d’Orange pour resituer à sa place, sur le plateau marseillais, cette immense étrave de navire Emmanuelle Favre, comme trouée des deux yeux des écubiers, cette proue, proie des flots rejetée sur la rive, d’abord éperon rocheux inquiétant. Occupant, accaparant tout le champ du regard, sa démesure, ici, donne malgré tout la mesure extraordinaire de l’histoire, sa dimension onirique, rêve ou cauchemar, témoin omniprésent, fantasme de l’héroïne en proie à son délire lyrique, érotique et sentimental, à ses visions. Son obsédante présence trop centrée ne laisse qu’un mince espace à jardin, comme une impossible évasion, à une vue de mer en furie puis apaisée, ensuite à un fond de bâtiment industriel pour l’acte II des fileuses, à un ponton en perspective de fuite à la fin. La maîtrise de cet espace resserré est à la mesure de celle de Charles Roubaud, à l’aise dans l’immensité d’Orange, intimiste ici pour cerner au mieux ces personnages humains dans l’inhumanité d’une légende ou tragédie de la révolte d’un homme contre le silence éternel et cruel de la divinité, avide toujours de sacrifices. Les lumières ombreuses plus que ténébreuses de Marc Delamézière, créent une troublante hésitation des formes grouillant vaguement dans les ombres, foule au mouvements de houle, marins vivants et viveurs dans une obscure clarté, et, dans l’indécision du clair-obscur, de fantomatiques spectres alentis à l’assaut de la carcasse morte. Dans cette indétermination de la lumière variant de la nuit à un jour douteux, Katia Duflot estompe d’une gamme brumeuse les costumes gamme brumeuse des hommes mais les robes années 50 des femmes, rose, vert, jaune, bleu, gris clair, carreaux, dans la grisaille généralisée, semblent un rêve de couleur dans un monde qui l’aurait perdue. Le Hollandais, long manteau d’époque indéterminée, et Senta robe jaune clair de jeune fille sage, sont les deux seuls auréolés d’une vague lumière, avec Mary, robe souple à col blanc sur le gris du corsage, comme personnage intermédiaire finalement entre l’ombre du marin dont elle a apparemment chanté la ballade, et la sacrificielle clarté de la jeune fille romantique. Interprétation. Des chœurs, préparés minutieusement par Pierre Iodice aux pupitres de l’orchestre, apprêtés soigneusement par le chef, en passant par le plateau, on sent, sans nulle faille, l’engagement de tous au service de cette œuvre qui, sans rompre les amarres avec l’opéra de son temps, lui rendant même un amoureux hommage, usant de formules de grands compositeurs lyriques, préfigure l’œuvre nouvelle à venir de Wagner. Capitaine, pas encore au long cours dans cette relativement courte traversée wagnérienne, Lawrence Forster est le timonier qui guide savamment son orchestre à travers les écueils nombreux de l’opéra, récifs romanticoïdes, sacralisation excessive de cette musique, tyranniquement imposée plus tard par Wagner lui-même à ses spectateurs, au risque de l’emphase frôlant le pathos pâteux, le pompeux, le pompier le pompant en somme. Il nous rend donc cette musique, telle quelle, naturelle, bien dans son temps, pleine de charme, de sourire même, mouvante et émouvante. Il est le thaumaturge qui, d’un coup de baguette, déchaîne les tempêtes de la mer et en apaise les flots, suivi par un orchestre ductile, aux cordes soulevées de vent, aux cuivres tempétueux ou étrangement nimbés de lointaine brume. Tout le plateau joue le joue avec un sensible plaisir, pour notre bonheur. Le ténor Avi Klemberg, surgi de l’ombre, éclaire de sa lumineuse voix le rôle apparemment ingrat du pilote, auquel il donne une qualité poétique, une jeunesse touchante dans sa réitération à l’invite du vent du sud. Si la grande voix de Kurt Rydl fait quelques vagues dans les notes tenues du premier acte, dans son air de basse bouffe donizettienne, il est inénarrable, en barbon cupide mais père aimant, heureux, joyeux et nous avec lui, qui le retrouvons égal à nos souvenirs. Pour la première fois à Marseille, le ténor Tomislav Muzek prête au personnage d’Erik, fiancé, blessé, la beauté d’un timbre lumineux et la dignité expressive d’une victime injustement sacrifiée. Marie-Ange Todorovitch donne au rôle de Marie sa prestance et son aisance scéniques, la chaleur d’un timbre velouté qu’elle rend à la fois maternel et angoissé face aux bouffées délirantes, diraient les psychanalystes, de Senta. Clytemnestre grandiose, elle retrouve, sa Chrysothémis, une Ricarda Merbeth, applaudie à ses côtés, ovationnée ici pour la tenue impeccable d’un chant se jouant des gouffres et sommets des intervalles comme des crêtes de vagues monstrueuses, sans rien perdre de la beauté blonde d’une voix sans faille, rendant sensible la ferveur, la fièvre, l’exaltation de sa névrose sacrificielle. Comme l’a voulu le metteur en scène, on la sent entre rêve, délire et hallucination. À ses côtés, révélation à Marseille, Samuel Youn, superbe baryton-basse, déploie la beauté vocale d’un timbre d’airain, aux aigus acérés, peut-être trop pour un Hollandais sensible, maudissant sa malédiction, attendri par l’amour et prêt à tous les naufrages. Opéra de Marseille, les 21, 24, 26 et 29 avril 2015 Die fliegende Holländer de Richard Wagner Chœur de l’Opéra de Marseille et Orchestre de l’Opéra de Marseille Direction musicale Lawrence Foster Mise en scène Charles Roubaud Assistant Bernard Monforte. Décors Emmanuelle Favre Assistant Thibault Sinay. Costumes Katia Duflot. Lumières Marc Delamézière Assistant Julien Marchaisseau. Distribution Senta Ricarda Merbeth ; Marie Marie-Ange Todorovitch ; Le Hollandais Samuel Youn ; Erik Tomislav Mužek ; Daland Kurt Rydl ; Seuermann Avi Klemberg. Devant ce livret est d’une remarquable concision, faisant l’économie d’un acte, Victorien Sardou, célèbre dramaturge en son temps, aura l’élégance de reconnaître l’opéra supérieur à sa pièce, pourtant triomphalement défendue par Sarah Bernhardt dans le monde entier. L’histoire lui donne raison on joue partout l’opéra qui, seul, nous rappelle son drame, irreprésentable aujourd’hui. Le drame au risque du mélo… L’œuvre. Puccini ouvre le XXe siècle lyrique avec la création de sa Tosca à Rome, en 1900, évoquant les tragiques événements d’un jour de juin 1800 dans la même ville. L’action est une conséquence, au niveau de l’histoire individuelle de quatre personnages, des événements de la grande Histoire collective. Les troupes révolutionnaires françaises, menées par le général Bonaparte ont instauré en 1798 la République romaine. Mais le roi Ferdinand Ier des Deux-Siciles reprend la ville l’année d’après, chargeant le baron Scarpia d’établir une police secrète pour traquer et exterminer les républicains. Voilà le fond historique. Dans le contexte du drame, son épouse, la reine Marie-Caroline, sœur de Marie-Antoinette, s’apprête à y fêter la victoire et une cantate chantée par la fameuse diva Floria Tosca doit être l’un des moments de la célébration. Les monarchistes réactionnaires célèbrent donc à Rome leur pouvoir retrouvé, comme on a fêté dans le sang, l’année précédente, la fin de la brévissime République parthénopéenne de Naples par la restauration royaliste appuyée par l’Autriche. Un héroïne sotte et sommaire On trouvera difficilement, dans le répertoire lyrique qui pourtant en abonde, personnage féminin plus séduisant vocalement mais plus sot et sommaire que Floria Tosca. Voilà donc une diva célèbre à Rome mais on oublie que les femmes étaient interdites de scène pour indécence, d’où l’emploi de castrats dans la ville pontificale, amante d’un peintre fameux, qui vient le voir sur son lieu de travail, San Andrea della Valle, ne jette même pas un regard autre que de travers lorsqu’elle voit peinte une femme sur son œuvre en chantier, qui ignore sa commande de peindre en cette église une Madeleine, qui, comme Rome, ne se fait pas en un jour, lui fait une scène de jalousie primaire et puérile et tombe dans le piège grossier improvisé par Scarpia, avant de trahir, pour sauver son voltairien de Mario, l’introuvable cachette du prisonnier évadé recherché Angelotti, Consul de la défunte République romaine qu’on devait lui cacher. Bon, admettons, Mario le lui aura imprudemment dit pour calmer ses jaloux transports. Mais c’est une héroïne sans guère de profondeur, qui ne devient intéressante, touchante et bouleversante de naïveté existentielle et religieuse que dans sa prière » du second acte et gagne en humanité, paradoxalement, en tuant Scarpia. Tout en croyant encore sottement au simulacre d’exécution de son amant promis par celui-ci avant qu’elle ne le tue. On le sait, tout finira dans le sang. Réalisation Il faut dire d’emblée que la production de Louis Désiré, qui signe mise en scène, décors, costumes, a le mérite d’une cohérence totale, à quelques réserves près. Dans sa Note d’intention, il précise le pari d’une Tosca cinématographique, comme vue par une fenêtre indiscrète, pas de face, avec de soudains gros plans et des mouvements montrant plusieurs angles du même endroit. » En faisant, évidemment, la part de la métaphore et de la comparaison de ce propos avec le constat de l’impossibilité filmique de la réalisation sur une scène, ce même endroit » est forcément la place fixe du spectateur ce n’est donc pas son regard, la caméra, l’objectif qui change, c’est l’objet. En effet, tournant sur elle-même, la scénographie unique offre divers regards », divers angles, différentes perspectives obliques, jamais frontales d’un décor à la fois un et multiple église, château Saint-Ange. C’est ingénieux et beau, mais d’une lourdeur qui nécessite deux entractes pour en arrimer des éléments distincts, le Palais Farnèse et le château-prison. Il faut perdre ses références culturelles et ses habitudes de l’œuvre pour apprécier ce décor pas de San Andrea della Valle, lumineux exemple du baroque tardif romain, à voir cette étroite et ombreuse chapelle néo-classique, pas de fastueux Palais Farnèse rutilant de dorures et illuminé et enluminé, illustré de fresques au plafond et de tableaux aux murs, mais une austère façade charbonneuse en ligne de fuite en biais, pas de terrasse lumineuse sous le ciel du Castello Sant’ Angelo surmontée de sa statue ailée de l’ange, mais une geôle, une grille, une noire cage où croupit le prisonnier ; le petit pâtre, en principe éclairant de sa chanson naïve le jour levant, est ici un petit oiseau aussi en cage, une victime. De tout le décor émane une atmosphère angoissante, oppressante, avec des plis et des replis de l’ombre, et, si le metteur en scène se réclame du cinéma, c’est assurément du film noir, avec son art subtil des contrastes des ténèbres et des lumières, des dégradés de gris parfois, mais non de clairs-obscurs, mélange des deux. Quant aux gros plans » dont il parle, c’est forcément métaphorique, avec les lumières extraordinairement dramatiques et picturales de Patrick Méeüs, sculptant les corps, creusant les visages, particularisant à certains moments tel ou tel personnage passant aussi au premier plan ou sur l’encorbellement d’un balcon à l’acte II. Mais, plus que du film noir, nous avons ici une esthétique, délibérée ou non, digne du roman gothique » contemporain, sinon de l’opéra, de son sujet historique, ce sombre courant littéraire en plein Siècle des Lumières, fait de terreur, d’horreur, avec ses moines maléfiques, ses bourreaux, dans des châteaux sinistres, d’Otrante ou ailleurs, et dont Sade est aussi un fleuron. Les costumes, presque tous noirs, telle la confrérie sans faste, néfaste, des moines, moinillons, et dignitaires de l’Église pour le Te deum, avec un bel effet de noir et blanc des enfants jetant en l’air, sinon leur future soutane par-dessus les moulins, leur aubes blanches par-dessus leur tête. Sur cette noirceur monochrome, la robe dorée de Tosca, mantille noire au premier acte ou cape d’or au second, lui confère la grâce d’un papillon solaire égaré par une nuit sans lune. Le décor tournant ramène à la fin, comme une nostalgique réminiscence et contraste cruel d’art et de beauté, d’amour et de mort, pour l’artiste condamné, la chapelle de l’église, le diptyque des deux Madeleines comme la vanité cruelle d’une religion inutile, réduite à la représentation, écho visuel ironique aux questions désespérées de la prière de Tosca, à laquelle ne répond que le silence éternel de la divinité. » Le double panneau des Madeleines que peint Mario à l’acte I, au teint de porcelaine rosée, sont une dissonance stylistique, hollywoodienne ou trop XIXe siècle finissant, peut-être vaguement inspirées des couleurs renaissance de la peinture préraphaélite anglaise ou de Italia und Germania de Friedrich Overbeck, peintre du courant similaire des Nazarener, qui offre deux allégories de femme, la blonde aux yeux bleus et la brune, dont le corsage rouge est de la teinte de la Madeleine brune de Mario, qui semble avoir anticipé le caprice de Tosca lui intimant de lui faire les yeux bruns. Mais la taille de ces belleze diverse » rend bien invraisemblable que la rageuse et orageuse diva ne les ait même pas envisagées d’entrée. Autre bémol, l’effet théâtral de la théâtrale diva accordant au cadavre de Scarpia la grâce d’une croix et de deux candélabres comme cierges funèbres, le mimodrame traditionnel, est escamoté au profit d’un aparté au rideau avec la phrase parlée sur la terreur terrassée du Scarpia redouté par toute Rome ; de même le saut dans le vide remplacé par une mort debout devant le rideau avec, après le cri, un sourire aux spectateurs, s’il crée une distance brechtienne, arrache le spectateur à l’émotion de la théâtralité tragique pour le tirer, sinon franchement vers le comique, du moins vers la comédie. Interprétation Théâtralement, c’est d’une belle tenue aussi même si elle n’est pas toujours à la même hauteur. Sur les accords brutaux de Scarpia en elliptique ouverture, le rideau se lève sur un Angelotti traqué de belle trempe Antoine Garcin. En pendant pendard malgré sa soutane, Jacques Catalayud, en sacristain bougon, grognon, gourmand, mais dévot inquiétant déjà, donne à ce rôle une dimension théâtrale et vocale qu’on entend et voit rarement. Dans un crescendo magnifique à l’orchestre, ce premier acte culmine avec une grandeur terrifiante sur le Te deum presque démoniaque, mené par le tonnerre et la foudre de la voix de Carlos Almaguer en Scarpia à l’habit rouge, où la foule des enfants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône Samuel Coquard semble dissoudre leur grâce enfantine dans la noirceur d’un chœur d’esprits plus infernaux que paradisiaques Pierre Iodice. Malheureusement, à l’acte II, d’une noirceur plus intimiste, le grand baryton mexicain, tout en cherchant à plier son immense voix d’airain à quelques nuances, marque ses limites dans un personnage plein de subtilité machiavélique, certes adepte de la conquête brutale, mais tout de même d’un raffinement aristocratique dans ses paroles et ses actes, puisqu’il ne se contente pas de prendre, ce qui est en son pouvoir, mais de séduire pour réduire même par une violence sadienne, sadique, qui peut être également séduction, ce qu’insinue la musique, les harmonies délicates que prête Puccini au personnage dramatiquement le plus intéressant de l’œuvre. Le ténor Giorgio Berrugi a certainement la voix de lirico spinto de Mario, large, solide, cependant, il a quelques, sinon faiblesses, hésitations d’intonation dans les deux seuls passages héroïques du personnage comme sa promesse à Angelotti Mi costasse la vita, vi salveró ! » de l’acte I et le Vittoria, Vittoria ! » du II, aux aigus difficiles à attraper. Plus à l’aise dans le lyrisme amoureux, il est émouvant dans son lamento nuancé E lucevan le stelle… » qui mérite plus d’applaudissements du public. Adina Aaron prête sa beauté et son élégance à Tosca et s’avère assez bonne comédienne. Cependant, le timbre, plus feutré que fruité, semble avoir perdu des harmoniques et la voix manque de brillant et de mordant et elle détimbre quelques pianissimi filés. Elle a une fâcheuse tendance à chercher quelques effets hors de la musique. Dans sa prière », elle lie abusivement deux phrases musicales, mais, pour ce faire, coupe une phrase grammaticale et s’offre un point d’orgue pour un inutile effet de souffle qui ravit le public mais ravit de l’émotion au personnage. Fabrizio Maria Carminati, chef remarqué pour ce genre d’ouvrage, conduit magistralement un orchestre au mieux de sa forme au premier acte, drapant de volupté délicate les deux amants aux gestes et mots sensuels. Mais, que se passe-t-il au second ? Comme si le paroxysme exacerbé déjà ne suffisait pas, il semble ajouter du pathos au pathétique, ce qui donne du pâteux, déchaîne à l’excès les cuivres. Du cinquième rang côté cour, on n’entend pas la cantate de Tosca, ses cris déchirants fortissimo ensuite sont étouffés, et même le tonitruant Almaguer a du mal à passer la rampe, du Spoletta de Loïc Félix, apprécié ailleurs, je ne pourrai rien dire, il était inaudible, comme le pourtant solide Sciarrone de Jean-Marie Delpas. Effet d’un emplacement acoustiquement défavorable car la musique est fatalement spatialisée ? Troublé dans mon admiration pour Carminati, à l’entracte, je consulte des amis, fins musiciens et amateurs éclairés ils m’avouent la même gêne de leur dixième et douzième rang… Fort heureusement, effet ici bénéfique, la prière de Tosca ramène la beauté musicale d’un orchestre maîtrisé et non déchaîné, qui se poursuit au dernier acte. Mélodrame signifie, littéralement, de l’italien, drame mélodieux’, drame en musique, et il y a toujours un danger, à exécuter excessivement Puccini, à ensevelir la musique sous le son, de faire du drame un mélo. Puccini TOSCA 1900 Opéra en trois actes. Livret Giuseppe Giacosa et Luigi Illica, d’après la pièce de Victorien Sardou 1887. Nouvelle production à l’Opéra de Marseille, le13 mars 2015. Tosca de Giacomo Puccini à l’Opéra de Marseille, Les 11, 13, 15, 18 et 20 mars. Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille et la Maîtrise des Bouches-du-Rhône Direction musicale Fabrizio Maria CARMINATI Mise en scène / Décors / Costumes Louis DÉSIRÉ ; Lumières Patrick MÉEÜS Distribution Floria Tosca Adina AARON ; Mario Cavaradossi Giorgio BERRUGI ; Scarpia Carlos ALMAGUER ; Le Sacristain Jacques CALATAYUD ; Angelotti Antoine GARCIN ; Spoletta Loïc FELIX ; Sciarrone Jean-Marie DELPAS. Il était une fois l’opérette et ce diminutif par rapport à la grandeur ou grandiloquence de l’opéra semble l’avoir reléguée à la balayette et remisée au rebut au rabais des plaisirs un peu honteux où ne surnagent que quelques titres qu’on ose arborer sans rougir. Et pourtant, il y a un public, bon enfant et grand enfant, qui redécouvre, avec bonheur, le plaisir un peu désuet de jolis décors en carton-pâte et toiles peintes Nicolas Gélas, de beaux costumes d’époque Maison Grout, le charme efficace d’une mise en scène espiègle, enjouée et bien réglée dans les danses Jean-Jacques Chazalet bref, l’enchantement naïf et émerveillé des contes de notre enfance. Notre Opéra a donc bien fait de rendre sa dignité parallèle à l’Odéon de l’opérette. Et d’exhumer ce Barbe-Bleue tiré de Perrault mais tiré, sinon par les cheveux, par sa pilosité abondante vers les sommets du burlesque qui décoiffe sans raser. Pas barbant … On n’y songe pas forcément en se rasant tous les jours, ou plutôt en ne se rasant pas selon la rasante mode actuelle qui transforme les jeunes gens en visages pâles ou sales —ce qu’on ne dira pas de notre barbu à barbe aile de corbeau nette et proprette, Marc Larcher, qui incarne ici au poil, poilant, un désopoilant Barbe-Bleue— mais écouter Offenbach, c’est de la dope d’optimisme et, le voir, dans cette production, c’est une dose de vitamines qui devrait être remboursée par la Sécu. Et par ces sombres et tristes temps, personne ne dira que nous n’en avions pas besoin Offenbach et ses fameux complices Meilhac et Halévy, après Orphée aux Enfers 1858, La Belle Hélène 1864, et la même année que La Vie parisienne 1866 ce Barbe-Bleue, par leur caricature des idoles d’une société déjà hédoniste, égoïste, de consommation et consumation bourgeoises, sont des dessinateurs verbaux et musicaux les Charlie hebdo de leur temps. Certes, nous avons perdu des codes, des clés de leurs pamphlets, trop ancrés dans leur temps, mais ce qui nous reste culturellement, parodies de l’opéra italien et ses cadences interminables vocalisées, un quatrain détourné de Robert le Diable de Meyerbeer, les citations de Il pleut, il pleut bergère », agrémenté ici d’une Carmen anticipée, de fables de La Fontaine, font tout fait sens, et nonsense comme diraient les British. Sans vendre la mèche, il n’est pas impossible de voir dans les scènes de ménage entre le roi Bobèche emperruqué ébouriffant, décoiffant, hilarant Jacques Lemaire et sa guère clémente Clémentine de femme truculente et succulente Christine Bonnard, la mésentente cachée du couple impérial, par plaisante inversion —sinon sexuelle, de sexe— ici, elle infidèle, contrairement à Eugénie, puritaine et glaciale, tandis que Napoléon III, à l’inverse, avait un appétit sexuel bien connu, priape impérieux plus qu’impérial à la moindre vue d’un jupon, à la vue de tous, de toute la cour, difficile à dissimuler sous l’étroite culotte on ne portait pas de pantalons plus discrets, ce qui lui valut nombre de sobriquets sexuels. Voracité et férocité ici prêtée à Barbe-Bleue, dont on découvre, qu’en fait, il n’épouse et tue ses femmes que pour trouver celle qui lui permettra enfin d’éveiller ou réveiller une virilité défaillante. Et il est bien plaisant, par inversion aussi, de voir et d’entendre le ténor Marc Larcher, au timbre mâle et aux aigus triomphants de jeune coq, allure d’hidalgo donjuanesque, qui chante pratiquement sans arrêt, joue et danse les angoisses de l’épouseur à toutes mains, auquel il manque la troisième main, disons le membre essentiel de la séduction. On comprend aussi le sursaut de virilité qui le secoue à la vue de la Boulotte délurée incarnée en belle et bonne chair par la pulpeuse sinon palpable Emmanuelle Zoldan, beauté du diable sans ce magnifique grand regard angélique de douceur, velours d’une voix de mezzo chaude et facile, dont le charme souriant rappelle l’actrice hollywoodienne Yvonne de Carlo plus que le Rubens » rebondi du texte un couple de rêve. En inversion décidément encore ! de voix grave/aiguë, le couple parallèle soprano/baryton de Caroline Géa, fraîche Fleurette et acide et perfide Hermia, avec Bertrand di Bettino, vrai prince charmant. Mention aussi pour Perrine Cabassud pour l’élément féminin de charme avec ces beautés sorties du placard, du rancart, poulettes mises au chaud du bordel ou du poulailler par l’inénarrable coq en pâte Popolani de Dominique Desmons, alchimiste, cabaliste, empoisonneur irrésistible de drôlerie, digne des films muets. Antoine Bonelli est un Chambellan dépassé par cette cour tournant à la basse-cour de la jacasserie de pétaudière. Et parmi les quatre grands aînés de cette troupe juvénile, comment oublier, en Comte Oscar, faux exécuteur des basses œuvres du Roi jaloux de sa femme, la belle et sombre voix de Jean-Marie Delpas, aussi bon acteur que chanteur ? Les jeux de mots traditionnels dans ce type d’ouvrage sont bien venus je m’aigris /maigris » ce classique pas coupable » répondu par le condamné à la décapitation auquel le bourreau rétorque cyniquement On verra, ça à tête reposée. » L’orchestre, dirigé par Jean-pierre Burtin, faute sans doute de répétitions suffisantes, échappe un peu à son contrôle, notamment au début du III. Mais rien ne gâche notre plaisir par les temps qui courent, Offenbach fait cure. Offenbach Barbe-Bleue à l’Odéon de Marseille Opéra-bouffe en trois actes et quatre tableaux Musique Jacques Offenbach, Livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy Marseille, Odéon, théâtre municipal A l’affiche, les 17 et 18 janvier 2015. Orchestre du Théâtre de l’Odéon, Chœur phocéen chef Rémy Littolff. Direction musicale Jean-Pierre Burtin Mise en scène Jean-Jacques Chazalet ; décors Nicolas Gélas ; costumes Maison Grout. Distribution Emmanuelle Zoldan, Caroline Géa, Christine Bonnard, Perrine Cabassud, Marc Larcher, Jacques Lemaire, Dominique Desmons, Jean-Marie Delpas, Bertrand Di Bettino, Antoine Bonelli. Pour les fêtes de fin d’année, l’Opéra de Marseille présente L’elisir d’amore, L’elixir d’amour de Gaetano Donizetti, les 23, 27 et 31 décembre 2014 à 20 heures et les 2 et 4 janvier 2015 à 14h30. Ce melodramma giocoso, mélodrame joyeux’ melodramma, en italien signifie un drame, une pièce en musique’ et c’est ainsi que Mozart appelait ses Cosí fan tutte et Don Giovanni. C’est-à-dire que les situations y sont d’essence dramatique, cruelle, un dépit et un rejet amoureux en l’occurrence, mais traitées, sinon sur un mode exactement bouffe comme Rossini, sur un ton humoristique plutôt que franchement comique. L’œuvre créé en 1832 à Milan, c’est un opéra en deux actes sur un livret en italien de Felice Romani, lui-même fidèlement tiré de celui d’Eugène Scribe pour Le Philtre 1831 de Daniel-François-Esprit Auber que notre Opéra a eu la bonne idée de présenter au préalable dans le foyer, accompagné au piano, interprété par de jeunes chanteurs. Histoire simple, simpliste d’un jeune paysan pauvre, inculte, aimant au-dessus de ses moyens, une belle et riche propriétaire cultivée, indifférente et cruelle, sadique même. Désespérant de se faire entendre et aimer, il cherchera le secours d’un philtre d’amour offert par un charlatan, avec la péripétie d’un sergent paradant, bellâtre, cruellement érigé en rival par la cruelle jolie femme. Style formulaire, technique de la rapidité. Comme dans ces production d’opéras que l’on dirait aujourd’hui industrielles, écrits rapidement pour satisfaire une grande demande comme au siècle précédent, un peu comme les films aujourd’hui, cherchant la rentabilité avec un minimum de frais, l’œuvre utilise toutes les ressources du style formulaire permettant une écriture rapide, musicalement et verbalement. On y trouve ainsi tout le répertoire des clichés, formules, aux rimes près, qui sont le fond de l’opera buffa depuis ses débuts au XVIIIe siècle, qui traversent même les textes de da Ponte pour Mozart, jusqu’à l’obligatoire air de liste chanté à toute vélocité qui existe bien avant le catalogue de Leporello et bien après lui, ici dévolu, naturellement, au personnage bouffe de Dulcamara au débit vertigineux débitant les mérites mirobolants de son mirifique odontalgique, sympathique, prolifique », etc. De la même façon, la musique utilise les recettes bien éprouvées, la découpe des airs avec cabalette après intervention du chœur, cadences virtuoses, ornements, passages d’agilité pour tous, codifiés depuis longtemps dans le genre, sublimés par Rossini. L’orchestration, l’instrumentation, entre aussi dans la typologie adaptée du genre adressé à un public qui ne cherche pas la surprise, la rupture, le renouveau, mais la reconnaissance de situations, de types et d’épreuves lyriques obligées où les chanteurs devront faire leurs preuves. La surprise viendra cependant d’un air, Una furtiva lagrima », qui dérogeant à ces codes par sa poésie élégiaque et sa douceur humaine humanise l’inhumanité cruelle des types bouffes, infraction au genre qui en assure sans doute la pérennité. Par ailleurs, la version italienne du Philtre, l’elisir, se glisse dans la typologie, les stéréotypes des situation, duperies, méprises et personnages de la Commedia dell’Arte le jeune amoureux timide, la jolie coquette, le soldat matamore et le charlatan de foire. Peu de personnages donc, aux voix codifiées, Adina, riche et belle fermière, naturellement soprano, Nemorino dont le nom même exprime le sentiment, l’amoureux, jeune paysan pauvre, et le baryton, le trouble-fête de ces amours, le sergent Belcore, nom aussi étiquetant sa fonction de galant, le sergent Jolicœur’. On trouve aussi le deus ex machina involontaire de l’action, le docteur Dulcamara, qui veut dire Doux amer’, le charlatan vendeur et doreur de pilules ou philtres d’amour magiques pour se faire aimer, une basse bouffe dans la tradition rossinienne et, enfin, inévitablement, une deuxième soprano Giannetta, jeune paysanne, faire valoir de la première, et qui apportera une information capitale qui renverse la situation l’héritage du jeune homme le rend digne, socialement, de sa belle. Donizetti, cependant, prête à ses personnages, du moins au couple de jeunes premiers, une certaine densité, essentiellement à l’amoureux transi, cruellement éconduit par la belle, elle, dans la tradition de la Belle Dame sans merci, peut-être amoureuse à la fin par dépit ou intérêt si elle a appris en coulisses son héritage la déception, la rivalité amoureuses, les malentendus, la rupture entre les amoureux, frôlent fatalement un drame, évité de justesse, et prêtent un ton doux amer à l’histoire, qui finit heureusement bien. Mais on n’est pas forcé d’y croire. Réalisation. Le sujet portant sur des situations archétypales et des sentiments généraux, la transposition du XVIIIe aux débuts du XXe siècle par la mise en scène d’Arnaud Bernard ne gêne pas. Il y a une cohérence esthétique dans les costumes William Orlandi qui signe aussi l’astucieuse scénographie en camaïeux de beige foncé des gilets sur chemises et pantalons clairs, casquettes et melons pour les hommes, des touches blanc et noir, robes d’époque déjà sans carcan de corset excessif pour les dames en canotiers et autres jolis bibis pour les bourgeoises dans un monde apparemment plus citadin que rural. Cela joue joliment pour des fonds de paysages bistres, ou sépia dégradés en lavis délicats, dont on comprend, grâce à des panneaux coulissants créant divers espaces, larges ou confidentiels, avec la mise en abyme de l’appareil de Dulcamara également photographe avisé vendant sa camelote et ses clichés, que nous sommes dans une chambre photographique, par l’objectif final duquel il disparaîtra à la fin dans un effet grossi de cinéma muet. Paradis perdu de la Belle Époque C’est le temps de l’Art Nouveau, Modern style, Jugenstil, Modernismo ou Liberty selon le pays, l’aube d’un siècle où tout paraît encore nouveau, jeune, printanier, libre, bref, moderne, avec le progrès au service de l’homme la bicyclette pour la femme presque émancipée, sinon amazone, cycliste, l’automobile, le téléphone, la photographie déjà assurée et le cinéma balbutiant, la pub industrielle débutante, bref, la Belle Époque qui ne paraîtra telle que rétrospectivement après l’atroce Grande Guerre à venir qui va mettre toute cette science optimiste —et la faire avancer— dans l’horreur de 14-18. Certes, sans que cela soit l’objectif de cette mise en scène datant de plus de dix ans, en cette année de commémoration du centenaire de la première Guerre mondiale, cela prend une résonance nouvelle de voir une joyeuse société inconsciente, au bord du gouffre, assurée d’un progrès qui va vite se tourner, sans qu’elle s’en doute, contre elle. Interprétation. L’idée centrale de la photographie se traduit en magnifiques compositions picturales de groupes, dans une époque où, justement la photographie prétendait rivaliser avec la peinture, ou ne s’en était pas émancipée, avec des fonds artificiels, dans des ovales de cartes postales des plus esthétiques, aux couleurs fanées nimbées de nostalgique douceur par les délicates lumières de Patrick Méeüs. Le négatif du cliché, c’est que, prenant la pose, naturellement longue à l’époque où n’existe pas l’instantané, les arrêts sur image », surexposent le jeu, imposent une rupture de l’action qui contrarie quelque peu la vive dynamique de la musique nerveuse de Donzetti, menée tambour battant par Roberto Rizzi-Brignoli à la tête de l’Orchestre de l’Opéra tonifié comme par l’élixir de jouvence et d’amour, sans ralentir le tempo, faisant pétiller, crépiter le feu de cette orchestration certes légère mais toujours allègrement adéquate au sujet. Les chœurs, comme toujours parfaitement préparés par Pierre Iodice, entrent harmonieusement autant dans la partie du jeu que dans la partition, en partenaires égaux des acteurs chanteurs. Il suffit de quelques mesures pour que Jennifer Michel nous abreuve de la source fraîche de son timbre, en Giannetta qui ne s’en laisse pas compter. En Dulcamara, Paolo Bordogna, sans avoir forcément la noirceur, est la basse bouffe parfaite, déployant une éblouissante agilité de camelot dans son air de propagande, premier nom de la pub, étourdissant de verbe et de verve, doublé d’un acteur de premier ordre, comme tiré d’une comédie italienne, de la Commedia dell’ Arte, endossant avec naturel le costume d’un Paillasse mâtiné d’Arlequin par sa dextérité sidérante auquel un acteur, Alessandro Mor donne une muette réplique de compère et complice. Entrée en fanfare du fanfaron effronté, le fringant Belcore et sa forfanterie si on ne l’avait vu dans d’autres rôles, on croirait qu’il est taillé pour le baryton Armando Noguera qui se taille un succès en endossant avec panache de coq cocorico l’uniforme du versicolore et matamore sergent, roulant des mécaniques et les r des roulades et roucoulades frissonnantes de fièvre et d’amour, à l’adresse d’Adina et de toutes les femmes, joli cœur à aimer toute la terre comme un Don Juan à l’échelle villageoise irrésistible, se riant des vocalises en nous faisant rire. Adina, mutine, primesautière, dansante et virevoltante, c’est Inva Mula, qui, capable de rôles bien plus lourds, démontre sa technique, sa maîtrise merveilleuse du bel canto, le chant orné, dans sa plus périlleuse et voluptueuse expression sur une échelle, à bicyclette, sur le toit tanguant de l’auto, elle chante, vocalise de façon tout aussi acrobatique, avec un naturel confondant. Sa voix est si ronde, si mielleuse, si douce, qu’on a du mal à croire à la cruauté envers Nemorino du rôle, à moins que la rudesse de ses paroles ne le soit davantage par la douceur innocente de la voix. Nemorino, c’est une révélation le jeune ténor, Paolo Fanale, campe avec vraisemblance un paysan rustaud, pataud, costaud, touchant par sa faiblesse amoureuse dans la force de ce corps, sa naïveté qui le fait la dupe rêvée de Dulcamara, obsédé et dépassé par cette femme d’un autre rang, voix large et pleine, au solide médium bronzé dont on se demande même comment il abordera la légèreté poignante de son fameux air. Et c’est un miracle de finesse, de douceur déchirée et d’espoir qu’il met dans Una furtiva lagrima », qui manque de nous en arracher, par ces sons en demi-teinte, pastel, ce passage de la voix de poitrine à la voix mixte, jouant, sans jeu, mais avec une émouvante vérité, avec le fausset. Par ce seul air, la bouffonnerie ambiante verse dans l’humanité sous le rire, il y avait les larmes d’une âme blessée. La salle, mais aussi ses partenaires, bouleversés, lui rendent un juste hommage. L’Elisir d’amore de Gaetano Donizetti 1832, à l’Opéra de Marseille, les 23, 27, 31 décembre 2014, 2, 4 janvier 2015. Livret de Felice Romani, d’après Le Philtre 1831 d’Eugène Scribe, musique de Daniel-François-Esprit Auber. Chœur et Orchestre de l’Opéra de Marseille. Direction musicale de Roberto Rizzi Brignoli ; Mise en scène d’Arnaud Bernard réalisée par Stefano Trespidi ; décors et costumes de William Orlandi ; lumières de Patrick Méeüs. Distribution Adina Inva Mula ; Giannetta Jennifer Michel ; Nemorino Paolo Fanale ; Belcore Armando Noguera ; Dulcamara Paolo Bordogna ; Assistant Dulcamara Alessandro Mor. Illustrations © Christian Dresse France 3. Mardi 9 décembre 2014, 1h50. Jean-Claude Petit Colomba. Livret de Benito Pelegrín, d’après Mérimée. D’un texte clair mais d’un récit touffu en prose, faire une épure tragique en vers, patine ancienne pour une musique résolument moderne en accentuer ainsi la distance et la théâtralité. Élaguer descriptions pittoresques du récit romantique, fouillis de foule, portraits statiques de personnages freinant le discours, pour donner cours à la course des actes de personnes de chair, à la dynamique de l’action, aux événements qui courent à l’avènement le dénouement sanglant tramé par Colomba della Rebbia pour contraindre son légaliste frère Ors’Anton, de retour en Corse, à la vendetta, à venger la mort de leur père assassiné par le clan Barricini selon elle, mais innocenté par une enquête menée par le Préfet qu’elle estime complice politique. Cela se passe, après la fin de l’Empire, sous la Restauration de Louis XVIII. Pour simplifier et justifier la haine ancestrale entre le clan della Rebbia et le clan Barricini, aux motifs confus et complexes, j’ai utilisé le contexte historique, transformant les Barriccini en légitimistes monarchistes, passés au nouveau régime de la Restauration, et les della Rebbia, militaires napoléoniens, en bonapartistes vaincus mais convaincus. Pour corser la situation politique par quelques clins d’œil contemporains, dans l’affrontement public de l’acte II entre Colomba et Barricini, Maire de Pietranera, je mets en bouche de la femme l’allusion à une campagne électorale pour la mairie, sans doute disputée par les deux parties. Personnages amplifiés ou inventés De Colomba, la blonde petite sœur terrible d’Orso, je fais une sombre matriarche méditerranéenne terrifiante, soumise à la loi patriarcale du mâle, mais véritable chef de clan, presque de mafia, frayant avec des bandits. Je prête à Orso, au lieu de l’Italie, des études en France, il en revient après Waterloo, avec les idéaux des Lumières, déchiré entre vengeance et justice, entre deux cultures immigré en deux patries. De Lydia, la petite Miss snob, timorée et pudique de Mérimée, je fais une Lady dans le maquis, digne fille insulaire de l’Irlande irrédente et sœur de cœur de la Corse Colomba. D’un personnage très limité, j’ai voulu faire une personne complexe de la légèreté mondaine du début, elle évolue puis plonge dans le drame ; d’étrangère, comme par capillarité, je lui fais éprouver une sorte d’acclimatation corse par sympathie insulaire son empathie envers Colomba est presque immédiate dès qu’elle l’entend improviser une ballata, et lorsqu’elle en reçoit en cadeau de bienvenue un poignard, une vendetta, dont elle voudra même user. Son imprégnation corse passionnelle justifie à la fin, dans mon livret, son mariage avec Orso, militaire désargenté, en demi-solde, hériter d’une famille ruinée, invraisemblable dans la nouvelle car elle est riche et habite le quartier le plus huppé de Londres. Je lui prête de la sympathie pour Napoléon par anti-conformisme. J’ai inventé le personnage de la suivante de Lydia, Miss Victoria, pour permettre, en quelques répliques, de cerner la jeune fille. Quant à son père, le digne Colonel Nevil de la nouvelle, bien qu’ayant affronté Napoléon —qu’il respecte— à Waterloo, j’en ai fait un personnage fantasque, papa gâteau sinon gentiment gâteux, sa fantaisie éclairant, au début et à la fin, le drame. Du Préfet neutre et convenu du récit de Mérimée, je fais un continental lucide, passionné mais découragé par cette Corse aux mœurs indomptables, aspirant à rentrer au pays. Il lui appartient d’exposer aux touristes britanniques et au public, comme un coryphée, le nœud de l’action. J’ai éliminé toutes les digressions sur les bandits d’honneur, qui sacrifient à l’exotisme et disperseraient l’attention, pour les résumer en un seul, Giocanto Castriconi, le picaresque et pittoresque Curé » passé au maquis, nécessaire dramatiquement au témoignage théâtral monté par Colomba dans mon texte, au lieu du fouillis de paperasse », des dates du bail du moulin et de ses complexes démonstrations dans la nouvelle, qui lui prennent une nuit pour les mettre en ordre afin de les exhiber pour confondre Barricini. Éliminant des personnages superfétatoires, je préfère nourrir le personnage de Savéria, la vieille servante, qui devient le témoin illettré et impuissant de la découverte du carnet accusateur de l’assassiné qui, de son sang, aurait eu le temps d’écrire le nom de l’assassin, clin d’œil tragique au fameux Omar m’a tuer ». Protagonistes essentiels Le chœur C’est, comme dans la tragédie grecque, le témoin actif de l’action, divisé contradictoirement parfois en hommes et femmes, et naturellement en clans. Logiquement, il n’apparaît que dès l’arrivée en Corse. À certain moment, en coulisses, il sera l’expression de l’intériorité de Colomba ou d’Ors Anton. Le vocero En Corse, comme dans la Méditerranée profonde et antique, le deuil était un rituel mené par les femmes, avec, on le sait, des pleureuses. La Corse avait une tradition, toujours féminine, d’improvisation poétique sur le corps du mort. Si la mort était naturelle, c’était une déploration, un éloge funèbre du défunt. Les Corses appelaient un peu indifféremment cela une ballata ou un vocero. Personnellement, par intérêt théâtral et pour marquer une progression dramatique, j’ai fait un distinguo entre la première appellation et la seconde, réservant ballata, avec sa dénotation de ballade, pour le poème pour la mort naturelle, et préférant vocero pour la mort violente, le vocero étant alors le cri féminin d’appel à la vendetta de sang, devoir impérieux du chef du clan. L’improvisatrice de la ballata ou du vocero était appelée vocifératrice. Colomba est ainsi une vocifératrice réputée, très sollicitée pour les veillées funèbres afin de faire l’éloge des morts. On la verra et entendra de la sorte, à sa première apparition, improviser d’abord une poétique ballata sur une colombe, proche du vocero par l’esprit et l’intention, mais au sens quelque peu voilé par la métaphore. Malgré la réticence de son frère qui redoute sans doute le débordement de la ballata consolatrice en vocero vengeur, elle l’improvise, la chante à leur première rencontre pour complaire au caprice de Miss Lydia, avide de pittoresque. Au cours d’une veillée funèbre d’un voisin, elle improvisera encore une apaisante ballata qui dérape en vocero meurtrier hystérique, quand survient le clan ennemi pour rendre ses respects au mort. LE VOCERO, CHARPENTE DU DRAME Le texte de Mérimée porte en épigraphe deux vers corses du Vocero du Niolo, prêtés par tradition à la Colomba historique. Leur adjoignant deux autres j’en ai fait la charpente dramatique de mon drame. En effet, avant le lever du rideau, dans le noir, venue d’on ne sait où, comme brutale et brève ouverture, ou justement comme l’épigraphe de l’opéra, par une voix féminine anonyme éclate une strophe de quatre vers, en corse, dans une langue incompréhensible pour la majorité du public, donc, comme un oracle obscur Povera,orfana, zitella Senza cugini carnali! Ma per far a to vendetta, Sta siguri, vasta anche ella. Puis la lumière se fait donc, au Prologue, sur le navire qui amène en Corse Miss Lydia, jeune miss snob et blasée, qui espère en Corse des sensations plus fortes que celles de la trop classique Italie, sa suivante, et le colonel Nevil de l’armée anglaise, ne rêvant que de pêche et de chasse. Pour l’heure, Orso est absent. L’atmosphère légère entre Lydia, sa suivante et son père, ambiance d’opérette, est soudain glacée par la voix d’un marin qui tombe, symboliquement, de la hune. On y réentend le vocero en corse, avec de légères variantes, puis en français, suivi d’une glose avec une allusion à un père assassiné et un devoir de vengeance non assumé Pauvre orpheline, seulette, Sans aucun cousin germain ; Mais pour faire ma vendette Il suffira de ma main ! Malheur, malheur, honte et colère Car le fils dégénère S’il survit sans venger le sang versé du père. Troisième occurrence dans le Prologue sur le navire, le vocero se fera encore entendre, perturbant le duo d’amour entre Lydia et Orso, qui ne se sent pas concerné. Lydia, alarmée, arrachée à sa nature primesautière, en aura sans doute demandé des éclaircissements au matelot descendu sur le pont qu’elle a suivi en coulisses, avec Miss Victoria désormais, cela détermine aussi sa conduite, elle en connaît, comme nous, probablement le rapport avec Orso qui, lui, héros isolé, l’ignore toujours. Épure tragique mon vocero, appel à la vendetta, le fatum, plane et pèse, depuis le début sur Orso, Œdipe aveugle et sourd. Ainsi, donnée fondamentale, les ondes centrifuges de ce vocero, au texte que je fais de plus en plus long selon la progression de l’action, vont induire attitudes et conduites du cercle proche ou élargi d’amis, parentèle, clan, autour du héros qui en est le centre de gravité inconscient dans un mouvement centripète inverse, il le cernera progressivement de son déterminisme fatal, jusqu’à ce qu’on le voie plus tard encerclé, toujours inconsciemment, le chantonnant lui-même sans s’en rendre immédiatement compte le chant de mort, célèbre partout, s’est insinué en lui avant que Colomba lui apprenne qu’elle en est l’auteur. Acte III, sc. 3 Symbolique septième et ultime occurrence explicite, avec toute la charge fatale que l’on prête traditionnellement au chiffre sept, dans l’Épilogue à Pise, que je situe aussi symboliquement au Camposanto, le fameux cimetière gothique, après qu’Orso aura fini par tuer en légitime défense les deux fils Barricini, Colomba, qui a abandonné enfin ses habits de deuil pour accompagner avec le Colonel Nevil Lydia et Orso en voyage de noces, découvre l’avocat Barricini prostré. Elle le chantera pour la première fois, faisant du vocero anonyme du début une berceuse de mort personnifiée en le lui susurrant et le faisant murmurer, par contagion, au vieux père douloureux, qui en meurt. On aura alors entendu le thème du fatum pour la dernière fois, la fatale septième occurrence dissipée enfin par le chant d’amour de Lydia et Orso. Le corse, incompréhensible d’abord comme les oracles obscurs, sera devenu la langue du fatum. Le vocero vengeur aura donc atteint et pratiquement gagné tous les héros, même l’étrangère et apparemment frivole Lydia de façon insidieuse, séduite par Colomba, par sa ballade dont elle tente de transcrire et de chantonner la mélodie et je lui prête cette réflexion Au fond, c’est tout un art de savoir se venger… » Effectivement, on la verra prête à venger Orso qu’elle croit assassiné avec la vendetta, le poignard, cadeau empoisonné de haine, que lui avait offert Colomba LYDIA Colomba, Orso, on l’a tué ? Celui qui l’a tué, je veux l’assassiner ! J’ai sur moi la vendette ! COLOMBA riant Mazette ! Signorina Nevil, Quelle amorce ! Voilà que notre Miss se prend pour une Corse ! IV, 3 LA THÉÂTRALISATION MUSICALE DU VOCERO Autant qu’une traduction, la musique est la sublimation des paroles les mots visent en gros l’intellect mais les notes touchent le profond de l’affect et si le discours disserte, l’orchestre court, concerte, annonce, dénonce, voile, dévoile les personnages, rappelle ou anticipe l’action. L’ouverture, c’est le vocero a cappella, deux tierces mineures descendantes. Ce vocero initial est constitué, sur l’apostrophe de trois mots de trois syllabes au rythme ternaire Povera orfana, zitella », de trois incises de deux tierces mineures descendantes, précédées de l’ornement d’une appoggiature, mi-do-do/ appogiature /fa-ré-ré montée d’un demi-ton sur Povera, orfana. Musicalement, ce bref motif des mesures 1 et 2 de l’ouvrage est devenu le thème fatal de Colomba qui l’annonce, la préfigure, comme une menace avant même qu’elle n’ait paru sur scène. Cet intervalle de tierce est la cellule qui donne la structure musicale, la trame de tout l’ouvrage, sa couleur funèbre. Il se fait entendre à chaque acte, soit en claires citations directes chantées du vocero, développé de sept à quatorze mesures, soit imprégnant insidieusement, de façon subtile, la vocalité de presque tous les personnages, qu’ils en aient conscience ou non, sensible du tout début à la toute fin, puisque c’est le chant de mort ultime, asséné avec une douceur cruelle par Colomba et chantonné par Barricini père hébété, qui le tue au cimetière de Pise où se conclut le drame. L’orchestre fait planer cet appel à la vendetta, à la mort, à l’ouverture de l’acte II, à celle de l’acte III, comme l’obsession de l’intraitable Colomba remâchant sa haine, parfois dans un orchestre aux cordes violentes, en fiévreuses doubles croches pressées, puis dans la mélopée angoissante du solo au cor anglais, passant du do mineur au fa mineur. Sans être atonale, on peut considérer que la musique de Jean-Claude Petit est sérielle, constituée par cette série de deux tierces mineures du vocero, cet intervalle de la fatalité imposée par Colomba, que l’on va trouver glosées, tissées, traitées dans toutes les possibilités de la musique montantes, descendantes, en valeurs courtes, longues, en fugue orchestrale obsessionnelle, en canon instrumental l’intensité de la musique est la théâtralisation extrême de ce vocero fatal. Note d’intention écrite par Benito Pelegrín, l’auteur du livret de Colomba France 3, mardi 9 décembre 2014, 1h50. COLOMBA, création à l’Opéra de Marseille. A l’affiche, les 8 mars 2014, 11 mars 2014, 13 mars, 16 mars 2014 Opéra en un prologue, quatre actes et un épilogue Musique de Jean-Claude Petit, Livret de Benito Pelegrín d’après la nouvelle de Prosper Mérimée CRÉATION MONDIALE Commande de la Ville de Marseille Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille Direction musicale Claire Gibault Mise en scène Charles Roubaud Décors Emmanuelle Favre Costumes Katia Duflot Vidéos Julien Ribes Lumières Marc Delamézière Distribution Colomba Marie-Ange Todorovitch ; Lydia Pauline Courtin ; Miss Victoria / Une Voix Lucie Roche ; Savéria Cécile Galois ; Orso Jean-Noël Briend ; le Colonel Nevil Jean-Philippe Lafont ; le Préfet Francis Dudziak ; Barricini Père Jacques Lemaire ; Orlanduccio Barricini/ Un Matelot Bruno Comparetti ; Vincentello Barricini Mikhael Piccone ; Giocanto Castriconi Cyril Rovery Le reportage vidéo de Colomba mars 2014. Livret de Benito Pelegrín L’Opéra de Marseille nous a habitués à la découverte ou redécouverte, sous forme de concert, d’œuvres rares ou inédites, injustement oubliées, jalon intéressant dans l’histoire de la musique ou simplement dans la carrière d’un grand compositeur de la sorte éclairée d’un maillon négligé de sa production. Ainsi ce Moïse et Pharaon de 1827, enfin créé ici. L’Œuvre brûlante actualité. Tiré du fameux Livre de l’Exode de la Bible, fondamental, car le héros central, Moïse, est le premier prophète et le fondateur de la religion dite mosaïque ou juive. On sait que, né en Égypte, sauvé des eaux du Nil dans son berceau, il arrachera son peuple dit-on mais Égyptien de naissance, son peuple est-il celui du sol ou du sang ? à la captivité égyptienne et lui donnera, en route vers la Terre Promise, les Tables de la Loi, les Dix Commandements. Le sujet a été traité par tous les arts, même le cinéma, avec ses divers épisodes au romanesque impressionnant, les Dix plaies d’Égypte et, surtout, les Hébreux menés par Moïse passant à pied sec la Mer Rouge où les poursuivants Égyptiens seront engloutis par les flots. Bref, un Proche-Orient déjà en conflit entre mêmes peuples sémites, affrontement d’un Dieu contre les dieux, également présent dans Nabucco, avec aussi déportation, esclavage des Juifs, menaces d’extermination et solution, sinon finale, in extremis, suivie de l’exode salvateur des Hébreux libérés. 1824 l’italianissime Rossini s’exporte à Paris. Mais qu’importe ? Il y importe et apporte son italianitá, son savoir faire, et faire vite —et bien— et va vite le faire savoir très bien. Dans une logique culturelle nationaliste, on lui confie la direction du Théâtre des Italiens où il sert le répertoire adéquat, et le sien. Mais il vise la chasse gardée, héritage de l’Ancien régime récemment restauré après la tourmente révolutionnaire et l’épopée napoléonienne, l’Académie Royale de Musique, temple national des productions françaises passées et compassées, d’un art du chant français vainement décrié par Rousseau au siècle précédent qui le trouvait, dirai-je pour résumer ses longues diatribes, pompeux, pompier, pompant. Rossini, avec prestesse et élégance, y fera une éclatante démonstration de son sens de l’adaptation au génie du lieu sans rien perdre du sien avec la création, en 1827, de Moïse et Pharaon, reprise francisées, nationalisée française, de son Mosè in Egitto créé au San Carlo de Naples en mars 1818, où il faisait la part belle à la virtuosité de sa femme, la cantatrice espagnole Isabel Colbrán. Un habile librettiste, Etienne de Jouy , adapte en français le livret original de Luigi Balocchi. On y remarque la plaisante transformation des noms de l’original italien avec des désinences fleurant, en plein romantisme, le néo-classicisme du siècle précédent Anaïde, Sinaide, Aufide, Osiride, qui ne déparerait pas quelque tragédie d’un épigone tardif de Racine, de Voltaire. Pour ce qui est de la musique, tout en conservant sa patte originelle, l’espiègle signature de ses flûtes et piccolo, et la pâte italienne d’une orchestration transparente, Rossini nourrit davantage son orchestre et gonfle ses chœurs qui deviennent, très loin de l’opéra italien et des siens en particulier, de véritables protagonistes antagonistes de l’action, Hébreux contre Égyptiens. Enfin, il se moule avec aisance dans un type de déclamation française un peu solennelle, du moins dans les récitatifs, tous obligés, accompagnés par l’orchestre, qui donne un tissu musical continu non haché par le recitativo secco au clavecin. Il concède une noblesse de ton remarquable aux personnages primordiaux, notamment Moïse et Pharaon, au discours à la virtuosité assagie ; mais, bon chant pour tous, il réserve le bel canto au sommet, vertigineux par la tessiture élargie et les sauts, par une ornementation acrobatique extrême, à l’improbable couple inter-ethnique de jeunes premiers amoureux Anaïde, Juive, et Aménophis, Égyptien, parallèle et chiasme que l’on retrouvera plus tard dans celui de Fenena et Ismael du babylonien Nabucco de Verdi, et, dans les deux opéras, une sublime prière des Hébreux qui conduiront les deux compositeurs à leur dernière demeure., Anaïde Juive, et Aménophis, Égyptien, parallèle et chiasme que l’on retrouvera plus tard dans celui de Fenena et Ismael du babylonien Nabucco de Verdi, et, dans les deux opéras, une sublime prière des Hébreux qui conduiront les deux compositeurs à leur dernière demeure. C’est dire si Rossini, l’air de rien, ouvre des portes, tant du grand opéra à la française que de l’italien. L’ouverture n’est plus simplement un morceau simplement destiné à meubler le temps d’ouverture du théâtre et d’installation du public et, pour cela souvent interchangeable elle crée une atmosphère, laisse présager, sinon la houle, les vagues du passage de la Mer Rouge, qui devait être le clou spectaculaire du mythe juif. Les divers épisodes des Dix plaies d’Égypte donnent aussi lieu à des passages d’une musique figurale expressive. Interprétation. Libérée des contingences représentatives, bien complexes à mettre en scène, forcément oblitérées par trop d’images grandioses de cinéma, la version scénique a le mérite de concentrer l’attention sur la musique et le chant, ce qui laisse forcément les interprètes impitoyablement à nu. À la direction musicale, Paolo Arrivabeni, est l’élégance en personne avec une économie gestuelle remarquable, il tire de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille au mieux les meilleurs des effets sans effectisme, étageant clairement les plans, caressant les cordes lumineuses, dorant doucement les cuivres, si rares chez Rossini, sans renflement ni ronflement, faisant surgir les couleurs de certains pupitres, flûtes, clarinette, hautbois dans une clarté générale qui montre combien Rossini a assimilé les leçons viennoises classiques de Mozart et Haydn. Attentif en bon chef de chant également, sans jamais les mettre en danger, il guide souplement les chanteurs dans les périlleuses ascensions et descentes ornées de ce bel canto qui est aussi l’élégance suprême de la voix, où les plus redoutables obstacles vocaux deviennent une voluptueuse victoire du souffle et d’une technique travestie, investie par la grâce, ravissant d’effroi le spectateur de la difficulté vaincue avec aisance, apparemment sans effort la politesse du beau chant. Et de ce vaste chœur, admirablement préparé par Pierre Iocide, Arrivabeni tire les effets musicaux et émotionnel d’un vrai personnage, vaste horizon sonore, belle fresque ou frise de laquelle se détachent, sans solution de continuité dans le flot musical, les solistes. N’était-ce l’intrigue amoureuse obligatoire pour le temps mais superfétatoire, cet opéra est en fait un magnifique oratorio qui nous dévoile encore une facette du facétieux en apparence cher Rossini aux visages finalement très divers. Quant à la distribution, des petits par la durée aux grands rôles, c’est un bonheur que n’avoir qu’un même hommage à rendre à leur qualité et cohésion. En quelques phrases, le jeune ténor Rémy Mathieu laisse en nous le désir de l’entendre plus longuement ; connu et entendu déjà souvent depuis ses débuts, Julien Dran fait plus que confirmer des promesses il se tire de la partie d’Eliézer, hérissée de difficultés, avec une vaillance pleine de maestria et il montre et démontre qu’il est prêt pour le saut de grands rôles autres que de ténor di grazia où on l’a vu exceller. Philippe Talbot, ténor d’une autre teneur, dans l’ingrat personnage d’Aménophis, peut-être le seul héros de quelque dimension psychique bien que trop symétriquement contrasté par des affects contraires, déchiré, entre haine et amour, pardon et vengeance, déploie une voix franche, brutale parfois, dont la rudesse acérée à certains moments de cette partition follement virtuose qu’il affronte héroïquement, sert l’expressivité émotionnelle et fiévreuse du personnage et rend crédible son tourment, se pliant en douceur aux duos avec la femme aimée. Familier de notre scène, dans un rôle trop bref pour le plaisir que l’on a toujours à l’entendre, Nicolas Courjal, basse, affirme l’étoffe rare du velours sombre et profond de sa voix. Quant au baryton québécois, Jean-François Lapointe, chez lui à Marseille, que dire qu’on n’ait déjà dit de ce grand artiste ? Beauté de la voix, égale sur toute la tessiture ici très longue, élégance du phrasé, aisance dans un emploi apparemment inhabituel par des traits bel cantistes, brillant de l’aigu, il est souverain par la noblesse et justesse de l’expression convenant au personnage d’un Pharaon traversé par le doute. Aucun de ces chanteurs, dans leur juste place, n’est écrasé par la présence imposante de Ildar Abdrazakov en Moïse, voix immense mais humaine, puissante et parfois confidentielle, large, d’une égalité de volume et de couleur dans toute la tessiture, en rien affligée du vibrato souvent excessif des basses slaves vrai voix de prophète, d’airain, propre à graver dans le roc les Tables de la Loi. Et que dire des dames ? En peu de répliques, Lucie Roche, réactive à la musique et aux propos de ses partenaires, immergée dans toute la partition et non seulement sa partie, impose le velouté de sa voix de mezzo, sa belle ligne de chant et l’on goûte pleinement cette douceur de mère symétrique de l’autre mère amère et douce du futur Pharaon, Sonia Ganassi, mezzo moins sombre, cuivré, chaud, défiant tous les pièges d’un rôle qui, pour être relativement bref, relève de la plus haute volée du bal canto le plus acrobatique. En Anaïde, stéréotype féminin hésitant entre l’amour humain et divin, la soprano Annick Massis se joue avec une grâce angélique de sa diabolique partition, hérissée de sauts terribles du grave à l’aigu, avec des intervalles de gammes véloces vertigineuses, brodés de trilles, dentelés de toutes les fioritures expressives du bel canto ; sur un soupir, la caresse d’un souffle, elle fait rayonner des aigus impondérables aux harmoniques délicatement scintillantes, une infinie palette de nuances iridescentes mille rossignols, mille musiques dans une seule voix. Un triomphe amplement mérité. Rossini Moïse et Pharaon, 1827 Opéra en quatre actes livret de Luigi Balocchi et Etienne de Jouy Musique Gioacchino Rossini Version de concert Marseille, Opéra. Le 8 novembre 2014 A l’affiche, les 8, 11, 14, 16 novembre 2014. Moïse et Pharaon de Giocchino Rossini Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille, Direction musicale Paolo Arrivabeni ; Chef du chœur Pierre Iodice Distribution Anaïde Annick Massis ; Sinaïde Sonia Ganassi ; Marie Lucie Roche ; Moïse Ildar Abdrazakov ; Pharaon Jean-François Lapointe ; Aménophis Philippe Talbot Eliézer Julien Dran ; Osiride / une voix mystérieuse Nicolas Courjal ; Aufide Rémy Mathieu . Photos Christian Dresse A. Massis et L. Roche… Compte rendu, concert. Marseille concerts, le 13 septembre 2014. Colorido sueño. Musée, musique ont pour racine commune les muses, qui donnent leur nom à la musique et qui avaient leur demeure, selon les Anciens, dans le musée. Étymologie qui se sera vérifiée dans le concert de la cour intimiste du Musée Cantini, où l’onirique exposition Delvaux, toute bleutée de nuit, recevait, sous le bleu nocturne d’un ciel étoilé, l’écho rêveur de ce Colorido sueño, rêverie colorée où deux belles muses et un musicien violoncelliste, chanteuse et pianiste nous ont promenés sur les rives du rêve des rivages des Amériques et d’Espagne. Sous la présidence de Robert Fouchet, Marseille-concerts frappait brillamment de la sorte les trois coups de la saison musicale à Marseille avec ce concert mêlant classique et musiques du monde par trois jeunes interprètes marseillais, fine fleur du Conservatoire de Région, Lucile Pessay, cantatrice, Anne Gambini, violoncelliste et Nicolas Mazmanian, pianiste et compositeur. Première partie par les deux instrumentistes dévolue à António Carlos Jobim, plus connu sous le nom de Tom Jobim 1927-1994, illustre compositeur, chanteur, parolier brésilien au succès mondial, qui eut le génie d’assimiler divers horizons de la musique, classique, jazz, folklorique, pour servir et recréer les rythmes et sons du Brésil, respectant leur saveur mais leur donnant une originalité renouvelée de forme et, surtout, de ton. Il fixe ce que sera la nouvelle manière », la bossa nova » et ses chansons demeurent d’indiscutables standards », des classiques universels. S’emparant d’onze de ses titres, nos deux instrumentistes, créant de fins arrangements pour piano et violoncelle en firent une véritable suite classique par la beauté des thèmes échangés habilement entre les cordes du piano et celles, doucement caressées, du violoncelle. On goûta la sensibilité voluptueuse de leur interprétation fidèle. Les Brésiliens ne sont pas juste cet aimable et épidermique peuple souriant de film de vacances et de vulgaires publicités. Sous l’écorce de la fête pleure toujours la saudade », la nostalgie, la mélancolie héritée des Portugais et des cultures souffrantes d’être trop longtemps opprimées. Loin de ces clichés carnavalesques faciles du Brésil, évitant la surcharge pittoresque, l’interprétation excessivement coloriste de la couleur locale qui en est souvent la caricature, les deux instrumentistes déployèrent un prisme, un éventail irisé de couleurs, faisant perler doucement, confidentiellement, la profondeur sensible d’une musique où, sous le sourire, se sent, a cruel saudade que […] chora », la cruelle saudade [qui] pleure’ Villalobos, Bacchiana brasileira N°5. Sans rien perdre du sens mélodique et rythmique, le violoncelle soupirait, le piano ruisselait de larmes ou de joie, finesse rêveuse des cordes frottées filant le son fondu aux limites du silence, suivi des piani du piano, on dirait sur la pointe des pieds, des doigts punteado », pointillé,’ dirait-on en espagnol, accompagnant respectueusement cette délicatesse sans en réveiller brutalement le songe. Un rêve heureux. Comment répondre à cette musique ? La répandre en la jouant, mais aussi en faisant l’hommage à Jobim d’une —non, en brésilien, d’un— Samba, une réponse, un écho musical, du cœur, choral, rien d’un pastiche, mais une vraie création, très développée, riche harmoniquement. Ce fut l’élégant cadeau de Nicolas Mazmanian, compositeur et interprète de son œuvre, accompagnée, commentée par le violoncelle toujours délicat, dentelé de brume légère d’Anne Gambini, pour clore brillamment cette première partie où la variété était dans l’infime et infinie palette des nuances entre les morceaux. En seconde partie, Lucile Pessey faisait une douce transition en interprétant la célébrissime chanson des années 60, musique de Jobim, A garota d’Ipanema, sur les paroles de Vinícius de Moraes, qui fait toujours le tour du monde, tendre et sensuelle rêverie sur cette jeune fille dorée attirant les regards admiratifs, qui rappelle par le sujet le classique Punto de Habanera » des Cinco canciones negras 1954 de Xavier Montsalvatje 1912-2002, charmant tableau voluptueux de marins contemplant rêveusement la jolie créole qui passe, telle une fleur dans sa crinoline, popularisées par Victoria de los Ángeles. Créée par cette dernière sous la direction du compositeur Heitor Villalobos 1876-1959, la Bacchiana brasileira N°5, avec un violoncelle ailé en hommage à Bach, longue vocalise avec un da capo bouche fermée enserrant un magnifique et poétique récitatif, une leçon de déclamation lyrique, fut interprétée avec passion par la jeune cantatrice dont le timbre fruité et vibrant, coloré, rendait la saveur et la suavité tropicale et l’élégance classique de cette musique, avec une belle ligne et tenue de souffle. Auparavant, elle avait aussi chanté, hommage encore au Brésil, la célèbre Manhã de carnaval, de Luiz Bonfá, tirée du film Orfeu negro, mélopée mélancolique au violoncelle déchirant ; puis la fameuse chanson du Mexicain Agustín Lara 1897-1970 revivifiée par un film d’Almodóvar, Piensa en mí, dont l’émotion fut équilibrée par l’humoristique Quizás, quizás, quizás du Cubain Osvaldo Farrés 1902-1985, toujours interprétée avec beaucoup de grâce bien que le passage du portugais à l’espagnol fut sensible dans des voyelles pas suffisamment franches et des r simples qui l’étaient trop. Avec autant de bonheur vocal, elle nous promena dans la pampa avec la complainte mélancolique d’un meneur troupeau, El sampedrino, poétique mélodie de l’Argentin Carlos Guastavino 1912-2000. Des rivages et visages américains, la jeune cantatrice passa à l’Espagne, d’abord néo-romantique d’Enrique Granados 1876-1915, mort prématurément dans le torpillage par les Allemands du navire qui le ramenait de New York où venait de se créer son opéra Goyescas, tiré de sa suite pour piano et des tonadillas, mélodies et piano, du même nom, inspirées par les personnages du peuple élégant de Madrid, les majos », des tapisseries et premiers tableaux de Goya. Hélas, les textes de Fernando Periquet sont unanimement jugés calamiteux. En sorte, que je vais transcrire personnellement les deux interprétés en espagnol par Lucile avec un charme mutin, que j’avais adaptés pour une cantatrice de l’Opéra de Paris pour un concert retransmis par France-Musique. Même si cela n’a pas d’incidence pour un public français non hispanophone, on ne se résigne pas à cette platitude. La première tonadilla, Tralalá y punteado Tralala et pointillé’ est la plus simple. En voici ma transcription chantable bien sûr C’est en vain mon cœur fidèle Que tu me harcèles Car je réponds aux querelles Par ma ritournelle Tralalalalalalalalala. C’est en vain que tu t’entêtes, Tralalalala, À tes questions indiscrètes Je réponds par ma chansonnette Tralalalala. C’est en vain mon cœur fidèle, etc. Le texte de la seconde tonadilla, sur un rythme de séguedille, El majo discreto, Le Majo discret’, sur la discrétion d’un amant qui est laid, est malheureusement affligeant. On me permettra de lui offrir un piquant qu’il n’a pas On dit que mon cher amant est laid. Il se peut qu’en effet cela soit bien vrai L’amour, faux miroir Qui empêche de voir, A dans son carquois D’autres tours qui vous laissent coi. Car si mon amant n’est pas un Apollon Dont la vue cause de la stupéfaction, Par contre, invisible, Son charme est sensible À qui le connaît Et je le reconnais. Quel sont donc ses charmes, Ses charmes secrets ? De le dire à voix haute, je rougirais. À qui sait l’entendre laissons deviner Les armes secrètes d’un homme bien né. Tel quel il me plaît, plaît, plaît ! Je l’aime bien qu’il soit laid. Et l’on offrira ces textes à l’humeur primesautière de Lucile qui en chanta si agréablement la musique. La jeune cantatrice, tout doucement, était passée du registre de soprano lyrique de la Bacchiana N°5, à une tessiture plus moyenne des chansons et de Granados puis, pour interpréter Manuel de Falla 1876-1946, et ses Six chansons populaires espagnoles’, elle entra dans un registre de mezzo, que lui permet un médium corsé, conservant ainsi la couleur hispanique caractérisée de ce voyage synthétique dans les folklores si divers de la Péninsule ibérique. Elle s’en tira remarquablement, avec, cependant, quelques difficultés pour sa voix aiguë, appogiatures graves élidées dans la Nana et les redoutables mélismes andalous très virtuoses du Polo, venant trop tard en fin d’un beau et long récital courageusement divers. En fin ? Non, puisque la jeune chanteuse, attendue le lendemain pour un Stabat mater de Pergolèse, régala généreusement encore le public d’un long bis, un extrait de West side story de Bernsteien, I feel pretty », Je me sens jolie’, qu’elle pouvait joliment revendiquer, sourire de la voix, des yeux, de la bouche de la tête aux pieds. Marseille. Marseille-concerts, Musée Cantini, 13 septembre 2014. Colorido sueño. Lucile Pessay, soprano, Anne Gambini, violoncelliste , Nicolas Mazmanian, pianiste. Tom Jobin, Nicolas Mazmanian, Agustín Lara, Oswaldo Farrés, Luiz Bonfá , Carlos Guastavino, Heitor Villalobos, Enrique Granados, Manuel de Falla, Leonard Bernstein. Marseille. Musiques Interdites, les 11 et 13 septembre 2014. Marseille accueille en septembre 2014, une série de créations événements au festival “Musiques interdites “9eme édition en 2014. Défendus par l’Ensemble Télémaque, les programmes auront lieu à la Friche la Belle de Mai, les 11 et 13 septembre soit Jeudi 11 septembre 2014, 19h Bibliothèque de l’Alcazar - Cours Belsunce 13001 – Marseille Meyerowitz’s Marseilles Barriers Film concert - Création Soirée en deux parties où le film de Philippe Adrien rend compte par les témoignages d’Alain Vidal-Naquet, Christine Vidal-Naquet Guerre, Michèle Kuhn, Gwen Strauss, des séjours de Meyerowitz dans le Sud de la France incarcération au Camp des Milles, caches à Marseille, départ pour New York. En seconde partie, récital d’œuvres lyriques inédites de Meyerowitz, dont le cycle mélodique composé au Camp des Milles et dédié à son ami Pierre Guerre et airs de l’opéra The Barrier. Avec Claudia Sorokina, soprano /Frédéric Leroy, baryton / Vladik Polionov, piano Entrée libre dans la limite des places disponibles Samedi 13 septembre 2014 2 Spectacles Friche la Belle de Mai - Grand Plateau - 41, rue Jobin 13003 - Marseille à 20h Qui rapportera ces paroles ? Schoenberg-Hersant Oratorio d’après les poèmes d’Albert Giraud, Charlotte Delbo, Friedrich Hölderlin Le livret de cet oratorio inédit voyage, intense et fragile, entre les univers musicaux du présent et du passé. Honni par l’Allemagne nazie, Arnold Schoenberg figure sans conteste tel l’astre autour duquel se satellise la pensée musicale moderne. Philippe Hersant a composé, en hommage à la résistante Charlotte Delbo, une oeuvre vocale sur un poème extrait de la pièce Qui rapportera ces paroles ? » Au programme Arnold Schoenberg Pierrot lunaire Brigitte Peyré, soprano Ensemble Télémaque Raoul Lay, direction Philippe Hersant D’où nul n’est revenu Création - commande de Musiques Interdites Nicolas Cavallier, baryton - Ensemble Télémaque - Raoul Lay, direction Philippe Hersant Lebenslauf Brigitte Peyré , soprano Ensemble Télémaque – Direction Raoul Lay Philippe Adrien-accessoires-installations En collaboration avec l’Ecole des Acteurs de Cannes, L’IICCMode et 10 lycéens – récitants à 22h Friche la Belle de Mail – Grand Plateau - 41, rue Jobin 13003 - Marseille - Parking gratuit dans la limite des places disponibles La Ville sans Juifs Hans Karl Breslauer – Pierre Avia Film muet de Hans Karl Breslauer 1924 cinémixé live par Pierre Avia synthétiseur , à qui l’on doit, entre autres, la musique du film les Invasions barbares. Au départ un best-seller satirique de l’écrivain juif autrichien Hugo Bettauer publié en 1922. L’auteur assassiné en 1925 par un nazi, extrapole les conséquences de l’antisémitisme autrichien virulent en cette période de crise une solution – expulser tous les juifs !… Tarifs Qui rapportera ces paroles ? Schoenberg-Hersant = 10€ hors frais de location La Ville sans Juifs = 8€ PASS pour les 2 spectacles= 15€ Renseignements- Réservations - Friche la Belle de Mai tel 04 95 04 95 95 du mardi au dimanche de 11h à 19h Billetterie en ligne – - Espaceculture_Marseille 04 96 11 04 61` - Festival Musiques Interdites musiquesinterdites L’Opéra de Marseille, sous la férule de Maurice Xiberras, mène une judicieuse politique à la fois d’œuvres du répertoire, que le public ancien aime retrouver mais que le public nouveau doit découvrir, une redécouverte d’opéras oubliés à revisiter, avec aussi, on l’a vu une politique de création sans quoi le répertoire lyrique resterait à l’état de muséographie. Avec le Roi d’Ys, d’Édouard Lalo, créé en 1888, longtemps au répertoire mais, aujourd’hui largement disparu des affiches à Marseille, il y a vingt ans qu’on ne l’a plus joué, le public, sensiblement ancien, était invités des retrouvailles les 10, 13, 15 et 18 mai, dans une production conjointe de l’Opéra-Théâtre de Saint-Étienne et de l’Opéra Royal de Wallonie. L’œuvre Après bien des vicissitudes et des déceptions depuis 1875, après le refus de l’Opéra de Paris et ses grandes pompes souvent pompier et pompantes en cinq actes, Lalo se mit en quatre, mit son opéra en trois et put le faire accepter à l’Opéra comique en 1888. Ce fut un triomphe, non démenti jusqu’à l’orée des années 60 où seuls quelques opéras de province le mirent à l’affiche. En trois actes et cinq tableaux Le Roi d’Ys d’Édouard Lalo 1823-1892, sur un livret d’Édouard Blau 1836-1906 repose sur la légende bretonne de la mythique ville d’Ys, capitale du royaume de Cornouaille, engloutie vers le VIe siècle de notre ère, au large de Douarnenez, une d’Atlantide du nord en somme. Les tempêtes terribles qui se sont abattues cet hiver sur les côtes atlantiques, qui ont dû exister aussi autrefois, disent assez la possibilité tragique de tel événements grossis par l’imaginaire populaire et sa terreur de tels cataclysmes. L’action de déroule dans un Moyen-Âge mythifié ou mystifié, poétisé, en tous cas, dans la ville d’Ys située sur les côtes de Bretagne, protégées des fureurs envahissantes de l’océan par une digue. Mais il n’y a pas d’opéra sans histoire d’amour, d’amour contrarié, naturellement. Et contrarié par qui ? On a pu dire en plaisantant qu’un opéra, du moins un opéra romantique, c’est les amours d’une soprano et d’un ténor contrariées par un baryton ou une mezzo soprano jaloux des héros aux voix les plus hautes. Si, aux XVIIe et XVIIIe siècles les voix graves sont celles qui caractérisent les personnages nobles par leur caractère et leur état, dans un opéra du XIXe siècle, les rôles sont typés, aux méchants et vieillards les voix graves, aux héros, les voix aiguës et claires. Ici, cela ne manque pas puisque le roi d’Ys, très secondaire dans l’action, a deux filles, la douce Rozenn, soprano et Margared, voix féminine grave qui se découvrent amoureuses du même ami d’enfance, le preux chevalier Mylio, ténor, passant pour mort dans un naufrage. Mais, afin de sceller l’amitié de deux peuples ennemis, pour des raisons politiques, Margared est promise au prince de Karnac, un baryton en somme, accord musical des voix graves, mais désaccord du cœur. Tout s’apprête pour leur mariage. Mais voici que Mylio, sauvé, revient, et avoue son amour, non à Margared, mais à Rozenn. Margared, apprenant le retour de Mylio qu’elle aime, refuse de se marier à Karnac. Et la guerre est relancée entre le Prince Karnac ulcéré et Ys, mais gagnée par Mylio le sauvé sauveur. Voilà liguées les deux voix sombres par le désir de vengeance, Karnac contre la ville d’Ys et Margared qui préfère celui qu’elle aime mort plutôt qu’époux de sa sœur et offre au prince vaincu le moyen d’inonder la ville en ouvrant le déluge des écluses. Réalisation et interprétation La grande difficulté pour monter aujourd’hui cette œuvre tient sans doute au schématisme archétypal des situations et des personnages, qui n’ont sans doute pas résisté à l’avènement de la télé dans les années 50 qui virent son éclipse, qui exige, avec l’habitude des gros plans de cinéma, des sentiments complexes prêtant à l’identification, visibles et lisibles, pratiquement inexistants ici la bonne, les bons, la méchante, le méchant est le répertoire limité des caractères. Tout sauf des personnes, les personnages ont la linéarité hiératique de figures de vitrail sans épaisseur et n’ont pas plus de consistance que la statue de Saint Corentin descendu de son socle ou sorti de sa châsse. Seule Margared a une évolution relative, passant de l’amour à la haine, dont elle avait elle-même annoncé d’avance la couleur L’amour que rien ne lasse [fera place] / À la haine que rien n’éteint. » Ses remords, son sacrifice, lui redonnent une trouble humanité qui manque à son entourage figé soit dans l’auréole ou la gélatine douceâtre de la bonté, soit dans l’armure de la seule haine de Karnac. D’autant que les costumes, dans l’académisme modernisant inauguré dans les années 70 par Ponnelle et Chéreau, à trop vouloir rapprocher dans le temps les personnages, éloigne dans l’invraisemblance historique ce qu’on aurait sans doute mieux accepté dans un nébuleux passé lointain de légende indéfinie. Il reste que, même gratuitement hors contexte, ces costumes de Frédéric Pineau sont beaux, dernier tiers du XIXe siècle, longs manteaux raglans, mousse brune, chapeaux haut de forme pour les hommes, d’amazone pour les femmes ; les deux sœurs ont des robes vert sombre à tournure, à falbalas dorés, la blonde Rozenn cheveux sagement noués et déchaînés pour la passionnée et brune Margared. Dans ce chromatisme d’ombre mousseuse baigné des lumières humides ou brumeuses de Michel Theuil, l’apparition soudaine des soldats du soudard Karnac, en uniforme de légionnaires romains rouge vermillon, étonne et détonne comme une inclusion humoristique de bande dessinée dans un sombre drame moyenâgeux qui a oublié la mode troubadour, médiévale, du temps. Les décors d’Alexandre Heyraud, avec deux falaises grises de granit latérales, barrées horizontalement d’un fond d’écluse, et une verticale façade ogivale, église et palais, descendant des cintres, est simple mais efficace et, à défaut de traitement psychologique de personnages vides, cela permet au metteur en scène Jean-Louis Pichon une superbe mise en images, de très beaux effet de la masse onduleuse de ces manteaux dans la brume sur ces dalles inégales du sol, et le tableau saisissant de la victoire émergeant de la fumée ou du brouillard avec, sur la grisaille, les trois drapeaux rouge vif arrachés à l’ennemi mais l’on ne pense pas à la Commune malgré ces costumes contemporains…. Lalo, cherchant l’inspiration dans des légendes celtiques, voulait rivaliser avec, celles, nordiques et germaniques, de Wagner. Mais, cependant, Wagner peint des dieux humains, trop humains comme dirait Nietzsche et Lalo offre des humains déshumanisés par le simplisme des sentiments. Fort heureusement, cette humanité absente des personnages, nous la retrouvons dans la beauté sensible des voix des chanteurs, d’un plateau d’uniformément belle qualité. De Marc Scoffoni en Jahel au Saint Corentin de Patrick Delcour, en passant par les chœurs, tout le monde est à louer. Philippe Rouillon prête sa grande et sonore voix de baryton, sa stature, à Karnak. Il suffit à Nicolas Courjal, basse, de quelques phrases, nuancées, comme venues des profondeurs de l’humain, pour mériter le titre de l’opéra que lui dénie cependant l’action où il est presque inexistant, même au mariage de sa fille. On goûte le charme élégiaque de Florent Laconi, son art des demi-teintes en voix de tête du ténor français de cette tradition après l’avoir vu camper un chevalier vaillant, héroïque, aux aigus puissants puis plein de délicatesse dans la fameuse aubade à la fiancée, tel non un troubadour du sud, mais un trouvère du nord chantant tendrement l’amour à sa dame. Et quelle dame ! ici Inva Mula, toute délicate et fragile, beauté de chant nuancé pour donner vie à la trop simple image de Rozenn, rondeur et douceur de miel opposée à l’amertume anguleuse des sombres déchirements de la Margared de Béatrice Uria-Monzon, sautant du grave à l’aigu dans un déchaînement passionnel de fauve blessé qu’elle traduit avec son tempérament de tragédienne, dans la seule vraie grande scène dramatique de l’ouvrage qu’elle porte sur ses épaules, et qui mériterait le nom de Margared et non de Roi d’Ys. Les scènes d’amour tendre ou celles inspirées du folklore breton, pèchent sans doute d’un texte kitsch dans le goût du temps et certainement des spectateurs de cet Opéra comique qui avait été suffoqué par les audaces de Carmen. Inégal, l’ouvrage possède cependant des pages musicales remarquables, dont la longue ouverture, vrai poème symphonique qui cite Tannhäuser, explicite clin d’œil et défi, mais ne démérite en rien du maître de Bayreuth, la scène au motif obsédant de houle de Margared, la gentille mais un peu mièvre aubade, et le tableau impressionnant du déchaînement des flots, d’un cataclysmique effet déjà de cinéma. À la tête de l’Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille au mieux, Lawrence Foster dirige, déroule et déplie magistralement et minutieusement cette partition aux superbes couleurs, où l’on sent déjà le colorisme orchestral de compositeurs postérieurs, tel Dukas et même, en plus délicat, Ravel. Opéra de Marseille, les 10, 13, 15 et 18 mai. Lalo Le Roi d’Ys. Production Opéra de Saint-Étienne / Opéra Royal de Wallonie, Le Roi d’Ys d’Édouard Lalo. Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille. Direction musicale Lawrence Foster. Mise en scène Jean-Louis Pichon. Décors Alexandre Heyraud. Costumes Frédéric Pineau. Lumières Michel Theuil. Distribution Rozenn Inva Mula ; Margared Béatrice Uria-Monzon ; Mylio Florian Laconi ; Karnak Philippe Rouillon ; Le Roi Nicolas Courjal ; Saint Corentin Patrick Delcour; Jahel Marc Scoffoni. Photos © Christian Dresse A la Folie… À l’occasion de cette reprise de la production d’avril 2007 de l’Opéra de Marseille, je reprends ici, en complément culturel, contextuel, à la suite de la critique sur le spectacle, mes notes sur La folie dans l’opéra» dans l’émission ancienne de France-Culture, Les Chemins de la musique de Gérard Gromer, en partie utilisées pour mon émission de Radio Dialogue, Le blog-note de Benito », les lundis 12h45 et 18h45, le samedi, 19 heures Marseille FM ; Aix-Étang de Berre Hommes et femmes en folie Je rappelle simplement que, dans l’opéra, la folie semble d’abord masculine l’Orlando furioso de l’Arioste, mis en musique par Lully, Hændel, Vivaldi, Haydn, et des dizaines d’autres compositeurs, est aussi le modèle de l’héroïsme déchu. Xerxès, Serse, de Cavalli ou Hændel, et de tant d’autres sur le livret de Métastase, est un général et roi des Perses fou qui chante son amour à un platane dans le célèbre Largo ». Mais il faut attendre la fin du XVIIIe siècle et Mesmer, le célèbre magnétiseur, puis Ségur au début du XIXe, pour attirer l’attention sur le somnambulisme féminin, référé à la folie et provoqué par la musique, l’harmonica en l’occurrence. Voir plus bas. La folie féminine est donc un thème à la mode lorsque Walter Scott publie en 1819 son roman, The bride of Lammermoor , qui fait le tour de l’Europe, inspiré d’un fait réel, histoire écossaise de deux familles ennemies et de deux amoureux, autres Roméo et Juliette du nord, séparés par un injuste mariage qui finit mal puisque Lucy, lors de sa nuit de noces, poignarde le mari qu’on lui a imposé et sombre dans la folie. Les grandes cantatrices, qui remplacent désormais les castrats dans la plus folle virtuosité, requièrent des compositeurs des scènes de folie qui justifient les acrobaties vocales les plus déraisonnables, libérées des airs à coupe traditionnelle mesurée. Bref, sur scène, la femme perd la raison qu’on lui dénie souvent encore à la ville à la fin du XIX e siècle, des savants, des phrénologues, concluent encore sérieusement que le moindre poids du cerveau de la femme explique son infériorité naturelle à l’homme. Peut-être n’est-il pas indifférent de rappeler que, juste avant sa mort, Donizetti fut enfermé dans un asile d’aliénés à Ivry… La réalisation Après ses superbes Verlaine Paul et Don Giovanni ici même, avec presque la même équipe Jacques Gabel pour les décors, Katia Duflot pour les costumes mais aujourd’hui Robert Venturi pour les lumières Frédéric Bélier-Garcia reprend, affinée, raffinée encore sa mise en scène exemplaire d’intelligence, de profondeur, de subtilité et de sensibilité ensemble et détail y font sens, sans chercher le sensationnel, avec un naturel sans naturalisme comme je disais alors. Une scénographie unique justifiée par l’histoire et la symbolique des noms évoquée sinon visible, mais sensible, la tour en ruine de Wolferag loup loqueteux’ d’Edgardo, ruiné, est le présent et sans doute le futur de ceux qui l’ont ruiné et se sont emparés du château de Ravenswood bois des corbeaux’ des charognards, à leur tour menacés de ruine deux faces d’un même lieu ou milieu social, façade encore debout pour le second, incarné par Enrico, nécessité de maintenir le rang, de redorer le blason, quitte à sacrifier la sœur, Lucia, Juliette amoureuse de l’ennemi ancestral, le trait d’union humain et lumineux entre les lieux et les hommes, victime du complot des mâles. Toujours semblable mais variant selon les lieux divers du drame, la scénographie symétrique des ennemis dit la symétrie des destins, la vanité des luttes civiles, des duels, car tout retourne au même à la ruine, à la mort. L’espace global, apparemment ouvert, pèse sur toute l’œuvre comme un paysage mental de l’enfermement, intérieur d’une indécise conscience, d’un esprit fragile sinon déjà malade, assiégé par l’ombre et les fantasmagories. Une nocturne et vague forêt de branchages enchevêtrés, brouillés, gribouillés sur un sombre horizon qui ferme plus qu’il n’ouvre, qui opprime et oppresse et se teint de rouge d’un sang qui va couler. Vague horloge détraquée ou lune patraque. On songe aux encres fantomatiques de Victor Hugo, à quelque cauchemar de Füssli, cohérence esthétique avec l’univers romantique fantastique de W. Scott, époque référée par les costumes de Duflot, mais aussi, par ces lumières signifiantes, à Caravage, à Rembrandt, peintres de la lumière et de l’ombre. Règne du clair-obscur », au vrai sens du mot, mélange de clair et d’obscur, de l’ombre, de la pénombre, de l’angoisse de l’indéfinition ; un vague rayon diagonal, presque vertical, arrache du noir des groupes plastiques d’hommes sur des lignes diagonales et horizontales, flots confluents de corbeaux morbides, prêts au combat à mort. Des ombres deviendront immenses, menaçantes. Seule lumière pour Lucia, astre lumineux de cette nuit, une écharpe rouge, le sang de la fontaine, prémonition du meurtre final de l’époux imposé une passerelle, balcon sur le vide amoureux ou le gouffre où plonge la folie. Un étrange nuage flotte parfois vaporeusement sur un fond incertain. Des signes remarquables marquent la décadence meubles sous des housses, déjà des fantômes pour l’encan des enchères, un lustre immense, au sol, déchu, enveloppé, se lèvera comme une lune de rêve pour les noces de cauchemar. Les costumes, sombres comme l’histoire, sanglent les hommes de certitudes meurtrières, adoucissent les femmes de voiles et de teintes plus tendres ; le manteau clair de Lucia est un sillage de pureté qui prolonge son innocence. L’interprétation À la tête de l’Orchestre de l’Opéra en pleine forme, Alain Guingal l’est moins ; de la musique, on ne sent pas la fièvre, mais lui en souffre sa battue est celle d’un homme abattu, qui s’est battu vaillamment contre la grippe pour sauver la représentation mais qui s’abat à bout de force lors de la seconde, hospitalisé en urgence. Pierre Iodice, chef et homme de chœur relève le défi et la baguette et conduira les deux suivantes, il saura, nous dira-t-on, dans l’urgence et l’improvisation, élaguer les langueurs romantiques et ciseler le drame. Le chœur, qu’il a, comme toujours, excellemment préparé, chante, bouge, joue, armée de l’ombre inexpiable ou attendrie, jamais monolithique bloc, et offre de beaux effets plastiques de masses, de groupes divers, existe individuellement. Marc Larcher, lumineux ténor, est un beau Normanno, à la fois servile et presque révolté de l’autoritarisme et de la violence d’Enrico, beau contraste, sombre et brutal baryton de bronze noir, incarné par Marc Barrard avec une force de chef de clan despotique qui règne sur ses hommes plus par la terreur que par le cœur couple d’opposés, composé par la complicité mais fragile. Le pasteur, qui participe aussi à la conjuration des hommes contre Lucia, c’est encore Wojtek Smilek, timbre d’ombre, d’outre-tombe, grandiose et inquiétant homme prétendu de Dieu. Le rôle bref et ingrat d’Arturo, l’époux assassiné est tenu avec un charme avantageux par Stanislas de Barbeyrac. Dans le rôle du romantique et suicidaire Edgardo, Giuseppe Gipali a quelque accents héroïques bien qu’affligé d’une trachéite, mais ne perd pas son habitude de ne jamais regarder ses partenaires et d’aller d’un côté à l’autre de la scène pour chercher le soutien d’un pilier porteur. Avec élégance et allure, Lucie Roche incarne une Alisa tendre et amicale de sa belle voix de mezzo sombre. Prévue pour la seconde distribution, remplaçant la Cubano-américaine Eglise Gutiérrez souffrante aussi, la jeune Tchèque Zuzana Marková sera une révélation belle, grande, d’une minceur diaphane de mannequin peut-être anorexique comme dira Bélier-García qui saura lui en faire un atout pour ce rôle, elle a donc déjà, malgré un magnifique sourire, une allure éthérée, être d’un autre monde, entre deux mondes, presque spectrale à la fin, rendant plausible sa fragilité physique et psychique. La voix, bien assise sur un médium solide, grimpe et voltige sur les aigus épanouis avec une aisance admirable, vocalises perlées, gammes descendantes, glissandi comme dans une défaillance de l’âme et du corps un être de chair meurtri plus que meurtrière. La technique, irréprochable, se cache pour laisser place à un personnage dont les plus folles acrobaties vocales servent le son et le sens. Elle entre d’un coup dans le grand et rare catalogue des Lucia d’exception. Gaetano Donizetti Lucia de Lammermoor Direction musicale Alain Guingal. Mise en scène Frédéric Bélier-García ; décors Jacques Gabel ; costumes Katia Duflot ; lumières Roberto Venturi. Distribution Lucia Zuzana Marková 31 janvier, 2, 4, 6 février, Burçu Uyar 1, 5 février ; Alisa Lucie Roche ; Enrico Marc Barrard 31 janvier, 2, 4, 6 février , Gezim Myshketa 1, 5 février ; Edgardo Giuseppe Gipali 31 janvier, 2, 4, 6 février , Arnold Rutkovski 1, 5 février ; Raimondo Wojtek SMILEK 31 janvier, 2, 4, 6 février , Nicolas Testé 1, 5 février Arturo Stanislas de Barbeyrac ; Normanno Marc Larcher. NOTES SUR LA FOLIE DANS LA CULTURE, L’OPÉRA La folie, des civilisations l’ont célébrée, d’autres marginalisée ; d’autres ont aussi tenté de la soigner, souvent par la musique comme David calmant Saül de sa cithare. Dans l’Antiquité, le fou était assimilé parfois au voyant. Il passait parfois pour l’éducateur des hommes par une sagesse inversée. Quant à la folle, c’était souvent une devineresse, une pythie, une prophétesse grâce à ses transes ; au Moyen Âge, le fol passait pour l’envoyé de Dieu ou du Diable on était suspendu à sa bouche mais il débouchait souvent sur le bûcher quand c’était une femme, une sorcière évidemment. RENAISSANCE La Renaissance, avec le retour du rationalisme antique, va s’intéresser à la folie. Un texte qui va lancer une mode en littérature, en peinture Das Narrenschiff 1494 de Sebastian Brant, un Strasbourgeois, poète humaniste et poète satirique 1457-1521 qui embarque dans sa fameuse nef des fous, roman en vers, toutes sortes de personnages représentants les vices humains à chacun sa folie. Albrecht Dürer illustre cet ouvrage qui va courir l’Europe, et faire des émules. Ainsi, La Nef des folles, de Josse Bade qui lui, embarque les Vierges folles et les vierges sages de la parabole biblique. Avec gravures, desseins, peintures conséquentes de grands peintres tels Holbein, Bosch Le jardin des délices avec le fou coiffé d’un entonnoir qui aura de l’avenir. On croyait que la folie était une maladie due à une pierre que l’on pouvait extraire, ce qui explique le tableau l’Extraction de la pierre de folie de Bruegel le Vieux. Thomas More, auteur de la célèbre Utopie 1516 inspire à son ami Érasme de Rotterdam, grand humaniste, son Éloge de la Folie 1511 qui aura une grande influence dans la Réforme. En 1516, la même année que l’Utopie, l’Arioste, Ludovico Ariosto, publie son poème épique Orlando Furioso, Roland furieux’, fou furieux Eh oui, le preux chevalier, le paladin Roland, comme une faible femme, perd le sens froid » comme l’on écrivit longtemps, le sang froid », devient l’insensé, fou par amour pour Angélique, qui ne l’est guère, qui aime Médor. Il sera une source inépuisable de livrets de l’époque baroque. ÉPOQUE BAROQUE C’est le XVIIe siècle déjà bourgeois, raisonnable », à vocation rationaliste qui, faisant de la folie le contraire de la raison, la décrétant déraison, en généralise l’enferment dans des hospices, des asiles que l’on visite, faute de pouvoir les rentabiliser. La folie devient spectacle, qui se danse, se peint, se chante, s’écrit Folies d’Espagne au nom espagnol mal compris, qui n’a rien à voir avec folie » !, Nef des Fous. Don Quichotte, dont une époque aveugle à sa générosité humaniste ne voit pas la grandeur, est le fou qui fait rire plus que rêver l’Europe. Car les XVIIe et XVIIIe siècles mettent en scène la folie, mais généralement des hommes. La scène, exceptée Ophélie, offre des galeries d’hommes fous, le Roi Lear de Shakespeare, Oreste chez Racine, Don Quichotte et tous ces nombreux Roland, Orlando tirés de l’Orlando furioso, mis en musique et en voix. À cette époque, moitié et fin du Siècle des Lumières mais qui a plus d’ombres que de lumière, on s’intéresse à l’occultisme, aux psychologies étranges. En 1784, Puységur publie un ouvrage sur le somnambulisme, assimilé à la folie, traité par le magnétisme de Messmer. En France, deux ans après, Nicolas Dalayrac donne le ton avec sa Nina, ou la folle par amour, en 1786, comédie mêlée de quelques airs, en un acte, qui devient, sous la plume italienne de Giovanni Paisiello un véritable opéra, Nina, ossia la pazza per amore, en 1789, l’année de la Révolution qui va faire, sinon tourner, valser les têtes. On le voit, le pré-romantisme vers la fin du XVIIIe siècle, semble faire de la folie l’apanage des femmes. Dont la folie triomphera sur scène au XIXe. XIXe SIÈCLE Folie des femmes A l’opéra, en effet, les folles font courir les foules, une vraie folie, littéralement. Mais à voir les dates, 1835 Journal d’un fou de Gogol et 1827, la première folle à l’opéra Il pirata de Bellini, le premier tiers du XIXe siècle, de l’Italie à la Russie, se penche sur la folie, dans la littérature, le théâtre et l’opéra. Mais, dans l’opéra, on assiste à une véritable épidémie, une contagion de la folie chez les héroïnes lyriques. Héroïnes venues du froid Nos héroïnes folles, plutôt que folles héroïnes, semblent pratiquement toutes venir du froid, du nord Ophélie d’Hamlet de Shakespeare est danoise par le lieu de la scène mais anglaise par la langue ; Ana Bolena de Donizetti, Anne Boleyn, anglaise ; Elvira des Puritains de Bellini, est aussi anglaise, Élisabeth d’Angleterre, cela va de soi, et Maria Stuarda est reine d’Écosse, ainsi que lady Macbeth. Lucie de Lammermoor est également écossaise ; Amina, de la Sonnambula de Bellini est suisse et Marguerite, tirée du Faust de Goethe, est Allemande et il y aura une version française de Berlioz, une autre de Gounod et deux autres encore, italienne dans Mefistofele de Boïto, et italo-allemande avec Busoni. Voilà donc des héroïnes romantiques des brumes du nord mais dans des opéras du sud qui montrent non comment l’esprit vient aux filles comme dirait Colette, mais comment elles le perdent, pratiquement toutes par amour. La première à ouvrir la ban est donc l’Imogène d’Il pirata de Bellini 1827, œuvre inspirée d’une pièce française du XVIIIe siècle, mais traduite d’une pièce d’un auteur irlandais de 1816 nous ne quittons pas le nord qu’elles perdent. La scène de folie, grande et longue scène entremêlée de chœurs avec d’abord partie lente et douce dans les grands arabesques belliniens, puis la cabalette avec toute une folle pyrotechnie vocale, grands écarts, notes piquées, trillées, gammes montantes, descendantes, etc, fit grand effet et la cantatrice se paya un triomphe. Naturellement, toutes les autres cantatrices réclament aux compositeurs un air de folie pour pouvoir y briller. Giuditta Pasta, grande vedette et vocaliste se voit vite offrir par Donizetti, confrère et rival de Bellini, le rôle d’Anna Bolena, Anne Boleyn, la malheureuse épouse d’Henri VIII d’Angleterre qui, désireux de changer encore de femme après avoir divorcé de Catherine d’Aragon, entraînant le schisme d’Angleterre, la rupture avec le pape et le catholicisme, la condamne pour un adultère non prouvé. Anna perd la tête avant d’être décapitée. Nous sommes en 1830. On vient de découvrir le somnambulisme provoqué, notamment chez les filles, associé à la folie. Et Bellini réplique en 1831 en donnant aussi à la Pasta La sonnambula, la somnambule, rôle où triomphera aussi la Malibran, mezzo capable de chanter aussi les soprani. Amina, affligée de somnambulisme, le matin de ses noces, est retrouvée dans la chambre non de son fiancé, mais d’un comte. Conte à dormir debout, mais on imagine le résultat folie. Ces opéras courent l’Europe. 1834 Donizetti compose Maria Stuarda, héroïne qui perd aussi la raison avant de donner son cou à la hache d’Élisabeth d’Angleterre. Janvier 1835, à Paris Bellini encore, qui mourra en septembre de la même année à 34 ans, donne cette fois-ci à Giulia Grisi, qui voulait aussi son opéra et sa folie, I puritani, Les Puritains. La même année 1835, mais en septembre, trois jours après la mort de Bellini, à Naples, Donizetti donne le modèle indépassable de l’air de la folie avec Lucia de Lammermoor, tiré d’un roman historique de Walter Scott 1819, basé sur un fait divers réel de 1668 où, mariée de force, une femme tue son marie le soir des noces. On pourrait encore parler de l’Azucena du Trovatore de Verdi, de Dinorah 1859 de Meyerbeer, en français, de la douce Ophélie de l’Hamlet d’Ambroise Thomas 1868, de la Kundry de Parsifal de Wagner. Folie lyrique des hommes Certes, on trouvera plus tard dans le siècle quelques fous dans l’opéra. En 1869, Modeste Moussorgski dote son Boris Godounov d’une belle scène d’hallucinations rédemptrice pour le tsar, mais l’autre fou de l’œuvre, l’Innocent, est en fait une sorte de prophète qui annonce et déplore les malheurs de la Russie. La même année, en littérature, son compatriote Dostoïevski publie L’Idiot, histoire du prince Mychkine qui finira à l’asile, mais c’est une belle figure christique qui tente de sauver la pécheresse Nastassia Filippovna. Nous trouvons encore Parsifal, héros de Wagner dans l’opéra du même nom 1882, le Perceval des légendes de la Table Ronde, du Moyen-Âge. Mais le héros de ce festival scénique sacré », est celui qui va retrouver le saint Graal, la coupe d’or dont la légende dit qu’elle contint le sang du Christ on ne peut trouver mieux comme preux et vertueux chevalier, tout de même confronté à Kundry, sorte ce Madeleine pécheresse et contrite, plus folle que ce chaste fol » de Parsifal comme on l’appelle. Bref, au siècle du positivisme, les hommes fous portés à la scène, même le Woyzeck de Büchner 1837 dont Alban Berg tirera son Wozzeck mais en 1925, victime de manipulations scientifiques, même dans leur folie, ont une grandeur, une mission presque religieuse et sacrificielle que l’on ne concède pas à la femme. En effet, celles-ci, si elles sont folles ou le deviennent, c’est pour une cause bien légère par amour contrarié, déçu. Donc, à chacun, homme ou femme une folie à sa mesure, à sa démesure, dans une hiérarchie de valeurs qui confine la femme à l’échelle la plus basse. Le XIXe siècle a beau avoir l’exemple d’hommes fous ou sombrant dans la folie, souvent pour cause de syphilis, Gérard de Nerval le poète, Schumann le musicien, Maupassant l’écrivain, Nietzsche le philosophe, Van Gogh le peintre, c’est la folie de la femme, sans doute plus décorative si elle est moins noble, qui fait les beaux jours de l’opéra. Et l’on oublie la géniale sculptrice Camille Claudel, scandaleuse pour ses amours tumultueuses avec Auguste Rodin que son frère, si pieux, Paul Claudel, poète et dramaturge, n’hésitera pas à faire interner en 1913, grande oubliée de l’histoire artistique. Mais il est vrai aussi qu’à la même époque, de grands savants pèsent, mesurent le cerveau de la femme, moins gros et lourd que celui des hommes, pour en conclure que c’est la cause de l’absence des femmes dans l’ordre de la science et de la création. Dont la société des hommes les avaient exclues… Illustration © Christian Dresse 2014 Marseille, Opéra. Colomba, création. Du 8 au 16 mars 2014. Nommé inspecteur des Monuments historiques en 1834 par Louis-Philippe, Prosper Mérimée réalise son inspection en 1839 afin de recenser les monuments en Corse ; après deux mois de séjour et de collecte, il rapporte surtout l’ébauche de sa nouvelle Colomba. Achevée à son retour à l’Hôtel Beauvau de Marseille, le texte définitif est publié en 1840. C’est l’histoire d’une vengeance, ou vendetta vendette en français la belle Colomba della Rebbia veut venger l’honneur de son père, le colonnel ayant servi pour l’Empereur, assassiné selon ses dires par Barrichini, le Maire de Piétranéra. Colomba ne cesse d’exhorter son frère Ors’Anton’, lieutenant des armées impériales revenu au pays de son enfance après Waterloo, à prendre les armes et réaliser sa vengeance. Barricini contre Della Rebbia Il y a évidemment derrière l’intrigue familiale, un fond historique brûlant les della Rebbia ont versé leur sang pour l’idéal impérial napoléonien, aujourd’hui perdu, tandis que Barricini, nouveau triomphateur est légitimiste et royaliste. Deux mondes s’opposent, deux ambitions que réactive violemment la nature impétueuse de Colomba. Le librettiste Benito Pelegrin a sciemment développé l’opposition et la rivalité entre les deux familles, politiquement opposées. Mérimée agrémente le récit sauvage d’une intrigue amoureuse née entre le doux Anton et une dilettante anglaise Lydia qui accompagne son père le colonnel Lord Nevil sur le bateau qu’il emprunte pour rejoindre la Corse. Ces deux là finiront d’ailleurs par se marier. A l’époque où Mérimée publie Colomba 1840, les vestiges de l’ancien Empire sont vivaces et ses défenseurs, toujours aussi tenaces les cendres de l’Empereur sont transférées en signe d’apaisement politique de Sainte-Hélène aux Invalides ; la France de la Restauration souhaite jouer la carte de la réconciliation de la nation. Vengeance familiale le vócero de Colomba… Dans le livret de Benito Pelegrin, les événements politiques sont ainsi aiguisés, accentuant la rivalité haineuse des deux clans opposés Barrichini contre Della Rebbia. Des élections proches exacerbent l’appétit des politiques l’avocat maire royaliste en première ligne. A l’époque où Mérimée situe son roman, Napoléon n’est pas mort et son retour espéré rend exaltante l’idée d’une reconquête du pouvoir par les Della Rebbia. Entre les deux familles, se dresse la figure officielle, elle aussi inféodée à la Monarchie, du Préfet lequel narre, explique, commente à la façon de la coryphée antique, les noeuds de l’action qui se nouent. Mais aussi se précisent les personnages hauts en couleurs du curé passé au maquis, Giocanto Castriconi ; de la vieille servante, Savéria qui découvre le carnet dans lequel, avec son sang, le colonnel Della Rebbia a écrit le nom de son assassin… Pleureuse vocifératrice, sorte d’Elektra criant, hurlant le retour à la justice et voix corse des tragiques grecques sur le corps des héros sacrifiés, Colomba a cette ” grandeur féroce ” à la fois sublime, admirable et émouvante qui fait les grandes pleureuses. Son vócero tient de l’invocation troublante, pathétique et maléfique à la fois. Le livret noircit même les imprécations énoncées pendant le drame textes avérés sur la vendetta corse, en s’inspirant aussi des tragédies hispaniques, où le sang versé appelle le sang, quitte à précipiter l’histoire des hommes dans une terrible accumulation de haines répétées, insurmontables, inextricables. Colomba est une guerrière, une femme virile, matriarche, prête à prendre les armes pour expier la mort du père. C’est elle le chef du clan, puisque son frère Orso, lucide et complice, demeure plus tendre et doux il est l’ombre calme de sa soeur. Or, Colomba appelle la justice personnelle et immédiate contre la justice du corps social, plus lente et méprisable. Anton doit porter cependant cette exhortation à la punition ultime et le vócero de sa soeur plane sur lui comme l’épée de Damoclès début de l’acte III. Au final, la malédiction véneneuse s’abat sur sa victime, Bariccini mourra… mais comme on l’attend pas, d’une façon fidèle à la source de Mérimée plus allusivement semant le trouble de la malédiction. En définitive, le nouvel opéra de Jean-Claude Petit met en lumière grâce au livret de Benito Pelegrin, la sublime figure de Colomba, ange vengeur à la voix tragique et à travers sa malédiction, sa relation avec son frère, le plus doux Anton, double complémentaire de la sœur vengeresse. Création mondiale à Marseille à partir du 8 et jusqu’au 16 mars 2014. Jean-Claude Petit Colomba création mondiale Livret de notre collaborateur Benito Pelegrin Opéra en un prologue, quatre actes et un épilogue d’après la nouvelle de Prosper Mérimée 1840 Commande de l’Opéra de Marseille Marseille, Opéra. Du 8 au 16 mars 2014 Colomba Marie-Ange TODOROVITCH Lydia Pauline COURTIN Miss Victoria / Une Voix Lucie ROCHE Servante Cécile GALOIS Le Colonel Nevil Jean-Philippe LAFONT Le Préfet Francis DUDZIAK Orso Jean-Noël BRIEND Giocanto Castriconi Cyril ROVERY Orlanduccio Barricini / Un Matelot Bruno COMPARETTI Vincentello Barricini Mikhael PICCONE Barricini Père Jacques LEMAIRE Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille Direction musicale Claire GIBAULT Mise en scène Charles ROUBAUD Illustrations portraits de Mérimée. Jeune femme au cimetière par Eugène Delacroix DR Colomba diffusé sur culturebox, le 13 mars 2014 à 20h30 en léger différé l’opéra commence à Marseille à 20h L’oreille et l’oeil. Le mythe d’Orphée. Dans la mythologie grecque, Orphée était fils du roi de Thrace et de la nymphe Calliope, une muse, et les muses étant vouées à la musique ; musicien et chanteur, il est le héros de nombre d’aventure. Par sa musique, les fleuves s’arrêtent de couler ; il adoucit les bêtes féroces, attendrit même les rocs. Il épouse la belle dryade, une nymphe, Eurydice. Piquée par un serpent, elle meurt. Ne se résignant pas à sa perte, il décide de descendre dans les Enfers de la mythologie, donc froids et souterrains ce n’est pas l’Enfer chrétien pour tenter de la ramener au jour et au monde des vivants. Par la beauté de son chant, il arrive à émouvoir le chien Cerbère, féroce gardien, puis le dieu des Enfers qui lui permet de ramener Eurydice sur terre à condition de ne pas se retourner et la regarder avant d’avoir atteint la lumière. Or, le demi-dieu Orphée selon la tradition baroque, vainqueur de la nature et des Enfers par sa part divine, la musique, trop humain, n’arrive pas à se vaincre lui-même cédant aux prières de sa femme qui ne comprend pas qu’il ne daigne pas la regarder, il se retourne et perd sa chère épouse à jamais. De Monteverdi à Gluck Cependant, Apollon, apitoyé lui concède de finir au firmament comme constellation de la Lyre. Conclusion, moralité religieuse dans L’Orfeo de Monteverdi de 1607 Ainsi reçoit grâce du ciel Qui éprouva ici l’enfer. Car L’Orfeo de Monteverdi est l’illustration la plus achevée du Baroque. Des maximes morales parsèment l’œuvre, exaltant la grandeur de l’homme Rien n’est tenté en vain par l’homme » mais aussi sa misère Qu’aucun mortel ne s’abandonne / À un bonheur éphémère et fragile car Plus haut est le sommet plus le ravin est proche. » Orphée devient un héros ordinaire, un homme, exemplaire par sa faiblesse même Orphée vainquit l’Enfer, puis fut vaincuPar ses passions. Seul sera digne d’une gloire éternelleCelui qui triomphera de lui-même. Un siècle et demi plus tard, l’Orphée de Gluck, est d’une autre esthétique et d’une autre éthique. Ce n’est pas l’exploit héroïque de descendre aux Enfers qui est mis en avant mais sa sensibilité de veuf, d’amoureux. Ce XVIIIe siècle, d’abord libertin puis abandonné à la molle sensibilité, ne connaît pas le drame même si l’Ancien Régime termine dans la tragédie de la Révolution. L’opéra, même seria, doit avoir un lieto fine, un happy end, une fin heureuse Orphée tente de se suicider mais Amour, le petit dieu ailé, lui arrache le poignard et ressuscite et lui rend Eurydice par ces mots Tu viens de me prouver ta constance et ta foi; Je vais faire cesser ton martyre. Il touche Eurydice et la ranime. Eurydice…! respire! Du plus fidèle époux viens couronner les feux. La réalisation. Et tout finit, sinon par des chansons, par des chœurs, des cœurs en joie et des danses. Coulé dans le moule de la tragédie lyrique héritée de Lully et de Rameau, contrairement à l’opéra baroque international, en plus des chœurs, Gluck, sur le livret de Calzabigi, y introduit onze scènes de danse dans le goût français. Il y avait donc une cohérence à confier à un chorégraphe, Frédéric Flamand, la mise en scène de cet opéra et sa chorégraphie. Le Ballet National de Marseille BNM, l’Opéra Théâtre de Saint-Étienne et l’Opéra de Marseille avaient uni leur puissance pour cette production au pouvoir captivant dû à la réussite de la triple alliance, du chorégraphe, de la baguette magiquement inspirée de Kenneth Montgomery et des costumes, de la scénographie et de la magie des images envoûtantes de Hans Op de Beeck. Sur un fond du deuil d’Orphée, un écran gris dont la transparence donnera parfois une inconsistance blême de spectres aux danseurs pourtant si charnellement présents, passant de l’autre côté de ce miroir. Des images vidéo oniriques, on pense à Cocteau deux mains, sur une table, édifient, morceau à morceau, de sucre, une étrange ville pâle, hérissée de gratte-ciels ; plus tard, bouteille d’eau plastique renversée à bouteille renversée, une autre ville vaguement bleutée, blafarde, blême, s’érige dont l’eau, à la fin, répandue du récipient, fera fondre partie de l’autre cité. Un univers glacé dont un dieu détourné, ou le deuil omniprésent, a banni toute couleur chaude, vive, vivante sauf le vert turquoise espérance de la robe d’Eurydice dans un lointain figé, évoquant des peintres surréalistes belges, moins par des citations directes que par une atmosphère, des couleurs froides, des teintes grises, bleutées. Présence plane de l’eau, peut-être larmes en lacs, paysage désolés d’arbres dressant au ciel le spectre de leurs branches telles des mains décharnées, comme ces danseurs executive women en tailleur et traders aux costumes gris sévères, dont les corps parfois horizontaux dressent à la verticale leurs bras d’où émerge, blanche, la branche d’une main. La danse est frénétique, répétitive au rythme forcené d’une grande cité, porte peut-être d’un Enfer avec grilles brouillées, et canapé d’un bureau d’attente vide monde fonctionnel de fonctionnaires ? On espère quelques lueurs colorées d’espoir mais le champ de foire qui semble apparaître n’est que le squelette d’une fête finie, triste, sans lampions ni lanternes. Même les Champs Élysées, séjour des héros et des Ombres heureuses, est d’une brume de limbes, un bref ponton et une barque, sans doute pour passer le Styx, le fleuve des Enfers glacés des Anciens. Univers où Orphée, en costume blanc, envers de son deuil, traîne sa douleur. Seule la danse est un élan de vie, une pulsion, désespérée par sa frénésie même, cherchant à épuiser la vie. Cela est saisissant de beauté visuelle et plastique pour la danse, moderne mais avec quelques signes classiques dans le contexte de la musique de Gluck. La chorégraphie est belle, les images superbes, et tellement que l’on souhaiterait que l’une cesse pour que l’on puisse goûter pleinement l’autre elles se parasitent. L’interprétation. L’œil entend et l’ouïe voit. Mais, ici, dans ce magnifique et trop riche spectacle, émules l’une de l’autre, il faut parfois fermer les yeux pour goûter la musique, contrariée par un regard trop sollicité diversement. Et quelle musique menée de main de maître Kenneth Montgomery, un tempo plus proche de Gluck que celui plus lent du temps de Berlioz, vif, incisif, sans faiblesse danse folle des furies infernales et, en contraste, c’est le menuet qui rythme la Danse des Ombres heureuses, suivie du solo de flûte que l’on dirait paradisiaque si l’on n’était dans des Champs Élysées païens et non dans le Paradis chrétien. Dans le prélude à l’air d’Orphée, Quel nouveau ciel… », les sextolets, limpides, rapides, perlés, coulent de source pour traduire les ruisseaux et roulent et trillent, comme les chants des oiseaux dans le flot de zéphyr musical. L’on entendra même les aboiements du chien Cerbère, gardien farouche et furieux de l’entrée des enfers. On saluera les chœurs invisibles même aux saluts, mais sensiblement présents par la beauté de leur chant, bergers et nymphes, déplorant la mort d’Eurydice dans le premier acte, esprit infernaux ou esprits heureux dans les Champs Élysées le premier acte est pratiquement une cantate pour voix soliste, Orphée et chœurs. Le rôle d’Orphée, transposé du castrat d’origine puis du contre-ténor français au contralto de Pauline Viardot García par Berlioz, était tenu par Varduhi Abrahamyan, voix d’ombre et d’ambre, aux sombres profondeurs, déchirante dans ses aigus de douleur. Elle se tire avec aisance de son air très orné de la fin du premier acte, et se moule dans le tempo presque infernal imposé par le chef dans J’ai perdu mon Eurydice… ». Ingrid Perruche, voix cuivrée, large et solide, n’est pas une pâle Eurydice même dans son enfer glacé et l’Amour de Maïlys de Villoutreys est, au sens propre et classique du mot, aimable, digne d’être aimée. Onze numéros de danse étaient prévus par Gluck mais ici, la danse, débordant les danses prévues, envahit tout l’espace. Les danseurs du Ballet National de Marseille occupaient la scène et nos yeux, avec une telle évidence que les trois chanteurs, seuls protagonistes du drame, essentiellement Orphée, semblaient des pièces rapportées, préoccupés de faire entendre leur voix dans ce concert visuel dont l’excessive agitation pouvait sembler, même silencieusement, tonitruante et contrariait l’esthétique de sobriété néo-classique, dont les théoriciens sont justement Calzabigi et Gluck. Les chanteurs sont doublés systématiquement par des danseurs et ce système fait naturellement double, doublon, doublure redondance. ORPHÉE ET EURYDICE de Christoph Willibald, Ritter von Gluck, 1762, Livret de Ranieri de’ Calzabigi, texte français de Pierre-Louis Moline 1774 Version Berlioz de 1859 Opéra de Marseille, 30 novembre et 1er décembre 2013. Orphée et Eurydice de Christoph Willibald, Ritter [Chevalier] von Gluck,version Berlioz de et chœurs de l’Opéra de Marseille. Direction musicale Kenneth Montgomery ; chef de chœur Pierre Iodice. Mise en scène et chorégraphie Frédéric Flamand ; scénographie, images vidéos et costumes de Hans Op de National de Marseille, le BNM ; Varduhi Abrahamyan Orphée ; Ingrid Perruche Eurydice ; Maïlys de Villoutreys Amour. tutolibre tutoriels - DIY gratuits - free DIY - tutorials - paso a paso - crafts- artesania - ремесел. Accueil Newsletter Contact Publié par tutolibre sur 14 Mai 2013, 0148am Catégories Accessoires Bijoux Barrettes DIY tutos gratuits Partager cet article Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous Commenter cet article D daisy boyer 16/02/2016 1502 trés trés dure pour moi ca je suis une débutante Répondre C careli tutolibre 16/02/2016 1731 il faut commencer petit petit ! et après on finit "pro" courage V Waouh il est super réussi GROS BISOUS Répondre C careli tutolibre 16/02/2016 1453 très beau D daisy boyer 15/02/2016 1938 Bonsoir trés jolis se petit chat c est tissé comment je ne comprend pas c est pas pour un débutant ca Répondre C careli tutolibre 16/02/2016 1453 il faut suivre les schémas, les N° sont les N° des rangs, les fils sont passés dans les perles du rang inférieur, c'est minutieux en effet V Rhooo trop bien réussi ! j'adore ! GROS BISOUS ENSOLEILLES Répondre T tutolibre 16/05/2013 0921 yapuka ??? E Emeraude 15/05/2013 1224 Génial ce tuto, il faut que je prenne le temps pour le faire! Bisous Répondre T tutolibre 15/05/2013 1317 il est tout mignon ce matou bises M Migaline 14/05/2013 2002 Heureusement que les couleurs ne sont pas imposées..... mdr ! Répondre T tutolibre 14/05/2013 2249 il est mignon ce matou aussi C Cathdragon 14/05/2013 0742 il est très mignon !bisous cath Répondre T tutolibre 14/05/2013 1040 très, très, très ! L la fee feerique 14/05/2013 0726 adorable ... Répondre T tutolibre 14/05/2013 1038 tout mignon tout plein K Mimi ce chat , mais là je métrise moins * Répondre T tutolibre 14/05/2013 1038 quand même d'un niveau .... top ! M Il est super ce chat , mais il faut un peu de patience, je pense... Bon mardi Bisous martine Répondre T tutolibre 14/05/2013 1037 et des doigts de fée ! bises il y a ici des tutos récents et anciens, qui peuvent disparaître à tout moment si ils vous plaisent, sauvegardez-lesNous les devons aux petites mains et aux grandes idées des blogueurs et blogueuses. Alors ce serait sympa de laisser 1 commentaire - même un simple bonjour -sur les blogs que vous blogs &la communauté à visiterfriendstitchPages Facebook amies Ce week-end, je me suis replongé en enfance en remettant le nez dans mes perles... comme j'avais une heure qui trainait devant moi, j'en ai profité pour réaliser ce joli petit hibou. Avec 1,20 m de fil de laiton de 0,3mm , et des perles de couleurs marron, beige, 2 blanches et une rouge, voilà une jolie petite création à réaliser... 1er rang sur le fil de laiton centrer 7 rocailles 2 beiges + 1 marron + 1 beige + 1 marron + 2 beiges = 2B + 1M + 1B + 1M + 2B 2e rang 9 perles beiges croiser les fils dedans 3e rang 2B + 1M + 1B + 1M + 1B + 1M + 1B + 1M + 2B 4e rang 2B + 1M + 1B + 1M + 1B + 1M + 1B + 1M + 1B + 1M + 2B 5e rang 3B + 1M + 1B + 1M + 1B + 1M + 1B + 1M + 3B Réalisation des ailes enfiler 12 perles Marron, faire la boucle et enrouler le fil sur lui même 6e rang 13 perles beiges 7e rang 11 perles beiges 8e rang 3B + 1Blanche + 1B + 1 rouge + 1B + 1Blanche + 3B 9e rang 4B + 3M + 4B 10e rang - sur le brin de gauche, enfiler 2B + 6M - sur le brin de droite, enfiler 2B et le passer dans les 6M du brin de gauche Réalisation des aigrettes 2B + 1M et repasser dans les 2B Finaliser en repasser le brin dans les 3M du 10e rang Torsader et couper l'excédent de fil. On peut également rajouter des perles pour faire une boucle et en faire un pendentif!!! Voilà, bonne création et n'oubliez pas de me montrer vos créations, c'est toujours un vrai plaisir à les voir !!!! A voir également Je souhaite recevoir la Newsletter COUTON VEYRAC JAMAULT le 28/09/2022 - PARIS Jean-Léon GEROME 1824 - 1904 L'épouse du roi Candaule Jean-Léon GEROME 1824 - 1904 L'épouse du roi Candaule Toile circulaire x cm Restaurations anciennes Estimation 8 000 / 12 000 € Notre tableau est antérieur de deux ans à la composition différente sur le même sujet que Gérôme expose au Salon de 1859, en frise et en largeur, aujourd’hui conservée au musée de Ponce Porto-Rico. L’anecdote racontée par Hérodote a inspiré la fable de Jean de la Fontaine en 1677. Par la suite, Théophile Gautier l'a reprise, sur le registre d'une sensualité cachée, dans une nouvelle publiée en 1844 Le roi Candaule souhaitait discrètement faire partager l'admiration qu'il portait à la beauté de sa pudique épouse Nyssia à son lieutenant Gygès et la lui montre nue. La reine, offusquée de l'audace et de la fierté de son mari, va l'assassiner avec l'aide de Gygès. Celui-ci deviendra le nouveau roi. Cette histoire été illustrée à diverses époques Jacob Jordaens, Nationalmuseum de Stockholm ; William Etty, Tate Gallery à Londres ; Joseph Ferdinand Boissard de Boisdenier, collection privée, en 1841 .... Notre tableau possède une charge érotique et une ambiguïté plus forte que la version finale, justifiée par l’anecdote littéraire jeu de double voyeur entre le personnage au fond et le spectateur, format rond habituellement réservé aux sujets nobles qui évoque le trou de serrure, feuille de vigne ostensiblement mise en valeur mais ne cachant rien. Le nu s’inspire d’Ingres, et notamment de Dormeuse de Naples perdue. Il s’inscrit dans une lignée de nus féminins provoquants du milieu du 19 e siècle Chassériau, Nymphe endormie, 1850, Courbet, L’origine du Monde, Manet, Olympia. Expert cabinet Turquin, Stéphane Pinta, 01 47 03 48 78. Me Jacques FARRAN le 25/09/2022 - PARIS Antoine-Jean GROS dit le Baron GROS Paris 1771 - Meudon 1835 Charlemagne et Hildegarde, esquisse pour la coupole du Panthéon Antoine-Jean GROS dit le Baron GROS Paris 1771 - Meudon 1835 Charlemagne et Hildegarde, esquisse pour la coupole du Panthéon Toile d'origine 128,5 x 128 cm Estimation 80 000 / 120 000 € Bibliographie Jean-Baptiste Delestre, Gros, sa vie ses ouvrages, seconde éd, Jules Renouard Libraire, 1867, mentionne que le tableau a été plié en quatre ; Lefranc, Histoire de la vie et de la mort du Baron Gros, le grand peintre, 1880, Charlemagne et Hildegarde ; grande étude. En 1806, un décret de Napoléon rétablissait le culte catholique au Panthéon, qui retrouvait le nom d’église Sainte-Geneviève. Le ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Bachasson de Montalivet, commande alors à Antoine-Jean Gros le décor de la coupole en 1811 en fait, il s’agit de trois coupoles emboîtées les unes dans les autres, la partie peinte se situant sur celle intermédiaire. Le premier projet, conservé au musée du Petit Palais à Paris, décrit l’Apothéose de sainte Geneviève recevant les hommages de Clovis, Charlemagne, Saint Louis et Napoléon Ier, chacun avec leur épouse. Ils évoquent les dynasties ayant régné sur la France, soit les Mérovingiens, les Carolingiens, les Capétiens et les Bonaparte. Napoléon était accompagné de l’impératrice Marie-Louise et de son fils le roi de Rome, mais à sa chute, le couple est remplacé par Louis XVIII avec sa nièce, la duchesse d’Angoulême. L’achèvement de ce dernier groupe est compliqué et retardé en raison des changements successifs de régime. La coupole est finalement dévoilée en novembre 1824 devant Charles X qui monte sur l’échafaudage. A cette occasion, il gratifie Gros du titre de baron et de 50 000 francs. Dans la vente de son atelier en 1835, notre tableau est vendu en lot avec une autre esquisse pour le groupe de Clovis et Clotilde ; celle-ci a été acquise par le musée du Petit Palais en 1986. D’autres études sont également répertoriées pour le visage de Charlemagne vente Christie’s Monaco, 2 décembre 1989. Tripier-Lefranc op. cit. note l’existence d'autres études pour le personnage, incluant trois en pied et deux pour la tête, de taille différente, dont la nôtre étant la plus grande. La figure de Charlemagne a été modifiée sur la composition finale par rapport à notre esquisse, et tournée dans l’autre sens. Délaissant le frotti davidien, Antoine-Jean Gros adopte une touche large avec, par endroits, des effets d’empâtement comme les touches de lumière sur le globe et l’épée. Le geste ample du monarque dérive des figures de Dieu à la chapelle Sixtine, lui conférant une grande monumentalité. La composition est forte, autour d’un X formé par les bras d’une part et la ligne qui va de la tête penchée d’Hildegarde à l’épée, tempéré par les ondulations du grand manteau rouge brodé d’or. Les couleurs sont franches, et vives, annonçant les accords stridents du romantisme. Charlemagne est représenté à l’âge mûr avec sa célèbre barbe, ici brune, et non blanche comme c'est souvent le cas dans son iconographie. Gros s’inspire des regalia exposés au "Museum" au Louvre dont le sceptre de Charles V, représentant Charlemagne tenant le globe, qui est utilisé par Napoléon Ier lors du Sacre voir Napoléon Ier sur le trône impérial d’Ingres, 1806, Paris, musée de l’Armée. Il en reprend la même forme de couronne, écartant celle des souverains du Saint-Empire conservée au Trésor impérial de Vienne. A sa ceinture est accrochée "Joyeuse", l’épée du sacre des rois de France conservée au musée du Louvre, dont le peintre indique le décor de croisillons sur le pommeau. Il cherche aussi à se rapprocher d’une réalité archéologique grâce aux bijoux portés par les monarques. Les fibules en or et grenats retenant leurs manteaux rappellent les modèles mérovingiens proches des bijoux retrouvés dans les tombes de Childéric Ier BNF. Dans les années 1810, les représentations de Charlemagne sont rares par exemple, la gravure de Jean Dambrun d’après Antoine Borel, représentant le couronnement de l’empereur du Saint-Empire, Tableaux des Français, 1810. Pour les années 1830, on retient les oeuvres de Jean-Victor Schnetz Charlemagne et Alcuin, musée du Louvre, Ary Scheffer et Paul Delaroche à la Galerie des batailles au château de Versailles, et Jules-Claude Ziegler L’Histoire du Christianisme, Paris, église de la Madeleine. Elève de Jacques-Louis David, Gros est aujourd’hui essentiellement connu comme portraitiste des figures de l’Empire et de la Restauration mais aussi pour ses représentations de batailles et de la geste napoléonienne. Il a parallèlement mené une carrière de peintre d’Histoire. Peindre une vaste coupole était cependant une gageure pour laquelle son voyage à Gênes puis à Milan en 1793 avait pu le préparer en lui proposant différents exemples des maîtres italiens. La difficulté consistait à réaliser une apothéose dans le style néoclassique, courant qui privilégie les compositions sur le modèle des frises antiques, et s’éloigner des modèles baroques avec des figures plafonnantes en raccourcis. Gros reprend en partie le schéma de Corrège à Saint-Jean l’Évangéliste de Parme avec les apôtres placées autour de la corniche. Ni David, ni Gérard n’ont eu à résoudre ce type de problème. Pour assurer un rendu et une tenue parfaite sur la paroi, il fait appel à deux chimistes, Louis Jacques Thénard et Jean-Pierre-Joseph d’Arcet, afin de l'aider à réaliser un enduit approprié à la couche picturale. Par la suite, sous Charles et Louis-Philippe, il réalise trois plafonds dans les premières salles du département des Antiquités Egyptiennes au palais du Louvre . Expert Cabinet TURQUIN, DAGUERRE Mes Benoit Derouineau et Bertrand de Cotton le 18/09/2022 - PARIS Jean-Baptiste GREUZE Paris 1725 - Tournus 1805 Portrait de Madame de Champcenetz 1742-1805 Jean-Baptiste GREUZE Paris 1725 - Tournus 1805 Portrait de Madame de Champcenetz 1742-1805 Toile ovale 67 x 56,8 cm Estimation 30 000 / 40 000 € Née aux Pays-Bas d’une famille noble, mais désargentée, notre modèle, Albertine Élisabeth de Nyvenheim, épouse Gerhard Pater, un riche négociant et propriétaire colonial. Notre portrait date de son premier séjour à Paris avec son mari. Divorcée, elle devient une femme en vue à la cour de Louis XV, puis de Louis XVI. Sa beauté et son charme font qu’une intrigue est menée à Versailles pour qu’elle remplace auprès du roi la comtesse Du Barry, favorite en titre. En 1779, notre modèle épouse le marquis de Champcenetz, gouverneur du château des Tuileries et de Meudon, s’en sépare, et se retire à Paris ou elle loue un magnifique appartement dans le château royal de Meudon. Elle hérite d’une partie de la fortune immense de son premier mari, principalement constituée de revenus issus des mines de diamant et des plantations au Surinam. Dans les années 1780, elle se lie d’amitié avec les membres de la famille de Polignac et avec le comte de Vaudreuil. Pendant la Révolution et le Consulat, elle soutient financièrement les émigrés hollandais et la cause royaliste, espionnant pour leur compte et pour celui des anglais. Elle est arrêtée pour ses activités contre-révolutionnaires à plusieurs reprises en 1794 et 1802, détenue en prison pendant plusieurs mois et échappe à la guillotine. Condamnée à l’exil forcé à Fontainebleau, elle y meurt en 1805. "Mme de Champcenetz, représentée à mi-corps, a de jolis yeux bruns où brillent la finesse et l’enjouement ; sa bouche, plissée vers les coins, est spirituelle avec une nuance d’ironie ; c’est la femme épanouie dans tout l’éclat et dans toute la richesse de sa beauté une opulente chevelure ombrage les épaules de ses boucles abondantes ; un peignoir blanc, ouvert sur le devant, découvre la poitrine jusqu’à la naissance des seins. Contrairement à ses habitudes, Greuze a soigné toutes les parties de son tableau ; il a fini les moindres accessoires de la toilette, les plus petits détails du vêtement et, si nous classons le portrait parmi les meilleurs du maître, c’est qu’il est l’un des plus solides de touche et des plus harmonieux de nuances. J’en signale le relief et la consistance sans omettre, pour cela, la fraîcheur des tons, le modelé du visage et la transparence des chairs. En ceci, d’ailleurs, je ne puis mieux faire que d’appuyer mon opinion de celle de Monsieur Mantz qui, dans son étude sur l’Exposition des Alsaciens-Lorrains, a décrit ce portrait comme l’un des morceaux les plus parfaits de l’oeuvre de Greuze." Charles Gueullette, in la Gazette des Beaux-art, op. cit 1877. KACZOROWSKY Salorges Enchères le 10/08/2022 - PARIS Attribué à David de KONINCK 1636 - 1699 Un couple de pigeons dans une corbeille avec des peches et quetsches ; Ara et lapin avec des raisins, un melon et des peches Attribué à David de KONINCK 1636 - 1699 Un couple de pigeons dans une corbeille avec des peches et quetsches ; Ara et lapin avec des raisins, un melon et des peches Paire de toiles 40 x 57,5 cm Estimation 4 000 / 6 000 € Boisgirard Antonini le 07/08/2022 - PARIS Giovanni Paolo PANINI Piacenza 1691 - Rome 1765 Vue du Forum romain prise du Capitole Giovanni Paolo PANINI Piacenza 1691 - Rome 1765 Vue du Forum romain prise du Capitole Toile 67 x 119 cm restaurations Restaurations anciennes Estimation 60 000 / 80 000 € Provenance Chez Galerie François Heim, Paris, en 1958 ; Collection du Professeur René Küss. Exposition Il Settecento a Roma, Rome, Palazzo delle Esposizioni, 1959, p. 163-164, n° 410. Bibliographie A. Burisi Vici, "In relazione all'opera di Bernardo Bellotto", dans Antichita viva, XV, 1976, p. 33, n° 5 ; F. Arisi, Gian Paolo Panini e I fasti della Roma del'700, Rome, 1986, n° 155 ; F. Arisi, Giovanni Paolo Panini 1691-1765, Milan, 1993, pp. 33-34 ; E. P. Bowron et Rishel, Art in Rome in the Eighteenth Century, Philadelphie, 2000, cité p. 420, sous le n° 268. Un certificat daté avril 1958, du professeur Giuliano Briganti accompagne notre tableau. Il situe notre tableau dans les années 1730, au début de la carrière de Panini. Il le compare avec le tableau daté 1729 réalisé pour commémorer les fêtes organisées pendant le séjour du cardinal de Polignac à Rome. Il existe d'autres vues de Rome similaires par le style et la composition, influencées par Vanvitelli Vue de la Place d'Espagne collection du Duc de Wellington et surtout Vue de la Place del Popolo conservée au Musée d'Oxford. DAGUERRE - VAL de LOIRE le 03/07/2022 - PARIS Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT 44 19 paysages Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT 44 19 paysages Dimension du cadre 144 x 151,5 cm Estimation 80 000 / 100 000 € Sauf mention contraire, les vues sont de Jean-Baptiste Vinchon De gauche à droite et de haut en bas D1. Peintre français vers 1840, Deux peintres en forêt Fontainebleau ?, papier marouflé sur toile, 31,5x26 cm. D2. Intérieur de l’église souterraine de San Martino in Monte à Rome, papier marouflé sur toile, 32x41 cm. Il existe une vue proche peinte par Granet. D3. François-Edme Ricois Courtalain, 1795 - Mareil-Marly, 1881, Vue d’un château, toile signée en bas à droite, 31,5x44 cm. Elève de Bertin et de Girodet, François-Edme Ricois expose régulièrement aux salons parisiens dès 1819. Il réalise de multiples voyages en France, en Allemagne et en Suisse, à l’occasion desquels il représente volontiers des châteaux Chambord, Chenonceaux, Courtanvaux, …. Ses vues de bâtisses aujourd’hui disparues, comme les châteaux de Montalet et de la Mailleraye, nous sont précieuses. Il meurt après avoir participé à vingt-sept salons parisiens et ses œuvres sont conservées dans les plus grands musées français musée du Louvre, musée Carnavalet, musée des Beaux-Arts de Lille, musée du château de Versailles, …. D4. Etude de pins, papier marouflé sur toile, 31,5x26 cm. D5. Vue d’une vallée, papier marouflé sur toile, 26x34 cm accidents. D6. Le temple de Vesta à Tivoli, papier marouflé sur toile, 44x34 cm, au dos cachet de la maison HOUARD. Par confusion avec le temple voisin, le temple de Vesta fut longtemps nommé temple de la Sibylle » par les peintres Natoire, Vernet, Dietrich, Piranèse, Fragonard, Robert, Berthélémy, Vincent, …. Tout au long du 18e siècle, on pouvait voir un arbre au centre du temple de Vesta. Joseph Vernet le représente dès 1730-40, encore jeune. On le retrouve plus développé chez Vincent, Reclam ou encore Fragonard vers 1760 qui en exagère sans doute l’envergure par souci de composition. Encore présent dans une vue de Louis-Pierre Baltard vers 1799, il a disparu en 1804, au moment où Granet exécute une de ses premières vues du site. D7. Peintre français vers 1840, L’Arc de Constantin vu depuis le Colisée, toile, 48,5x35 cm. Au dos de la toile et sur le châssis, tampon de la maison Haro, rue des Petits Augustins, n°20. D8. Mont en Italie, papier marouflé sur toile, 24,5x33,5 cm, au dos, cachet de la maison HOUARD. D9. Peintre français vers 1830 ?, Chêne près d’un rocher Fontainebleau ?, papier marouflé sur toile, 24x32 cm, au dos cachet de la maison HOUARD. A rapprocher des tableaux d’André Giroux 1801 – 1879. D10. Un ravin, papier marouflé sur toile, 26x32 cm. Au dos, cachet de la maison HOUARD. D11. Peintre français vers 1830 ?, Amas de rochers en forêt de Fontainebleau ?, papier marouflé sur toile, 24x32 cm. A rapprocher des tableaux d’André Giroux. D12. Vue d’un chemin près de Marino, près de Rome, papier marouflé sur toile, 26x39,5 cm, au dos, une inscription Le chemin de marino en partant de la forêt. Jean-Joseph-Xavier Bidauld a représenté le village de Marino. D13. Attribué à Auguste Vinchon, Vue du lac d’Albano et du monte Cavo, papier marouflé sur toile, 22x29,5 cm. D14. Attribué à Auguste Vinchon, Tronc d’arbre et rocher, papier marouflé sur toile, 24x32 cm. D15. Vue de l’entrée d’une église, avec un arbre et une statue de Marie, papier marouflé sur toile, 20,5x26 cm, au dos, cachet de la maison HOUARD. D16. Un fossé, papier marouflé sur toile, 22x29 cm. D17. Nuage au-dessus d’une côte, papier marouflé sur toile, 22x27 cm. D18. Attribué à Auguste Vinchon, Arbres enracinés dans des rochers Forêt de Fontainebleau ?, papier marouflé sur toile, 20,5x26,5 cm. D19. Vue de la cascade de Valcatoio et du château Boncompagni Viscogliosi sur l’île de Liri Latium, papier marouflé sur toile, 22x26 cm, au dos, cachet de la maison HOUARD. Le site est représenté par Jean-Joseph-Xavier Bidauld Vue de l’île de Sora [ancien nom de l’île de Liri], 1793, Louvre MR 1196. DAGUERRE - VAL de LOIRE le 03/07/2022 - PARIS Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT 43 19 paysages Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT 43 19 paysages Dimension du cadre 147,5 x 145 cm Estimation 80 000 / 100 000 € Sauf mention contraire, les vues sont de Jean-Baptiste Vinchon De gauche à droite et de haut en bas C1. Baie de Naples, papier marouflé sur toile, 25x41,5 cm restaurations. C2. Vue de Naples, papier marouflé sur carton, 32,5x45 cm, inscriptions au verso 4 vue … del pasto à Naples / Rue de clery VIII ». C3. Vue de Capri, papier marouflé sur carton, 29x43,5 cm, reste d'étiquette ancienne, inscription au verso Ɛ – à Capri près de Naples ». C4. Vue d’Ischia vers Naples, papier marouflé sur toile, cm, inscription au verso Marine à Ischia. ». C5. Attribué à Vinchon, Chêne et chemin, papier marouflé sur toile, 41x33 cm. C6. Attribué à Vinchon, Sapins et chemin, papier marouflé sur toile, 38,5x27 cm, étiquette de la maison ’HOUARD". C7. La grotte de l’Arveyron, papier marouflé sur toile, 25,5x36 cm. L’arche naturelle, d’où sortait l’Arveyron, torrent exutoire de la Mer de Glace, était une curiosité naturelle fréquentée par les touristes depuis le 18e siècle et a été représentée par de nombreux artistes. Elle a disparu définitivement en 1873 en raison du recul glaciaire. C8. Colline et nuages, papier marouflée sur toile, 24x33,5 cm. C9. Vue du Châtel-Argent Vallée d’Aoste, papier marouflé sur toile, 25,5x36 cm. C10. Gorges de l’Aniene, près de Tivoli ?, papier marouflé sur toile, 30x36,5 cm. C11. Pin parasol dans un ravin et tour, papier marouflé sur toile, cm. C12. Robert Léopold Leprince Paris, 1800 - Chartres, 1847, Entrée de la Grande Chartreuse [de Grenoble] - 1825 », carton, 38x32 cm. Issu d’une lignée de peintres paysagistes notamment son père Anne-Pierre Leprince et son frère Xavier Leprince, Robert Léopold Leprince expose aux Salons parisiens de 1822 à 1844 et obtient une médaille en 1824. Il parcourt la France et réalise des vues du lac d’Annecy et du massif alpin. C’est sans doute au même moment qu’il effectue cette Vue de la Grande Chartreuse de Grenoble. Après avoir habité Chartres, il peint sur le motif en forêt de Fontainebleau, dix ans avant la génération de l’école de Barbizon. C13. Vue de la forteresse d’Ostie à Rome, papier marouflé sur toile, 26x38 cm. C14. Coucher de soleil, papier marouflé sur toile, 9x23,5 cm. C15. Sous-bois, 23x30 cm, papier marouflé sur toile, étiquette de la maison HOUARD. C16. Vue de la baie de Salerne avec le château d’Arechi côte amalfitaine, papier marouflé sur toile, 19,5x31 cm, inscription au verso Salerne ». C17. Paysage avec nuages, panneau, 14x11 cm. C18. Plaine en Italie, papier marouflé sur toile, 17x28,5 cm. C19. Rochers et ronces, papier marouflé sur toile, 22x29 cm, étiquette de la maison HOUARD. DAGUERRE - VAL de LOIRE le 03/07/2022 - PARIS Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT42 24 Paysages Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT42 24 Paysages Dimension du cadre 154,5 x 152,5 cm Estimation 80 000 / 100 000 € Sauf mention contraire, les vues sont de Jean-Baptiste Vinchon De gauche à droite et de haut en bas B1. Monte Cavo, papier marouflé sur toile, rajout en bois de 1 cm à gauche, 25x38,5 cm. On connaît plusieurs vues du même site par Jean-Joseph-Xavier Bidauld. B2. Pin parasol dans la Campagne romaine, papier marouflé sur toile, 26x35 cm. B3. Chapelle de la Vierge à Subiaco, papier marouflé sur toile, 26x22 cm. Plusieurs artistes ont peint ce site, dont Finley Breese Morse ces vues sont postérieures, le trou du talus à droite de l’édifice a été comblé. B4. Arc de la Volta Toretta », tronçon de l’Anio Vetus, près de Tivoli, papier marouflé sur toile, 25,5x39 cm. Il existe une vue du même site par Jean-Charles Rémond. B5. Vue du portique de la villa Médicis, papier marouflé sur toile, 27x40,5 cm. B6. Vallée sous un ciel orageux, papier marouflé sur toile, 18x34 cm, rajout en bois de 1 cm en haut, petit choc au dos de la toile à 11x11 cm. B7. Vallée et nuages, papier marouflé sur toile, cm, deux rajouts en bois de 1,5 cm en haut et en bas. B8. Le temple de Poséidon à Paestum, papier marouflé sur toile, cm. B9. Vallée dans les Alpes ?, papier marouflé sur toile, 26,5x39,5 cm. B10. Louis-Vincent-Léon Pallière Bordeaux, 1787 - 1820, Vue du quartier de Ripa Aventin avec la villa Malta au premier plan, papier marouflé sur toile, 34,5x58,5 cm, signé en bas au centre L Pallière Rome 1815 ». La villa Malta, plusieurs fois transformée, a été représentée par de nombreux peintres, dont François-Marius Granet, Johan-Cristian Dahl et Franz-Ludwig Catel. Louis-Vincent-Léon Pallière est élève de François-André Vincent aux Beaux-Arts de Paris. Lauréat du prix de Rome en 1812 avec sa composition Ulysse et Télémaque massacrant les prétendants, il effectue son séjour à la villa Médicis jusqu’en 1816. Il y retrouve Vinchon, qui y réside à partir de 1814. Il n’est pas impossible que les artistes aient sillonné ensemble les campagnes italiennes et échangé leurs vues de paysages. B11. Montagnes et vallées en Italie, ciel d’orage, papier marouflé sur toile, 26x39 cm, choc au dos vers le bas de la toile. B12. Naples, vue du Castel Sant’Elmo depuis l’Est de la ville, au niveau du port, papier marouflé sur toile, 25x39,5 cm. B13. Naples, vue du Castel Sant’Elmo depuis le Nord-Est de la ville, papier marouflé sur toile, 24,5x39 cm. B14. Cascade dans des monts bleutés, papier marouflé sur toile, 24,5x18,5 cm. B15. Femme assise près d’une balustrade en bordure de jardin, à côté d’une statue de la vierge, papier marouflé sur toile, 24x39 cm. B16. La dent du Géant et l’arête de Rochefort vues depuis Courmayeur, papier marouflé sur toile, 32,5x26,5 cm, agrandi par l’artiste en haut. B17. Etude de nuages, ciel d’orage, papier marouflé sur toile, 10x15 cm. B18. Maisons dans une vallée, papier marouflé sur toile, 10x15 cm, rajout en bois de 1,5 cm en haut. B19. Village dans une vallée, papier marouflé sur toile, 13x21,5 cm. B20. Village italien dans les montagnes, avec une porte, papier marouflé sur toile, 12x21 cm. B21. La cascade de Terni, papier marouflé sur toile, 35x25,5 cm. B22. Vue de la villa Borghèse avec le casino du Muro Torto et l’aqueduc de l’Acqua Felice, papier marouflé sur toile, 19x27 cm. Une vue similaire par Léon Fleury, prise avec un angle très légèrement différent, appartient à la collection Gere en dépôt à la National Gallery de Londres, datée vers 1827-1830 ; voir Christopher Riopelle et Xavier Bray, A Brush with Nature. The Gere Collection of Landscape Oil Sketches, National Gallery Publications, Londres, 1999, pp. 88-89. B23. Intérieur de la villa de Mécène à Tivoli, papier marouflé sur toile, 17,5x25 cm, rajout en bois de 1,5 cm en haut. B 24. Vue de la forteresse de Volterra, papier marouflé sur toile, 20x33 cm. DAGUERRE - VAL de LOIRE le 03/07/2022 - PARIS Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT 41 24 Paysages Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT 41 24 Paysages Dimension du cadre 154,5 x 153,5 cm Estimation 80 000 / 100 000 € Sauf mention contraire, les vues sont de Jean-Baptiste Vinchon De gauche à droite et de haut en bas A1. Vue de Tivoli, papier marouflé sur toile, 29,5x45 cm. A2. Vue du monastère Santa Scolastica à Subiaco, papier ? marouflé sur toile, cm. A3. Etude de nuages, papier marouflé sur toile, 29x43,5 cm. A4. La tribune d’une église, papier marouflé sur toile, 23x21,5 cm. A5. Vue du Mausolée de Cecilia Metella, papier marouflé sur toile, 23x22 cm. A6. Jardins de la villa d’Este à Tivoli, papier marouflé sur toile, 31,5x50 cm. A7. Cour d’un palais, papier marouflé sur toile, 26x19,5 cm, rajout en bois de 1 cm à gauche. A8. Intérieur de grotte, papier marouflé sur toile, 27x21,5 cm. A9. Intérieur de la grotte de Neptune, à Tivoli ?, papier marouflé sur toile, 27x21 cm. A10. Vue du monastère du Sacro Speco à Subiaco, papier marouflé sur toile, 27x22 cm. A11. Villa en hauteur, papier marouflé sur toile, 30,5x21,5 cm, rajout en bois de cm à droite. A12. Vue de la villa d’Este, à Tivoli, papier marouflé sur toile, 30x22 cm, rajout en bois de cm à gauche. Un dessin réalisé depuis le même point de vue par Fragonard Les grands cyprès de la villa d’Este, vers 1760 est conservé au Musée des Beaux-Arts de Besançon. A13. Patio avec statue, papier marouflé sur toile, 24,5x19 cm, rajout en bois de 1 cm à gauche. A14. Tour médiévale près d’un ravin avec un petit pont, papier marouflé sur toile, 22,5 x 20 cm. A15. Entrée de l’émissaire du lac d’Albano, papier marouflé sur toile, 27x22 cm. Gravures du site par Stefano Piale et Antoine Marie Chenavard. L’émissaire d’Albano est un canal d’évacuation antique pour prévenir le débordement des eaux du lac. A16. Vue du Muro Torto, papier marouflé sur toile, 27x21,5 cm. A17. Chemin dans la vallée, papier marouflé sur toile, 10x24 cm. A18. Cours d’eau encaissé, papier marouflé sur toile, 10x24 cm. A19. Ruine ombragée et escalier avec un homme à gauche, papier marouflé sur toile, 27x21 cm. A 20. Statue dans le jardin d’une villa ou sur une voie romaine ?, papier marouflé sur toile, 27,5x21 cm. A21. Chambre d’artiste à la villa Médicis donnant sur la Trinité-des-Monts, papier marouflé sur toile, 30x44 cm. Le cadrage avec la fenêtre d’une chambre de pensionnaire évoque plusieurs autres tableaux tous datés de 1817, donc contemporain de notre vue, et où l’on retrouve ce motif l’Artiste dans sa chambre à la villa Médicis, lisant la première lettre de sa famille, de Léon Cogniet Cleveland, Museum of Art, L’Atelier de Picot de Jean Alaux dit le Romain, collection particulière et Léon Pallière dans sa chambre à la Villa Médicis, jouant de la guitare, du même Jean Alaux New York, The Metropolitan Museum of Art, legs de Mrs. Charles Wrightsman, 2019. Vinchon s’est représenté dans sa chambre vente de la collection Mary Sayles Booker Braga Sotheby's, New York NY, États-Unis, 19 octobre 2015, n°127. A22. Dame sous un parasol près d’une cascade, papier marouflé sur toile, 30x22 cm, rajout de 1,2 cm à droite. A23. Cour italienne, papier marouflé sur toile, 30x22,5 cm, rajout de moins de 1 cm à gauche. A24. Village dans les environs de Tivoli, papier marouflé sur toile, 30x45 cm. ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier le 23/03/2022 - PARIS Bernardo DADDI Florence, vers 1290 - 1348 Saint Dominique ressuscite le jeune Napoleone Orsini Bernardo DADDI Florence, vers 1290 - 1348 Saint Dominique ressuscite le jeune Napoleone Orsini Panneau à fond or 38,9 x 35,2 cm Restaurations anciennes Estimation 200 000 / 300 000 € Provenance Ancienne collection Johann Anton Ramboux 1790-1866, sa vente à Cologne le 23 mai 1867 chez Lempertz JM Heberle - H . Lempertz., n°58 comme Taddeo Gaddi. acheté à vente par le baron Jean-Baptiste de Béthune et resté depuis chez ses descendants Compartiment inédit d'une prédelle provenant d'un retable à Santa Maria Novella à Florence. Les autres éléments connus de cette prédelle et de dimensions similaires sont conservés à la Gemäldegalerie de Berlin, à la Yale University Art Gallery à New Haven, au Muzeum Narodowe à Poznan et au musée des Arts Décoratifs à Paris. ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier le 23/03/2022 - PARIS Jean Simeon CHARDIN 1699-1779 Le panier de fraises des bois Jean Simeon CHARDIN 1699-1779 Le panier de fraises des bois Toile 38,5 x 46 cm Estimation 12 000 000 / 15 000 000 € Exposé par l’artiste au Salon de 1761 partie du n°46, redécouvert par le collectionneur François Marcille un siècle plus tard, et disparu de la vue du public jusqu’aux rétrospectives de 1979 et 1999 à Paris, Le panier de fraises des bois s’est imposé avec les temps une des images les plus célèbres et emblématiques du 18e siècle alliant une composition d’une grande simplicité géométrique à une qualité d’exécution exceptionnelle. Parmi les cent-vingt natures mortes environ que Chardin a conçues, il a souvent représenté les mêmes objets ou les mêmes fruits, gobelets d’argent, théières, lièvres, prunes, melons, prunes. Notre nature morte est la seule de Chardin à montrer des fraises comme sujet principal d’un tableau. Chardin est admiré pour la qualité de silence de ses œuvres, la poésie dans ses représentations des objets quotidiens, de méditation, en retrait de l’agitation du siècle, concentrés ici dans une image unique à son époque. Ce tableau fait la synthèse de deux siècles des rares représentations de coupe de fraises isolées par les peintres nordiques et français, tels que Jacob van Hulsdonck, Adriaen Coorte, Louise Moillon, tout en basculant la conception de la nature morte vers la modernité. Le sujet devient alors moins important que la représentation abstraite des formes et des volumes. Notre tableau est directement comparable, par sa composition comprenant le verre à gauche, un volume central pyramidal sur un entablement horizontal, émaillé de quelques autres éléments, au Panier de prunes Paris, Musée du Louvre, au Verre d’eau et cafetière Pittsburgh, Carnegie Institute of Art, datés de la même période et considérés comme des chefs-d’œuvre absolus. Les deux œillets blancs sont identiques à ceux du Bouquet de fleurs de la National Gallery of Scotland à Edimbourg. Chardin est alors au sommet de son art et de sa carrière. La virtuosité du peintre s’exprime dans l’incroyable transparence de l’eau dans le verre en cristal, le rendu des fruits à la fois précis et flou, par une seule masse, le tout mis en espace par les taches blanches des deux œillets dont la tige brise la régularité. Cette modernité des natures mortes de Chardin trouvera un écho important au moment de l’impressionnisme notamment chez Fantin-Latour, Monet, Renoir ... Et la rigueur de ses compositions géométrique se retrouvera au XXe siècle chez Cézanne, Morandi, jusqu’à Wayne Thiebault. ARTPAUGEE le 04/02/2022 - PARIS Bernhard STRIGEL Memmingen 1460 - 1528 Ange thuriféraire vêtu d'une tunique jaune Bernhard STRIGEL Memmingen 1460 - 1528 Ange thuriféraire vêtu d'une tunique jaune Panneau de chêne, quatre planches, non parqueté 48,8 x 61,2 cm Estimation 600 000 / 800 000 € Provenance - Peut être exécuté en 1521-1522 pour l’église Notre-Dame de Memmingen ; - Collection François-Louis-Esprit Dubois 1758-1828 ; - Vente collection Dubois, Paris, Hôtel Bullion Maître Gendron, 27 mai 1816, n° 18 23,10 fr au comte de Saint-Morys Albert Dürer Un ange, un genou en terre, les ailes déployées et vêtu d'une tunique jaune, recouverte d'un manteau rouge avec broderie en or, tient un encensoir. Morceau précieusement peint, d'une belle couleur et bien conservé » Peinture sur bois 22 x 18 pouces ; - Collection de Charles Etienne de Bourgevin Vialart, comte de Saint-Morys 1772-1817; - Vente du cabinet de feu Mr Le Comte de Saint-Morys, Paris, 10 rue de Seine Maître Benou, 26 janvier 1818, n° 47 30,05 fr à Berthon. Ecole d’Albert Dürer, Un Sujet de l’Annonciation ; - Probablement vente après cessation de commerce de M. Berthon, Paris, 16 rue des Jeuneurs Maître Ridel, du 10 au 12 mars 1845, n° 325 Quelques bons tableaux anciens des diverses écoles » ou vente après cessation de commerce de M. Berthon, Paris, 16 rue des Jeuneurs Maître Ridel, du 3 au 5 avril 1845, n° 115 Une collection de 130 bons tableaux anciens des Ecoles flamande, hollandaise, française et italienne » ; - Dans la même famille depuis le début du XXème siècle. Bibliographie E. Büchner, Zum späten Malwerk Bernhard Strigels », dans Pantheon, 3, XVII, juin 1944, p. 55 Vermutlich haben zwei rauchfassschwingende Engel … » ; Catalogue de l’exposition Louvre Abu Dhabi. Naissance d’un musée, L. Des Cars sous la direction de, Paris, 2013, cité p. 114 le tableau de l’Ange à l’encensoir a pu faire partie d’un ensemble peint, et peut être sculpté, comprenant vraisemblablement une paire d’anges ». Notre tableau, inédit, est le pendant de L’Ange thuriféraire présenté en vente publique à l’Hôtel Drouot en 2008 et acquis par le musée du Louvre Abu Dhabi en 2009 Vente anonyme, Paris, Hôtel Drouot, Maître Delvaux, 11 juin 2008, n°83, reproduit en couleur, 1 082 970 €. Sujet, dimensions, essence du bois chêne, échelle des figures et construction du paysage correspondent en tous points. Ces deux chefs-d’œuvre de la Renaissance allemande faisaient partie d’un même retable, peut-être celui peint pour l’église Notre-Dame de Memmingen, dispersé lors de la Réforme. Les collections Dubois et Saint-Morys Juge au tribunal de Colmar, François-Louis-Esprit Dubois entame une carrière politique sous la Révolution député à La Convention Nationale en 1792 puis membre du Conseil des Cinq-Cents, il devient Commissaire général de police à Lyon en 1801 avant d’être nommé directeur général de la police de Toscane en 1809, probablement par la sœur de Napoléon, la Grande Duchesse Elisa, qui arrive à Florence en 1809. Entre 1809 et 1811, alors que les grandes familles florentines connaissent des difficultés financières et vendent leurs collections, il rassemble environ quatre cents œuvres. En 1810, par exemple, il acquiert en bloc les quatre-vingt-onze œuvres de la galerie Guicciardini, parmi lesquelles L’Adoration des mages de Fra Angelico et Filippo Lippi, aujourd’hui à la National Gallery of Art de Washington et L’Adoration des mages de Botticelli conservée à la National Gallery de Londres. Néophyte à ses débuts, il sait prendre conseil et se passionne pour les arts au point de démissionner de la police et de rapatrier sa collection à Paris en 1811. Il est l’un de ces collectionneurs marchands » qui, les premiers, introduisent les œuvres italiennes sur le marché parisien. Après son retour à Paris, il organise une première vente publique de tableaux, principalement italiens, les 17 et 18 mars 1813. Parmi les acquéreurs figure le cardinal Fesch. Sous le numéro 39 apparaît un tableau donné à Albert Dürer Dans un fond de paysage, un Ange, les ailes déployées, un genou en terre et les yeux baissés, tient un encensoir ; il est vêtu d’une robe de pourpre, et de beaux cheveux blonds ornent sa tête. Morceau précieusement terminé, et d’un grand éclat de coloris », c’est le tableau du Louvre Abu Dhabi. A cette vente L’Ange thuriféraire vêtu d’une robe de pourpre est acquis par Hippolyte Delaroche, expert, puis entre dans la collection du diplomate et homme politique italien Ferdinando Marescalchi . Le tableau a ensuite appartenu à la collection d’Henri Rouart, peintre amateur et grand collectionneur, ami d’Edgar Degas. Lors de sa vente en 1912, le tableau est acheté par le peintre et collectionneur Henry Lerolle, connu pour ses salons fréquentés par Mallarmé, André Gide, Debussy et Degas, Renois et Maurice Denis. Trois ans après sa première vente, en mai 1816, François-Louis-Esprit Dubois organise une seconde vente publique avec, essentiellement, des tableaux flamands et hollandais. Il vend avec Louis-Vincent Pommier qui avait été son secrétaire à la police de 1801 à 1811. Sous le numéro 18, est décrit un tableau donné à Albert Dürer Un ange, un genou en terre, les ailes déployées, et vêtu d’une tunique jaune recouverte d’un manteau rouge avec broderie en or, tient un encensoir. Morceau précieusement peint, d’une belle couleur et bien conservé. ». Ainsi jusqu’en 1813, les deux anges étaient encore ensemble. La première vente Dubois en mars 1813 les sépare. A la seconde vente Dubois 1816, L’Ange vêtu d’une tunique jaune recouverte d’un manteau rouge avec broderie en or, est acquis par le comte Charles-Etienne de Bourgevin Vialart de Saint-Morys, collectionneur d’objets d’art du Moyen-âge et de la Renaissance sous l’Empire Il grandit dans un milieu d’amateurs éclairés entre l’hôtel particulier de sa famille, rue Vivienne à Paris et le château d’Hondainville, en Beauvaisis. Son père, Charles-Paul Vialart de Saint-Morys 1743-1795 était un financier à la tête d’une fortune colossale. Conseiller au Parlement de Paris, il était aussi graveur amateur et collectionneur. A la Révolution, le père et le fils émigrent à Coblence avec une partie de la collection mais laissent 12 644 dessins qui sont saisis et conservés aujourd’hui au Cabinet des dessins du Louvre. C’est à Coblence puis à Londres qu’Etienne de Saint-Morys rencontre des collectionneurs d’art médiéval, spécialité plus prisée dans ces pays qu’en France où l’art gothique, à cette époque, est considéré comme une décadence avant la Renaissance. Quand il rentre en France en 1802, ses biens ont été confisqués et il s’établit à Hondainville. Il se consacre alors à la défense des églises menacées par les pillages, en grave des vues qui seront publiées dans les Monuments français inédits, ouvrage jamais achevé, et sauve en les entreposant leur mobilier médiéval vitraux, sculptures, peintures, ivoires…. En 1815, avec le retour de Louis XVIII, le comte de Saint-Morys espère retrouver ses biens et ses collections confisqués. Il projette de construire un château néo-gothique à Hondainville en réutilisant et en valorisant les collections amassées escaliers, ferrures d’Ecouen, poutres, vitraux, … mais les idées libérales et l’originalité de ce royaliste dérangent. Il est proche de certains journalistes britanniques qui publient des articles virulents contre le préfet de police Decazes et refuse de se soumettre à l’autorité. Suite à ces différents, Decazes le provoque en duel. Le comte de Saint-Morys est tué le 21 juillet 1817. Sa femme et sa fille, confrontées à des problèmes financiers, mettent en vente une partie de la collection le 26 janvier 1818 une partie des objets de cette vente est aujourd’hui au musée de Cluny et au Louvre. Sous le numéro 47 de la vente, apparaît Un Sujet de l’Annonciation de l’école d’Albert Dürer séparé de son pendant, notre ange aurait été compris comme l’ange de l’Annonciation. A cette vente, le tableau est acquis par Berthon, probablement marchand. Deux ventes pour cessation de commerce de M. Berthon sont organisées en mars et avril 1845. A la première vente, sous le numéro 325 sont mentionnés Quelques bons tableaux anciens des diverses écoles ». A la seconde vente, les tableaux sont rapidement mentionnés sous le numéro 115 Une collection de 130 tableaux anciens des Ecoles flamande, hollandaise, française et italienne. Ces tableaux, par leur qualité, auraient mérité d’être désignés dans un catalogue que le temps ne nous a pas permis de rédiger ». En 1816 vente Dubois puis en 1818 vente du comte de Saint-Morys, L’Ange thuriféraire vêtu d’une tunique jaune, est donné à Albert Dürer. Il faudra attendre 1881 et l’étude de l’historien d’art, Wilhelm von Bode, pour mettre en lumière le nom de Bernhard Strigel grâce à une inscription au revers du Portrait de Johannes Cuspinian, avec sa seconde épouse Agnès, et les fils de son premier mariage Sebastian Felix et Nicolaus Christostomus panneau, 71 x 62 cm ; collection particulière. Jusqu’en 1881, Bernhard Strigel est connu sous le nom de Maître de la Collection Hirscher, en raison de la présence de ses peintures dans la collection du chanoine Hirscher à Fribourg. Il se forme dans l’atelier familial, auprès du peintre Hans Strigel et du sculpteur Ivo Strigel dans la ville de Memmingen en Souabe à l’Ouest de la Bavière. Il est probable qu’il aide ce dernier pour le maître-autel du Jugement dernier commandé pour le monastère de Disentis dans le canton des Grisons en Suisse signé et daté Ivo Strigel, 1489, conservé aujourd’hui dans l’église paroissiale. Dans les années 1460, l’abbaye de Blaubeuren à une soixantaine de kilomètres au Nord-Ouest de Memmingen prend feu et nécessite de grands travaux de rénovation. La reconstruction du chœur s’effectue entre 1484 et 1491 et s’achève en 1493 avec la consécration du maître-autel. Le peintre Bartholomeus Zeitblom est chargé de la réalisation du maître-autel. Bernhard Strigel y participe. On lui attribue les deux panneaux supérieurs des volets extérieurs et la prédelle du retable. C’est lors de la cérémonie de consécration que Bernhard Strigel est remarqué par l’empereur Maximilien Ier qui en fait son portraitiste officiel. Il l’invite à Vienne en 1515 pour peindre le portrait collectif des membres sa famille L’Empereur Maximilien et sa famille Dans sa ville natale, Bernhard Strigel est en charge d’importantes fonctions administratives et diplomatiques. À partir de 1517, il est membre du Conseil de la cité, initialement en tant que conseiller puis comme représentant de la Guilde des peintres. Durant les années 1517 et 1518, il est de nombreuses fois à Augsbourg au moment de la Diète assemblée des divers souverains de l'Empire. Il y rencontre Albert Dürer qui réalise des portraits de Maximilien Ier notamment celui conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne, panneau de tilleul, 74 x 61,5 cm, monogrammé et daté 1519. Après le décès de Maximilien Ier, Bernhard Strigel retourne à Vienne en 1520. Durant ce second séjour, il peint le Portrait de Johannes Cuspinian, avec sa seconde épouse Agnès, et ses fils. Ses deux séjours à Vienne sont de précieuses occasions pour lui d’étudier les œuvres d’Albert Dürer et de Lucas Cranach l’Ancien, qui y avait séjourné en 1502 pour peindre le double Portrait de Johannes et Anna Cuspinian au moment de leur mariage panneau, 60 x 45 cm ; Winterthur, collection Oskar Reinhart, Römerholtz. Il découvre les artistes de l’école du Danube dont les paysages d’Albert Altdorfer. Celui-ci était allé dans la capitale pour participer aux gravures de l’Arc de triomphe de Maximilien Ier commandées en 1512 et réalisées vers 1517 Albertina, Vienne. À la fin de l’année 1520, Strigel rentre à Memmingen et poursuit ses fonctions diplomatiques dans les villes voisines. L’Allemagne et la Suisse connaissent alors des années de troubles politiques et religieux. En 1522, Luther traduit la Bible en allemand, la rendant accessible à un plus grand nombre. La lecture sociale qui en est faite va nourrir la guerre des paysans » qui, soutenus par la bourgeoisie, se révoltent contre les abus seigneuriaux. En mars 1525 une Union chrétienne de Haute-Souabe » se crée autour de la ville de Memmingen où sont rédigés les douze articles ». Strigel dont on sait qu’il défend Christoph Schappeler, réformateur et prédicateur luthérien à Memmingen, contre l’évêque d’Augsbourg a pu participer à la rédaction de cette synthèse de revendications sociales, imprimée à exemplaires et diffusée dans toute l’Allemagne. Entre 1523 et 1525 Bernhard Strigel représente sa ville pour les affaires juridiques et religieuses dans diverses localités voisines il se rend à plusieurs reprises à Innsbruck pour percevoir les remboursements d'un prêt consenti par la ville de Memmingen à l'empereur. Dans ces années 1520, il réalise des retables notamment Le Retable de la Déposition en 1521 et 1522 . C’est à Memmingen que Bernhard Strigel meurt en 1528. Une extraordinaire découverte les deux anges d’un même retable A ce retable de la Déposition devaient appartenir deux anges L’Ange thuriféraire vêtu d’une robe de pourpre conservé au Louvre Abu Dhabi, redécouvert à Drouot il y a quatorze ans et son pendant, L’Ange thuriféraire vêtu d’une tunique jaune, découvert à Toulouse à l’Automne 2021. Séparés pendant plus de deux cents ans, il est exceptionnel de pouvoir rassembler deux œuvres d’un même retable. Deux anges uniques et exceptionnels dans la carrière de Bernhard Strigel. Sur les quatre côtés de L’Ange thuriféraire vêtu d’une tunique jaune, une barbe de 5 mm de large est présente et témoigne de la place de l’œuvre enchâssée dans un retable. Ernst Büchner dans Pantheon en 1944 suggérait que deux anges portant un encensoir auraient pu appartenir à un ensemble sculpté et peint réalisé pour l’église Notre-Dame de Memmingen nommé par Gertrud Otto le retable du Saint Sacrement et par Ernst Büchner La Déposition ou La Résurrection Christ. À ce retable appartiennent aussi probablement les quatre panneaux des Gardiens endormis, de même format, de même composition et de même essence fig. 4, fig. 5, fig. 6, fig. 7. Constatant que les revers de ces panneaux ne sont pas peints, Ernst Büchner émet l’hypothèse que les deux anges et les soldats endormis pourraient avoir été insérés dans une structure figurant le tombeau du Christ. On peut imaginer une structure de retable comparable à celle du retable de la Passion de Jörg Ratgeb vers 1480 – 1526, dit Le Retable de la collégiale d’Herrenberg fig. 8. Daté de 1519, il est contemporain de notre tableau, exécuté pendant la guerre des paysans et appartenant aussi à l’axe du Rhin supérieur et à la région de Souabe. Les volets du retable de Ratgeb s’ouvraient de part et d’autre d’une niche ornée de sculptures, disparues lorsque l’ensemble a été démantelé par un pasteur protestant en 1537. Au registre inférieur, la prédelle montre bien deux anges tenant chacun un encensoir, de part et d’autre du voile de Véronique. Au-dessus, l’un des compartiments, celui de droite, présente une grande Résurrection du Christ avec les soldats endormis au sol, chacun tenant une arme, une arbalète, une hallebarde, une hache et une épée. Pour sa prédelle, Ratgeb s’inspire de la gravure sur cuivre réalisée par Dürer en 1513, Le Voile de saint Véronique porté par deux anges. Une flamboyante apparition étude d’une œuvre rare Bernhard Strigel a été formé et a fait l’essentiel de son parcours dans le style du gothique tardif. Il en retient ici le travail d’orfèvre extrêmement fin et des couleurs éclatantes. La composition architecturée, le travail précis et dynamique du drapé, le contraste fort de couleurs, la manière monumentale de placer la figure dans l'espace et la présence d’un paysage presque fantastique, témoignent de l’évolution du style de Bernhard Strigel vers la peinture de la Renaissance. L’encensoir est à rapprocher des dessins et eaux-fortes d’objets d’orfèvrerie réalisés par Albert Altdorfer et Albert Dürer Albert Dürer, Carnet d’esquisses dit de Dresde », 1507-1528, plume et encre brun noir, Dresde, Sächsische Landes und Universitätsbibliothek et Albert Altdorfer, Projets de vases d’apparat, vers 1520-1525, eaux-fortes monogrammées, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild. Les commanditaires de ces objets affectionnaient tout particulièrement ceux façonnés à l’italienne » avec une prédominance de godrons. L’encensoir à base carré tenu par l’Ange en tunique jaune est extrêmement rare. La professeur, Dr. Susanne Thürigen, directrice des collections, instruments scientifiques, armes et culture de la chasse au Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg, précise qu’il est passionnant de voir un encensoir à base carré car il n’en existe pas répertorié. L’ange, au premier plan, vêtu d’une tunique jaune, est enveloppé d’un manteau rouge aux longs et larges plis, rehaussés d’un reflet doré brillant. Sans être contraint par le cadre, l’ange occupe tout l’espace. Il est encadré d’un paysage, composé de manière symétrique. A droite et à gauche sont les arbres noueux de la Forêt-Noire, dessinant des verticales. Ils reposent sur une hauteur et invitent le spectateur à entrer dans l’image. A l’arrière de l’ange, un chemin serpente et s’enfonce dans une région boisée et vallonnée avec une chaîne de montagnes à l’arrière-plan. Le paysage est fantastique et vide. Seules les maisons de l’arrière-plan sont le signe d’une présence humaine. Cette construction est typique des paysages d’Altdorfer, déjà en place en 1507 dans les Deux Saints Jean panneau, 135 x 174,5 cm, Ratisbonne, Historisches Museum der Stadt Regensburg et dans ses dessins, notamment Paysage au grand épicéa peu avant 1520 monogrammé, eau-forte aquarellée, 23,2 x 17,7 cm, Vienne, Albertina. Nous retrouvons les mêmes motifs dans les œuvres de Bernhard Strigel des années 1520 une figure, aux couleurs vives, présentée de manière monumentale, encadrée par des grands arbres, devant un paysage vallonné avec une chaîne de montagnes les quatre Soldats endormis fig. 4, fig. 5, fig. 6, fig. 7 et les deux ermites saint Antoine dans le désert et saint Paul dans le désert fig. 9 et fig. 10. La position de l’Ange, son manteau pourpre et ses ailes multicolores, se retrouvent dans L’Annonciation fig. 11. Un ange emblématique du passage du Gothique tardif à la Renaissance en Allemagne, juste avant la Réforme. Le premier quart du 16ème siècle est une période de transition dans l’Empire à l’Ouest, la Hanse est en déclin économique, alors que les villes méridionales, Nuremberg, Francfort et Bâle s’enrichissent considérablement grâce au commerce. Charles-Quint, couronné empereur en 1520, succède à Maximilien Ier. Luther affiche ses thèses à Wittenberg fin 1517 et rompt avec l’église catholique en 1521, après sa convocation à la Diète de Worms. La ville natale de notre peintre est fortement secouée par la querelle religieuse. Pendant la Guerre des paysans, la ville est occupée et revient au catholicisme, mais les rebelles publient alors les douze articles de Memmingen », revendications pour la liberté et contre la Confédération Souabe, largement diffusés dans l’Empire La peinture allemande du 15ème siècle est redevable au réalisme flamand de van der Weyden et de Bouts. En ce début du 16ème siècle, c’est encore le gothique tardif qui prédomine. Matthias Grünewald peint le célèbre Retable d’Issenheim dans ce style entre 1512 et 1516. La Renaissance met du temps à se diffuser dans les pays germaniques, d’abord dans l’architecture où il est assez facile de plaquer des éléments décoratifs antiques sur les façades, puis dans l’imprimerie, plus lentement dans la peinture. Contrairement à la France ou l’Espagne, aucun artiste majeur ne vient sur place ou n’envoie des œuvres importantes. Les innovations florentines ou romaines, c’est-à-dire celles de Léonard de Vinci, de Michel-Ange ou de Raphaël, y sont longtemps ignorées. Les créateurs allemands entre en contact avec les artistes du Nord de l’Italie et de la Vénétie frontalière. Ce choc culturel remet en cause leur conception de l’espace et l’architecture des retables traditionnels. C’est Hans Burgkmair à Augsbourg, Albert Dürer à Nuremberg, la famille Holbein à Bâle et Lucas Cranach à Vienne, qui, les premiers étudient et se confrontent aux œuvres italiennes et proposent une synthèse entre l’identité germanique et l’esthétique nouvelle, bientôt suivis par les élèves de Dürer comme Hans Baldung-Grien. Le processus de création révélé par les examens réalisés le cliché infrarouge fig. 12 et la radiographie fig. 13 Le cliché infrarouge révèle tout le dessin sous-jacent à l’aide d’un pinceau et d’encre, Bernhard Strigel dessine l’ensemble de sa composition, rien n’est laissé au hasard. Le dessin des ailes montre le coup de pinceau dynamique, vif et spontané de l’artiste. Le trait n’est pas mécanique. Il dessine directement sur le support préparé. L’artiste marque les ombres et creuse les drapés par des traits rapprochés et parallèles. Il souligne certains plis du drapé par un trait plus épais, en repassant plusieurs fois son pinceau sur le même pli qui apparaît noir sous le genou de sa jambe droite. D’autre plis sont à peine peints et apparaissent en gris clair. Le dessin sous-jacent est visible à l’œil nu. Sur la peinture des ailes, Strigel n’a pas suivi exactement les traits de son dessin. Le rendu de l’ensemble est dynamique et précieux. Le cliché infrarouge révèle les repentirs. La main gauche présente des variantes les doigts ont été modifiés. Nous percevons mieux l’auriculaire de la main droite sur le dessin. Au niveau de la bouche, la lèvre supérieure était placée plus bas. Le paysage est dessiné au lavis, de manière plus rapide et moins détaillée. Les habitations dans le fond vers la droite et les montagnes ne sont pas présentes et l’arbre de droite est dessiné jusqu’en haut. A une époque où, en Allemagne, la gravure et le dessin sont des médias aussi précieux que la peinture, Strigel se montre autant dessinateur que peintre. La radiographie montre la très grande qualité du support et l’extrême exigence de l’artiste. Sur la radiographie se perçoivent les joints des planches et quelques éléments de l’état de conservation une légère fente sous sa main gauche et des restaurations au-dessus de son œil droit au niveau du joint des planches, dans l’angle en haut à droite et dans le paysage au-dessus de l’encensoir. Un trait apparaît en blanc en haut de son aile droite. La radiographie montre aussi l’arbre de droite s’étendant jusqu’en haut. Sur les images radiographiques apparaissent des lignes verticales et parallèles. Ce sont les cernes annuels du chêne, parfaitement alignées. Nous sommes en présence d’un bois débité sur quartier », la meilleure configuration de débit, dans son épaisseur d’origine. Certes les quatre côtés ont fait l’objet de petites réductions du format peut-être de 5 mm mais cette réduction n’a pas touché ni à l’image, ni à la barbe. La composition n’a pas été réduite. Notre panneau est constitué de quatre planches de chêne, débitées sur quartier » avec présence de maille. Il s’agit du meilleur débit, qui demande beaucoup d’exigence sur la qualité du bois et qui garantit sa stabilité durablement. Au revers, sur une des planches, apparaît la trace d’un clivage mode de débit initial, qui est une marque de qualité. Les joints ont été renforcés par des bandes de toiles collées au revers. Même si L’Ange thuriféraire du Louvre Abu Dhabi a été aminci et parqueté, il est bien sur chêne, débité sur quartier » avec présence de mailles comme L’Ange thuriféraire vêtu d’une tunique jaune. Nous remercions Monsieur Patrick Mandron, restaurateur du patrimoine, de nous avoir communiqué ces derniers éléments techniques sur la nature du support. Séparés pendant plus de deux cents ans, les deux anges thuriféraires réapparaissent à quelques années d’intervalle. Tous les deux ont une provenance prestigieuse l’un Dubois, Marescalchi puis Rouart et Lerolle ; l’autre Dubois, Saint-Morys et Berthon. La découverte et l’expertise de L’Ange thuriféraire vêtu d’une tunique jaune a dévoilé la provenance, jusqu’alors inconnue de L’Ange thuriféraire du Louvre Abu Dhabi. Cette redécouverte extraordinaire d’un chef d’œuvre rare, exceptionnel et unique est un ajout précieux pour la compréhension de l’ensemble de l’œuvre de Bernhard Strigel et sa place dans l’histoire de la Renaissance. GROS & DELETTREZ le 13/12/2021 - PARIS Jusepe de RIBERA Jativa 1588 - Naples 1656 Saint Pierre repentant Jusepe de RIBERA Jativa 1588 - Naples 1656 Saint Pierre repentant Toile 76 x 64 cm D’origine en bois mouluré et doré, travail italien du 17ème Estimation 200 000 / 300 000 € Provenance - Collection du Cardinal Flavio Chigi 1631-1693 comme l’indique un cachet de cire présent sur un fragment du châssis d'origine qui sera remis à l’acquéreur. Le tableau est décrit dans l’inventaire du palais Chigi ai Santi Apostoli à Rome aujourd’hui palais Chigi-Odescalchi, vers 1670/1679 Un quadro tela di tre cornice tutta dorata, et intagliata con una mezza figura di un San Pietro piangente con le mani piegate, mano dello Spagnoletto » cité dans Francesco Petrucci, Quadri napoletani della collezione Chigi Ribera, Rosa, Giordano e altri , in Gli amici per Nicola Spinosa, sous la direction de F. Baldassari, M. Confalone, Ugo Bozzi Editore, Roma 2019, pp. 74–85. Il est ensuite mentionné dans l’inventaire de Flavio Chigi de 1692 et dans celui de son cousin, Agostino Chigi, en 1698. Flavio Chigi est fait Cardinal par son oncle le pape Alexandre VII Fabio Chigi 1599-1667 en 1657 à 25 ans. Il mène une brillante carrière au sein de la Curie. Il vient en France en mission auprès de Louis XIV en 1664 et lui donne la Bataille héroïque de Salvator Rosa aujourd’hui au musée du Louvre. Il commande à Francesco Trevisani en 1687 et 1688, entre autres œuvres, deux retables pour la cathédrale de Sienne. Sa prestigieuse collection d’œuvres d’art comprenait sept toiles de Ribera dont la Madeleine en méditation collection privée, vers 1620 ; - Collection Blaise Léon Rochette de Lempdes 1809 - 1876; - Puis par descendance jusqu'à nos jours. Lorsqu’il signe et date de 1638 ce tableau, Ribera est âgé de 47 ans. Il est alors au sommet de son art et considéré comme le peintre majeur de Naples. Il vient de peindre, un an auparavant, les célèbres Appolon et Marsyas deux versions Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts et Naples, Capodimonte, et la Pietà de la Chartreuse de san Martino. En 1638, il réalise le Portrait du maître de chapelle Toledo Museum of art et La vieille usurière Madrid, musée du Prado et reçoit la commande de la décoration de la nef de ce même monastère de san Martino. C’est justement aux prophètes Moïse et Élie de ce cycle pictural que nous pouvons comparer notre œuvre. L’apôtre Pierre est saisi dans une forte expression de regret. Il prend conscience de son reniement du Christ Évangiles selon Matthieu 26-34 ; Marc 14-30 ; Luc 22-34 ; Jean 13-38. La composition est construite sur une diagonale dynamique ascendante allant des clefs au mains jointes en prière puis au visage. Cet oblique est accentué par le manteau jaune d’or qui occupe l’angle droit en dessous. Les yeux sont rougis et une larme presque imperceptible coule sur la joue. L’écriture serrée du pinceau creuse des sillons, capte la lumière, décrit chaque poil du visage ou chaque ride, alors que la brosse se fait plus dynamique dans le manteau. Les empâtements qui accrochent la lumière donnent une forte vivacité au visage, traité presque comme un portrait comme le fera Rembrandt dix ans plus tard, pour ses figures à mi-corps. Le spectateur est en face à face direct avec le modèle, frappé par son humanité. Une composition très proche de la nôtre, où le personnage est cadré de façon plus rapproché et incliné de façon un peu différente, appartient au musée Soumaya de Mexico. Une copie, peut-être d’atelier, rognée sur les côtés sans les clefs, est conservée au musée de Carcassonne. Le sujet de saint Pierre revient régulièrement dans la carrière de Jusepe de Ribera, presque aussi souvent que saint Joseph et un peu moins que saint Jérôme, ce qui témoignent de la forte demande pour ces saints intercesseurs dans la piété hispanique de la Contre-Réforme les autres peintres du 17e siècle les ont aussi souvent représentés. On connait une vingtaine de représentations de l’apôtre Pierre par Ribera à mi-corps et une dizaine, où le saint est représenté en entier. L’artiste varie à chaque fois la pose et l’expression des sentiments. Citons parmi elles - Les larmes de saint Pierre, New York, The Metropolitan Museum of Art, vers 1612-1613 ; - Saint Pierre et saint Paul, Strasbourg, Musée des Beaux-Arts, vers 1615-1616 ; - Saint Pierre pénitent ; Collégiale de Osuna, musée paroissial, vers 1621 ; - Les larmes de saint Pierre, Milan, collection Koelliker, vers 1630 ? ; - Saint Pierre, Madrid, musée du Prado, en pendant d’un saint Paul, 1632 ; - Saint Pierre pénitent, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, vers 1636-1638 ; - Saint Pierre debout, Vittoria, Museo de bellas artes de Alava ; - Saint Pierre tenant un livre, Jacksonville, Cummer Museum of Art. On retrouve dans notre toile le contraste entre obscurité et lumière, hérité du Caravage. Vers 1630 -1640, le réalisme, le clair-obscur brutal de ce mouvement passent de mode. Ribera évolue et atténue légèrement le naturalisme des débuts et porte plus d'attention aux émotions des personnages qu'il traduit par des choix chromatiques plus lumineux. Ses apôtres ne sont plus présentés de façon frontale, mais en mouvement. Notre tableau s’inscrit dans le virage '"néo-vénitien" du peintre, ouvert aux nouvelles tendances artistiques baroques entre Rome, Gènes et Palerme. Il sera suivi par la jeune génération de peintres napolitains comme Stanzione, Cavallino et Antonio de Bellis qui apportent plus d’élégance, mais moins de piété. Nous remercions le professeur Nicola Spinosa pour avoir confirmé l’attribution à Ribera de cette œuvre et pour les informations qu’il nous a données et qui ont servi à la rédaction de cette notice. Une lettre du professeur Nicola Spinosa en date du 2 octobre 2021 sera remise à l’acquéreur. Bibliographie de la version du musée Soumaya à Mexico, la nôtre étant inédite Nicola Spinosa, L’opera completa del Ribera, Classici dell’Arte, Rizzoli Editore, Milano 1978, n°333. Nicola Spinosa, Ribera. L’opera completa, Electa, Napoli 2003prima edizione, n°A79 02; 2006 seconda edizione n°97. Nicola Spinosa, Ribera. La obra completa. Fundaciòn Arte Hispanico, Madrid 2008, A118. DAGUERRE Mes Benoit Derouineau et Bertrand de Cotton le 02/12/2021 - PARIS Raden Syarif Bastaman SALEH Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880 Vue de la route descendant du mont Megamendung Raden Syarif Bastaman SALEH Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880 Vue de la route descendant du mont Megamendung Toile d'origine, cachet au dos de G Rowney & C° à Londres 134 x 165,5 cm Soulèvements et petits manques, au dos un patch qui concerne l’accident visible par la face en bas à gauche. Estimation 1 000 000 / 1 500 000 € PETIT EPERNAY le 26/06/2021 - PARIS Jean-Honoré FRAGONARD Grasse 1732 - Paris 1806 Un philosophe lisant Jean-Honoré FRAGONARD Grasse 1732 - Paris 1806 Un philosophe lisant Toile ovale d'origine x 57 cm Restaurations anciennes Estimation 1 500 000 / 2 000 000 € ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier le 09/06/2021 - PARIS Jan Jansz Van de VELDE III Harleem 1620 - Enkhuizen 1662 Nature morte au Rohmer, salière, huîtres et citron Jan Jansz Van de VELDE III Harleem 1620 - Enkhuizen 1662 Nature morte au Rohmer, salière, huîtres et citron Toile 43 x 55 cm Accidents et manques Estimation 200 000 / 300 000 € Signé et daté en bas à droite sur l'entablement J fecit anno1653 Jan Janz. van de Velde est né à Haarlem dans une famille d’artistes, ville où travaillaient plusieurs peintres de natures mortes dans la veine monochrome, parmi lesquels Nicolaes Gillis 1595-1632, Floris Van Dyck 1575-1651, Pieter Claesz 1597-1661 et Willem Claesz. Heda 1594-1680. Ces deux derniers influencent la formation de notre peintre. Il s’installe ensuite à Amsterdam, où il se marie en 1642. A ses débuts, il s’est spécialisé dans les natures mortes de tabagie associant le nécessaire du fumeur à des verres, pichets, fruits ou jeux de cartes. La simplicité et l’agencement de ces compositions les inscrivent plus généralement dans le courant haarlémois des "monochrome banketjes", dans des tonalités brunes ou beiges, se distinguant ainsi des natures mortes baroques plus colorées. On connait aujourd'hui seulement une quarantaine de tableaux de sa main, échelonnés entre 1642 à 1662. Le choix des éléments composant les natures mortes hollandaises du 17e siècle est toujours significatif et porteur des sens, même si Nicolaas Rudolf Alexander Vroom, dans ses livres de référence sur les banquets monochromes, "A Modest Message …" 1980, indique l’absence de significations religieuses précises chez notre peintre. Il souligne cependant une certaine spiritualité dans l'atmosphère silencieuse de ses peintures. Les huîtres, souvent considérées comme symboles de fertilité et d’érotismes, le citron, motif récurent des natures mortes du 17eme siècle, était chargé de sens variés, allant de la fidélité à l’immortalité. Le jus de citron qui était mélangé au vin blanc pour atténuer ses effets en fait un symbole de tempérance. La châtaigne représente la chasteté et la simplicité. Le plat est caractéristique de la production de faïence de Delft, imitation de porcelaine chinoise alors très en vogue. Sa pose, en porte-à-faux, indique la précarité et que rien n’est immuable. Le porte-assiette en argent est du style auriculaire », développé par la famille Van Vianen, orfèvres dans les années 1620 les découpures ont des bords arrondis en ourlets, bords qui rappellent le dessin de l'oreille humaine. Nous retrouvons ici un modèle contemporain du tableau proche de celui conservé au Prinsenhof à Delft Les ombres subtiles sur les huitres, la transparence du verre roemer, l’éclat sur le vin suggèrent une source lumineuse latérale gauche peu intense, alors que les reflets de la fenêtre en indiquent une seconde plus vive. Le scintillement sur ce verre contraste avec la simplicité du sujet et le fond uni. La brillance des écorces du citron et de la demi-orange citron apportent une note colorée à l'ensemble et leur velouté est proche des oeuvres contemporaines de Willem Kalf. A l'intérieur de cette composition ordonnée, le désordre apparent des grains de poivre et des brisures des coques de noies sur l'entablement, accrochant eux aussi la lumière, distraient l'œil et animent l'ensemble. On peut rapprocher notre toile de celle conservée au Frans Hals Museum de Haarlem, datée de cette même décennie 1650 ill. 3. ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier le 09/06/2021 - PARIS Frans SNYDERS Anvers, 1579 - 1657 Nature morte avec deux singes jouant avec une corbeille de fruits renversée Frans SNYDERS Anvers, 1579 - 1657 Nature morte avec deux singes jouant avec une corbeille de fruits renversée panneau de chêne, trois planches, non parqueté x cm Restaurations anciennes Estimation 300 000 / 400 000 € Signé en bas à gauche " F. Snyders Fecit" Devant un mur vert-olive et sur un entablement drapé de pourpre, des grappes de raisins blancs, des pommes, des prunes, des branches de groseilles rouges et blanches s’échappent d’un panier en osier renversé. Au gauche, on découvre un pot de faïence d’œillets roses en treillis, un melon et des figues mûres. Autour de cette profusion de fruits, deux singes rieurs jouent un cercopithèque diane, dit singe diane » avec une barbe et poitrine blanches tient entre ses doigts délicats la noisette qu’il déguste. L’autre primate, un singe capucin, laisse apparaître sa tête avec dynamisme dans le cadre du tableau. Une perle de cristal ornant son oreille, il s’empare d’une petite grappe de quelques grains de raisins. Snyders a représenté à plusieurs reprises le thème des singes voleurs de fruits symbolisant la gourmandise et l'excès de gloutonnerie. Par exemple de comparaison, trois tableaux sur ce thème sont conservés au musée du Louvre Trois singes voleurs de fruits, avec échappée sur un paysage 981, Deux singes pillant une corbeille de fruits RF 3046, Singes et perroquet auprès d'une corbeille de fruits MI 982. Spécialiste de l’artiste, le docteur Hella Robels a situé notre tableau dans la troisième décennie du XVIIe siècle. A cette époque Snyders est l’un des principaux peintres de natures-mortes et d’animaux d’Anvers. Alter ego dans ce domaine de Peter Paul Rubens, il collabore avec lui en peignant la scène de cuisine dans le célèbre "Philopœmen, général des Achéens, reconnu par ses hôtes de Mégare " Madrid, musée du Prado. Ainsi les nature mortes monumentales, dynamiques, aux couleurs franches, tout comme la vivacité et le réalisme avec lequel Snyders décrit la fourrure des animaux, participent de la même exubérance baroque propre à la ville d'Anvers à cette époque. Notre tableau est répertorié au RKD Rijksbureau voor Kunsthistorische sous le n°224323 Une autre version non signée de cette composition 66,6 x 94 cm, tronquée sur la gauche, a été vendue chez Christie's, Londres 14 avril 1978, n°36 et Sotheby's, Londres, le 12 décembre 1979, n°95 Hella Robels, Frans Snyders, 1989, n°184, non illustré. AUDAP et Associés le 08/06/2021 - PARIS Claude Joseph VERNET Avignon 1714 - Paris 1789 Pêcheurs retirant leur filet dans un paysage classique Claude Joseph VERNET Avignon 1714 - Paris 1789 Pêcheurs retirant leur filet dans un paysage classique Toile 74,5 x 98 cm Estimation 80 000 / 120 000 € Provenance Probablement commande et collection Marquis de Villette. Sa vente le 8 avril 1765 expert Pierre Remy, n°36 Collection Adam Gottlieb Thiermann; sa vente, Cologne, Gertrudenhof, 20 mai 1867 Heberle, n°382. Vente anonyme, Paris, Palais Galliera, 6 juin 1976, Mes Ader, Picard, Tajan, lot 58 72 000 frs. Bibliographie Florence Ingersoll-Smouse, Joseph Vernet peintre de marine, étude critique et catalogue raisonné, Etienne Bignou, Paris, 1926, n°169, repr. Notre tableau a été gravé en sens inverse par Longueil et Nicolet. Originaire d’Avignon, ville appartenant alors au pape, Vernet séjourna en Italie près de vingt ans de 1734 à 1752. Depuis Rome, il fit plusieurs voyages, notamment à Naples où il peignit ses premières marines. Tout en dessinant directement sur le motif, il étudia les œuvres de Salvator Rosa, Adrien Manglard, Giovanni-Paolo Pannini et Andrea Locatelli, les effets d’atmosphère de Claude Lorrain, unifiant ces influences en un style nouveau. D'où ce sentiment de nature arcadienne qui se dégage de ce paysage, éclairé au second plan par un soleil levant. A la date de notre tableau, Vernet accède à la célébrité. Il est âgé de 32 ans et expose pour la première fois au Salon parisien. Un an auparavant, il a peint les deux célèbres vues de ponts sur le Tibre musée du Louvre, il a reçu des commandes de Jean de Julienne - amateur qui avait découvert Watteau -, et épousé Virginia Parker, dont le père lui a apporté une importante et fidèle clientèle anglaise. On parlait d’une manière blonde et claire » qui caractérise aussi notre toile. Le critique Lafont de Saint-Yenne écrivait sur ses œuvres du Salon de 1746 Les marines du sieur Vernet Provençal … dont les beautés toutes nouvelles font une conviction sensible qu’aucun genre n’est épuisé, même le plus stérile par un homme de génie. … ». Une reprise de notre composition, de dimension similaire et non signée, a été donnée au Norton Simon Museum de Los Angeles en 2013. LIBERT Me Damien le 06/05/2021 - PARIS ZHURAVLEV Firs 1836-1901 Jeune fille en kokochnik ZHURAVLEV Firs 1836-1901 Jeune fille en kokochnik Toile d'origine 66,5 x 54 cm Estimation 20 000 / 30 000 € Firs Sergeevitch Zhuravlev – l’un des meilleurs peintres réalistes de l’art russe du milieu XIXe siècle. Membre de l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg et de la révolte des quatorze », l’un des fondateurs de l’Artel des peintres de Saint-Pétersbourg. Il a participé aux Expositions Universelles de Philadelphie 1876 et de Paris 1889. Les œuvres de Firs Zhouravlev n’existent quasiment pas sur le marché et se trouvent principalement dans les collections muséales russes. ЖУРАВЛЕВ Фирс 1836-1901 Девушка в кокошнике Холст, масло Подпись справа внизу 66,5 x 54 см. Фирс Сергеевич Журавлев – один из крупнейших мастеров жанровой живописи второй половины XIX века в России. Академик Санкт-Петербургской Академии Художеств. Член бунта четырнадцати» и один из основателей Санкт-Петербургской Артели Художников. Участник Всемирной выставки в Филадельфии 1876 и в Париже 1889. Работы художника чрезвычайно редки на рынке и находятся в ведущих музейных коллекциях России ГТГ, Русский музей. POMEZ - BOISSEAU Mes le 26/03/2021 - PARIS Maria van OOSTERWYCK Nootdorp,1630 - Amsterdam,1693 Bouquet de fleurs dans un vase en grès du Rhin posé sur un entablement à côté d' une nature morte de coquillages Maria van OOSTERWYCK Nootdorp,1630 - Amsterdam,1693 Bouquet de fleurs dans un vase en grès du Rhin posé sur un entablement à côté d' une nature morte de coquillages Toile 101,5 x 78 cm petits manques et soulèvements. Estimation 100 000 / 150 000 € Les voyageurs arrivant en Hollande à la fin du XVIIe siècle étaient frappés par la place que les femmes pouvaient y tenir. Bien plus que dans les pays monarchiques, elles étaient protégées par la loi. Pouvant établir des contrats commerciaux et des actes notariés, elles pouvaient mener une affaire et, si le talent les aidait, accéder à la société cultivée. C'est bien dans la République des Pays-Bas que fut publié par Anna Maria Schurman l'un des premiers manifestes féministes "La docte Vierge ou Se peut-il qu'une vierge soit aussi une savante", traduit en anglais en 1659. C'est dans ce contexte que Maria van Oosterwyck est portraiturée en 1671 par Wallerant Vaillant, tenant, non seulement une palette et des pinceaux mais aussi un livre. Femme peintre reconnue par ses contemporains, elle se fit sans conteste une belle place en marge de la guilde des peintres. Son père qui était pasteur à Nootdorp, près de Delft où elle naquit, se remarie en 1643 avec un membre d'une famille d'artistes qui l'encouragea probablement très tôt. Après un séjour à Leyde en 1658, elle rejoignit le grand peintre de natures mortes d'Utrecht, Jan Davidsz de Heem et résida dans cette ville de 1660 à 1665 avant de s'établir à Amsterdam où ses moyens lui permirent d'avoir un atelier sur le prestigieux Keizersgracht à côté de celui de Willem van der Aelst dont elle aurait éconduit les avances si l'on en croit son biographe Arnold Houbraken. Elle vécut à Amsterdam jusqu'en 1689, date de sa dernière œuvre datée. Maria van Oosterwyck est connue pour des vanités de grands formats réunissant de nombreux objets autour d'un crâne, exécutées entre 1655 et 1668. Celle conservée à Vienne Vanité au globe céleste, 1668, toile, 73 x 88,5 cm lui fut commandée par l'empereur d'Autriche Léopold I. Plus tardive, cette composition met en garde avec subtilité contre l'illusion de la toute puissance de la Connaissance, celle qui guette les amateurs qui se passionnent pour les "phénomènes visibles du monde, créés par Dieu ou les hommes". Soucieux de décrire le monde avec précision et d'établir des classifications, ils peuvent amasser de grandes richesses dans leurs cabinets. On y trouvait des "coquilles" exotiques rapportées dans les Pays-Bas par la Compagnie des Indes. Elles étaient exposées dans des arrangements soignés, en fonction de leurs formes et couleurs, l'animal les habitant étant totalement inconnu. Maria van Oosterwyck en représente de façon méthodique quelques spécimens de chaque classe, prenant soin d'en montrer diverses faces. Les "fleuristes" collectionnaient et "élevaient" des plantes dans leur jardin, notamment des tulipes venues d'Orient, qu'ils croisaient pour en multiplier les espèces et étaler les floraisons. Le bouquet que peint Maria van Oosterwyck associe des espèces ne fleurissant pas en même temps, choisies pour leurs formes et leurs couleurs. Pour les peindre avec exactitude, elle s'aide de ses études à l'aquarelle. Le bourdonnement de divers insectes, libellule, bourdon, papillons anime l'ensemble. Mais attention, ce foisonnement est éphémère, la pivoine, trop lourde, va bientôt perdre ses pétales et le papillon se poser, nous rappelant la fugacité de la vie et l'inévitable passage par la mort qui, seul, mène à la résurrection. Le combat qui orne le vase de grès illustre le combat que doit mener chaque jour celui qui contemple le tableau pour s'assurer la vie éternelle. Maria van Oosterwyck, issue d'une famille protestante, mena elle-même une vie de dévotion et sauva plusieurs prisonniers chrétiens réduits à l' esclavage par les hérétiques en les rachetant. Les musées de Copenhague et de Dresde conservent deux autres bouquets placés à côté d' une nature morte de coquilles. Celle de Copenhague signée et datée 1685 toile, 120 x 99,5 cm, celle de Dresde toile, 72 x 56 cm, signée également est probablement celle acquise par Johann Georg III, électeur de Saxe, en 1688. En juin 2019, le Joslyn Art Museum, Omaha, Nebraska en a acquis une autre avec un vase en verre toile, 88,5 x 66,5 cm . C'est dans la version que nous présentons version que la nature morte de coquilles est la plus importante 3 coquilles à Dresde, 4 coquilles à Copenhague. Plus modeste, le tableau de Hampton Court toile, 47,6 x 36,8 cm se limite à une coquille. Dans le catalogue d'une vente le 22 avril 1818 à Anvers où figurait une nature morte de notre artiste Lugt 9355, on peut lire le commentaire suivant "Un magnifique bouquet dans une carafe posée sur une table de marbre, des papillons et autres insectes, les uns voltigeant, les autres posés sur les fleurs. Aucun artiste de ce genre n'est arrivé à ce degré de perfection ; elle n'a jamais eu de rivaux tant pour la composition que pour le coloris et le fini précieux. Le peu de tableaux qu'elle a pu finir, vu le travail qu'elle y mettait, sont enfermés avec soin dans les meilleures collections de l'Europe". ADER NORDMANN & DOMINIQUE le 29/01/2021 - PARIS Luca GIORDANO Naples 1632-1705 Cain et Abel Luca GIORDANO Naples 1632-1705 Cain et Abel Toile 194 x 145 cm Signée en bas à droite JORDANUS/FRestaurations anciennes Estimation 40 000 / 60 000 € Nous proposons de dater ce tableau de la décennie 1660, au moment où Luca Giordano incorpore au naturalisme riberesque présent dans ses œuvres antérieures des éléments plus baroques, tirés de Pierre de Cortone par exemple l’ange en haut à gauche. La composition, tout en mouvement, exacerbe l’ampleur du drame qui se joue Genèse 4. 1-15. La mâchoire d’âne dont Caïn s’est servi pour assommer Abel est mise en valeur par sa position centrale, rappel d’une iconographie initiée par Filippo Vitale collection particulière. Au cours de ses séjours à Venise, dont le premier s’est déroulé vers 1653, Luca Giordano a vu le tableau de Titien sur le même thème, conservé au plafond de la sacristie de la basilique Santa Maria della Salute, où Abel est projeté au sol avec violence. Ici, son corps sans vie, en diagonale, fait entrer le spectateur dans la composition et rappelle le premier plan du "Saint Janvier intercédant pour la cessation de la peste de 1656", peint en 1660 Naples, Musée de Capodimonte 1, sorte de méditation sur l'aspect tragique de condition humaine. Signalons une autre version de ce sujet, de composition différente et en longueur actuellement dans le commerce d’art 2. Un tableau sur ce sujet est cité dans l’inventaire d’Alessandro Savorgnan réalisé le 7 août 1699 Abele morto con un angelo, h 13 quarte, ca., di Luca Giordano » 3. La hauteur de 13 quarte, soit environ 208 cm, pourrait correspondre à celle de notre tableau avec son cadre d’origine. Les auteurs ont souvent noté que certaines toiles de Giordano anticipaient la peinture réaliste du XIXe siècle français, comparant Le bon Samaritain Rouen, Musée des beaux-arts avec celui de Théodule Ribot Paris, Musée d’Orsay. Notre composition, quant à elle, semble pressentir La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime de Prud’hon Louvre, qui est une laïcisation du thème biblique. 1 Catalogue de l’exposition Luca Giordano, Le triomphe de la peinture napolitaine », Paris, Petit Palais, 2019-2020, cat. 38 2 op. cit., p. 176, cat. 23 3 O. Ferrari, G. Scavizzi, Luca Giordano, Nuove Ricerche e Inediti, Napoli, Electa, 2003, p. 130 ADER NORDMANN & DOMINIQUE le 29/01/2021 - PARIS Giuseppe VERMIGLIO 1585 - 1635 Le Mariage mystique de sainte Catherine entre sainte Agathe et saint Jean-Baptiste Giuseppe VERMIGLIO 1585 - 1635 Le Mariage mystique de sainte Catherine entre sainte Agathe et saint Jean-Baptiste Toile 170 x 196 cm Restaurations anciennes Estimation 150 000 / 200 000 € Bibliographie reproduit dans Camille Costa de Beauregard, Robert Fritsch après la page 96. Notre grande toile reprend l’organisation des "sacra conversazione" conversations sacrées, c’est-à-dire la réunion de personnages saints autour de la Vierge à l’enfant. Comme le recommandait la Contre-Réforme, l’iconographie est aisée à déchiffrer et chaque saint est identifiable par son symbole iconographique traditionnel. A droite, Jean-Baptiste s'incline et tient une croix où un phylactère porte l’inscription Ecce Agnus Dei. En effet, c’est lui le premier qui reconnut Jésus comme étant l’agneau de Dieu, c’est-à-dire l’agneau pascal qui sera sacrifié pour libérer des péchés, d’où la présence de cet animal à ses pieds. Au centre, le mariage mystique de sainte Catherine d’Alexandrie était un sujet très en vogue depuis le 15e siècle auprès des communautés de religieuses. Notre tableau aurait pu être commandé pour un couvent de femmes. D’origine noble, Catherine est couronnée et vêtue d’un riche brocart ; elle est agenouillée, recevant l’anneau à son doigt. Un fragment de la roue, instrument de son supplice, est posé à ses pieds. Marie, vêtue d’une robe rose et d’un manteau bleu, est assise sur un tertre, portant le Christ Enfant sur ses genoux. A gauche, adossée sur une balustrade et devant une colonne, sainte Agathe de Catane tient une palme et une coupe avec ses seins, témoignages de son martyre. D’origine piémontaise, Vermiglio est mentionné à Rome dès 1604 dans l'atelier d’un peintre de Pérouse, Adriano Monteleone, et réside dans cette ville jusque en 1619. Il s’imprègne de la leçon de Caravage, dans sa peinture comme dans son mode de vie de mauvais garçon en 1605, il est arrêté pour port d’arme illégal, en 1606, il participe à une rixe, en 1611 il est à nouveau arrêté pour bagarre. Le retable de l’Incrédulité de saint Thomas de 1612 Rome, Saint Thomas dei Cenci et plusieurs versions du Sacrifice d’Isaac s’inspirent des compositions et du clair-obscur du maître lombard. Dans cet incroyable creuset artistique romain où tout évolue très vite, il rencontre de nombreux jeunes artistes de différentes nationalités qui chacun vont aller par la suite répandre dans leurs pays respectifs la révolution naturaliste de Caravage et des Carrache. Lui-même retourne dans sa région et épouse en 1621 la fille d’un notaire à Milan. Un an plus tard, il signe son tableau le plus connu de nos jours, la Nativité Milan, Pinacothèque de Brera, où le caravagisme est adouci par la connaissance de la peinture d'Annibale Carrache et de Guido Reni. C’est cet équilibre entre un clair-obscur doux et une touche de classicisme bolonais qui caractérise notre retable et les oeuvres de Vermiglio des décennies 1620 et 1630, comme par exemple Judith mettant la tête d'Holopherne dans un sac tenu par sa servante conservé au Musée civique du Palais Chiericati à Vicenze. Ce dernier tableau partage avec le nôtre la mise côte-à-côte d'une robe de velours somptueux, au premier plan, mêlée d'inflexions du naturalisme caravagesque On peut noter plusieurs citations savantes, notamment aux diverses rédactions de Véronèse sur le thème du "Mariage mystique". L'idée du coude de la sainte appuyé sur un entablement fait référence à la "Sainte Marguerite" d’Annibale Carrache à Santa Caterina dei Funari à Rome, mais ici placée face au spectateur. Notre peintre reprendra cette figure de sainte Agathe dans le "retable des trois saints" Managgio ,église San Carlo. Nous remercions le docteur Roberto Contini de nous avoir suggéré le nom de Vermiglio pour ce tableau. Nous remercions le professeur Francesco Frangi d’avoir confirmé l’attribution à Vermiglio sur photographie numérique par mail du 24 juin 2020. POMEZ - BOISSEAU Mes le 27/11/2020 - PARIS Lazzaro BASTIANI actif à Venise de 1449 à 1512 Vierge à l'Enfant Lazzaro BASTIANI actif à Venise de 1449 à 1512 Vierge à l'Enfant Panneau renforcé 48 x 31 cm Restaurations anciennes, petits manques Estimation 50 000 / 70 000 € Numéro 6 au dos LA VIERGE ADORANT L’ENFANT Panneau de dévotion Huile sur panneau de bois rectangulaire Cadre en bois sculpté et doré d’époque baroque, cintré dans la partie supérieure dont les écoinçons sont ornés d’un motif floral sculpté. H. 47,5cm ; panneau seul ETAT Fente visible dans le haut du panneau au revers deux traverses de bois modernes placées à contre-fil Surface picturale usures et restaurations anciennes Dominé par un ciel lumineux, un paysage de collines boisées au sein desquelles serpente une rivière enjambée de viaducs et bordée de monuments, anime l’arrière plan de cette image de dévotion. Au premier plan, la Vierge imposante figure statique, la tête ceinte d’une auréole rayonnante, les mains jointes, le regard baissé, adore l’Enfant entièrement nu allongé devant Elle sur un parapet. Elle est vêtue d’une robe rouge retenue à la taille par une fine cordelette dorée. Un ample manteau bleu constellé de poussière d’or maintenu au bas du cou par une broche orfévrée, la recouvre entièrement. Les jambes croisées, les bras reposant sur son buste, la tête ceinte d’un nimbe crucifère, L’Enfant porte un regard méditatif vers le lointain. La composition générale de ce tableau reprend un modèle qui fit florès à Venise au milieu du XVe siècle dans l’atelier des Vivarini à Murano et dans celui des Bellini à Venise. Mais contrairement à la plupart de ces exemples où l’Enfant adoré est endormi –préfigure de la Pietà- il est ici éveillé, le regard songeur, prémonitoire de son sacrifice futur. Cette disposition mentale est sans doute un desiderata du commanditaire. Parmi les œuvres attribuées à Lazzaro Bastiani dont L. Collobi a dressé en premier le catalogue cf. Lazzaro Bastiani » in Critica d’Arte, 1939, on connaît une première version de ce thème conservée au Museo Civico de Padoue, peinte par cet artiste vers 1465 alors qu’il est encore sous l’influence de l’école de Padoue où il dut séjourner quelques temps et où dominait après 1450 l’art d’Andrea Mantegna, d’Antonio Vivarini et de son frère Bartolomeo. Notre panneau se dégage de cette influence pour se rapprocher à Venise de celle de la famille Bellini du père Jacopo 1386-1470 il reprend la présentation des personnages derrière un parapet, leur douceur d’expression et la technique ornementale du manteau de la Vierge constellé d’une poussière d’or, technique brillante de la granigliatura » particulière à Venise M. Simonetti, La pittura nel Veneto, Il quattrocento, Milan 1989, I, p .256 ; du fils Giovanni 1435-1516 il retient l’organisation du paysage lumineux, aux collines adoucies semées d’architectures, telle que le maître vénitien l’interprète dans sa période de maturité vers 1470 Madone et Enfant, New York, The Metropolitan Museum,collection Lehman, Couronnement de la Vierge, Pesaro, Museo Civico, Saint François, New York, Frick Collection Il faut sans doute placer notre Vierge dont c’est ici la première apparition, vers la période des années1480 époque à laquelle Bastiani abandonne la ligne incisive mantegnesque de ses débuts héritée de Bartolomeo Vivarini et donne plus d’ampleur à ses compositions. La madone d’une haute stature monolithique occupe la plus grande partie de la composition, son visage ovoïde frappé par la lumière est à rapprocher de celui de la Madone autrefois dans la collection Spiridon de Berlin vers 1475 cf. Collobi, et n’est pas sans évoquer la douce poésie qui émane de la Sainte Lucie avec un donateur datée vers 1480-1490 Portland, Museum of Art, collection Kress, ; cf. Shapley, Paintings from the Samuel Kress collection, Italian School XV-XVI century, Londres 1968, fig138. ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier le 18/11/2020 - PARIS GIAN GIACOMO CAPROTTI dit le SALAI Oreno di Vimercate 1480 - Milan 1524 Marie Madeleine GIAN GIACOMO CAPROTTI dit le SALAI Oreno di Vimercate 1480 - Milan 1524 Marie Madeleine Panneau une planche 65 x 50 cm Restaurations anciennes Estimation 100 000 / 150 000 € Ce tableau constitue un ajout important au corpus de Gian Giacomo Caprotti, mieux connu sous les pseudonymes de Salai ou Salaino, l'élève préféré de Leonard de Vinci. Le tableau est en bon état de conservation mais demande à être nettoyé. Il a été partiellement déverni, surtout le bras droit de la sainte, ce qui déséquilibre partiellement l'accord coloré de l'œuvre. Le vernis sale et oxydé empêche de saisir la grande qualité de notre tableau. La surface, bien conservée, garde tous ses glacis minutieusement traités et même les empreintes digitales du peintre sur la peinture fraiche, visibles par exemple sur la joue droite de la sainte, une technique caractéristique de Léonard et de son élève Giampietrino. L'œuvre montre une adhésion inconditionnelle au style et à la technique de Léonard. La préparation et le traitement du chiaroscuro dans le visage relèvent de la connaissance du sfumato léonardesque, obtenu par l’application des glacis superposés l’un sur l’autre et en interaction entre eux. Les glacis sont si fins et travaillés en transparence qu’ils donnent un aspect poli à la surface, à l’imitation d’un miroir ; la craquelure est très fine et presque imperceptible. Marie-Madeleine est représentée à mi-corps, sur un fond noir, de trois-quarts et tournée vers la droite, la tête et le regard levés vers le haut en extase, les bras croisés sur la poitrine en acte de dévotion ; le corps nu, longiligne, est partiellement couvert par une chevelure florissante qui laisse apparaitre les bras et le décolleté habillé » par un collier de cheveux noués ensemble. Sont absents l’auréole et le vase d’onguent, ses attributs iconographiques traditionnels. L’invention iconographique audacieuse proposée dans ce tableau inédit se base sur une interprétation érotique d’un sujet destiné à la dévotion privée et présente des éléments communs au groupe des Madeleines repentantes de Giampietrino Giovan Pietro Rizzoli, Milan 1480/85 – 1553. La comparaison la plus pertinente est la Madeleine repentante en collection privée Padoue , datée vers 1520-25, similaire à la position de la sainte et par la présence d’une chevelure encore plus riche ainsi que pour le jeu de la séduction entre ce qui est montré et ce qui est caché ; le nœud de cheveux se trouve en revanche déplacé sur le côté droit de la sainte C. Geddo, Una nuova “Maddalena” del Gianpietrino, in Il più dolce lavorare che sia. Mélanges en l’honneur de Mauro Natale, sous la direction de F. Elsig, N. Etienne, G. Extermann, Cinisello Balsamo, Milano, 2009, pp. 291-297, fig. 1. La lumière arrive d’en haut et jette des ombres profondes autour des yeux et le long du cou de la sainte, comme dans le buste du saint Jean Baptise du Louvre, que nous pouvons rapprocher de notre tableau pour le choix réduit des couleurs, presque monochromes, et le caractère ambigu, entre sacré et profane, de la figure. Les lèvres, entrouvertes dans un soupir identique à celui de l’ange de la première version de la Vierge aux rochers du Louvre, sont pulpeuses et sensuelles mais les yeux reflètent encore mieux la leçon de Léonard. Celle-ci est évidente dans le rendu de l’anatomie de la figure, le raccourci du corps, le regard intense et le détail de la lumière sur l’iris qui confère à la sainte repentante une nouvelle expression, pathétique et émouvante. La chevelure de couleur brun-doré est définie par de très légers coups de pinceaux qui animent ainsi les boucles en spirale et les cheveux rebelles sur le front et le décolleté. Nous retrouvons la même silhouette fine, les épaules tombantes et le raccourci de la main avec la lumière qui se reflète sur la poignée dans Dame à l’hermine du Museé Czartorsky de Cracovie. La paternité de ce tableau peut être confortée grâce à la confrontation avec le Christ rédempteur de Gian Giacomo Caprotti di le Salai de la pinacothèque Ambrosienne de Milan, signé et daté 1511 huile sur panneau de peuplier 55 x 37,5 cm seule œuvre d’attribution certaine de l’élève préféré de Leonard V. Delieuvin, in Léonard en France le maître et ses élèves 500 ans après la traversée des Alpes, 1516-2016, catalogue de l’exposition sous la direction de S. Tullio Cataldo, Paris, Ambassade d’Italie, Paris 2016, pp. 282-291. Cette peinture représente le point cardinal autour duquel on peut regrouper le corpus du peintre, constitué de cinq œuvres dont celle que nous étudions ici Geddo, en cours de publication. La Madeleine repentante présente toutes les caractéristiques du Christ de l’Ambrosienne tout d’abord une attention pour les détails, rendus avec une maitrise surprenante et très proche de celle de Léonard. Des analogies sont visibles dans les tonalités chaudes utilisées pour les carnations, dans la calligraphie minutieuse, les sourcils, et en particulier dans les yeux, surlignés en leur partie inferieure par un accent lumineux de peinture blanche ou rose pâle. Dernier point, mais non des moindres, le regard intense, charismatique dans le Christ de l’Ambrosienne, qui se veut presque comme une signature du peintre. Nous pouvons rapprocher notre tableau d’une autre Madeleine repentante, avec l’ajout d’un paysage librement inspiré de la grotte dans la Vierge aux rochers, passée en vente au Dorotheum à Vienne en 2014 huile sur panneau de peuplier, cm 74 x 53; Old Master Paintings, 9 avril 2014, lot 578, comme suiveur de Léonard. Nous proposons de dater notre tableau des années 1515 – 1520. Gian Giacomo Caprotti entre dans l’atelier de Léonard à l’âge de dix ans, le jour de la Madeleine "il dì della Maddalena" le 22 juillet 1490. Cette date précise est donnée par Léonard lui-même, en marge du Manuscrit C conservé à l'Institut de France. Salai restera ensuite aux cotés de son maître pendant plus que vingt-cinq ans, et le suivra dans toutes ses pérégrinations. “Voleur, menteur, têtu et glouton” “Ladro, bugiardo, ostinato, ghiotto”, il tient son surnom de Leonard comme synonyme de "petit diable" à cause des nombreuses bêtises commises par l’élève et toujours pardonnées par le maitre avec une certaine patience paternelle J. Shell, G. Sironi, Salaì and the inventory of his estate, in “Raccolta Vinciana”, XXIV, 1992, pp. 109-153. Garçon d’atelier, modèle, économe, agent, amant, tout au long de sa vie à côté de Léonard, Salai realise les taches les plus variées sans jamais pour autant renoncer à son rôle d’apprenti et ensuite de peintre. Pendant les longues années avec Léonard, Salai a pu assimiler comme personne d’autre la fine technique du maitre, en se positionnant comme l’un des plus influents divulgateurs des modèles léonardesques à travers la production de copies et variantes des chefs-d’œuvre de Leonard. Salai est cependant aussi l’auteur d’œuvres originales qui témoignent de la leçon du maitre interprétée avec une certaine autonomie. La découverte de deux versions de la Madeleine repentante représente un ajout important au corpus du peintre et réouvre la question de l’invention d’une nouvelle iconographie entre sacré et profane dont Giampietrino sera le grand interprète à partir de 1520. Notre notice a été rédigée avec les informations données par Cristina Geddo. La lettre complète en italien sera remise à l’acquéreur du tableau. BRISCADIEU Me Antoine le 31/10/2020 - PARIS Charles Antoine COYPEL Paris 1694 - 1752 La mise au tombeau Charles Antoine COYPEL Paris 1694 - 1752 La mise au tombeau toile 67 x 57 cm Restaurations anciennes, petites griffures Estimation 20 000 / 30 000 € Etiquette ancienne au dos N4808?082 Gravé par François Joullain après 1734, avec des variantes, la gravure se situant peut-être entre l'esquisse et la réalisation finale. Sur l'estampe, le fond de pierre appareillé est remplacé par des pilastres ioniques, deux nuages avec des anges sont ajoutés de part et d'autre du tableau, et on ne voit pas l'échelle et le bas de la croix derrière les figures mais dont on sait qu'étaient représentés dans le grand format comme dans notre esquisse. Bibliographie Thierry Lefrançois, "Charles Coypel 1694-1752", Paris, Arthena, 1994, p. 276, P. 158 oeuvre diparue Cette esquisse est préparatoire au maître-autel de l’église du collège Saint-Nicolas du Louvre, qui était située entre l'actuelle place du Carrousel et le haut du jardin des Tuileries, au niveau du guichet coté Seine, c’est-à-dire des pavillons de la Trémoille et de Lesdiguières. Elle a été rasée avant la Révolution. Né à deux pas de l’église, et voisin proche lorsque ses parents s’installèrent aux Galeries du Louvre, quatre ans plus tard, Charles-Antoine Coypel a passé toute sa vie dans l’enceinte du château. En 1734, alors qu’il est déjà un peintre célèbre ayant gravi les échelons hiérarchiques de l’Académie Royale, la compagnie du collège Saint-Nicolas lui demande d’être le parrain de la nouvelle cloche qui va être fondue. En échange, le peintre se propose d’offrir un tableau pour le maître-autel. Ce qu’il soumet dans cette esquisse est cependant beaucoup ambitieux car la peinture est incluse dans un ensemble décoratif complexe avec une gloire d’où s’échappe des rayons au-dessus et des anges pleurant sculptés devant un tombeau vers lequel glisse le corps du Christ. Malgré les dépenses de maçonnerie, menuiserie occasionnés par ce projet, il fut accepté et Sébastien-Antoine et Paul-Ambroise Slodtz se chargèrent des sculptures et des stucs. L’abbé Demayne, chanoine de l’église Saint-Nicolas du Louvre, a publié dans le Mercure de France d’octobre 1734 pp. 2169-2179 les détails de toute cette opération, en mentionnant les variantes entre le dessein » l’esquisse et la réalisation finale due à l’adaptation à la configuration de lieu. CHAMPION KUSEL le 10/10/2020 - PARIS Abraham WILLAERTS Utrecht 1603 - 1669 Vaisseaux, dont l'Amélia, devant la ville de Mauritsstad, Brésil Abraham WILLAERTS Utrecht 1603 - 1669 Vaisseaux, dont l'Amélia, devant la ville de Mauritsstad, Brésil panneau, une planche, non parqueté 46 x 81 cm Signé et daté en haut sur le drapeau A. WILLARTS / 1642Restaurations anciennes Estimation 15 000 / 20 000 € Abraham Willaerts ou Willarts a été de 1638 à 1644 peintre à la cour du Comte Jean-Maurice de Nassau-Siegen gouverneur général du Brésil néerlandais ou Nouvelle Hollande . L'Amélia, vaisseau militaire identifié sur le tableau, était le navire amiral de Maarten Tromp, lui même Amiral des Provinces-Unies. Ce vaisseau fut envoyé en Nouvelle Hollande du Brésil dont la capitale portuaire était Mauritsstad cette ville exotique bordée par ce banc de sable peut être ainsi la capitale du Brésil, à l'époque, Mauritsstad, aujourd'hui englobée par la ville de Recife. Mauritsstad ou " de Stadt Mauritius" a été bien cartographiée au XVIIème siècle. Capitale coloniale, la ville a été fortifiée sur les plans de François Ferry, collaborateur de Vauban. La situation géographique de cette ville en fait un point stratégique pour les Hollandais premier accès étroit vers le continent, cette ville est à la fois bordée par l'océan et les fleuves brésiliens. ROUILLAC Mes Philippe et Aymeric le 04/10/2020 - PARIS Louis GAUFFIER Poitiers 1762- Florence 1801 Famille d'un diplomate accrédité en Italie sous le Directoire, la cueillette des oranges Louis GAUFFIER Poitiers 1762- Florence 1801 Famille d'un diplomate accrédité en Italie sous le Directoire, la cueillette des oranges toile 69 x 99 cm Signé et daté 1797-98 en bas à gauche L. Gauffier / Flor. ce an 6° /de la Rep. e Restaurations anciennes Estimation 40 000 / 60 000 € L'esquisse de cette composition est conservée au musée du château de Versailles toile, x cm, MV 4851. Les portraits en plein air comptent, peut-être, parmi les œuvres les plus personnelles. Gauffier présente ses personnages, très souvent, sur une terrasse ; ils s’appuient sur une balustrade ou, plus fréquemment, sur des fragments antiques, chapiteaux ou bases de colonnes. Ils se détachent sur un fond de paysage lointain. » Cette analyse du peintre publiée par Crozet 1 en 1936 s'applique parfaitement à notre tableau inédit. Sur celui-ci, la présence de l'oranger dans un pot en terre, posé sur un chapiteau corinthien renversé, apporte à cette réunion familiale un charme pittoresque méditerranéen, un parfum de "dolce vita", auquel participent aussi les détails l'appareil de briques derrière le crépi sur le mur à gauche, ou l'arrosoir. L’ambiance familiale est rousseauiste ; la mode vestimentaire est française, comme le montre la robe chemise, probablement en plumetis, avec ceinture dorée à taille haute que porte la jeune mère. Louis Gauffier abolit ici les catégories traditionnelles des genres académiques portraits, scène de genre, nature morte arrosoir, arbre sont entremêlés dans une composition en frise caractéristique de la peinture d'histoire néoclassique. A l’exception de la petite fille tenant une poupée, les figures féminines et masculines sont regroupées sur un seul côté de la toile comme dans les tableaux de David de cette période. 1. R. Crozet, Louis Gauffier 1762-1801, Bulletin de la société de l'Histoire de l'Art Français, Années 1941-1944, publié en 1947, à 113. Louis Gauffier 1762-1801 "Réunion de la famille d'un diplomate accrédité en Italie sous le Directoire", esquisse Toile contrecollée sur bois, x cm Versailles, Musée national du château PAGE 2 PHOTO DU TABLEAU PAGE 3 Elève de Taraval à Paris et lauréat du Prix de Rome en 1784 ex-aequo avec Jean-Germain Drouais, Gauffier passe le reste de sa vie en Italie. En 1793, des manifestations anti-françaises obligent les pensionnaires de l’Académie de France à se réfugier à Florence, sous la protection de François Cacault. Il se lie d'amitié avec le milieu cosmopolite et cultivé du poète Vittorio Alfieri et de son épouse Louise Stolberg, duchesse d’Albany. Il fréquente les artistes de passage dans la capitale toscane - Gérard, Gros, Garnier -, ou ceux qui s’y sont installés, des républicains comme Boguet, Gagneraux, les frères Sablet ou anti-révolutionnaires et anglophiles comme Fabre. Il se range dans ce second camp. Il abandonne les sujets religieux ou d'histoire antique pour se consacrer aux portraits, mis en scène comme des "conversation pieces" anglaises Zoffany et développe une sensibilité moderne au paysage de plein air. La plupart de ses modèles sont des aristocrates russes ou anglais du Grand Tour, des officiers français, et plus rarement des italiens. Mais ces personnages sont souvent isolés. Les groupes familiaux sont très rares, moins ambitieux, limités à un petit nombre de personnages dans un intérieur de dates proches du notre "La famille d'André-François Miot, comte de Melito, consul de France à Florence", 1796 Melbourne, National Gallery of Victoria, ou la "Famille Salucci", 1800 Paris, Musée Marmottan. On peut s'interroger sur les fruits représentés et sur le lieu. Ne s'agirait-il pas de mandarines, ou plus encore d'oranges amères, comme le laisse penser la forme des feuilles. La Limonaia» orangeraie en français du jardin du Boboli, adjacente, au Palais Pitti, construite en 1778/1779 comprenait une très riche collections d’arbres d’agrumes encore utilisée aujourd’hui, son architecture actuelle date de 1816. On remarquera que le vase conique en terre-cuite décoré d’une frise de guirlandes - et ici d’une tête d’Hermès - est typique de la Toscane ; très poreux, il laisse passer l’eau en excès. En 1801, Gauffier reprendra ce motif de l'oranger planté dans un pot posé en hauteur, dans le "Portrait en pied d'un officier de la République Cisalpine" Paris, musée Marmottan, ill. 3. Louis Gauffier 1762-1801 "La famille d'André-François Miot, futur comte de Melito, consul de France à Florence", 69,5 x 89 cm Melbourne, National Gallery of Victoria Louis Gauffier 1762-1801 " Portrait en pied d'un officier de la République Cisalpine ", Toile, 67 x 51 cm Melbourne, National Gallery of Victoria Réunion de la famille Sainct-Même sous le Directoire par Aymeric Rouillac Découverte inédite, cette toile était conservée jusqu’au printemps 2020 dans la descendance varoise du capitaine de vaisseau Philippe de Centenier de Fauque 1895-1963, qui disait lui-même l’avoir toujours vue chez ses parents. Elle n’était connue que par son modelo conservé au château de Versailles et sobrement titré Réunion de famille d’un diplomate accrédité en Italie sous le Directoire. » Parmi les ancêtres de ce collectionneur figurent notamment un général d’Empire, le baron Jean-Jacques d’Azémar et un capitaine dans le Piémont, Joseph Fauque de Centenier ; mais ce ne sont pas eux qui sont représentés, faute de descendance en 1797. Le commanditaire de cette toile est en réalité Alexandre Marie Gosselin de Sainct-Même Paris, 1746 - Marseille, 1820. Âgé de cinquante-et-un ans en 1797, il a vingt-quatre ans de plus que sa femme Anne Henriette Élise Assailly 1770-1859, qu’il a épousé en 1784, âgée de vingt-sept ans sur cette toile. Son portrait présumé attribué à Rémi-Furcy Descarcin 1747-1793 le figurant un peu plus jeune probablement avant son mariage, a été présenté il y a peu de temps aux enchères avec le concours du cabinet Turquin vente à Vannes, Me Ruellan, 19 mai 2018, n°46. Le couple est ici entouré de cinq de ses enfants. Le garçon à droite est Alexandre Henry, né à Marseille en 1786, qui a alors onze ans. La jeune fille en robe bleue à l’arrière est Anne Joséphine Laurette », dont descendait Philippe de Fauque, née à Marseille en 1788 et âgée de neuf ans en 1797. Les deux filles en robes blanches sont Antoinette Françoise Mélanie » née à Marseille en 1790, âgée de sept ans et Adèle Honorine née à Marseille en 1793, représentée à l’âge de quatre ans. Le bébé est Charlotte Caroline Alexandrine Élise » née à Paris en 1795 et âgée de deux ans sur le tableau. La dignité consulaire de son père est évoquée par la toge pourpre sur laquelle elle est assise. Ne manque que leur dernier fils Eugène Maurice, qui naîtra à Paris en 1800. Le portrait fidèle de cette famille nous est dressé par la duchesse d’Abrantès dans ses mémoires Ma mère avait retrouvé à Paris une famille de Marseille à laquelle elle était sincèrement attachée. M. et madame de Saint-Mesmes étaient bien les meilleurs, les plus excellens amis. M. de Saint-Mesmes était à la tête d'une partie des fournitures de l'armée d'Italie. Il était assez âgé pour être le père de sa femme, jeune et charmante personne, qui l'aimait avec autant de tendresse et même d'amour que s'il eût été le plus beau garçon de Paris. Sa vertu, sa pureté, la rendaient vraiment intéressante. Je me sens heureuse, en rappelant seulement son souvenir. J'éprouve une sorte de calme qui rafraîchit mon sang, lorsque je me rappelle cette jeune mère entourée de six ou sept enfans qu'elle avait nourris, et s’occupant, au milieu d'eux, des soins de sa maison, comme une jeune Grecque aurait pu le faire jadis au sein de son gynécée. » in Laure Junot duchesse d'Abrantès 1784-1838, Mémoires de Madame la duchesse d'Abrantès, ou Souvenirs historiques sur Napoléon la Révolution, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Restauration. Tome 2. 1831-1835, La jeune femme recueillant les oranges à gauche, aux allures de vestale, est une amie intime de la mère de famille, dont parle aussi la duchesse d’Abrantès comme d’une jeune femme qui entrera ensuite sous les ordres comme religieuse bénédictine et qui, pour témoigner sa reconnaissance à Madame de Sainct-Même qui avait été sa Providence, vint s’établir pendant des mois entiers chez elle où elle enseignait la parole de Dieu à ses enfants. » Des études historiques récentes recensent une quarantaine de diplomates représentant la France en Italie sous le Directoire. La plupart du personnel en poste dans la péninsule, ou des voyageurs du Grand Tour qui ont publié à cette époque, sont soit de jeunes hommes nés dans les années 1770 et fraîchement mariés, ou soit des célibataires, si non endurcis, du moins géographiques. Rares sont les familles de diplomates présentes en Italie en cette période de guerre. Bien que son activité diplomatique ne soit pas strictement référencée sous le Directoire, Alexandre de Sainct-Même aurait été Consul général de France pour le royaume des Deux-Siciles. Le 16 avril 1793, on trouve sa signature aux côtés de celle de Miot sur un document officiel comme administrateur des Subsistances Militaires. C’est à ce titre qu’il est alors accrédité en Italie, comme le rappelle la duchesse d’Abrantes. Le fait qu’Alexandre de Sainct-Même soit séparé de sa femme et de ses enfants par une balustrade illustre peut-être la séparation physique de la famille, restée en France, alors que lui parcourt l’Italie? Louis Gauffier est coutumier de la réunion sur une toile de différentes générations séparées physiquement, comme en témoigne son autoportrait avec son père dans le Retour du fils prodigue qu’il lui envoie peu de temps avant de mourir Musée de Rochefort. Il en va de même avec son autoportrait dans La famille de l’artiste posant avec son épouse, également peintre, et leurs deux enfants au pied d’un chapiteau ancienne collection Artus, Paris. En 1803, Sainct-Même est l’un des trois témoins du prince Camille Borghese pour son mariage, et se présente comme Commissaire général pour les relations commerciales de Naples à Marseille. Sous le règne de Joachim Napoléon 1806-1808, il sera nommé directeur général de la régie des subsistances militaires du royaume de Naples et des Deux-Siciles. De façon anecdotique, l’un des témoins de mariage de Pauline, la sœur chérie de Napoléon Bonaparte n’est autre que, une nouvelle fois, le conseiller d'État Miot, celui-là même dont Gauffier a représenté la famille alors qu’il était consul à Florence en 1796 Melbourne, National Gallery of Victoria. Le contraste entre ces deux toiles est d’ailleurs saisissant alors que sur la nôtre règnent la félicité, la beauté et la bonté, le portrait de la famille d’André-François Miot, futur comte de Melito, montre des visages veules ou serviles, aux sourires grimaçants sous les auspices du buste de Joseph Bonaparte. Gauffier masque difficilement son aversion pour la Révolution française dans cet autre portrait et semble s’être heureusement pris ici de sympathie pour cette famille, par ailleurs en relation avec les Miot qui l’avait précédé dans l’atelier du peintre. Installé à Florence, Gauffier voyage à travers l’Italie dans les années 1796-1798, notamment à Naples où il réalise les portraits d’officiers républicains. De la même façon qu’il commencera le portrait de Victor-Léopold Berthier, général de division devant la baie de Naples, et qu’il le finira et situera ensuite à Florence ancienne collection Hollande, Paris, il est n’est pas impossible que le peintre ait commencé notre tableau dans une autre ville de la péninsule pour le terminer dans sa ville de résidence, où il le signe, le date et le situe. Réalisé en l’an VI, après le traité de Campo Formio mettant fin à la première campagne d'Italie par Bonaparte, notre tableau figure la cueillette des oranges, entre l’automne 1797 et le printemps 1798. Si le choix d’une orangeraie pose un cadre aristocratique, symbole de luxe et de pouvoir qui flatte son riche commanditaire, c’est surtout une évocation d’un chef d’œuvre de la peinture italienne La naissance du Printemps par Boticelli. Gauffier met à son tour harmonieusement en scène huit personnages dans une orangeraie, non pas en fleur mais au moment où le fruit est mur et qu’il faut le cueillir. PESCHETEAU-BADIN le 22/09/2020 - PARIS Salomon Van RUYSDAEL vers 1600/1603 - 1670 Voilier au large Salomon Van RUYSDAEL vers 1600/1603 - 1670 Voilier au large Panneau de chêne parqueté 18 x 24 cm Excellent Estimation 40 000 / 60 000 € On rapprochera notre tableau d’autres petits formats sur panneaux des années 1640 représentant des estuaires où malgré leur taille, on ressent une sensation de panorama aérien par exemple la Marine» du Metropolitan Museum de New York de 1650, inv. Salomon van Ruysdael s'éloigne de sa phase monochrome stricte, qu’il partageait avec Van Goyen, et rehausse sa palette harmonieuse de gris avec du bleu dans le ciel, rompue aussi par la petite tache rouge du drapeau hollandais. Le premier plan plus foncé, avec les traits rapides et scintillants des vaguelettes, rehausse la profondeur de la composition, tandis qu'une bande d'eau argentée, éclairée par les nuages, conduit l'œil au loin. Une ligne fantomatique forme la ligne d’horizon avec un moulin et quelques maisons, où une cheminée fume. Le voilier rompt cette horizontalité. Il s’agit d’un navire à faible tirant d'eau qui transportait des marchandises et parfois des passagers entre les villes sur les voies navigables intérieures ou servait de bac entre les deux rives. Un trait sûr et virtuose, à la pointe du pinceau, décrit les autres embarcations et les mouettes. BRISCADIEU Me Antoine le 19/09/2020 - PARIS François DESPORTES 1661 - 1743 Nature morte de gibiers et de fruits François DESPORTES 1661 - 1743 Nature morte de gibiers et de fruits toile x 83 cm en bois sculpté doré, travail français d'époque Louis XIV Restaurations anciennes Estimation 150 000 / 200 000 € Sur fond de niche en marbre, ornée en son centre d’un motif de dauphin en bronze doré, sont attachés par les pattes un lièvre, une perdrix grise, deux canards col-vert, une sarcelle d’hiver ou canard siffleur ? et un vanneau. En-dessous dans la vasque en marbre trilobée de ce qui pourrait être la base d’une fontaine sont assemblés, à droite, une corbeille en osier contenant des bigarades –oranges amères - et une grenade éclatée, le tout piqué d’une branche d’oranger, et, à gauche, un bol en porcelaine de Chine monté en bronze doré contenant des pommes Calville sur lesquelles est perché un perroquet gris du Gabon, qui observe ce trophée de gibier. Situées à même la vasque, des pommes d’Api, deux poires de Bon-Chrétien et une grenade éclatée complètent cette composition. L’assemblage de gibier, associations de plumages savamment rythmées, s’impose d’emblée tout en s’intégrant harmonieusement à la composition grâce aux emplacements choisis des divers détails d’ailes, pattes et oreilles du lièvre, qui viennent à propos donner éclat et dynamisme à cette réunion d’animaux à la touche chatoyante et vibrante. Le perroquet gris du Gabon vient faire le lien entre la partie supérieure et celle inférieure agrémentée de fruits, aux diverses nuances de rouge auxquelles les pattes des animaux viennent faire un écho délicat ; de même, les nuances de bleu-gris du corps des animaux trouvent un contre-point dans le bol de porcelaine, ceci donnant rythme et unité à l’ensemble. D’autre part, un jeu de courbes et contre-courbes niche, corbeille, coupe, rebords de la vasque permettent de révéler toute la profondeur de cette composition. Fruits et animaux occupent une fontaine sans eau, scène éphémère de la représentation d’une nature exubérante au sein de laquelle le perroquet règne en maître de l’instant. Ce motif du dauphin ainsi que celui de l’anse en bronze doré de la coupe en porcelaine n’est pas sans nous évoquer l’œuvre de l’architecte et ornemaniste Gilles-Marie Oppenordt. Deux études, conservées dans le fonds de l’atelier de Desportes à la manufacture nationale de Sèvres, que je date vers 1710-1720 Catalogue raisonné, Paris, 2010, n° P 496, P 497, cette dernière d’après un modèle de rampe d’escalier d’Oppenordt, sont dans un esprit très proche des éléments décoratifs de notre tableau. En 1716, l’activité essentielle de Desportes se trouvait être pour le Régent qui venait de s’installer, après la mort de Louis XIV, au Palais Royal. Dès les premiers mois de 1716, le Régent avait demandé à Oppenordt, d’agrandir et mettre au goût du jour ses appartements. Nous ne pouvons exclure que cette fontaine à décor de dauphin puisse avoir été copiée par Desportes d’après un modèle nouvellement crée pour le Palais Royal. Par ailleurs, au sein de cette même demeure, nous savons que Desportes avait réalisé cette même année au moins trois tableaux pour une cuisine particulière » où le Régent faisant lui-même des essais de cuisine. Deux sont connus Cat. rais., n° P 584 et P585 et notamment l’étonnante Nature morte de gibier prêt à mettre en broche Paris, musée de la chasse et de la nature dans laquelle nous retrouvons un perroquet gris du Gabon le même probablement que celui de notre tableau. La troisième peinture, non localisée, est connue une par une brève description, toutes sortes de légumes », dans la biographie que Claude-François Desportes consacra à son père. Ce faisceau d’éléments exposés, ajoutés à l’extrême raffinement de la composition, m’incitent à penser que cette nature morte pourrait avoir été destinée aux appartements du Régent au Palais Royal. Cependant, la brève description de Claude-François Desportes ne permet pas, par le sujet mentionné, de la rapprocher de ce tableau et aucun document écrit ne peut me permettre de l’affirmer ; cela reste donc une hypothèse. Quelle que soit son éventuelle provenance royale, cette nature morte de la main de François Desportes se hisse au plus haut niveau de son art et constitue sans nul doute l’un des chefs-d’œuvre de l’artiste. Cette peinture sera incluse au supplément du catalogue raisonné de l’œuvre de François Desportes 1661-1743, actuellement en préparation. Nous remercions Monsieur Pierre Jacky, spécialiste de l’artiste, pour la rédaction de la notice ci-dessus. Que la fête commence… ! » Notre tableau permet d’évoquer la figure du régent Philippe d’Orléans 1674-1723, bon vivant, jouisseur de tous les plaisirs terrestres, n’en refusant aucun, gourmand des bonnes tables, libertin avec les femmes, comme cela a pu être évoqué dans le célèbre film Que la fête commence …» Bertrand Tavernier, 1975.Il aussi reconnu comme l’un des plus grands collectionneurs et mécène de son époque, possédant des chefs-d’œuvre absolus de la peinture aujourd’hui dispersés. Au Palais-Royal où il a installé sa cour, les fêtes officielles côtoient les soupers galants et les bals de l’Opéra installé sur place. Le Régent mène au sein de son palais une vie dissolue en parallèle de sa charge, se montrant parfois dans un état peu convenable » pour reprendre les mots de Saint-Simon. A cette époque, on note un changement des arts de la table toujours plus en fastueux les premières salles à manger apparaissent, la faïence et la porcelaine émergent sur toutes les tables à la mode. De grands gastronomes, François Massialot ou Menon imposent leurs goûts, et de nouvelles recettes se popularisent comme la crème chantilly, la mayonnaise ou le champagne. Le duc d’Orléans aime la chasse et convie Desportes à de nombreuses occasions à peindre des scènes cynégétiques, ou des trophées. La régence marque la transition entre la période austère des dernières années de Louis XIV avec Mme de Maintenon et le 18e siècle, un moment de grâce et d’insouciance du savoir-vivre à la française. Le motif du dauphin sur la fontaine est probablement une allusion à Marie-Louise Elisabeth d’Orléans 1695-1719, fille du Régent et épouse de Charles de France, duc de Berry, lui-même fils du Grand Dauphin, Louis. Elle se faisait appeler Mademoiselle et a fait sculpter un décor de ces animaux marins sur le cadre de son portrait de Largillière ancienne collection Thierry de Chirée. Un tableau commandé par son père à Desportes pour le lui offrir 1717, Lyon, musée des Beaux-Arts, Catalogue raisonné, op. cit., n° P 613, destiné à la salle-à-manger de son château de La Muette, comporte aussi une fontaine ornée de quatre dauphins. Notre toile constitue une charnière dans l’histoire de la nature morte française, abandonnant les modèles flamands et annonçant Oudry et Chardin. DAGUERRE Mes Benoit Derouineau et Bertrand de Cotton le 23/06/2020 - PARIS François BOUCHER 1703-1770 Joueur de vieille François BOUCHER 1703-1770 Joueur de vieille Joueur de vielle x 32 cm Signé en bas à gauche F Bou... Estimation 40 000 / 60 000 € bibliographie Jean-Luc Bordeaux, François Lemoyne and his generation 1688- 1737, Paris, Arthena, 1984, p. 137, n°X16 reproduit fig. 115, comme rejeté à Lemoine et propose Boucher avant 1727. Florence Gétreau, Watteau et sa génération contribution à la chronologie et à l'identification de deux instruments pastoraux. De l'Image à l'Objet, Centre d'iconographie musicale et d'organologie CNRS, 1985, Paris, France, page 314, ill. fig. 20 comme Lemoine ou Boucher provenance vente de la collection du vicomte Beuret, Paris, galerie Georges Petit, le 25 novembre 1924, n°25 comme attribué à François Boucher Disparue du marché de l’art et des regards depuis près d’un siècle, cette oeuvre témoigne de l’influence de Watteau chez le jeune Boucher. Elève de François Lemoine et marqué par l’influence des vénitiens Ricci et Pellegrini, Boucher est confronté au maître des fêtes galantes lorsqu’il grave ses dessins à la demande de Jean de Julienne entre 1726 et 1731, soit juste avant et juste après son séjour en Italie. Un regain d’intérêt survient en 1734-1735 quand Boucher donne à graver ses propres dessins pour illustrer les Oeuvres de Molière, représentant des acteurs en costumes contemporains. Cette influence le conduit à transformer ses scènes de genre nordiques en sujets beaucoup plus élégants, comme en témoigne La Belle cuisinière Paris, musée Cognacq-Jay, La Jardinière surprise collection particulière, Les oies de frère Philippe éventail à la gouache ; Besançon, musée des Beaux-Arts, le premier carton de tapisserie des Fêtes de village à l’Italienne pour Beauvais, tissé en 1736, dans les sujets peints pour le roi dans ses appartements privés du palais de Fontainebleau entre 1735 et 1737... . Le musicien à mi-corps est richement vêtu d’une veste de satin aux tons lilas gansée de fourrure et de boutons dorés. Il tient une vielle à roue ornée de filets d’ivoire avec manche sculpté, comme en construisait de luthier Bâton entre 1716 et les années 1740. Cet instrument, ainsi remis au goût du jour, ne se cantonne plus à l'accompagnement des danses et au musette, mais est désormais joué dans les concerts dès le second tiers du dix-huitième siècle. Nous proposons d’identifier le modèle avec le ténor Pierre de Jélyotte 1713-1797. Né et formé à l’Académie royale de Musique de Toulouse, il se produit sur scène à Paris dès 1733, au Concert spirituel et à l’Opéra, à peine âgé de vingt ans. Boucher et lui se fréquentent du cercle d'amis - et de joyeux buveurs-, la Société du Caveau tout juste fondée et aussi chez le prince de Carignan, directeur de l'Académie royale de musique. Le peintre épouse Marie-Jeanne Buseau fille d'un musicien du roi en avril 1733. Jélyotte a été portraituré plus âgé par Charles-Antoine Coypel en femme dans le rôle de Platée en 1745 musée du Louvre et en 1755 par Louis Tocqué tenant une lyre à la main Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage. Nous remercions Madame François Joulie d’avoir confirmé l’attribution à François Boucher sur photographie numérique par échange de mails en avril 2020, ainsi que les précieuses informations qu’elle nous a fournies pour la rédaction de cette notice. Additif On nous a signalé une reprise un peu plus grande de cette composition, passée en vente à Londres, chez Bonhams le 5 juillet 2017, lot 33 DAGUERRE le 16/06/2020 - PARIS Jusepe de RIBERA Jativa 1588 - Naples 1656 Un philosophe l'heureux géomètre Jusepe de RIBERA Jativa 1588 - Naples 1656 Un philosophe l'heureux géomètre Toile 100 x 75,5 cm Restaurations anciennes Estimation 200 000 / 300 000 € Notre tableau est un exemple précoce d’une représentation de philosophe à mi-corps par Ribera, peint à Rome vers 1610/1615, et constituant son apport le plus original au courant du caravagisme. Ce thème, que le maître lombard n’avait pas abordé, a été interprété à de nombreuses reprises par Ribera au cours de sa carrière jusqu’en 1640. Le succès de cette nouvelle iconographie, recherchée par les collectionneurs, se prolongea tout au long du 17e siècle, avec Salvator Rosa, Luca Giordano et Matia Preti à Naples, mais aussi chez Ter Brugghen, Rembrandt, Mola et Vélasquez ailleurs. Les portraits de philosophes furent très prisés dans les cénacles néo-stoïciens dont on sait l’importance durant tout le siècle. Ils figuraient le plus souvent dans les cabinets d’humanistes, les bibliothèques et les galeries princières. Le subtil raffinement de ces œuvres vient du contraste entre un type populaire tiré de la rue ou de la taverne, suivant les préceptes du Caravage, buriné par le soleil, édenté et en haillons, opposé à la noblesse littéraire ou scientifique du sujet, indiquée par les livres et fit appel au même truculent personnage pour représenter également les apôtres, les philosophes ou savants, les prophètes et les saints ou encore les personnifications des cinq sens. Le modèle facilement identifiable à son crâne chauve et ses oreilles décollées, son nez tordu, ses rides marquées, posait pour divers peintres dans la Rome du début du 17e siècle on le retrouve chez Guido Reni et même dans un Repas à Emmaüs de Bernardo Strozzi –collection particulière-. Il apparait dans plusieurs œuvres de l’artiste espagnol réalisées entre 1612/1613 et 1616/1617. Le peintre avait peut-être aussi en tête un archétype que l'on retrouve dans les marbres grecs et romains de l’époque hellénistique, réemployé pour figurer dans diverses compositions et n’ignorait pas non plus les dessins de vieillards grotesques de Léonard de le reconnait dans les œuvres de Ribera de cette période suivantes -Saint Barthélemy, d’une série d’apôtres Apostolato, peint à Rome pour Pedro Cosida Pietro Cussida en Italie vers 1611-1612 ou 1615 suivant les auteurs, toile, 126x97 cm, Florence, Fondation Longhi Christ parmi les docteurs, vers 1612-1613, toile, 188x270 cm, Langres, église Saint-Martin, il s’agit du docteur à l’extrême droite au bain, vers 1611-1612, toile, 138,5x179 cm, Madrid, galerie Caylus,Il s’agit du vieillard de gauche Le Reniement de saint Pierre, huile sur toile, 163x233 cm, Roma, Galerie Corsini- Le Jugement de Salomon, toile, 153 x 201 cm, figure à l’extrême droite, Rome, Galerie Borghèse ill. 4Ribera s’inspirera plus tard de cette physionomie particulière dans le Saint Grégoire majeur de la Galerie nationale du palais Barberini à Rome mentionnée dès 1638 au palais Giustiniani, le Saint Augustin de la Galerie régionale du Palais Abatellis à Palerme, dans le Saint Antoine de la fondation El Conventet à Barcelone, dans le présumé Platon de la collection Ruspoli à Torella dei Lombardi à côté d’Avellino, dans le Démocrite de la collection Poletti à Lugano mais aussi dans la série des cinq sens, peut-être également réalisée pour Pedro Cosida Wadsworth Atheneum à Hartford, Museo de San Carlos à Mexico, Norton Simon Foundation à Pasadena, collection Abelló à Madrid. Notre toile est très proche du Mendiant Rome, Galerie Borghèse, signalé dans l’inventaire du cardinal Scipione Borghèse de 1615-1630, notamment dans l’écriture identique des rides sur le front et de proposons d'identifier le personnage avec Archimède de Syracuse considéré comme l’un des plus grands mathématiciens et physiciens de l’Antiquité classique. La triangulation sur la feuille de papier qu’il tient d’une main maladroite évoque ses travaux sur la méthode d’exhaustion servant à calculer les aires ce qu’en France de nos jours, on désigne comme le théorème de Thalès. L’une des ébauches géométriques, tracée sur l’autre feuille devant le protagoniste, présentant deux cercles et un polygone entrelacés, apparait également dans un autre philosophe de Ribera conservé au musée du Prado, tantôt décrit comme Archimède, tantôt comme Démocrite. Celui-ci est considéré depuis l’Antiquité comme le philosophe qui rit », optimiste, en opposition à Héraclite, le philosophe qui pleure », le dans notre tableau, la plume sur le béret du philosophe, s’enroulant en spirale et peinte avec virtuosité qui attire toute de suite l’œil du spectateur. Les plus érudits pourraient peut-être même y voir une évocation discrète de la spirale à laquelle Archimède a donné son nom Jusepe de Ribera n’a longtemps été connu que pour sa longue carrière napolitaine. Il arrive dans la ville papale au milieu de la première décennie du 17e siècle, adopte la manière réaliste et révolutionnaire du Caravage, et se constitue rapidement un répertoire de figures à mi-corps. Il signe les Saints Pierre et saint Paul vers 1616/1617, juste avant son installation définitive à n’a redécouvert qu’au début du 21e siècle qu’il est également un protagoniste majeur du développement du creuset caravagesque dans la Rome des années 1609-1615, grâce aux travaux récents de Gianni Pappi, Giuseppe Porzio, Domennico d’Alessandro qui ont montré que le groupe de peintures antérieurement donné au Maître du jugement de Salomon» lui revenait. Notre tableau est une addition importante à ce corpus de jeunesse. L’opposition de tons chauds et froids rend notre composition vivante et dynamique. Les ombres servent les contrastes forts, obtenus par l’apposition d’un coloris chaud et ferme, aux teintes d’acajou cuivré flamboyant. Déjà, l’artiste montre une énergie et un plaisir de peindre, un style graphique et une matière onctueuse qui déterminent déjà sa marque et sa pâte remercions le professeur Nicola Spinosa pour avoir confirmé l’attribution à Ribera de cette œuvre et pour les informations qu’il nous a données et qui ont servi à la rédaction de cette lettre de Nicola Spinosa datée de février 2020 sera remise à l’ sommaire et récente concernant Ribera à Rome G. Papi, Jusepe de Ribera a Roma e il Maestro del Giudizio di Salomone, in ‘Paragone’, LIII, n. 44, 2002, pp. 21-43; Idem, Ribera a Roma, Soncino Spinosa, Ribera. L’opera completa, Electa Napoli 2006; Idem, Ribera. La obra completa, Fundación Arte Hispanico, Madrid 2008catalogues des expositions El joven Ribera, J. Milicua et J. Portús, Madrid, Museo del Prado, 2011; Il giovane Ribera tra Roma, Parma e Napoli. 1608-1624, mêmes auteurs, Naples, Museo di Capodimonte, 2011- 2012. Maitre Anne RICHMOND le 29/02/2020 - PARIS Osias BEERT le Vieux Anvers ? vers 1580 - 1624 Bouquet de fleurs dans un vase sur un entablement Osias BEERT le Vieux Anvers ? vers 1580 - 1624 Bouquet de fleurs dans un vase sur un entablement Cuivre 22 x 18 cm Petites restaurations anciennes Estimation 25 000 / 30 000 € Beert compte parmi les précurseurs de la première génération de peintres de natures mortes, tenant une place équivalente à Anvers, où il est reçu maître en 1602, des Savery et Bosschaert aux Pays-Bas hollandais. Connu pour ses tables de banquets, il a aussi réalisé des bouquets isolés ; deux d'entre eux sont actuellement exposés à la National Gallery de cuivre illustre un moment célèbre de l'histoire économique, la "tulipomanie". La montée des prix exorbitante des plantes à bulbes dans le premier tiers du 17e siècle en Flandres mena à la première bulle spéculative, puis à l'effondrement des cours en 1637 et à la ruine des investisseurs. Au centre, l'une des fleurs les plus chères de l'époque, la tulipe "vice-roy", blanche striée de rouge, dont on rapporte qu'un seul bulbe se serait échangé contre 2500 florins de l'époque, une véritable fortune. Autour sont disposés cinq jonquilles, un crocus et d'autres tulipes rouges encore fermées, et un bleuet, symbole de pureté. Mais les fleurs ne sont belles que quelques instants. Comme la rose à gauche, elles fanent rapidement. Le papillon, animal éphémère par excellence, fait référence à la fragilité de notre existence. Il s'agit de symboles des "vanités" présents dans la plupart des natures mortes de cette époque. Tout aussi précieuse et luxueuse, la céramique chinoise Wan-Li blanche et bleue, à décor de feuilles, est posée sur l' remercions le professeur Fred Meijer d'avoir confirmé l'attribution de ce tableau par mail, sur photographie numérique, le 18 janvier 2019. Maître Emmanuel FARRANDO le 09/12/2019 - PARIS Michael SWEERTS Bruxelles 1618- Goa 1664 Un enfant tenant un fruit allégorie du goût Michael SWEERTS Bruxelles 1618- Goa 1664 Un enfant tenant un fruit allégorie du goût Toile 24,6 x 18,3 cm Porte une ancienne attribution à Gainsborough Estimation 80 000 / 120 000 € Ce merveilleux petit tableau, inédit, s'insère parfaitement dans une série de Michael Sweerts sur les Cinq Sens dont deux autres éléments sont déjà connus l'Odorat, un petit garçon tenant une bougie tout juste éteinte et le Toucher, une petite fille montrant un bandage à son doigt, de taille exactement similaire à notre toile, au Museum Boijnams van Beuningen depuis 1954 Rolph Kultzen, Michael Sweerts, Davaco éditeur, 1996, n°107 et n°108. Notre enfant tenant un fruit figure l’allégorie du goût. Les expressions de ces trois bambins, entre quatre et cinq ans, sont saisissantes de réalisme tendre et de vérité d'humanité la petite fille est boudeuse, une larme à l'œil, notre garçonnet est comme surpris par le goût du fruit ou de la texture s'il s'agit d'une grenade. Leur présence est à la fois immédiate, sympathique et d'autre que Sweert, si ce n'est les Le Nain, ne sait à son époque capter avec autant de délicatesse et de fraicheur la vulnérabilité de l'enfance par exemple, Hartford, Wadsworth Atheneum ; Leicester Art Gallery ; Groningen, Stedelijk Museum - de dimensions identiques à notre tableau- ; New York, Leiden collection et autres collections particulières, datés pour la plupart de années 1650.L'artiste aime peindre des personnages qui fixent le spectateur, avec souvent un regard plein de tendresse et de compassion pour ces modèles, quel que soit leur âge. Ce qui n'exclut pas une légère mélancolie ou un regard humoristique. Il les peint dans un contraste fort d'origine caravagesque, avec une technique lisse, une palette claire et sans effet de clair-obscur à la différence d'un Rembrandt. Le cadrage resserré appartient à un genre de la peinture nordique, les "tronies" trognes, terme qui signifie "visage" en néerlandais ancien. Il s’agit d‘études d’expression ou de genre d’un seul personnage à mi-chemin entre un portrait basé sur une vraie ressemblance et la représentation d’un caractère ou d’un stéréotype. Les "tronies" se développent depuis Pieter Brueghel jusqu'à Balthazar Denner et Pietro Rotari. Des autoportraits costumés de Rembrandt à la "Jeune fille à la perle" de Vermeer -vers 1675-, peuvent aussi être classés comme tels. En France, les dessins de Lagneau appartiennent à ce genre voir Dagmar Hirschfelder - LeonKremple, Tronies. DasGesicht in der frühen Neuzeit, Berlin, 2013.On connaît d'autres séries sur les cinq sens par Sweerts, chacune de conception originale, incomplètes ou dispersées, figurées soit par des enfants deux tableaux à Stuttgart, Staatsgalerie ou des à Bruxelles, fils d'un marchand, Michael Sweerts fut un peintre à la vie romanesque, indépendant, au parcours assez atypique pour son époque. Il visite l’Italie dans ses jeunes années 1646-1654, séjourne à Rome et fréquente le cercle des bamboccianti, puis retourne dans sa région natale un court instant c. 1655-1560. Par la suite, il s’établit brièvement à Amsterdam 1660-1661, puis passe en France, avant de s’embarquer avec la Mission étrangère de Paris vers l’Inde. Là, il vécut au sein de la communauté de Jésuites portugais jusqu’à sa mort, à Goa, en 1664. Maître Hugues Cortot et associés le 30/11/2019 - PARIS MAÎTRE DE VISSY BROD, Bohême vers 1350 La Vierge te l'Enfant en trône, panneau de dévotion MAÎTRE DE VISSY BROD, Bohême vers 1350 La Vierge te l'Enfant en trône, panneau de dévotion Peinture à l’oeuf sur panneau de bois fruitier 22 x 20 cm Sans cadre Épaisseur Petits manques et restaurations anciennes Estimation 400 000 / 600 000 € ETATLe panneau a été sectionné sur ses quatre côtés faisant disparaître les bords à nu sur lesquels s’adaptait le cadre d’origine et toutes traces éventuelles de crochets qui auraient indiqué que cette oeuvre ait pu être le volet d’un diptyque. En l’absence de ces indices nous considérons qu’il s’agit d’un panneau de dévotion La peinture de cette partie est entièrement d’origine. En trompe-l’œil, elle imite le marbre et présente des soulèvements et des manques laissant visibles la toile noyée dans la préparation ainsi que le bois mis à nu au centre sur une petite surface, peut-être lors de la découpe d’un ancien cachet de recto, le fond noir du tableau ainsi que les étoiles en relief entourant la Vierge et l’Enfant sont d’anciens repeints et ajouts postérieurs. La surface picturale des saints personnages, du trône et du drap d’honneur rouge et or servant de dossier sont d’origine. Quelques petits manques visibles, comblés pour certains à la peinture noire, dans l’auréole et la couronne de la vierge. INSCRIPTIONAu revers et tracée à l’encre dans une écriture fin XIXe ou début du XXe siècle Cimabué sicSTYLELa vierge, la tête voilée couronnée et auréolée, est somptueusement vêtue de draperies fluctuantes au coloris vibrant enveloppant son corps. Elle est assise sur un trône architecturé dont le dossier est actuellement formé d’une somptueuse tenture frangée et ornée de motifs végétaux dorés peints sur fond rouge. La tête auréolée du nimbe crucifère, le corps vêtu d’une tunique rose, l’Enfant gesticulant est maintenu sur la gauche dans le giron de sa Mère ; de sa main droite, il tient fermement le pouce de cette dernière, tandis que de la gauche il tente de saisir son propre pied. Les deux personnages sacrés sont intimement et tendrement liés par les l’état actuel de la peinture, la draperie du trône flotte sur le fond noir, sans points d’accroche. Il faut sans doute penser que le trône était à l’origine un édicule avec des colonnes supportant des arcades où la tenture était fixée . Nous pouvons avoir une idée approchante de la composition en considérant les exemples de panneaux similaires appartenant à la peinture du gothique international » de Bohême au milieu du XIVe siècle. Car c’est à cette période et dans cette région qu’il faut effectivement situer l’exécution de ce petit panneau dont c’est ici la première cette époque, Charles IV 1316-1378, roi de Bohême et futur empereur du Saint Empire Romain Germanique, grand chrétien, lettré, lié par son éducation à la France il est en relation avec la papauté en Avignon et à l’Allemagne, décide d’établir sa capitale à Prague qu’il va agrandir et embellir. Sortent alors de terre la cathédrale Saint-Guy 1344-1420 le château de Karlstein 1348-1365, l’université de Prague 1348 ainsi que de nombreux couvents. Maîtres d’œuvre, ateliers d’artistes peintres, sculpteurs, maîtres verriers, d’origine locale ou venus de France, d’Angleterre et de Germanie et réunis en corporations, vont prêter leur concours à la transformation de la ville. Notre tableau s’insère dans ce mouvement novateur, plus particulièrement dans la production de l’atelier du maître anonyme dit de Vissy Brod » prononcer vichi auquel sont attribués neuf panneaux illustrant des scènes christologiques, conservés autrefois au couvent cistercien éponyme situé au sud de la Bohême et actuellement conservés à Prague Galerie Nationale, en dépôt au couvent de Sainte-Agnès ; cf. A. Kutal, Gothic art in Bohemia and Moravia, Londres, New York 1971, La qualité de ces neuf panneaux 95cm x 85,5cm chacun étant inégale, la critique considère que seuls quatre d’entre eux ont été réalisés par le maître lui-même l’Annonciation, la Nativité, l’Epiphanie et la Résurrection, le reste revenant à la main d’aides cf. R. Berens, Le Maître de Vissy Brod, Luxembourg, 1990, Au bas de la Nativité, le peintre a placé la représentation du donateur de la série, un membre de la famille Rozmberk, peut-être Pierre Ier disparu en 1347, identifié par le blason placé devant lui, personnage important du royaume, protecteur du monastère de Vissy Brod dont il présente la maquette à la Vierge cf. Klipa, Altarpiece from Vissy Brod » in S. Chlumska, A. Pokorny, R. Sefcu, What the eyes cannot see, Underdrawing in 14th-16th century panel paintings from the collection of the National Gallery in Prague » Prague 2017, p. 76-79 repr.Influencé par l’architecture et l’enluminure gothiques françaises, mais aussi par l’art italien et plus spécialement siennois qui, à la suite de Simone Martini, se développe à cette période à la cour papale d’Avignon, le style de ces panneaux donne la primauté à l’expression linéaire et fastueuse des drapés rehaussés d’éléments orfévrés, le tout réalisé dans une palette chromatique raffinée aux tonalités chatoyantes et vibrantes. La douceur des expressions remplies d’aménité, l’élégance des gestes caractérisent ces œuvres qui, même dans les scènes dramatiques n’ont rien d’excessif, offrant une vision de douleur intériorisée et apaisée. C’est un art attaché, non seulement aux fastes de cour, mais aussi aux réalités de la nature souvent décrite avec naïveté et sens de l’observation. Malgré le goût marqué pour la calligraphie, les formes corporelles sous- jacentes sont mises en évidence par l’éclairage qui les modèle, leur donne vie et mouvement. Les visages dévoilent la même volonté de traduire les volumes et les expressions par les passages de l’ombre à la des personnages évolue dans certaines scènes au sein d’architectures où l’espace se décline en autant de structures élégantes et complexes. Le dessin minutieux des colonnettes, arcades et anfractuosités crée parfois un dédale d’enchevêtrements, comme en témoigne le trône de la Madone dans la scène de l’Annonciation de Vissy Brod Prague, Galerie Nationale ou celui de la Madone de Glatz Berlin, Gemäldegalerie, inv. 1624, autre œuvre de ce même atelier. On remarquera également l’extrême soin apporté à l’ornementation l’or gravé ou peint à la coquille rehausse les tentures, les draperies, les soutaches des vêtements, comme le manteau de l’Ange Gabriel dans l’Annonciation, la robe du Christ sous son manteau blanc ou encore l’étendard flottant qu’Il tient dans la Résurrection. Les motifs floraux se retrouvent dans le manteau de l’Enfant d’un autre panneau daté avant 1350 la Madone de Most Prague, Galerie Nationale VO 10721. Remarquons leur réapparition dans la tenture servant de dossier au trône de la Vierge dans notre panneau. Tous les caractères cités sont mis en évidence dans notre panneau que l’on compare les visages de notre Madone avec ceux de la Madone dans l’Annonciation, la Nativité ou dans le panneau de Berlin, la cadence et l’élégance du dessin des draperies, les similitudes d’expression et d’exécution, la richesse de l’ornementation, indiquent la facture de la main délicate du Maître de Vissy Brod œuvrant vers 1350 pour un commanditaire particulier. Les examens techniques menés récemment sur ce panneau ont révélé la composition initiale et le travail de préparation sous-jacent mettant en évidence une architecture élaborée autour du trône avec arcades ouvertes où le drap d’honneur s’accroche de manière beaucoup plus assurée et plausible que ce que l’on voit actuellement, en conformité avec la majorité des panneaux et des miniatures de cette époque et de cette région cf. Shlumskà, Pokorny, Sefcu, 2017 et A. Erlande-Brandenburg, La Bible de Prague, 2e moitié du XIVe siècle, Paris 1989, miniature de la lettrine D représentant le roi Wenceslas et Sophie de Bavière en trône. Ces investigations ont également permis d’assurer que le panneau a été légèrement réduit en partie haute, comme l’attestent la galerie d’arcades actuellement coupée et les galeries d’insectes mises à jour sur la remercions chaleureusement Madame Olga Pujmanova, conservateur honoraire de la Galerie Nationale de Prague et Jan Klipa spécialiste de la peinture gothique à l’Institute of Art History, Czech Academy of Sciences in Prague, qui ont confirmé de visu l’attribution de notre panneau au Maître de Vissy Brod et fait part de nombreuses suggestions. Le tableau sera publié par Jan Klipa dans un article à paraître dans la revue Umeni / Art, vol. LXVII, / 2019, n°3. Damien LIBERTSVV le 20/11/2019 - PARIS Jean-Baptiste PERRONNEAU Paris ca. 1715 - Amsterdam 1783 Portrait présumé de François Gorsse en habit gris Jean-Baptiste PERRONNEAU Paris ca. 1715 - Amsterdam 1783 Portrait présumé de François Gorsse en habit gris Pastel 57 x 47 cm Non signéAu revers une inscription ancienne Estimation 15 000 / 20 000 € Provenance Château de Gorse ensuite château Brane-Cantenac, Médoc jusqu'en 1766; Château La Bégorce, Pierre Clair de Gorsse 1726-1803; Château La Bégorce, son fils, François Vincent de Paul de Gorsse 1765-1818; Château La Bégorce, sa fille, Aurélie Gorsse 1804-1887; Besançon, vente, Renoud-grappin, 19 février 2006, n°0;Paris, galerie Pascal Zuber et Etienne Breton, septembre 2007; Paris, vente Hôtel Drouot, Libert, 11 juin 2008, n°60, - Dominique d'Arnoult, " Jean Baptiste Peronneau Un portraitiste dans l'Europe des lumières", Arthena, Paris, 2014, n°178 Pa, reproduit en couleur de l'exposition "Jean Baptiste Perronneau, portraitiste de génie dans l'Europe des Lumières", n°60 notice par Dominique d'Arnoult. MIRABAUD FABIEN & MERCIER CLAUDIA le 15/11/2019 - PARIS Michael SWEERTS Bruxelles 1618- Goa 1664 Le toucher Michael SWEERTS Bruxelles 1618- Goa 1664 Le toucher Toile 75 x 60 cm Restaurations anciennes Estimation 400 000 / 600 000 € Bibliographie Rolf Kultzer, Michael Sweerts, Davaco éditeur, 1996, p. 109, n°70 et pp. 46-48. reproduit en noir et blanc Expositions Cent portraits d'hommes du XIVème à nos jours, galerie Charpentier, 1952, n°81 Rombouts, et Jan Fyt pour le chat. Exposition [de] tableaux du 15° au 18° siècle dont 20 pièces ont figuré au Musée Goya 1956, Jean Neger du 3 au 28 juin, Paris, galerie Néger, non paginé, n°33 comme Théodore Rombouts, l'Homme au chatNotre oeuvre appartient à une série de cinq moyen formats de Michael Sweerts, dont chacun illustre l’un des cinq sens. Connues par des photographies anciennes, ces toiles, exceptée l'Odorat conservée à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, sont actuellement non localisées et ont disparu de la vue du public et de celle des spécialistes depuis un à Bruxelles, Michael Sweerts fut un peintre à la vie romanesque, assez atypique pour cette époque. Il parcourut l’Italie dans ses jeunes années 1649-1654, puis retourna dans sa région natale un court instant c. 1655-1560. Par la suite, il s’établit brièvement à Amsterdam 1660-1661, puis passa en France, avant de s’embarquer avec la Mission étrangère de Paris vers l’Inde. Là, il vécut au sein de la communauté de Jésuites portugais jusqu’à sa mort, à tempérament idéaliste, et même s’il ne chercha pas à faire école de son art, Sweerts ouvrit un atelier à Bruxelles en 1655. Le peintre y accueillit des élèves à qui il enseignait selon les règles des académies italiennes dont il appréciait le mode de vie et les méthodes de travail. Il était particulièrement inflexible quant à l'apprentissage d’après l’antique, l’étude des visages et du corps humain d’après le modèle vivant, lieu décrit dans un tableau au musée Frans Hals de Haarlem. En 1656, il publia un recueil de visages, que nous pouvons mettre en lien avec notre tableau et la série . Auteur d’une délicate jeune femme à sa toilette aux traits fins, léchés, et même glacés Rome, Académie de Saint-Luc, d’un portrait idéalisé que l’on compare à Vermeer Madrid, musée Thyssen-Bornemisza ; il sut également rendre les traits réalistes et âpres d’une vieille femme tenant sa quenouille, par une touche plus épaisse, et plus grossière Fitzwilliam Museum, Cambridge. Il poussa aussi parfois jusqu’à des œuvres très achevées, à l’instar des “tronies” trognes ou en l’occurrence, de nos cinq sens. Souvent empreintes de mélancolie, les atmosphères de ses toiles sont liées inextricablement à leur sujet. Pour illustrer le toucher ici, il créa cette image singulière d’un homme grimaçant, et serrant son chat contre lui. Notons que si notre tableau partage avec les autres oeuvres de la production de Sweerts, une lumière latérale mettant en valeur la plasticité des figures, le mouvement d’une pose incertaine, et l’évidence du sens représenté ici, le modèle du toucher se distingue toutefois de la série. Michael Sweerts livra ainsi un portrait expressif, à la moue curieuse, ne tranchant pas entre le réalisme de traits palpables et l’étrangeté de son expression. L’artiste nous donne à sentir de façon tactile la douceur de la toque en fourrure couvrant la tête et les épaules du modèle, celle chaude et délicatement moelleuse du chat au pelage tricolore ; puis progressivement, nous fait soutenir la rugosité du lourd manteau en laine épaisse qui le vêt chaudement, et percevoir la palpitation d’une gorge cachée par une fraise bleu-grise, nouée par un l’homme, ni son chat ne nous fixent. L’expressivité déborde ici, l’un tirant la langue, regardant vers l’ailleurs de son air malicieux, tandis que l’autre cherche son maître du regard, la bouche entr’ouverte, prête à ronronner d’une caresse que la main laisse en suspens. La torsion du personnage, écho à celle de son compagnon, donne une vitalité au les cinq toiles, les spécialistes, dont Rolf Kultzen, ont évoqué l’hypothèse d’une exécution en collaboration, due aux faiblesses de certaines parties. Des élèves de Sweerts auraient ainsi pu participer, leur travail ayant ensuite été repris par endroits de la main-même du maître. Ils s’accordent néanmoins à considérer la nôtre comme la meilleure de la série. La beauté du chat a également fait évoquer le nom de Jan Fyt 1611-1661 comme auteur de l’animal, puisque reconnu peintre animalier travaillant dans l’atelier de Rubens 1577-1640. Installé à Anvers, cela paraît très peu toile échappe aux conventions du genre de l’allégorie, et sort véritablement de l’ordinaire, car dans la représentation traditionnelle, le toucher est illustré par des figures de femmes gracieuses par exemple, l’allégorie de Rubens et Brueghel, conservée au musée du Prado à Madrid.Notre figure à mi-corps, dans son rapport au petit animal mobile tenu contre soi, nous renvoie à la Dame à l’hermine de Léonard de Vinci Cracovie, musée national, ou plus trivialement, au jeune garçon de Caravage se faisant pincer par un lézard Florence, fondation Longhi. Enfin, par son étrangeté, l’analyse psychologique, et la gamme en camaïeu brun, Sweerts nous semble annoncer la série des monomanes de Théodore Géricault c. 1820.Nous remercions le professeur Lara Yeager-Crasselt d'avoir confirmé le caractère autographe de ce tableau par examen direct le 21 mars 2019. ARTCURIAL le 13/11/2019 - PARIS Cesare MAGNI Milan 1492 - 1534 Vierge à l'enfant Cesare MAGNI Milan 1492 - 1534 Vierge à l'enfant Panneau, une planche, renforcé 74 x 56,6 cm Signé et daté à gauche CAESAR M / 1523 Restaurations anciennes Estimation 200 000 / 300 000 € ARTCURIAL le 13/11/2019 - PARIS Artemisia GENTILESCHI 1593 - 1652 Lucrèce Artemisia GENTILESCHI 1593 - 1652 Lucrèce Toile 95,5 x 75 cm Restaurations anciennes Estimation 600 000 / 800 000 € Bibliographie catalogue de l'exposition "Cléopatre dans le miroir de l'art occidental", Genève, musée Rath, 28 mars - 1 août 2004 , comme Artémisia Gentileschiprovenance Acquis à Cannes dans les années 1980 par l'actuel propriétaire, Lyon collection particulière. Tite-Live a raconté l'histoire de Lucrèce, belle et vertueuse épouse du général et consul L Tarquinus Collentius. Soumise au chantage et violée par Sextus, le fils du roi Tarquin, elle affirma son innocence en se suicidant, ne pouvant accepter de vivre dans le déshonneur. Ce crime amena la révolte du peuple romain et eut pour conséquence la fin de la monarchie tyrannique et l'instauration de la République. Sujet politique s'il en est, le thème d'une femme outragée et luttant pour son honneur ne pouvait que résonner dans le cœur d'Artemisia dont le viol par Agostino Tassi en 1611 avait donné lieu à un procès a d'ailleurs peint ce sujet à plusieurs reprises, à mi-corps Milan, collection Etro, vers 1623-1625, en pieds Naples, museo de Capodimonte, vers 1642 - 1643 Elle reçoit d'ailleurs le paiement de 600 ducats du prince Karl Eusebius de Liechenstein pour l’exécution de trois tableaux dont une Lucrèce de 11 palmes de hauteur soit 290 cm et l'un de ses derniers tableaux est sur le thème de Tarquin et Lucrèce Postdam, Neues PalaisComme plusieurs autres femmes fortes de l'Antiquité, Judith ou Cléopâtre, le thème de Lucrèce a été privilégié par de nombreux artistes de la Renaissance et de l'âge Artemisia retient du caravagisme le cadrage à mi-corps et la figure nettement détachée sur un fond noir, le peintre intègre les nouveautés du baroque romain et napolitain par le mouvement et par son érotisme qui évoque les héroïne de Cagnacci, On rapprochera notre figure de l'Esther et Assuérus New York, Metropolitan Museum, ce qui situe notre toile dans les années 1630, au cours de son premier séjour napolitain 1630-1638. La pose "da sotto", en diagonale, avec la tête penchée évoque les niobides sculptées, un modèle très présent chez notre peintre. HOTEL DES VENTES DE SENLIS sarl le 27/10/2019 - PARIS Cenni di Pepo dit CIMABUE Connu de 1272 à 1302 Le Christ moqué Cenni di Pepo dit CIMABUE Connu de 1272 à 1302 Le Christ moqué Peinture à l’'oeuf et fond d’'or sur panneau de peuplier 25,8 x 20,3 cm Sans cadre PROVENANCECollection particulière, Compiègne Estimation 4 000 000 / 6 000 000 € La vie de ce peintre florentin, premier véritable grand créateur de l’art pictural toscan, prémisse de l’art occidental à la fin du XIIIe siècle, n’est que très peu documentée. Considéré comme le maître de Giotto à Florence et émule du jeune siennois Duccio, Cimabue fut loué au long des siècles par l’historiographie ancienne, depuis son contemporain Dante jusqu’à Villani, Boccace, Ghiberti et Vasari aux XIVe, XVe et XVIe siècles. En 1272 il se trouve à Rome où il est cité comme témoin dans un acte notarié ; on sait également qu’en 1301 il reçoit la commande d’un retable perdu pour l’église de l’hôpital Santa Chiara de Pise et qu’il exécute en mosaïque la figure de saint Jean pour la coupole de la cathédrale de cette commune, avant d’y mourir en 1302. Ses héritiers habitent ne lui connaît aucune oeuvre signée. Bien que le corpus de ses oeuvres et leur datation aient fait l’objet de polémiques entre les historiens, on s’accorde généralement à lui reconnaître une dizaine d’oeuvres sûres exécutées sur bois, à fresque ou en mosaïque dont Luciano Bellosi en 1998 a dressé la chronologie dans son importante monographie qu’il lui a consacrée, chronologie reprise en 2011 par Dillian GordonTrois Maestà de grand format ou Vierge et l’Enfant en trône- pour Pise, église San Francesco Paris, Musée du Louvre, vers 1280- pour Florence, église Santa Trinita Florence, Offices- pour Bologne, église Santa Maria dei ServiLes fresques du choeur, de la voûte centrale et du transept droit, vers 1277-80 pour Assise, église supérieure de la Basilique San FrancescoDeux Crucifix monumentaux- à Arezzo, église San Domenico, vers 1260- à Florence, église Santa Croce peint avant les fresques d’Assise- Une mosaïque à la cathédrale de Pise, Saint Jean déjà cité, en 1301-1302Hormis le Crucifix d’Arezzo peint pour les dominicains, Cimabue a essentiellement collaboré avec les découverte du Christ moqué permet de poursuivre la reconstitution de l’unique oeuvre de dévotion de faibles dimensions que l’on a pu récemment ajouter au catalogue des oeuvres dues au pinceau de Cimabue et dont deux autres scènes, la Flagellation du Christ et la Madone et l’Enfant en trône entre deux anges ont rejoint, en provenance du marché de l’art en 1950, la Frick Collection de New York et en 2000 la National Gallery de Londres NG. 6583.C’est à Dillian Gordon 2011 que l’on doit l’étude exhaustive de ces deux premiers tableaux et la proposition de reconstitution de l’oeuvre à laquelle ils ont appartenu, que vient très heureusement de rejoindre ce nouveau leur entrée respective dans ces musées, ces deux tableaux étaient conservés dans des collections particulières. Pour la Madone, nous savons que son acquisition a dû être faite par les barons Gooch entre 1850 et 1933 et qu’elle a peut-être appartenu auparavant à la collection Francis Douce 1757-1834 par l’intermédiaire de Carlo Lasinio le marchand, collectionneur et conservateur du Campo Santo de Pise. En 2000 le tableau fit l’objet d’une transaction privée et entra définitivement à la National Gallery de Londres cf. Gordon, Flagellation fut acquise en 1950 auprès de la Galerie Knoedler à Paris après avoir été présentée chez les marchands parisiens puis Cf . Vol. 1 à notre panneau on ne connaît ni la date ni le lieu de son acquisition par la famille des actuels propriétaires qui le considéraient comme une icône. Marc Labarbe Sarl le 27/06/2019 - PARIS Michelangelo Merisi dit Caravaggio Milan 1571 - Porto Ercole 1610 Judith et Holopherne Michelangelo Merisi dit Caravaggio Milan 1571 - Porto Ercole 1610 Judith et Holopherne Toile 144 x 173,5 cm Estimation sur demande Peint sur deux toiles cousues horizontalement au niveau de la main levée d’Holopherne ; rentoilé en France entre 1790 et 1820, datation que l’on peut assigner à l’actuel châssis à clés en sapin, assurément français. Provenance Proposé à la vente à Naples par Louis Finson en 1607 pour le prix de 300 ducats ; figure sur le testament de Louis Finson à Amsterdam du 19 septembre 1617, où il revient à Abraham Vinck ; absent de l’inventaire après décès de ce dernier en 1619 à Anvers ; peut-être Anvers, collection du graveur Alexander Voet dès le 15 octobre 1678, puis mentionné dans son inventaire après décès le 18 février 1689 ; Toulouse, collection privée ; d’après la tradition familiale le tableau est à Toulouse depuis 1871, date de l’achat par la famille de la maison où il se trouvait toujours. Retrouvez toutes les informations sur le site événement TAJAN le 26/06/2019 - PARIS Horace VERNET Paris 1789 - 1863 Daniel dans la fosse aux lions Horace VERNET Paris 1789 - 1863 Daniel dans la fosse aux lions Toile 147 x 114,5 cm Signée et datée en bas à gauche H Vernet 1857 Estimation 150 000 / 200 000 € Ce chef-d’œuvre de la peinture religieuse du XIXème siècle, disparu depuis les années qui ont suivi sa création, est dû à Horace Vernet alors au faîte de sa gloire. Héritier d’une dynastie d’artistes, il fit son apprentissage dans l’atelier de son père Carle, spécialiste de chevaux. Il se noua d’amitié avec un Théodore Géricault, autre élève avec qui il partageait les velléités de rébellion contre une peinture néoclassique conventionnelle. Ses succès au Salon, Mazeppa et les loups, la Barrière de Clichy, des portraits inspirés, lui permirent de compter parmi les protagonistes importants du mouvement romantique et lui ouvrirent une brillante carrière, le conduisant à décorer deux plafonds au Louvre, à diriger la Villa Médicis à Rome entre 1829 et 1834, à participer aux commandes de Louis-Philipe pour la galerie des batailles au château de Versailles. Acclamé par la critique, une salle entière lui fut attribuée lors de l’Exposition universelle de Paris en 1855, comme à Ingres, Delacroix ou Descamps. Xavier de La Perraudière Eurl le 05/12/2018 - PARIS Jacques STELLA Lyon, 1596 - Paris, 1657 Judith avec la tête d'Holopherne Jacques STELLA Lyon, 1596 - Paris, 1657 Judith avec la tête d'Holopherne Ardoise 26,6 x 22,5 cm Signé ? au dos à l'aide d'un stylet J. Stella fecit Estimation 20 000 / 30 000 € Ce petit tableau inédit, caractéristique de la production précieuse de Jacques Stella sur support de pierre, peut être daté de la première partie de sa carrière entre son séjour romain et le début de l'étape parisienne. C'est le seul connu actuellement qui soit signé par incision directe dans la pierre. La graphie de cette signature est conforme à celle qu'on trouve sur ses gravures ou certains dessins par exemple l'Adoration des bergers de 1631, Louvre, département des arts graphiques, de peintre, Stella part en Italie à vingt ans, séjourne quatre ans à Florence 1617-1621 protégé des Médicis, puis demeure à Rome de 1622 à 1634, où il s'impose malgré une forte concurrence Vouet, Lanfranco, travaille pour les Barberini et devient un ami proche de Nicolas Poussin. Il rentre à Lyon 1635, avant d'être appelé à Paris par la cardinal de Richelieu 1636.Si tout au long de ce parcours, il a reçu des commandes de grands retables ou de tableaux de dévotion, comme d'autres artistes de son temps, il a été aussi spécialement reconnu comme un peintre virtuose de petits formats sur pierre ; il a d'ailleurs peint sur différents supports ardoise lavagna de Gènes, lapis-lazuli, marbre ...Le thème de Judith et sa servante est extrêmement populaire au 17e siècle. Ici, l'élégance des personnages rappelle certaines compositions du siècle précédent Veronèse, Vasari. Deux inventaires de l'époque citent ce sujet par Stella sur pierre achat par le cardinal Scipione Borghese en juillet 1631, inventaire chez le maréchal de Crequy en 1634. On connait aussi une gravure, dans la série des camaïeux bleus vers 1624-1625 et une petite ardoise localisation inconnue, même datation, mais dans ces deux cas, les figures sont en pieds et pas à mi-corps. Maître Thierry Pomez le 29/09/2018 - PARIS Frans II FRANCKEN Anvers 1581 - 1642 La traversée de la Mer Rouge Frans II FRANCKEN Anvers 1581 - 1642 La traversée de la Mer Rouge Panneau présentant au dos un décord peint 118 x 213,5 cm Sans cadre Signé en bas à gauche Restaurations anciennes et manques dont un plus important en bas à gauche Estimation 120 000 / 150 000 € Exceptionnel par son format et ses dimensions proches du désormais célèbre " Eternel dilleme entre le choix du entre le Vice et la Vertu" 1633, aujourd'hui au Museum of Fine Arts de Boston; panneau 142 x 210 cm, notre tableau s'inscrit dans les réalistations de grande ampleur de Francken des années 1630-35 parmi lesquelles il faut compter plusieurs allégories de dimensions analogues, par exemple l' Allégorie de l'abdication de Charles Quint 134 x 172 cm conservée au Rijksmuseum d' Amsterdam Cf. Härting, cat. 363.Le rocher, imposant, se retrouve dans d'autres représentations de l' Exode par Frans Francken II, notamment quand Moïse frappe le rocher Panneau, 39 x 51,5 cm, signé et daté 1634 et Panneau, 54,2 x 95 cm, signé, vers 1620, musée de Dresde; Cf. Härting, cat. 48 et 49 ou encore quand les Israélites se retrouvent autour du cercueil de Joseph Panneau, 51 x 74 cm, signé, vers 1620; Cf. Härting, cat. 44.Le moment représenté ici suit la libération du peuple d'Israël, après qu'il eût traversé la Mer Rouge. Le groupe de gauche, inspiré d' une sainte famille de Raphaël, est plein d'une sérénité qui s'oppose aux flots tumultueux de la partie droite. Moïse, entouré des anciens, étend son bâton vers les eaux qui engloutissent les chevaux de pharaon tandis qu'au centre Myriam, sa soeur, et ses suivantes dansent. Elles sont accompagnées de musiciennes qui jouent et chantent la gloire de Dieu. L'un des deux hommes au premier plan est Aaron, le frère de Moïse. Devant eux, des femmes, accompagnées d'enfants sains et saufs, regardent les bijoux qu'elles ont emportés avec elle. Les pièces d'orfèvrerie sont leurs biens les plus précieux. Frans Francken a souvent introduit de tels motifs au premier plan de ses compositions, notamment quand il peint le repas des dieux, le festin d'Esher, etc. Une trés belle nature morte de coquillages, comme on en voit dans divers Triomphes de Neptune et Amphitrite par Francken II, occupe le premier plan à droite, tandis que libellules , grenouilles et papillons viennent donner vie au bas du décor du revers du panneau laisse supposer que celui-ci était offert à la vue de tous et qu'il était dans un encadrement étroit. Le musée Suermondt-Ludwig d'Aix-la-Chapelle conserve une peinture de Hieronymus Francken II avec une danse de mariage dont le revers est peint, comme ici, de motifs géométriques panneau de peuplier, 41 x 65 cm, Cf. Th. Fusenig et Hieronymus Francken Venezianischer Ball in Aachen, eine Neue Datierung ind ihre Folgen, Wallraf-Richartz-Jahrbuch, Vol. LXI, 2000, pp. 145-176, repr. 17 a,b,18 . Les deux revers imitent les ferrures d'un coffre métallique. On sait que le panneau d'Aix-la-Chapelle a été un couvercle de clavecin, instrument de dame des plus coûteux. Une scène de danse accompagnée de musiciens s'accorde parfaitement avec cette fonction. On connaît d' autres couvercles isolés, l'un au musée de Kassel, attribué à H. van Balen et 76 x 123 cm, Inv. GK 63 et l'autre au musée de Nüremberg Inv. Gm 365, Cf. Thomas Das Instrument des Dame, Bemalte Kielklaviere aus drei Jahrhunderten, Bamberg, 1998, 357. On y retrouve au premier plan les biens précieux des femmes, la musique et la danse de Myriam. Si l'on considère que l'iconographie rappelle la fonction, on peut penser que le panneau que nous présentons a un lien avec la musique. Trop large pour être un couvercle de clavecin, il pourrait être le couvercle d'un coffre de rangement ou de transport d'un instrument. Même si Dr Ria Fabri ne connaît aucun coffre de dimensions comparables, il convient de rappeler l'activité de la lignée des Ruckers, facteurs d'instruments de recommée internationale à Anvers au temps de Francken II. Nous remercions Dr. Ursula Härting qui a confirmé l'authenticité du tableau et le situe autour de 1620 ainsi que Dr Ria Fabri, experte en mobilier anversois. Un certificat de Mme Härting en date du 21 juin 2018 sera remis à l' en rapport Ursula HÄRTING Frans Francken der Jüngere 1581-1642, die Gemälde mit kritischem Oeuvrekatalog, Freren, 1989. ADER NORDMANN le 22/06/2018 - PARIS Willem van de VELDE 1633-1707 et son atelier Plage de Schweningen Willem van de VELDE 1633-1707 et son atelier Plage de Schweningen Panneau de chêne, renforcé 36,5 x 47,5 cm Monogrammé sur la planche à droite W V Vétiquettes au revers Estimation 15 000 / 20 000 € au revers du panneau, deux étiquettes récentes Nettoyé par Latourasse en 1965/ cadre d'époque Louis XIII acheté chez bac à la même date / R p. H. Blanchard / décembre 1959V barrémarque de Velde Guillaume van den/ peintre de marines, né à leyde en 1580 / mort à Londres en 1663V f autre marque du mêmeWVV. monogramme du peintre Velde Wihelm Van den/ dit Guillaume Le jeune né à Amsterdam en 1633/ mort en 1707 à Greenwich/ fils aîné du précédent - Peintre de Marines les plus renommésau revers du panneau, une autre étiquette Guillaume Van de Velde/ signé W. V. V. en bas à droite/ sur une épave .. sur la plage/ de Schweningen/ 1633 - 1707 / appartenait à l'ordre .. Me Pierre Audap & Me Fabien Mirabaud le 22/06/2018 - PARIS Jan Jansz. Van de VELDE III Harleem 1620 - Enkhuizen 1662 Nature morte au pichet de grès Jan Jansz. Van de VELDE III Harleem 1620 - Enkhuizen 1662 Nature morte au pichet de grès Panneau de chêne, une planche, non parqueté 36 x 28 cm Signé en bas au centre Petits manquesPour ce qui concerne le modèle représenté, malheureusement je ne peux pas vous être d’un grand secours je n’ai pas eu encore l’occasion de l’étudier. Pendant mes études, les musiciens peints par Blanchet qui j’ai recueilli sont Jean Joseph Rodolphe 1759, James Grant of Lettock 1760 et le petit Mozart 1770. Donc pour la datation je dirais surement le début des années 60. Je vous tiendrai au courant si j’aurai des nouvellese viens de connaitre ce beau portrait, sans aucun doute, oeuvre de Louis-Gabriel Blanchet. Est-ce que vous savez si le tableau est signé et/ou daté? En général, la plupart des ses oeuvres sont signées. Pour ce qui concerne le modèle représenté, malheureusement je ne peux pas vous être d’un grand secours je n’ai pas eu encore l’occasion de l’étudier. Pendant mes études, les musiciens peints par Blanchet qui j’ai recueilli sont Jean Joseph Rodolphe 1759, James Grant of Lettock 1760 et le petit Mozart 1770. Donc pour la datation je dirais surement le début des années 60. Je vous tiendrai au courant si j’aurai des nouvellese viens de connaitre ce beau portrait, sans aucun doute, oeuvre de Louis-Gabriel Blanchet. Est-ce que vous savez si le tableau est signé et/ou daté? En général, la plupart des ses oeuvres sont signées. Pour ce qui concerne le modèle représenté, malheureusement je ne peux pas vous être d’un grand secours je n’ai pas eu encore l’occasion de l’étudier. Pendant mes études, les musiciens peints par Blanchet qui j’ai recueilli sont Jean Joseph Rodolphe 1759, James Grant of Lettock 1760 et le petit Mozart 1770. Donc pour la datation je dirais surement le début des années 60. Je vous tiendrai au courant si j’aurai des nouvellese viens de connaitre ce beau portrait, sans aucun doute, oeuvre de Louis-Gabriel Blanchet. Est-ce que vous savez si le tableau est signé et/ou daté? En général, la plupart des ses oeuvres sont signées. Pour ce qui concerne le modèle représenté, malheureusement je ne peux pas vous être d’un grand secours je n’ai pas eu encore l’occasion de l’étudier. Pendant mes études, les musiciens peints par Blanchet qui j’ai recueilli sont Jean Joseph Rodolphe 1759, James Grant of Lettock 1760 et le petit Mozart 1770. Donc pour la datation je dirais surement le début des années 60. Je vous tiendrai au courant si j’aurai des nouvellesPetits manques petits manques Estimation 150 000 / 200 000 € ProvananceCollection du Vicomte Pierre Le Boucq de Ternas 1866-1948 puis par descendance jusqu'au propriétaire Janz. van de Velde est né à Haarlem dans une famille d’artistes, ville où travaillaient plusieurs peintres de natures mortes dans la veine monochrome, parmi lesquels Nicolaes Gillis 1595-1632, Floris Van Dyck 1575-1651, Pieter Claesz 1597-1661 et Willem Claesz. Heda 1594-1680. Ces deux derniers influençent la formation de notre peintre. Il s’installe ensuite à Amsterdam où il se marie en 1642. Il s’est spécialisé dans les natures mortes figurant des nécessaires à fumer posés sur un entablement et généralement accompagnés de verres, de pichets, de fruits et parfois de jeux de cartes. On en connait environ une trentaine. Les compositions réalisées vers la fin de sa vie, à partir du milieu des années 1650, se caractérisent par un format vertical et par une plus grande tableau représente un pichet en grès de la ville allemande de Westerwald, aux armes d'Amsterdam, appelé wapenkruik pichet armorié. A sa droite, on peut voir un petit brasier contenant un charbon chaud, un paquet de tabac, une longue pipe en terre posés sur le coin d’une table en bois. La composition peut être rapprochée d’une peinture conservée au Musée des Beaux-Arts de Budapest inv. 190 ainsi que d’une autre ayant figuré à la galerie Otto Naumann vers 1990, daté de 1658. Un point commun unit ces trois tableaux le pichet, qui est identique d’une composition à l’ œuvre n’est pas sans rappeler des tabagies "rookertjes" ou "toebakjes" de Jan Treck 1606-1652, Pieter van Anraedt 1635-1678 ou surtout Jan Fris 1627-1672, qui présentent des objets simples ordonnés de façon semblable. On y retrouve des pichets en grès et tous les ustensiles pour à la consommation du tabac. La simplicité et l’agencement ordonné de ces compositions les inscrivent plus généralement dans le courant haarlémois des "monochrome banketjes", qui se caractérisent par des représentations de repas modestes dans des tonalités brunes ou beiges, se distinguant ainsi des natures mortes baroques plus de tabac qui s'était répandu en l'Europe aux 16e et au 17e siècle était condamné dans les pays catholiques et mieux accepté en terres protestantes. On associait alors l'humeur sèche le tabac et l'humeur chaude au tempérament billieux et colérique et, un plus tôt dans le siècle, ces tableaux étaient vus comme des vanités, ici de l'odorat. Me Pierre Audap & Me Fabien Mirabaud le 22/06/2018 - PARIS François BOUCHER Paris 1703-1770 Une Caravane François BOUCHER Paris 1703-1770 Une Caravane Toile 56 x 74 cm Signé en bas à gauche F. BOUCHER Estimation 150 000 / 200 000 € Provenance probablement M. de Billy, 15 novembre 1784, lot 50 "Un Tableau de la première manière de ce Maître Boucher et très-coloré ; il reprèsente une Marche de Bergers dans un Paysage, et composé dans le style de Benedette Castiglione. H. 21 pouces, l. 27 pouces x 73 cm", acheté par Joly, pour 84 posthume du Citoyen Vincent Donjeux, ancien marchand dans sa demeure, 96 rue de probablement Cléry experts Le Brun & Paillet, 29 avril 1793, lot 358 "Une caravane dans le genre de Bénédette, composé de 9 figures et de plusieurs animaux. Ce tableau de la première manière de ce maître, est aussi de la plus belle couleur". H. 20 ½ pouces, l. 27 pouces x 73 cm acheté soit par Cadet pour 24 livres 1 sol, ou par tableau inédit est l'un des premiers peints par François Boucher du milieu des années 1720, avant son départ en Italie au printemps 1728. On retrouve la même graphie de la signature sur certains dessins de jeunesse, mais c'est la première fois qu'on la signale sur une peinture. On perçoit la double influence de son maître François Lemoyne, par la fraicheur des coloris à la vénitienne, le dynanmisme et de la composition, et celle de Castiglione dans le sujet. Boucher qui à cette époque peint des sujets de l'Ancien toile annonce les compositions qu'il peindra à son retour de Rome, notamment le groupes de bergers autour de fontaines. Ceux-ci sont à l'origine du genre créé par Boucher vers 1730 la pastorale. Madame Françoise JoulieNous remercions Monsieur Alastair Laing d'avoir confirmé l'attribution par examen direct de l'oeuvre et des informations qu'il nous a indiquées concernant ce tableau. ADER NORDMANN le 22/06/2018 - PARIS Antonio NICCOLINI San Miniato 1772 - Naples 1850 et Letterio SUBBA Messine 1787 - 1868 Vue recomposée de Naples et des antiques du Real Museo Borbonico Antonio NICCOLINI San Miniato 1772 - Naples 1850 et Letterio SUBBA Messine 1787 - 1868 Vue recomposée de Naples et des antiques du Real Museo Borbonico Toile 81,5 x 120 cm Signée et datée en bas à droite ANT. NICCOLINI INV DIS e DIRESSE 1829 / LETT.° SUBBA DIPINSE en italien Estimation 15 000 / 20 000 € Cette grandiose composition est un riche témoignage de l'activité culturelle, archéologique et muséologique sous le règne de François Ier de Bourbon à Naples, capitale du royaume des en 1772 à San Miniato près de Pise, Antonio Niccolini fut l’élève du décorateur napolitain Pasquale Cioffo. Sa participation à la réalisation du décor du théâtre royal de Pescia en 1795 lui permit d’acquérir une certaine réputation en Toscane. Il fut ainsi nommé professeur de peinture à l’Académie royale des beaux-arts de Florence en 1798. A son arrivée à Naples en 1807, il devint un architecte influant et participa à la rénovation de plusieurs résidences royales. Niccolini travailla ainsi à Capodimonte pour le roi et la reine des Deux-Siciles, François Ier et Isabelle. En 1813, il fut nommé architecte décorateur des théâtres royaux. La restructuration du théâtre de San Carlo en 1816 fut l’un de ses plus grands succès. Il sut associer la structure préexistante aux nouvelles nécessités du théâtre moderne. Ses décors de scène sont fondés sur son observation des ruines et des antiques. Il écrivit à ce propos un traité en 1811 sur la comparaison entre le théâtre antique et celui moderne. En 1829, il étudia le temple de Sérapis à Pouzzoles et publia à ce sujet un rapport sur les inondations du sol de l’édifice antique dit le temple de Giove Serapide. Il s'occupa aussi des fouilles et de la restauration des sites de Sicilien Letterio Subba se forma à Rome dans le milieu de Canova et Thorvaldsen. En 1823, il ouvrit une école de dessin à Messine puis dirigea l'Ecole des beaux-arts protégée par le gouvernement de Naples la Sicile et Naples étant réunies au sein d'un même Royaume depuis 1816. Il fut aussi scénographe, architecte et peintre. Il a collaboré avec Niccolini a diverses occasions, notamment pour la construction du théâtre de Messine en composition de notre tableau est conçue comme une scène de théâtre située dans une loggia pourvue d’un décor pompéien au plafond. Sur la droite, les deux statues équestres à droite évoquent celles en bronze se trouvant au milieu de l'actuelle Piazza del Plebiscito et représentant Charles III de Naples 1716-1788 et Ferdinand Ier roi des Deux-Siciles 1751-1825. La première et le cheval de la seconde ont été exécutés par Antonio Canova 1757-1822 et la figure de Ferdinand Ier par Antonio Cali 1788-1866. Ces deux monarques sont ceux qui ont transféré la collection Farnèse de Parme et de Rome à centre de la toile, des statues de Mars et Athéna sous les traits du roi François Ier de Bourbon 1777-1830, fils de Ferdinand Ier, et de la reine Marie-Isabelle 1749-1848, son épouse, ont été placées. Entre elles deux, l'allégorie de la Sculpture grave le prénom de leur fille Marie-Christine de Bourbon-Sicile 1806-1844 sur la base de son buste un ange en marbre la couronne, peut-être une allusion à son titre de reine Consort d'Espagne qu'elle obtient, cette année-là en 1829, par son mariage avec Ferdinand VII d'Espagne. On découvre sur la terrasse à gauche une allégorie de la peinture qui exécute un portrait de la famille régnante, et une autre de l'autre côté, probablement l'Architecture qui tient un un monde minéral fascinant de statues de marbre entoure ces trois figures féminines. Il s'agit des antiques célèbres conservés dans les collections royales et aujourd’hui au musée archéologique de Naples l’Hercule Farnèse, l’Aphrodite de Capoue, le Taureau Farnèse, la Minerve, le Satyre ivre, le Galate mourant, l'Artémis d'Ephèse, et devant elle le petit faon en bronze, la vasque en porphyre aux anses de serpents de plus de 3 mètres de diamètre. Accroché sur une paroi bleue à gauche, on remarque des fragments de mosaïques dont Chiron instruisant le jeune Achille. » et en-dessous des vases grecs et à droite des fresques de l’arrière-plan, on peut voir une vue recomposée et idéale des divers monuments de Campanie. On découvre d’abord les bâtiments autour de l’actuelle place du plébiscite le Théâtre de Saint-Charles au centre et la Basilique de Saint-François-de-Paule à droite, construite à l’imitation du Panthéon d’Agrippa à Rome. A gauche, on peut apercevoir le Foro Carolino sur la place Dante et le Museo Borbonico, actuel musée d’archéologie de Naples, avec sa façade rouge dans le paysage, juste au-dessus de la main de la Minerve. Au loin, figurent Portici où sont conservés les antiques jusqu'en 1830, la résidence de Capodimonte ainsi que le Palais de Caserte, et peut-être en haut à droite l'aqueduc Carolino dans la vallée di a catalogué et publié, vers 1824-1825, quinze tomes sur les antiques et de peintures des collections du "Real museo Borbonico". Ces livres sont présents au premier plan, sous la table en marbre à décor de griffons on lit "Real museo" sur la couverture verte, devant les volumes rouges. Certaines gravures sont proches de conception de notre toile. On remarquera que sont surtout présents ici les marbres de la collection Farnèse les pièces trouvées antérieurement à Pompéi ne sont transportées à Naples qu'à partir de 1830, et la célèbre mosaïque de la bataille entre Darius et Alexandre n'est découverte qu'en 1831. N'étant pas lui-même peintre, mais plutôt scénographe, Antonio Niccolini a conçu et probablement dessiné cette mise en scène et chargé son collègue, Letterio Subba, de l'exécution picturale. L'esprit est très proche de la reconstitution de décor pompéien que mène Niccolini dans les appartements royaux au palais de Capodimonte par exemple, l'alcôve. Maîtres Philippe et Aymeric Rouillac le 10/06/2018 - PARIS Les frères Le NAIN Antoine Laon avant 1600 - Paris 1648 Louis Laon avant 1600- Paris 1648 Mathieu Laon 1607 - Paris 1677 L'Enfant Jésus en adoration de la croix Les frères Le NAIN Antoine Laon avant 1600 - Paris 1648 Louis Laon avant 1600- Paris 1648 Mathieu Laon 1607 - Paris 1677 L'Enfant Jésus en adoration de la croix Toile 72 x 59 cm Sans cadre Restaurations anciennes Estimation sur demande La réapparition de ce tableau inédit, inconnu des spécialistes est un événement dans l’histoire de la peinture française du XVIIe siècle. Le thème, rarissime dans la peinture européenne, n’était pas signalé dans l’œuvre des Le Nain. L’enfant Jésus est agenouillé dans un paysage vespéral méditant devant les instruments de la visage méditatif, ses mèches blondes doucement agitées et ses yeux bleus chargés de mélancolie constituent une véritable signature des Le Nain on les retrouve par exemple dans l'ange au centre de l'Adoration des bergers Londres, National Gallery, dans ceux à gauche de la Naissance de la Vierge Paris, cathédrale Notre-Dame et le garçonnet à droite dans la Famille de Paysans de la National Gallery of Art de Washington, soit des tableaux datés par les historiens d’art du début des années de lumière du soir est très finement observé. Une trouée bleutée est prise entre deux nuages noirs, au-dessus du rose de l’horizon, et laisse place en haut à gauche, à un rayon doré d’origine divine. Les éclairages crépusculaires sont rares chez les Le Nain. On en observe dans la Mise au tombeau du Museum of fine Art de Boston et dans deux tableaux récemment réapparus, Le Martyre de saint Sébastien et la petite Déploration sur le christ mort, tous deux en collections tunique blanche de l’enfant ressort dans la gamme colorée entre gris, brun et violet de l’ensemble. Cette étoffe claire, souple et animée, se laisse comparer à celle de la nourrice dans la Nativité de la Vierge, ou du garçon jouant de la flûte dans la Famille de paysans du Louvre. Les historiens à ce propos évoquent l’influence d’Orazio Gentileschi, présent à Paris entre 1624 et 1626. On pourrait aussi évoquer l’harmonie violette et grise de la Fuite et Egypte de Gentileschi au Louvre, dont on trouve un écho dans notre toile. Auquel des trois frères Le Nain rendre cette toile, peinte apparemment d’une seule venue et donc d’une seule main ? Cette question se pose pour chaque œuvre de Le Nain. Nous avons plus haut comparé notre toile à des tableaux dont l’attribution à Matthieu et à Louis a été tour à tour évoquée. Ils font presque tous parti d’un groupe que Jean-Pierre Cuzin et Pierre Rosenberg donnent à Matthieu Le Nain, le cadet des trois frères, avant 1648, c’est-à-dire avant la mort de deux aînées. Ce sont les années de ses chefs-d’œuvre lorsque l’émulation des deux autres Le Nain lui permet d’atteindre le niveau des plus grands peintres. Hotel des ventes Nantes le 27/03/2018 - PARIS Charles MEYNIER Paris 1768 - 1832 Télémaque, pressé par Mentor, quitte l’île de Calypso Charles MEYNIER Paris 1768 - 1832 Télémaque, pressé par Mentor, quitte l’île de Calypso Sur sa toile d'origine 154 x 203 cm Signée et datée en bas à gauche ch. meynier / an . 8 Restaurations anciennes, accidents, petites déchiruresEn bas à droite, une étiquette fragmentaireProvenance chateau de la Seilleraye. Estimation 150 000 / 250 000 € Provenance Acheté au Salon de 1800 par le citoyen Joseph Fulchiron 1744-1831 pour 4000 francs. Celui-ci, un banquier d'origine lyonnaise, est un collectionneur de Meynier puisqu'il lui avait déjà acheté Androclès perdu au Salon de 1795 et commandé un Milon de Crotone perdu aussi mais dont le modello est au Musée des Beaux-Arts de Montréal.Château de la Seilleraye ; Acquis au début des années 1930 par les ascendants de l’actuel propriétaire ; Par descendance à l’actuel propriétaire. Bibliographie Charles-Paul Landon, Annales du Musée et de l’Ecole Moderne des Beaux-Arts, Paris, vol. 1, pp. 31 – 32, pl. XIV, 1801, Paris ; Antoine Schnapper, Arlette Sérullaz, sous la direction de, Jacques Louis David, 1748 – 1825, cat. exp., 1989, p. 527 ;Dorothy Johnson, Jacques-Louis David, The Farewell of Telemachus and Eucharis », Getty Museum Studies of Art, Los Angeles, 1997, pp. 47-48 ;Philippe Bordes, Jacques-Louis David, Empire to Exile, cat. exp., 2005, pp. 247 – 248 gravure de Châtaigner reproduite fig. 34 ;Isabelle Mayer-Michalon, Charles Meynier 1763-1832, Paris, Arthena, p. 39, pp. 130-131, tableau perdu.Les commentaires de critiques du Salon de 1800 sont retranscrits dans l’ouvrage d’Isabelle Mayer-Michalon pp. 262 et Paris, Salon de 1800, n° 266 deuxième prix de première classe;Paris, Exposition des prix décennaux au Louvre, août-novembre 1810.Œuvres en rapport Huit études sont signalées dans la vente Bruun-Neergaard, Paris, Hôtel de Bullion, 29 août-7 septembre 1819, n° 246;Probablement six études sont signalées dans la vente après-décès de Meynier, Paris, 26 novembre-4 décembre 1832 Mes Petit et Pieri-Bénard, n°52;Deux dessins préparatoires de la composition sont conservés dans deux collections particulières, l’un aux Etats-Unis op. cit. ; n° D43, l’autre en France op. cit., ; n° D44;Gravure au trait par Normand pour Landon;Gravure à l'eau-forte de Châtaigner, dessinée par S. Le Roy et terminée par tableau-clef de la carrière de Charles Meynier et de l’histoire du néoclassicisme français a reçu des éloges de la critique et du public lors de sa présentation au Salon de 1800 et en 1810. Disparu depuis deux siècles, le tableau était connu par sa composition conservée par la gravure de Châtaigner reproduite dans la monographie de 2008. Elève de François-André Vincent, il partage le Prix de Rome en 1789 avec Girodet et séjourne en Italie jusqu’en décembre 1793. A son retour à Paris, il multiplie les esquisses, mais la situation politique n’est guère favorable à ses sous le Consulat et au début de l’Empire qu’il donne ses meilleurs tableaux, dont la galerie des Muses pour l’hôtel Boyer-Fonfrède Cleveland, Museum of Art ou notre Télémaque d’ailleurs notre Télémaque et une des Muses, Polymnie, qui préside à l’Eloquence toile, 275 x 177 cm, The Cleveland Museum of Art sont exposés au même Salon de 1800. Nous retrouvons la même harmonie sourde de bleu gris et de jaune d’or visible dans la figure de Polymnie et présente dans notre tableau vers la droite par le rapprochement entre les deux figures de Calypso et sa l’Empire, il reçoit des commandes de tableaux militaires à la gloire de l’Empereur et réalisera trois plafonds pour le musée du Louvre, encore en sujet est tiré du roman d’apprentissage de Fénelon publié en 1699, les Aventures de Télémaque, réimprimé tout au long du XVIIIème siècle 76 éditions sont parues entre 1800 et 1815. La tragédie lyrique de Deray et Lesueur de 1796, avec un duo entre les deux amants, avait encore ajouté de la popularité à ce thème. Si le jeune héros est bien un des personnages principaux de l’Odyssée d’Homère, fils modèle de Pénélope et d’Ulysse, protégeant sa mère, puis son père des prétendants, la nymphe Euscharis, servante de Calypso, est inconnue de la mythologie grecque. Elle est inventée par l’écrivain qui décrit entre eux une passion fugitive, contrariée et chaste, provoquant la jalousie de sa maîtresse Calypso, amoureuse elle aussi de Télémaque. Le précepteur de celui-ci, Mentor en fait Minerve déguisé en vieux sage, les récit de Fénelon n’est pas celui d’un héros éprouvé dans sa chair comme Ulysse face à une série de défis physiques, mais plutôt de l’évolution morale d'un héros, à travers des expériences, des passions et des renoncements qui le rendent humain et qu'il doit apprendre à maîtriser s'il veut être un sage dirigeant. Comme l’a montré Dorothy Johnson, les rôles traditionnels sont ici inversés. Ce sont les femmes, les chasseuses et le jeune homme est leur proie. Cet épisode a inspiré les peintres tout au long des XVIIIème et XIXème siècles Henri de Favanne, Natoire et Louis Lagrenée avant Meynier, Jacques-Louis David en 1818 Los Angeles, Getty Museum, Lafond en 1802, Auguste Quinsac Monvoisin en 1824 Minneapolis Institute of Art, des suites gravées de Lordon Daté de 1800, ce Départ de Télémaque participe d’un court moment de détente de l’art français, après dix années de peintures de propagande exaltant les valeurs patriotiques et la Révolution, et avant quinze autres années qui vont être consacrées à glorifier l’Empire et ses victoires argentée générale, la façon dont la lumière tombe sur la scène sur les épaules de la compagne à droite, par exemple, et la description précise des espèces végétales jusqu’aux détails de la sandale orfévrée ou de l’arc qui se termine en tête de cygne recourbé dans les carquois sont autant de références ou d’emprunts subtils et ponctuels au célèbre tableau de Girodet, Le Sommeil d’Endymion 1793, réexposé au Salon de l’Elysée en 1797. Mais on notera aussi le soin apporté par l’artiste dans le raffinement et la qualité des détails le ruban blanc dans les cheveux du héros, les coiffures et broderies de chaque costume, individualisées et poétiques. Le bateau est une trière avec sa proue en forme de palme il s’agit en effet de retrouver l’Antiquité archaïque, pour renouveler le néoclassicisme par les sources grecques et proposer une autre voie face à l’art viril d’origine romaine que David avait donc ici avec Girodet mais aussi avec la Psyché et l’Amour et la Flore de Gérard 1798 et 1799, ainsi qu’avec Ulysse enlevant Philoctète de Fabre 1800, artiste dont il fut proche, Charles Meynier s’affirme comme l’un des hérauts de la peinture néo-classique au tournant du siècle. Nous remercions Madame Isabelle Mayer-Michalon d'avoir confirmé l'authenticité du tableau après examen direct de l'œuvre. Estimation 150 000 / 250 000 € ARTCURIAL le 21/03/2018 - PARIS Joseph VIVIEN Lyon 1657- Bonn 1734 Portrait de l'abbé Ambroise Lalouette 1653-1724, aumônier de Louis XIV, chanoine de l'église Sainte-Opportune Joseph VIVIEN Lyon 1657- Bonn 1734 Portrait de l'abbé Ambroise Lalouette 1653-1724, aumônier de Louis XIV, chanoine de l'église Sainte-Opportune Pastel entoilé 82 x 65 cm Estimation 80 000 / 120 000 € Provenance - Collection Ange-Laurent de Lalive de Jully, sa vente, Paris, Remy n° 132 244 livres;- Mme de Pange, rue vieille du temple ? rue Saint Louis ;- vente Thomas de Pange, Paris, Florentin et Boileau, 5 mars 1781 et suivants, lot 65 145 livres, acquis par Dulac ;- Antoine Charles Dulac 1729-1811, marchand de tableau, rue des prêtres, paroisse Hébert, Dictionnaire pittoresque et historique, 1766, I, Jeffares, Dictionary of pastellits before 1800, Londres, 2006, p. 558 comme perduVersion en ligne, n° recoupant les descriptions des catalogues de ventes du XVIIIe siècle, on peut identifier le modèle de ce pastel comme étant l’abbé Lalouette. Celui de la vente Lallive de Jully en 1770 le décrit de la façon suivante "Peint avec toute la force et le précieux que l'on puisse donner aux morceaux de ce genre. Il porte 2 pieds de haut, sur 2 pieds 6 pouces » et celui de la vente Thomas de Pange de 1781 Le portrait, fort comme nature, d’un abbé, vu presque de face, & plus qu’à mi-corps »". Ce qui implique que le pastel de la collection de la collection Hortwitz à Boston ne représente pas ce personnage mais un simple moine capucin anonyme reproduit dans Alvin L Clark Jr, Transition and Traditions Eighteenth-Century Century French Art from the Horvitz Collection », devant un fond neutre, Ambroise Lalouette porte sa tenue d’homme d'église et tient un livre de la main gauche, allusion à ses activités d’écrivain. Formé à la Sorbonne, le modèle participe aux missions de prédication ordonnées par Louis XIV et destinées à accroître les conversions dans les provinces à la suite de la révocation de l’Edit de Nantes en 1685. Lalouette voyage ainsi dans plusieurs diocèses, notamment dans celui de Grenoble. Il devient chanoine à l’église Sainte-Opportune de Paris en 1721 et est également chapelain à Notre-Dame. Il a rédigé plusieurs ouvrages, dont certains s’inscrivent dans le cadre de ses missions en province Traité de Controverse pour les Nouveaux Réunis et Histoire des traductions françaises de l’Ecriture Sainte ..., tous deux édités en 1692. Dans la description que fait Hébert en 1766 du Cabinet de Monsieur de La Live de Jully, Introducteur des Ambassadeurs, cul-de-sac de Ménars, près la rue de Richelieu », notre œuvre est signalée, dans la deuxième pièce sur la cour, parmi d’autres chefs-d’œuvre aujourd’hui célèbres Le portrait de Greuze par lui-même, le portrait de Jabak sic, par Rigaud, le portrait, en pastel, de l'Abbé l'Alouette, Aumônier de Louis XIV, par Vivien, deux tableaux par Chardin, ...l'Education figurée par une mère qui fait réciter l'Evangile à sa fille, et l'autre l'Etude du dessin figurée par un jeune homme qui dessine d'après la bosse; Le portrait d'une Strasbourgeoise par Largillière, ...le personnage d'Hercule qui fait dévorer Diomède par ses chevaux, ...par Pierre; deux tableaux de Boucher représentant la naissance et la mort d'Adonis; ainsi que des oeuvres de Oudry, Desportes, Vouet, La Hyre, Deshayes, De Troy ... »Nous remercions Monsieur Neil Jeffares qui a bien voulu nous confirmer le caractère autographe de ce pastel et pour l'aide qu'il nous a apportée pour la rédaction de cette notice. ARTCURIAL le 21/03/2018 - PARIS Ecole FRANCAISE vers 1630 Scène de cabaret avec des mousquetaires Ecole FRANCAISE vers 1630 Scène de cabaret avec des mousquetaires Toile 134 x 203 cm Restaurations anciennes Estimation 80 000 / 100 000 € Dans la Rome cosmopolite des années 1610 à 1630, les suiveurs de Caravage ont peint de nombreuses scènes de cabarets réalistes des musiciens, des soldats et des courtisanes sont représentés à mi-corps, éclairés par un violent clair-obscur, attablés devant un repas. Les grands collectionneurs romains n’avaient pas de problème à accrocher ces sujets triviaux dans leur galerie côte à côte avec des tableaux à sujets allégorique ou mythologiques. L’évolution de ces scènes de genre nouvelles est jalonnée par les œuvres de Manfredi, Vouet, Valentin, Régnier, qui chacun créent des variations autour de ce thème. Certains peintres nordiques ont continué à en peindre lors de leur retour dans leur l’ambiance est un peu différente des tableaux romains ; il ne s’agit plus de pauvres en guenilles, de joueurs d’argent des tripots, ni de bohémiens, mais d’une compagnie de mousquetaires festoyant. Leurs habits sont neufs et raffinés. Notre tableau est marqué par l’influence de Théodor Rombouts, qui aime particulièrement placer un personnage de dos au centre de sa composition, ainsi que par une certaine gouaille flamande. D'autres éléments, comme les costumes, la nature morte ou la gamme colorée apparaissent cependant comme plus français. Même si peu de scènes de cabaret peintes à Paris nous sont parvenues, on sait qu'elles y étaient appréciées. Richelieu collectionnait les tableaux d'auberges de Valentin, et certaines gravures, évoquent ce genre. On peut le dater les costumes et le siège à gauche de la décennies 1630. Le sujet de personnages attablés dans un cabaret renvoie à la tradition romaine des années 1610, mais certains artistes comme Nicolas Tounier en ont encore peint à leur retour en France, ce type de représentation s'apelle alors une "Gueuserie". Au-delà de la composition, dont le personnage de dos et les grands chapeaux rapellent certaines peintures nordiques, comme par exemple celles de Th Rombouts, le style pictural est très proche de Simon Vouet, probablement par un membre de son entourage ou de son attribution à Jacques de Létin a été suggérée. Benoît LEGROS le 22/02/2018 - PARIS Paulus MOREELSE Utrecht 1571 - 1638 Le Pastor Fido Paulus MOREELSE Utrecht 1571 - 1638 Le Pastor Fido Panneau 73 x 58 cm Estimation 30 000 / 40 000 € Moreelse est surtout connu pout ses figures de bergères par exemple au musée d’Utrecht, liées au grand succès de romans vers 1600, notamment le Pastor Fido de Guarini, publié en 1590. Ces livres racontent des idylles entre bergers, le héro se nomme Myrtil et ont inspiré de nombreux peintres en Hollande tels que Bloemaert ou Jan van figures étaient parfois en couples, en paires qui ont été séparées. ici, le berger est reconnaissable à son bâton et il tient une partition pour trouver l’accord musical et amoureux avec sa tableau peut-être comparé au berger tenant des roses » de Paulus Moreelse conservé au musée de Schwerin en Allemagne. JACK-PHILIPPE RUELLAN le 27/01/2018 - PARIS Raden Syarif Bastaman SALEH Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880 La Chasse au taureau sauvage banteng Raden Syarif Bastaman SALEH Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880 La Chasse au taureau sauvage banteng Toile 110 x 180 cm Signée et datée en bas à droite Raden Saleh 1855Au revers du châssis, un n° 20ASW à l'encreRestaurations anciennes et accident Estimation 150 000 / 200 000 € Provenance Collection Jules Stanislas Sigisbert Cézard ; Sa vente aux enchères à Batavia aujourd’hui Jakarta le 1er mai 1859 ; Jules Stanislas Sigisbert Cézard, né à Batavia en 1829, était le fils de riches négociants français qui, associés à J. Schounten & Co, exportaient du café et du sucre et importaient des produits européens. Il fit ses études en France de 1839 à 1852, date à laquelle il retourna à Batavia et se maria avec A. C. Vrede Bik, fille du gouverneur hollandais de l’île Célèbes. Jules Stanislas Sigisbert Cézard reprend le commerce de sucre de son père et de transport vers l’Europe. Il est probablement le commanditaire de notre tableau, Raden Saleh étant lui aussi à Batavia depuis 1851. En 1859, il quitta les Indes Orientales pour rentrer en métropole. A cette occasion, il vendit tout le mobilier et les décors intérieurs de sa maison, dont le tableau de Raden Saleh, comme l’annonce le journal Java-Bode du 30 avril 1859 een schilderstuk van Raden Saleh voorstellende eene banteng Jagt » cet historique nous a été indiqué par le Dr Werner Kraus.Raden Saleh est le premier artiste moderne des Indes orientales néerlandaises. Célèbre au milieu du XIXème siècle, sa renommée a grandi ces vingt dernières années au fil des redécouvertes de ses tableaux. Après la rétrospective au Lindenau-Museum d’Altenburg en 2013, il fait actuellement l’objet d’une exposition à Singapour Between worlds Raden Saleh and Juan Luna, National Gallery Singapore, 16 novembre 2017- 11 mars 2018.Montrant des dispositions pour le dessin, le jeune prince Raden Saleh fut envoyé à Batavia par son oncle, le régent de Semarang sur l’île de Java, pour étudier auprès du peintre belge Antoine Payen 1792-1853. Il obtint une bourse du gouvernement néerlandais en 1829, afin de compléter sa formation à Amsterdam avec le portraitiste Cornelis Kruseman 1797-1857 et le paysagiste Andreas Schelfhout 1787-1870. Il vécut en Hollande jusqu'en 1839, puis fit un voyage d'étude de six mois en Europe. Après avoir visité la France, la Suisse, l'Angleterre, l'Ecosse et l'Allemagne, l’artiste s'installa à Dresde durant quatre ans. Contrairement aux discriminations qu’il avait subies dans la Hollande conservatrice, Raden Saleh était considéré à la cour de Saxe comme un personnage particulièrement fascinant, cultivé et exotique, et fut un proche du duc Ernest II de Saxe-Cobourg et Gotha 1818-1893. Il rencontra alors le sculpteur danois Berthel Thorvaldsen 1770-1844 et le peintre norvégien Johann Christian Dahl 1788-1857, dont l'influence est perceptible dans ses 1845, il partit pour Paris où il loua un atelier au 31, avenue des Veuves connue sous le nom actuel d’avenue Montaigne. Il rencontra enfin Horace Vernet, qu’il appréciait depuis longtemps, dans son atelier à Versailles il l'accompagna peut-être plusieurs mois en Algérie en 1849. Le comte de Pourtales lui acheta deux tableaux. Il commença à peindre une large toile, La Chasse au cerf, destinée au roi de Hollande, ainsi qu’une Chasse au tigre qui fut achetée en 1846 par le roi Louis-Philippe sur les conseils de sa fille Clémentine pour deux mille cinq cents francs, une somme très élevée l'œuvre a probablement disparu lors de la destruction du château de Neuilly en 1848. En 1847, la Chasse au cerf dans l’île de Java exposée au Salon 239 x 346 cm reçut un accueil très favorable du public et de la critique Théophile Gautier le compare aux grands peintres animaliers de l'époque. Acquis par le roi pour trois mille francs, ce tableau est actuellement conservé à la mairie de Saint-Amand-Montrond dans le Berry dépôt du Louvre.En 1851, après plus de vingt ans en Europe, Raden Saleh retourna en Indonésie avec son épouse, une riche néerlandaise. En tant que premier artiste formé en Europe, il reçut de nombreuses commandes de l'aristocratie javanaise et fut nommé conservateur de la collection artistique de l'administration coloniale néerlandaise. En 1869, il offrit deux tableaux à Napoléon III en guise de remerciement pour l’accueil qu’il avait reçu en France. Ils furent accrochés au palais des Tuileries, mais leur présence à Paris ne fut que de courte durée puisque la guerre franco-prussienne éclata peu de temps après et ils furent détruits dans l’incendie du palais. L'artiste retourna brièvement en Europe entre 1876 et 1878, mais constatant que le goût artistique avait changé et que son travail était moins à la mode, il rentra en Indonésie, où il mourut quatre ans plus tard. Dix-neuf de ses peintures étaient montrées dans l'Exposition Coloniale de 1883 à Amsterdam. Il est également à noter que plusieurs de ses œuvres ont été perdues dans un incendie qui a détruit le pavillon néerlandais de l'Inde orientale à l'Exposition Coloniale Internationale à Paris en a peint des portraits plusieurs sont aux Rijksmuseum d’Amsterdam, des marines, mais ce sont surtout les représentations d’animaux exotiques et les chasses de grand format qui font son originalité et pour lesquelles il était apprécié. Il ne s'agit pas de reconstitution fantaisiste, mais de scènes auxquelles il a réellement participé. Il a assimilé les combats d’animaux de la sculpture antique, les gravures d’après Stubbs, l’énergie de la bataille d’Anghiari de Léonard et les grandes chasses de Rubens, de Delacroix. Ses compositions en frise dans un vaste paysage ont été marquées par les Chasses de son ami Horace Vernet par exemple La chasse aux sangliers dans la plaine de Sahara de 1835, qu’il a su réinterpréter et adapter à son héritage tableau est ainsi une découverte spectaculaire et exceptionnelle à ajouter à son corpus de Chasses. Le peintre a situé cette scène dans la steppe Alang-Alang de Java et s’est représenté par son autoportrait au centre de la composition, sur le cheval brun, attaquant le taureau avec son klewang, une épée à bord unique. Parmi ses tableaux exotiques citons La Chasse aux lions de 1841 conservée au musée des Arts Etrangers de Riga toile, 142 x 88 cm, La Chasse aux tigres de 1846 en collection privée 183 x 291 cm, La Chasse au lion toile, 88 x 119 cm, vente anonyme, Cologne, 17 novembre 2005 Van Ham Kunstauktionem, n° 1714 ou encore Six javanais qui poursuivent des cerfs 1860, Washington, Smithsonian American Art Museum, toile, 106 x 188 cm. Certaines de ses œuvres ont été tirées en tableau représente une Chasse au Bateng. En effet, au cours de la poursuite d’un autre gibier, un cerf ou un tigre, ce buffle sauvage est dérangé et charge le groupe. Saleh a traité ce sujet au moins à trois reprises collection du gouvernement indonésien - 1840 ou 1841, offert par la RDA en 1965 - ; Leipzig, Museum der Bildenden Künste -1842 - ; Bali, collection du gouvernement indonésien - 1851, provenant des collections royales hollandaises, donné par la reine Juliana en 1970-.On connaît une esquisse pour notre tableau en collection privée à Hambourg en 1989 panneau, 38 x 58 cm, fiche RKD n°0000152709, permalink 108794.Nous remercions Madame Marie-Odette Scalliet, M. Werner Kraus pour l’aide qu’ils nous ont apportée dans la rédaction de cette EN ANGLAISProvenance Collection Jules Stanislas Sigisbert Cézard, Batavia Jakarta nowadays;Auction at Batavia on the 1st May 1859. Jules Stanislas Sigisbert Cézard, born in Batavia in 1829, is the son of wealthy French traders who were associated to J. Schouten & Co. They export coffee and sugar and import European products. He makes his studies in France from 1839 to 1852, when he comes back to Batavia. He marries there Vrede Bik, the daughter of the Dutch governor of the island Celebes. Jules Stanislas Sigisbert Cézart takes over his father’s sugar trade and transport to Europe. He might have been the commissioner of our painting as the artist has been precisely also in Batavia since 1851. In 1859, he leaves the Dutch India to return to the metropolis. On this occasion, he sells all his furniture and the interiors of his house including a painting of Raden Saleh as announces the newspaper Java-Bode of the 30th April 1859 “een schilderstuk van Raden Saleh voorstellende eene banteng Jagt” This historical has been pointed out by the Dr Werner Kraus. Raden Saleh is the first modern artist in the Oriental Dutch India. Well-known in the mid-XIXth century, his fame has grown this last twenty years thanks to the rediscoveries of his paintings. After the retrospective at the Lindenau-Museum of Altenburg in 2013, he is actually the subject of a monographic exhibition at Singapour Between worlds Raden Saleh and Juan Luna, National Gallery Singapore, November 16th, 2017- March 11th, 2018.. Showing a leaning for drawing, the young prince Raden Saleh was sent to Batavia by his uncle, the regent of Semarang on the island of Java, in order to study beside the Belgian painter Antoine Payen 1792-1853. He got a grant from the Dutch government in 1829 to complete his formation at Amsterdam with the portraitist Cornelis Kruseman 1797-1857 and the landscapist Andreas Schelfout 1787-1870. He lived in Holland until 1839, then he made a study trip during six months in Europe. After having visited France, Switzerland, England, Scotland and Germany, the artist settled in Dresden for four years. Contrary to the discriminations he suffered from the conservative Holland, at the court of Saxe, Raden Saleh was considered as a particularly fascinating character, cultivated and exotic, and was a relative of the duke Ernest II of Saxe-Cobourg and Gotha 1818-1893. He met the Danish sculptor Berthel Thorvaldsen 1770-1844 and the Norvegian painter Johan Christian Dahl 1788-1857 whom influence is clear in his landscapes. In 1845, he left for Paris where he rented a workshop at the 31st, avenue des Veuves actually known under the name of the avenue de Montaigne. He met finally Horace Vernet, whom he appreciated for a long time, in his workshop in Versailles he may have accompanied him for several months in Algeria in 1849. The count of Pourtales bought him two paintings. He began to paint a wide canvas, The Hunt to the stag, destined to the king of Holland, as well as a Hunt to the tiger which was bought in 1846 by the king Louis-Philippe upon the advice of his daughter Clémentine for two thousands and five hundred francs, a very high price the work may have disappeared during the destruction of the castle of Neuilly in 1848. In 1847, the Hunting to the stag in the island of Java exhibited to the Salon 239 x 346 cm received a very favourable welcome from the public and from the critics Théophile Gautier compared him to the great animal painters of the time. Acquired by the king for three thousands francs, the painting is nowadays conserved at the town hall of Saint-Amand-Montrond in the Berry store of the Louvre. In 1851, after more than twenty years in Europe, Raden Saleh came back to Indonesia with his wealthy Dutch wife. As first artist formed in Europe, he received lots of commands from the Javanese aristocracy and was named conservator of the artistic collection of the Dutch colonial administration. In 1869, he offered two paintings at Napoléon III as thanks for the welcome he received in France. The two paintings were hung in the palace of the Tuileries but its presence in Paris was only for a short time. Indeed the war between French and Prussian troops broke out a short time after so both were destroyed in the fire of the palace. The artist came back shortly in Europe between 1876 and 1878 but he realized that artistic taste has changed so his work was less fashionable. Thus he came back to Indonesia where he died four years later. Nineteen of his paintings were shown at the Colonial Exhibition in 1883 in Indonesia. We can also notice that several of his paintings have been lost in a fire which destroyed the Netherlandish pavilion of the Oriental India at the International Colonial Exhibition at Paris in has painted portraits several are in the Rijksmuseum at Amsterdam, seascapes, but mostly representations of exotic animals and hunts of big format in which lies his originality and for which he was appreciated. It is not about fanciful reconstitution but about realistic scenes in which he really participated. He has learned animal fights from antique sculpture, illustrations from Stubbs, the energy from The Battle of Anghiari by Léonard and the great hunts from Rubens and Delacroix. His compositions in frieze in a vast landscape have been influenced by the Hunts from his friend Horace Vernet for instance The Hunt to the wild boars in the plains of Sahara in 1835, which he has known to reinterpret and adapt to his own Javanese legacy. Our painting is also a spectacular and outstanding discovery to add to his corpus of Hunts. The painter has located the scene in the Alang-Alang steppe of Java. He represents himself by his auto-portrait in the centre of the composition, on a brown horse, attacking a bull with his klewang, a sword with only one edge. Among his exotic paintings, we can mention The Hunt to the lions of 1841 conserved at the Foreigner Arts Museum in Riga oil, 142 x 88 cm, The Hunt to the tigers of 1846 in private collection 183 x 291 cm, The Hunt to the lion oil, 88 x 119 cm, anonymous auction, Cologne, 17th November 2005, Van Ham Kunstauktionem, n°1714 or Six Javanese who pursue stags 1860, Washington, Smithsonian American Art Museum, oil, 106 x 188 cm. Some of his works have been printed in lithography. Our painting represents a Hunt to the Bateng. Indeed, while pursuing another game, a stag or a tiger, this buffalo is disturbed and charges the group. Saleh has treated this subject at least three times collection from the Indonesian government – 1840 or 1841, offered by the RDA in 1965; Leipzig, Museum der Bildenden Künste – 1842-; Bali, collection from Indonesian government – 1851, from the royal Dutch collections, given by the queen Juliana in 1970-. We know a sketch for our painting in private collection at Hambourg in 1989 panel, 38 x 58 cm, fiche RKD n°0000152709, permalink 108794. We thank Mrs. Marie-Odette Scalliet, M. Werner Kraus and Mr. Syed Muhammad Hafiz for the help they have brought us in the redaction of this note. TAJAN le 19/12/2017 - PARIS Nicolas POUSSIN Les Andelys 1594 - Rome 1665 La Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste Nicolas POUSSIN Les Andelys 1594 - Rome 1665 La Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste Toile 52 x 68 cm Cadre cadre Louis XIV Restaurations anciennes Estimation 200 000 / 300 000 € Provenance 13 juin 1804 Mentionné dans la collection de Lucien Bonaparte 1775-1840 à Rome;Vente de la collection de Lucien Bonaparte, Prince de Canino, Londres, New Gallery, 6 février ;1815, n° 50;Vente de la collection de Lucien Bonaparte , Londres, Stanley, 14-16 mai 1816, n° 42;Vente de la collection de Lucien Bonaparte, Paris, 25 décembre 1823-10 janvier 1824, n°49 3,000 Francs;vers 1840, Guillaume Bertrand Scipion de Saint Germain;Par descendance, collection privée à Montauban, France;Vente à Londres, Christie’s, le 10 décembre 2003, n° 66;Galerie Agnew’s Londres;Vente à Londres, Christie’s, le 8 décembre 2015, n° Bozzani, Galleria Bonaparte, Roma, 13 Giugno, Archivio di Stato, Rome Camerale II, Antichità e Belle Arti, 7, fasc. 204, no. 13 d’après Edelein-Adadie, op. Infra; Galleria del Senatore Luciano Bonaparte, Rome, 1808, p. 97, no. 52;Choix de gravures à l'eau-forte, d'après les peintures originales et les marbres de la galerie de Lucien Bonaparte, London, 1812, no. 38 'La Sainte Famille, petit tableau, sur toile, par Nicolas Poussin';W. Buchanan, Memoirs of paintings, with a chronological history of the importation of pictures by the great masters into England since the French Revolution, London, 1824, II, p. 289, no. 50;F. Boyer, Le monde des arts en Italie et la France de la Révolution et l'Empire, Turin, 1970, p. 228, note 2;J. Thuillier, Tout l’œuvre peint de Nicolas Poussin, Milan-Paris, 1974, p119 et 120, comme peut-être de Charles Errard en se basant sur la gravure;J. Thuillier, Nicolas Poussin, Paris, 1994, R. 30, p. 270 idem;D. Martinez de la Pena y Gonzales, 'Sobre la collection de pinturas de Lucien Bonaparte', Miscelanea de Arte, 1982, pp. 252 non vérifié;M. Natoli, 'Lucien Bonaparte, le sue collezioni d'arte e le sue dimore a Roma e nel Lazio 1804-1840', Paragone, Novembre 1990, XLI, pp. 105, 108, note 22;B. Edelein-Abadie, La collection de tableaux de Lucien Bonaparte, prince de Canino, Paris, 1997, pp. 241-242;R. Parment, 'Rouen pourra t-elle acquérir un nouveau Nicolas Poussin?', Normandie, 26 Novembre 2002;C. Wright, Poussin Paintings A Catalogue Raisonné, Londres, 2007, œuvre récemment réapparue et sur laquelle il ne peut se prononcer car il ne l’a pas vue;Maria-Teresa Caracciolo, Lucien Bonaparte, 1775 - 1840, Un Homme libre, notice du tableau, pp. 258 - 260, n° 114, reproduit Nicolas Poussin.Exposition Ajaccio, Palais Fesch, musée des Beaux-Arts, Lucien Bonaparte, 1775 - 1840, Un Homme libre, 24 juin - 30 septembre 2010, n° tableau a été mis en rapport avec une mention de la collection de Don Gaspar Méndez de Haro y Guzmán 1629-1687, 7ème marquis del Carpio et Eliche 1629-1687, vice-roi de Naples à la fin de sa vie, qui possédait une importante galerie comprenant la Madone d’Albe de Raphäel et la Vénus Robeky de Velazquez. Dans l’inventaire de ses biens conservé à Madrid, Palacio de Liria, Archivio Casa de Alba, sous le n°905, une sainte famille est décrite avec un ange –-notre saint Jean-Baptiste ?- de Nicolas Poussin dans la manière de Titien, avec des dimensions légèrement plus petites 44 x 55 cm. Sespeintures passent ensuite dans la famille d’Albe à Madrid. Lucien Bonaparte, jeune frère de Napoléon, collectionnait déjà lorsqu’il était ministre de l’intérieur et des arts en 1799-1800. Cette année-là, il est envoyé comme ambassadeur à Madrid en compagnie des peintres Jacques Sablet et Guillon-Lethière qui le conseillent. On sait qu’il ramène d’Espagne entre 100 et 300 tableaux, certains donnés par le roi Charles IV et d’autres achetés. Suite à un désaccord avec son frère, il doit s’exiler à Rome en 1804, et fournir une liste des objets qu’il déménage depuis Paris, pour se conformer à la réglementation italienne de l'époque. Notre toile y figure. Elle a donc été achetée soit à Madrid, soit à Paris entre 1800 et 1804, et ensuite elle est régulièrement citée comme lui appartenant. Lucien obtiendra à Rome un autre Poussin, le Massacre des Innocents Chantilly, Musée Condé de la famille Giustiniani. Notre Sainte Famille est ensuite acquise par Scipion de Saint-Germain vers 1840. Important médecin et auteur de publications, il était conseillé par Aimé Charles His de la Salle 1795-1878. Conservé chez ses descendants jusqu’en 2003, le tableau n’était connu des spécialistes que par la gravure de Silvestrini de 1812 dans le catalogue de la vente de Lucien Bonaparte. Depuis sa réapparition, il est daté du début du premier séjour romain, soit vers 1626/27. Le jeune artiste est arrivé à Rome dans l'hiver 1623-1624, après un bref séjour à Venise. Très vite, il est protégé par d’importants mécènes comme Cassiano dal Pozzo ou Francesco Barberini, pour qui il peint la Mort de Germanicus, et multiplie les bacchanales ainsi que des sujets religieux de moyen format pour les collectionneurs. Ces années sont marquées par une grande influence de Titien. La consécration arrive en 1628 avec la commande du Martyre de saint Erasme destiné à la basilique Saint-Pierre. Notre toile peut être rapprochée du Repos pendant la Fuite en Egypte du Szépmüvészeti Museum de Budapest 57 x 74 cm où l’on retrouve un saint Jean-Baptiste proche du notre, le linge suspendu entre les arbres, et un saint Joseph séparé du groupe central, absorbé dans sa lecture. On peut aussi le comparer à un autre Repos pendant la Fuite en Egypte avec saint Jean-Baptiste » inachevé vente anonyme, Londres, 11 juillet 2001 Christie’s, n°54 donné vers 1626 et avec des peintures mythologiques, en général datées de 1627 Céphale et Aurore collection privée, Mars et Vénus Boston, Museum of Arts, Acis et Galathée Dublin, National Gallery, avec ce motif d’un drap accroché aux branches et des putti Mellin vers 1598-1649, ami proche et rival de Poussin dans la commande de la chapelle de la Vierge à Saint-Louis-des-Français, s’est inspiré de notre composition, en la renversant, pour sa Sainte famille collection particulière, catalogue exposition Charles Mellin à Nancy, 2007, la suite de sa carrière, Nicolas Poussin peindra près d’une quinzaine de fois le sujet du Repos pendant la Fuite en Egypte, et presque autant de Sainte famille avec le Baptiste », variant le nombre de personnages, introduisant des paysages ou des bâtiments antiques, s’éloignant des modèles vénitiens pour s’inspirer de Raphaël. Celle-ci, qui hésite encore entre ces deux iconographies, entre une frise classique majestueuse et la séduction baroque d’un pinceau rapide, contient déjà les prémices de son art à venir, tout en conservant un aspect intimiste d’une scène familiale remplie de tendresse. Maître Christophe JORON DEREM le 19/12/2017 - PARIS Artemisia GENTILESCHI Rome 1593 - Naples 1652 Sainte Catherine d'Alexandrie Artemisia GENTILESCHI Rome 1593 - Naples 1652 Sainte Catherine d'Alexandrie Toile 71 x 71 cm Restaurations anciennes, déchirures et manques Estimation 300 000 / 400 000 € Ce tableau doit être mis en rapport avec la Sainte Catherine de la Galerie des Offices à Florence inv. 8032, datée vers 1614-16, c'est à dire de la période florentine de l'artiste lorsque l'influence de son père Orazio est encore présente. La composition d'ensemble, à mi-corps, les positions des bras et des mains, et les dimensions sont similaires 76 x 62 cm, mais on note d'importantes variantes. A Florence, la figure est coiffée d'une imposante couronne ornée de pierres de couleur, alors qu'ici elle porte un turban dont un pan de tissu retombe derrière l'épaule ; dans le premier, la palme est plus basse et coupée par le bord gauche de la toile; enfin la roue dentée est dans l'angle inférieur gauche, sous la main de la sainte et non pas derrière comme ici. Autre changement, sur la toile des Offices, le voile transparent couvre la poitrine et l'épaule gauche, tandis qu'il part de l'épaule droite et s'étend sur la manche droite ici. Notre oeuvre peut aussi être rapprochée de l'Autoportrait en martyre collection privée, 31,5 x 24, cm au cadrage plus serré sur le tous ces tableaux cités, les historiens de l'art ont affirmé qu'il s'agissait d'autoportraits d'Artemisia, ce qui semble aussi le cas de cette toile. La parenté avec l'Autoportrait en joueuse de luth Hartford, Wadsworth Atheneum est évidente. Certains savants ont remarqué qu'Artemisia pouvait s'identifier à la sainte égyptienne, caractérisée par son refus du mariage et de l'autorité et sa volonté de rester vierge. En fait, sainte Catherine d'Alexandrie est souvent représenté au début du dix-septième siècle Caravage, Madrid, musée Thyssen, vers 1598 ; Guido Reni, Madrid, musée du Prado, vers 1606 .... Le prénom est populaire à Florence parce qu'il est lié à la famille Médicis, pas seulement la reine de France du seizième, mais aussi Catarina de' Medicis, soeur du grand-duc Cosme II 1593-1629, présente à la Cour jusqu'en 1617, date de son mariage avec Ferdinand Gonzague, duc de Mantoue. Artemisia a peint à d'autres reprises ce sujet, puisque dans une lettre du 11 décembre 1635 à Andrea Cioli, elle déclare terminer une Sainte Catherine. Maître Vincent de Muizon et Maître Olivier Rieunier le 11/12/2017 - PARIS Cornelis BAZELAERE documenté à Anvers en 1523, dit le MAITRE AU PERROQUET Vierge à l'enfant tenant un perroquet Cornelis BAZELAERE documenté à Anvers en 1523, dit le MAITRE AU PERROQUET Vierge à l'enfant tenant un perroquet Panneau de chêne, une planche, non parqueté 40 x 32 cm Inscrit en bas ... 47...16?...IANVARIVS* CORNELIS * BAZELAERE FECIT* Restaurations anciennes Estimation 20 000 / 30 000 € La réapparition d'un premier tableau signé et daté par Cornelis Bazelaere constitue un apport inédit à l'histoire de la peinture flamande du XVIe siècle. Une centaine d'ateliers étaient installés à Anvers entre 1500 et 1550. A une époque où signer les oeuvres restait exceptionnel, leurs peintures ont été regroupées par les historiens d'art dans des corpus anonymes portant chacun le nom d'une oeuvre éponyme. Il est aujourd'hui très difficile de rattacher ces ensembles avec les noms des artistes répertoriés dans les documents d'archives. Le style de cette Madone peut être rapproché de celui d’un peintre flamand jusqu'ici non identifié, le Maître au perroquet. Ce nom de convention a été donné par Max. J. Friedländer à un artiste actif à Anvers durant la première moitié du XVIe siècle, proche de Pieter Coecke van Aelst et du maître dit des demi-figures » à cause de la présence fréquente de cet oiseau dans ses tableaux ici sur la main gauche de la Vierge. Il est vraisemblable qu’une partie importante des tableaux classés sous le nom du maître au perroquet » reviennent en fait à Cornelis Bazelaere. Celui-ci est mentionné comme maître dans les registres de la Guilde d'Anvers en 1523 comme maître. Cette corporation, fondée en 1382, a convervé ses registres de comptes et d'inscription des maîtres et élèves depuis 1453 à sa dissolution en 1720. Ces archives ont été publiées en néerlandais et en français par Ph. Rombouts et Th. De Lerius, sous le titre de "De Liggeren en andere historische archieven der Antwerpsche Sint Lucasgilde - Les Liggeren et autres archives historiques de la Guilde anversoise de Saint Luc", de 1872 à 1876 désormais consultables en ligne. Notre peintre y est cité à l'année 1523, dans le volume 2, page 103, comme "scildere" - c'est à dire maître peintre - et non comme apprenti schilder en néerlandais signifie peintre.Stylistiquement notre panneau est marqué par l'influence de Joos Van Cleve, l'un des principaux artistes d'Anvers travaillant entre 1510 et 1540, dont on retrouve ici le visage rond de la Madone. A côté de grands retables, Van Cleve a peint aussi de nombreuses petites Vierges à l'enfant où il introduit les gestes et la monumentalité de la Renaissance italienne ainsi que le modelé doux qui tire son origine du "sfumato" de Léonard de Vinci. Cette influence se perçoit dans notre panneau. Par exemple, la position du bras droit de la Vierge est une lointaine dérivation de la Sainte Anne musée du Louvre de Léonard, et le drapé rouge aux plis marqués tire son ampleur du maître florentin. A l'inverse, les détails très naturalistes, comme les poires au premier plan, qui comptent parmi les premiers exemples de ce qui deviendra ensuite les "natures mortes", se rattachent à la tradition flamande réaliste du XVe siècle. On les trouve déjà chez Van Cleve. La composition peut être comparée à la Vierge à l’enfant dans un tableau du Maître au perroquet, conservé à la Galleria del Collegio Alberoni à Plaisance, avec un baldaquin et un paysage au second plan. Une autre Vierge, très proche, était à la galerie P. De Boer en Amsterdam en 1963 36,5 x 28 cm. On peut envisager que, ici, le fond noir soit un repeint et cache aussi une vue d'extérieur ou un dais, dont on perçoit la trace en lumière rasante. Nous pouvons aussi penser que certains panneaux comme celui-ci ont été rognés à la partie inférieure, pour enlever la signature et les vendre comme des tableaux de Van Cleve, père ou fils d'autres versions de cette composition sont passées en vente sous le nom de Cornelis van Cleve, le fils de Joos, né en 1520. Selon l'inscription sur le parapet, la date est celle du 16 janvier 1547 ou éventuellement 42, ce qui nous a incité à rendre le tableau et le groupe du maître au perroquet à Cornelis Bazelaere cité en 1523 avec cette orthographe précise, plutôt qu'à son fils Cornelis le jeune, lui aussi mentionné dans les 'liggeren" de la guilde de Saint-Luc, écrit "Baseler" en 1553. Notre peintre appartenait à une dynastie d'artistes, comme c'est souvent le cas à cette époque, car plusieurs autres artistes portent le nom Bazelaere, à la sonorité assez française au seizième siècle, la région des Hauts-de-France appartient encore à la Flandre. D'autres artistes, tous aussi mal connus que lui à présent, partagent ce patronyme Adrien Bazelere, inscrit dans le Liggeren d'Anvers op. cit. p. 101, Jean Bazelaire mentionné comme peintre d'ornement et topographe à Arras en 1529 et un Jehan Bazelaert, signalé comme maître-d'oeuvre de l'église de Barbonne Marne en 1526 Thieme-Becker, Lexicon, édition consultée 1911, vol. III, p. 105.Signalons enfin que le perroquet est un des symboles de l’Immaculée Conception. Suivant les écrits médiévaux son plumage est toujours propre, les gouttes d’eau roulent dessus sans le mouiller, comme la Vierge n’est jamais souillée par les péchés. On entendait aussi dans son cri le mot Ave » prononcé par l’ange Gabriel à Marie lors de l’Annonciation Ave est présent dans les peintures de Van Eyck Vierge au chanoine van der Paele, Bruges, Memling, de Cranach Antiquitaten Metz le 09/12/2017 - PARIS Elisabeth Louise VIGEE-LE BRUN Paris 1755 - 1842 Portrait de la Mária Franzcisca Palffy 1773-1821 Elisabeth Louise VIGEE-LE BRUN Paris 1755 - 1842 Portrait de la Mária Franzcisca Palffy 1773-1821 Toile 96 x 74 cm Signé et daté en bas à gauche Vigee [Le B]run / pinxit 1793 Estimation 150 000 / 200 000 € provenance collection du modèle, plus tard comtesse Hunyady von Kéthely à Vienne et château Kéthely Somogy, Hongrie, son fils le comte Joseph János Nepomuk Antal Zsigmond Hunyady von Kéthelyson fils le comte Imre Hunyady 1827-1902 Vienne et château Kéthely son fils le comte Josef Lazlo Emmanuel Mária Hunyady 1873-1942, Vienne et château Kéthely et Ürményson fils le comte Imre Josef Antal Jenö Mária Hunyady von Kéthely 1900-1956, Vienne et château Kéthely, puis Los Angeles lorsque la famille émigre en 1945, fuyant l'invasion soviètique de la Hongrie entreposé chez Knoedler à New York dans les années 1950Collection particulièrebibliographie Elisabeth Vigée-Lebrun, Souvenirs, Paris, édition 1937, vol II, p. portrait de Mária Franzcisca Palffy est cité par Madame Vigée-Lebrun dans son livre de souvenirs publiés en 1835 et 1837, inclus la liste des œuvres exécutées à attitrée de la reine Marie-Antoinette, Vigée-Lebrun comprend dès les premiers mois de la Révolution qu’elle ne peut pas rester en France. En octobre 1789, elle quitte Paris avec sa fille pour un exil qu’elle envisage temporaire. Elle visite l’Italie et passe trois ans à Rome et à Naples. En 1793, elle est invitée à Vienne. La capitale des Hasbourg est alors une ville prospère où l’on donne des bals et concerts tous les soirs. Elle y reste trente mois, logeant dans un premier temps dans une maison des faubourgs de Vienne en compagnie du comte et la comtesse Bystry, puis dans une résidence en location où elle peut exposer ses toiles. L’aristocratie locale lui commande de nombreux portraits près de 54, parmi lesquels ceux de Karoline von Liechtenstein, de Maria Teresa von Paar Notre tableau est situé en plein air, comme la plupart des portraits féminins qu’elle a peints depuis son départ de Paris, alors que ceux antérieurs à 1789 sont dans un intérieur ou sur fond uni. Elisabeth Vigée-Lebrun s’inspire en cela des portraits anglais et d’Angelika Kauffmann, ce qui donne de la fraîcheur et du naturel à l'ensemble. Agée de vingt et un ans, la comtesse Maria Franziska Palffyest vêtue à l’Antique en nymphe des bois, avec des feuilles vertes piquées dans sa coiffure châtain foncée, tenue par un ruban rouge. Les manches de la chemise en mousseline sont attachées aux épaules par une agrafe dorée. Au-dessus, elle porte un manteau rouge Franzciska était le deuxième enfant des quatre qu’eurent le comte János VIII Pálffy ab Erdödi 1728-1791 et la comtesse Maria Gabriela Coloredo-Mannfeld 1741-1801. Deux ans après l’exécution de notre tableau, elle épousa le comte János Nepomuk Hunyandy von Kéthely 1773-1821. Elle appartenait à une famille de mélomanes, comme le montre la partition de Mozart qu’elle tient dans ses mains. Son père était issu d’une grande famille aristocratique hongroise élevée à la dignité de Comte du Saint-Empire, et sa mère aurait eu pour oncle Hieronymus von Colloredo-Mannsfeld 1732-1818, Prince archevêque de Salzbourg, qui avait employé Michael Haydn, Léopold Mozart et Wolfgang Amadeus Mozart en tant que maître de concert pour la cathédrale de cette ville. La famille disposait du Palais Palffy à Vienne, où Mozart alors âgé de six ans avait donné un concert le 16 octobre 1762. Le palais appartenait alors au chancelier hongrois, le Comte Nikolaus Palffy, qui eû notamment un petit-fils contemporain de Mária qui sera ingénieur des mines et directeur du théâtre de Vienne en 1807. Il est connu pour être le protecteur de Beethoven perpétuant ainsi la tradition de mécénat et protectorat de la famille envers la tableau possède une attestation d’authenticité de Mr Joseph Baillo en date du 10 octobre 2017, et sera inclus dans le catalogue raisonné des peintures d’Elisabeth Vigée Le Brun en préparation. ARTCURIAL le 14/11/2017 - PARIS Frans SNYDERS Anvers, 1579 - 1657 Le poissonnier et son étal Frans SNYDERS Anvers, 1579 - 1657 Le poissonnier et son étal Toile 202 x 334 cm Estimation 350 000 / 450 000 € Provenance Très probablement collection de la marquise de Pompadour; sa vente, Paris, rue du Faubourg Saint-Honoré Expert Rémy, 28 avril 1766, lot 2 "Un tableau original, peint sur toile, de 6 pieds 4 pouces de haut sur 10 pieds 4 pouces de large. Ce tableau peut être considéré comme une des plus riche compositions de François Snyders, qui a , comme tous les amateurs le savent, excellé dans le genre des animaux, des poissons, légumes, etc. Il représente des poissons de mer de différentes espèces posés sur une table, par terre, dans un grand bassin de cuivre et dans un panier, et accrochés à la muraille. Au coin du tableau, à droite en le regardant de face, un homme de grandeur naturelle, vu à mi-corps, tient un chaudron dans lequel sont encore des poissons qu'il jette dans un baquet. On croit cette figure d'homme peinte par Pierre-Paul Rubens.pendant du lot 3;Très probalement Vente Rémy, Paris, rue Poupée, 30 juin 1772, lot 546, avec son pendant;Probablement Vente anonyme, Londres, Covent Garden Langford, 27 avril 1775, lot 58, avec son Christie’s, Londres , 10 juillet 1925, lot 126, acquis par Rothschild 160 GnsVente Goetvinck, Bruxelles, galerie Fievez, 17-18 décembre 1926, lot 61, repr. Frans Snyders et Jan van BockhorstSotheby’s, Monaco, 20 juin 1987, lot 355, repr. Frans Snyders, FFGalerie Jean Gismondi, Paris, en 1989 Frans SnydersBibliographieHella ROBELS Frans Snyders, Stilleben- und Tiermaler 1579-1657,Münich, 1989, cat. 30b p. 195 comme une œuvre d’atelierBibliographie en rapport Susan KOSLOW Frans Snyders, peintre animalier et de natures mortes 1579-1657, Anvers, 1995 pp. 135 et suivantesOeuvres en rapport- Frans SNYDERS L’étal du poissonnier toile, 210 x 341 cm, signé fecit, situé autour de 1620, ancienne collection Crozat conservé au musée de l’Ermitage à Saint-Petersbourg- Atelier de Frans Snyders, L’étal du poissonnier toile, 202 x 337 cm, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, inv. 1925, 1926 et encore en 1987, l’Etal du poissonnier était présenté avec L’étal du marchand de gibier toile, 205 x 341 cm, signé en bas à droite Snyders, vers 1630, repr. ci-contre. Ce tableau est entré en 2014 dans les collections du Los Angeles County Museum of Art après avoir été authentifié par Hella Robels comme une œuvre de Frans Snyders et Cornelis de Vos pour le personnage, bien qu’elle l’ait publié en 1989, sans avoir pu le voir, comme une œuvre de l’atelier de Snyders Cf. ROBELS, Cat. n°50a. En 1995, Susan Koslow le publie aussi comme une œuvre de Frans Snyders Cf. KOSLOW, ill. 438, p. 333.Au XVII° siècle, le marché aux poissons d’Anvers était un point d’approvisionnement pour les provinces méridionales. Un marché couvert de 75 étals appartenant aux archiducs proposait des poissons d’eau de mer tandis qu’à l’extérieur se négociaient les poissons d’eau douce. La richesse des étals est une source d’inspiration pour Frans Snyders qui traite plusieurs fois le sujet. Si les poissons sont d’un grand réalisme, les étals eux-mêmes présentent des espèces qui ne devaient pas être vendues au même endroit. Frans SNYDERS L’étal du poissonnier toile, 210 x 341 cm, signé, Saint-Petersbourg, Musée de l’Ermitage Frans SNYDERS L’étal du poissonnier toile, 253 x 375 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum HOTEL DES VENTES DE COUTANCES le 25/02/2017 - PARIS Jacob van HULSDONCK Anvers 1582- 1647 Oranges, citrons et grenades dans une coupe Wan-Li sur un entablement de pierre Jacob van HULSDONCK Anvers 1582- 1647 Oranges, citrons et grenades dans une coupe Wan-Li sur un entablement de pierre Panneau de chêne, une planche, non parqueté 27 x 34 cm Estimation 80 000 / 120 000 € On connait plusieurs natures mortes de cet artiste, plus grandes, mêlant agrumes et grenades ouvertes dans un bol / plat Wan-Li de la dynastie Ming, au J. Paul Getty Museum à Los Angeles 42 x 49,5 cm, signée, acquise en 1986, sur le marché d'art galerie Heim à Paris en 1975, galerie Segoura à Paris en 1985, galerie Johny van Haeften à Londres en 2005, 41,5 x 56 cm, non signée, à la Galerie Eric Turquin à Paris en 1989 48,5 x 72 cm, non signée, ou encore dans la vente à Paris, hôtel Drouot, Ader tajan, le 26 avril 1993, lot 32 46,5 x 61 cm, signée. La nôtre montre les mêmes éléments, un peu moins nombreux, et disposés différement grains de grenade sur l'entablement, une mouche sur l'un des fruits, des rameaux de feuilles et de fleurs à l'arrière, des citrons ouverts à moitié et en même plat chinois bleu-et-blanc , légèrement tourné différemment, mais avec exactement les mêmes motifs se retrouve dans d'autres natures mortes de symbolique des natures mortes de la première moitié du XVIIe siècle a été très étudiée. On se contentera de rappeler qu'il s'agit de remercions Monsieur Fred Meijer pour avoir bien voulu nous confirmer l'attribution d'après photographie Maître Gérald Richard le 15/10/2016 - PARIS Jan MASSYS Anvers 1509 - 1575 Saint Jérôme dans son atelier Jan MASSYS Anvers 1509 - 1575 Saint Jérôme dans son atelier Panneau de chene, trois planches, non parqueté 72 x 99,5 cm Signé en bas à gauche IOANES MASSIIS PINGEBAT et daté 1571 restaurations anciennes Au dos une inscription à l'encre brune Estimation 80 / 120 000 € Jan fut formé par son père Quentin Metsys, peintre qui introduisit la Renaissance à Anvers. Banni de cette ville comme protestant en 1544, il alla en Italie ce qui lui permit de connaître les artistes maniéristes de son temps. Signalé à Gènes en 1550, il revint dans sa ville natale en connait de Jan Massys d’autres représentations différentes avec saint Jérôme en lettré, dans sa bibliothèque, regardant vers la gauche, datées antérieurement Vienne, Kunsthistorisches Museum -1537- ; Madrid, musée du Prado - ca. 1540 -, Rouen, musée des beaux-arts ; localisation inconnue, 1539. Cette composition avec le père de l'église tourné vers la droite est inédite. On admirera dans notre panneau la finesse des détails de la nature morte, notamment les livres et leurs fermoirs métalliques ou le crâne, ainsi que le paysage urbain par la fenêtre, à gauche, avec deux dromadaires qui rappellent que le saint avait vécu longtemps en Terre signature en lettres bâton est conforme aux habitudes du peintre. D'autes tableaux sont signés de la même façon le Louvre écrit à propos du sien "signature crédible " dans son catalogue de 2009. Il signe souvent son prénom avec deux N, mais parfois aussi avec un seul comme la Sainte Famille du musée d'Anvers, la célèbre Flore du Nationalmuseum de Stockholm de 1561, ou encore dans le "Couple mal assorti" du même musée, de 1566. Dans ce cas, on a un trait horizontal au-dessus. Me Le Floc'h le 02/10/2016 - PARIS Le Maître de FRANCFORT né vers 1460 - actif à Anvers entre 1596 et 1520 La Crucifixion Le Maître de FRANCFORT né vers 1460 - actif à Anvers entre 1596 et 1520 La Crucifixion Panneau de chêne, parqueté 83 x 71,5 cm Estimation 150 / 200 000 € A l’exception de maîtres clairement identifiés comme Quentin Metsys ou Jan de Beer, l’essentiel de la production picturale anversoise du premier tiers du XVIe siècle est non signée et répartie entre différents groupes qui portent des noms de conventions. Celui du maître de Francfort » a été proposé en 1929 par Walter Friedländer pour désigner un artiste anonyme, actif à Anvers vers 1500, juste avant la génération de peintres qui va introduire les premiers éléments de la Renaissance italienne. L’historien d’art regroupa une soixantaine d’œuvres autour de deux triptyques conservés à Francfort retable de Sainte-Anne peint pour l’église de Dominicains, musée historique de Francfort ; retable de la Crucifixion, peint pour Claus Humbracht, Francfort, Städel Museum. Son style est celui d’un peintre ancré dans la tradition de Robert Campin et de Rogier van der Weyden, parfois légèrement influencé par Hugo van der Goes, connaissant les gravures de Schongauer et insensible aux peintres de Bruges comme Memling et Gérard David. Il n’était pas d’origine allemande comme on l’a crû parfois, simplement certains de ses commanditaires y résidaient ce qui explique que plusieurs de ses tableaux y soient encore conservés. En revanche, il n’est pas impossible qu’il s’y soit rendu. Son Autoportrait avec sa femme Anvers, musée royal des beaux-arts fait mention de son âge, 36 ans, et la date 1496, ce qui permet de situer sa date de naissance vers 1460. Son identité a été fort débattue on a proposé les noms de Jan de Vos mentionné à Francfort en 1512, de Hendrick van Wueluwe on pourrait lire un monogramme W » sur l’un des tableaux de ce groupe ; voir le catalogue de l’exposition Extravagants ! A Forgotten chapter of Antwerp painting 1500-1530, les recherches de Friedländer, le nombre de peintures qu’on a attribuées à ce maître a plus que doublé pour se situer autour de 130 à 150 tableaux, mais certaines compositions possédant des répliques inégales ou d’atelier, font monter le total à 250 œuvres. Le nom de maître de Francfort » était alors donné à des tableaux anversois possédant des caractéristiques stylistiques communes, certains étant considérés comme des chefs-d’œuvre de cette école, par exemple la Fête des archers Musée royal des beaux-arts d’Anvers. La monographie de Stephen H. Goddard, publiée en 1984, a tenté de départager ce corpus en trois groupes principaux le maître et deux élèves très proches, l’un d’eux étant appelé le Maître de San Diego », par référence au triptyque avec le mariage de sainte Catherine conservé au San Diego Museum of art. Actuellement, on considère que le maître de Francfort », regroupe plusieurs ateliers différents. Nous remercions Monsieur Peter van den Brink qui nous a indiqué que ce panneau présentait des affinités avec le Maître dit de San Diego, mais qu’il est de meilleure qualité que ce groupe et que la douceur de certaines figures était plus proche de la peinture des Pays-Bas les œuvres anversoises du début du 16 e siècle encore en mains privées, ce panneau est l’un des plus beaux, des plus équilibrés qui nous soient parvenus. Il doit le Christ décharné sur une croix en Tau, encore gothique, et la position de la Vierge soutenue par saint Jean aux compositions créées par Rogier van der Weyden notamment le triptyque du Kunsthistorisches Museum à Vienne, les lointains bleutés, la présence végétale importante avec une façon particulière de détailler les feuilles des arbres et de couvrir le sol de plantes comme une tapis d’herbes, sans une roche ou de la terre visible, se retrouvent dans les autres œuvres du maître de Francfort, tout comme le magnifique brocard de Joseph d’Arimathie au pied de la le rapprochera justement de la crucifixion au centre du triptyque éponyme de Francfort, plus grand 118 cm de hauteur. La composition est différente mais les principaux protagonistes sont placés dans le même ordre, à l’exception de Marie-Madeleine. Sur notre panneau, on admirera la qualité et la richesse des détails, toujours fascinantes chez les maîtres flamands la description des costumes, les cavaliers en armure et leur serviteur au second plan, les bijoux portés par deux hommes à droite, ou encore le centurion qui tient le drapeau qui semble être un portrait. EVE Me Alain LEROY le 08/06/2016 - PARIS Jean Baptiste PERRONNEAU Paris ca. 1715 - Amsterdam 1783 Portrait de Aignant Thomas Desfriches Jean Baptiste PERRONNEAU Paris ca. 1715 - Amsterdam 1783 Portrait de Aignant Thomas Desfriches Pastel 60 x 50 cm Signé et daté 1751Au revers, trois étiquettes Estimation 120 / 150 000 € Historique Orléans, collection d'Aignan Thomas Desfriches; sa veuve; sa fille, Perpétue Félicité Desfriches, épouse de Jean Cadet de Limay 1745-1834; sa petite-fille, Marie-Clotilde Cadet de Limay, épouse d'Alexis Ratouis; ses fils, Henri Ratouis de Limay 1863-1951 et Paul Ratouis de Limay 1881-1963. Expositions Paris, Salon de 1751, n°83, Exposition des Beaux-Arts d’Orléans, Orléans, 17 au 26 mai 1884, n°498 ; Cent pastels du XVIIe siècle..., Paris, galerie Georges Petit, 18 mai-10 juin 1908, n°91 Exposition de pastels français du XVII et du XVIIIe siècles… , Paris, Hôtel Jean Charpentier, 23 mai-26 juin 1927, n°100 catalogue par Emile Dacier et Paul Ratouis de Limay, Paris-Bruxelles, 1927,n°80 A-T Desfriches 1715-1800, Orléans 1965-66, n°239, ill. Bibliographie Dumesnil, 1858, III, p. 64, n°2, non ill.; Ratouis De Limay, 1907, p. I-III, 33, ill. frontispice; Roger-Milès, 1908b, Vaillat et Ratouis de Limay, [1909], n°39, id., 1923, 215, Ratouis de Limay, 1946, pl. XVIII/26; Cuénin, 1997, Klinka-Ballesteros, 2005, ill.; Jeffares, 2006, p. 401, col. B, photo 2; [en ligne 25 septembre 2014], part. II, ill. Dominique d'Arnoult, Jean-Baptiste Perronneau, ca. 1715-1783. Un portraitiste dans l'Europe des Lumières, Paris, 2014 avec bibliographie antérieure, p. 239-240, n°97Pa, reproduit en couleur p. 96 Même s’il a parfois peint sur toile, Jean-Baptiste Perronneau est avant tout un très grand pastelliste, rival de Maurice Quentin de La Tour dans les expositions des Salons de l’Académie royale entre 1750 et 1780. Ses œuvres sont emblématiques de l’Europe des Lumières, du mode de vie et de l’esprit du 18e siècle français. Si le premier est connu pour ses portraits de la cour et de l’aristocratie, Perronneau représente la classe en plein essor de la bourgeoisie active des villes, éclairée, à l’origine des bouleversements industriels, commerciaux et intellectuels qui mèneront à la Révolution. Ne souhaitant pas être attaché et dépendant d’un prince, il est un artiste itinérant et travaille pour une clientèle privée à Paris dans un premier temps. Très vite il est réclamé en province et à l’étranger, en Hollande, en Allemagne et en Pologne. Il passe à plusieurs reprises à Orléans, car il est ami avec Aignan Thomas Desfriches 1715-1800, un négociant né la même année que lui, enrichi par le commerce de gros, de sucre notamment et un amateur qui entretient une correspondance avec de nombreux artistes, Charles Nicolas Cochin, Charles Antoine Jombert, Charles Michel-Ange Challe, Jacques Augustin de Silvestre, Joseph Vernet, Claude Henri Watelet et Johan George Wille. Il cherche à les attirer à Orléans et leur commande des tableaux. Il est un véritable "trait d'union entre la province et Paris" et le généreux "hébergeur de l'Ecole française" suivant les mots de Chennevières et Ratouis de Limay en 1907. Desfriches a reçu des leçons de Nicolas Bertin et de Natoire où il a pour condisciple Perroneau ; il est aussi un dessinateur de paysages et parfois portraitiste de ses proches. Il est à l’origine de l’Ecole gratuite de dessins 1786 et du Museum d’Orléans 1797. Il a invité notre peintre à plusieurs reprises, lui ouvrant le cercle de ses relations. Après un premier voyage à Orléans en 1744, Perronneau y séjourne en 1751, puis en 1765-66 et y retourne dix ans plus tard en 1772. Il a peint presque tous les membres de la famille Desfriches. Ces pastels ont été conservés par ses descendants, les Ratouis de Limay qui ont contribué à leur étude en publiant un livre. Au début du XXe siècle, l’historien d’art et collectionneur Philippe de Chennevières a raconté sa découverte de ces œuvres dans l'appartement parisien de la famille. La monographie que Madame Dominique d’Arnoult a consacrée à Perroneau en 2015 a permis de connaitre son œuvre de façon complète. A propos de ce pastel, elle écrit Perronneau exécute un portrait éclatant en rendant, par un métier dense et par la vigueur de la touche, l’expression directe et retenue du modèle. Il le représente en dessinateur et vêtu de la robe de chambre qui caractérise l'amateur, ici de soie peinte agrémentée de l'un des foulards de Madras que son modèle importait et que l'on trouve également sur les portraits de ses amis. Il est figuré muni du carton à dessin du dessinateur et du collectionneur ». Parmi les autres portraits connus de Desfriches, citons la gravure de Jean Daullé d'après Charles Nicolas Cochin et ceux par Donat Nonnotte musée des Beaux-Arts d'Orléans, 1739, en buste par Pigalle idem, vers 1760 et une cire par Jean Antoine Houdon vendue à l’hôtel Drouot en 2005. Hôtel des Ventes de Montecarlo le 30/04/2016 - PARIS Gaspard DUGHET Rome 1615 -1675 Paysages animés Gaspard DUGHET Rome 1615 -1675 Paysages animés Ensemble de seize toiles Provenance collection particulière, Londres Estimation de l'ensemble Estimation 150 000 / 200 000 € Avec Nicolas Poussin et Claude Lorrain, Gaspard Dughet est l’un des principaux acteurs de la peinture de paysage du XVIIème siècle. Elève de Poussin jusqu’en 1635, après que ce dernier a épousé sa sœur Anne-Marie en 1630, Dughet a dès ses débuts une très forte attirance pour le paysage. De longues excursions dans la campagne romaine développent en lui le goût et l’amour de la nature. Cependant, Dughet s’affranchit vite de l’influence et de l’intellectualisme de Poussin pour se concentrer sur des paysages plus proches de la réalité, où la chaude lumière romaine révèle quelque berger au détour d’un sentier, ruisseaux, arbres et montagnes étant le sujet principal de ses toiles. Il reçoit sa première commande d’importance en 1635, pour le piano nobile du Palazzo Muti-Bussi à Rome, où il réalise un ensemble de quatorze paysages à fresque. Parmi ses commanditaires, on retrouve les Pamphilij pour leurs palais du Corso et de la place Navone ainsi que du Valmontone, les princes Colonna et Borghèse. Déjà très recherchée par ses contemporains, son œuvre connaîtra une grande vogue au siècle suivant, connue en Angleterre par le biais du Grand Tour, influençant fortement des artistes tels que Richard Wilson et John Dughet démontre ici tout son talent de décorateur, dans seize toiles qui forment un ensemble exceptionnel. En effet, les quelques cycles décoratifs conservés aujourd’hui sont le plus souvent des fresques, encore en place, comme celles du Palais Colonna ou du Palais Pamphilij. Nos toiles peintes a tempera, d’une grande fraîcheur, illustrent parfaitement l’art de Dughet. Son goût de la nature est ici palpable, rien ne trouble la quiétude de ces paysages, où un vent léger balance la ramure des arbres. Les quelques figures qui les animent, comme autant de taches de lumière colorées, invitent le regard à suivre sentiers et cours d’eau qui serpentent jusqu’aux montagnes. On ressent ici toute la mystérieuse poésie qui imprègne l’œuvre de Dughet et qui fit son succès. L'HUILLIER le 04/04/2016 - PARIS Hyacinthe RIGAUD Perpignan 1659 - Paris 1743 Portrait de Henri-Oswald de La Tour d'Auvergne Hyacinthe RIGAUD Perpignan 1659 - Paris 1743 Portrait de Henri-Oswald de La Tour d'Auvergne Toile, visage inclus dans la toile 146 x 112 cm Signé et daté en bas à gauche fait par hyacinthe / rigaud chevalier de / l'ordre de st michel / 1735Petits manques et restaurations anciennes Au revers, sur le châssis, un numéro au crayon n°498 Estimation 120 / 150 000 € Provenance Henri-Oswald de la Tour d’Auvergne, 1747 ; Julie de La Tour d’Auvergne, duchesse de Bouillon et Montbazon, 1750 ; Charles Godefroy de La Tour d’Auvergne, 5ème duc de Bouillon, 1771 ; Godefroy Charles Henri de La Tour d’Auvergne, 6ème duc de Bouillon, 1792 ; Jacques Léopold de La Tour d’Auvergne, 7ème duc de Bouillon, 1802 ; Collection particulière ; Par descendance. Bibliographie Mercure de France, octobre 1749, p. 161 [Le Sieur Drevet, Graveur du Roi, vient de finir le portrait du Cardinal d’Auvergne, gravé d’après le célèbre Rigaud] ; François Basan, Dictionnaire des graveurs anciens et modernes depuis l’origine de la gravure, avec une notice des principales estampes qu’ils ont gravées…, Paris, de Lormel, Saillant, Vve Durand,1767, I, [Le Cardinal d’Auvergne, assis. m. p. en hauteur, d’après Rigaud] ; Joseph Roman, Le livre de Raison du peintre Hyacinthe Rigaud, Paris, 1919, p. 208 [localisation inconnue] ; Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud, 1659-1743. Le peintre des rois, Les Presses du Languedoc, Montpellier, 2004, et 155 ; Gilberte Levallois-Clavel, Pierre Drevet 1663 – 1738, graveur du roi, et ses élèves, Pierre-Imbert Drevet 1697-1739, Claude Drevet 1697 – 1781, thèse de doctorat 2005, I, p. 145 ; Stéphan Perreau, Belle moisson d’écoles de Rigaud en ce printemps 2012 [en ligne], 29 avril 2012, Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud 1659 – 1743. Catalogue concis de l’œuvre, Nouvelles Presses du Languedoc, Sète, 2013, repr. et pl. XXX. Détenu en mains privées depuis sa création, le portrait d’Henri-Oswald de La Tour d’Auvergne 1671-1747, archevêque de Vienne puis cardinal d’Auvergne, est peint par Hyacinthe Rigaud entre 1732 et 1735. Inédit sous ce titre jusqu’en 2013 , il témoigne de l’art d’un artiste parvenu au faîte de sa gloire, très tôt considéré par ses contemporains comme le premier peintre de l’Europe pour la ressemblance des hommes et pour une peinture forte et durable ». Parti de sa Catalogne natale pour quelques années formatrices à Montpellier dans l’atelier de Paul Pezet et probablement d’Antoine Ranc, Rigaud gagne rapidement Lyon, plaque tournante du commerce dans le royaume. Il y noue des liens durables avec les graveurs locaux, les Drevet, et s’y constitue une clientèle aisée de marchands, de banquiers et de drapiers, qu’il retrouve à son arrivée à Paris en 1681. Entré à l’Académie royale après avoir remporté le premier prix de Rome en 1682, il gravit tous les échelons de l’auguste institution jusqu’à en devenir, au crépuscule de sa vie, le directeur respecté et admiré. Depuis qu’il a eu l’honneur de peindre les trois plus grands Rois du Monde [Louis XIV, son frère et Madame, Louis XV, Philippe V d’Espagne] ainsi que tous les princes du sang jusqu’à la quatrième génération en ligne directe», le portraitiste n’a jamais laissé d’être sollicité par toutes les familles nobles du royaume, la majeure partie des financiers et, surtout, par les grands princes de l’Eglise». Dans un catalogue constitué de plus de 1400 numéros, émergent en effet quelques opéra au décorum d’une prodigieuse richesse, tranchant avec la simplicité des bustes majoritairement produits. A l’instar d’un Bossuet, d’un Noailles, d’un Colbert ou d’un Bouillon, qui ne regardent pas à la dépense, la grande majorité des évêques et archevêques français passent par l’atelier de Rigaud. À l’heure où il s’agit pour Monseigneur de La Tour d’Auvergne de briller, lui aussi, il n’exige rien de moins qu’une œuvre peinte sur une toile de 4 francs soit environ un mètre quarante par un mètre dix. En cette année 1732 où le Catalan fait inscrire en tête d’une nouvelle page de ses livres de comptes le paiement des 3000 livres ordinairement réclamés pour un tel format , le prélat multiplie les titres nouvellement acquis Grand Prévôt de Strasbourg, archevêque de Vienne, grand aumônier du roi et commandeur des ordres. Pour cette commande, Rigaud ne reçoit pas son modèle dans son riche appartement de la rue Louis-le-Grand. En effet, et bien qu’il n’y soit pas naturellement enclin, il lui faut parfois céder à l’insuffisante disponibilité de certains clients de haut rang et accepter les quelques séances de pose qu’on peut lui concéder. Il se contente alors de fixer les traits de son modèle sur une petite toile aisément transportable, laquelle est destinée à être incorporée » cousue ou marouflée dans une composition finale de plus grande envergure qui doit être achevée au retour du peintre, dans le calme de son atelier. C’est le cas du portrait de l’archevêque d’Auvergne. Rigaud n’en est pas à son coup d’essai, ayant déjà utilisé cette technique lorsqu’en 1696 il s’est rendu à l’abbaye de La Trappe près d’Alençon pour capturer » de mémoire la tête du fameux abbé homonyme. Il l’a ensuite adaptée à Paris, sur une toile en grand » en y joignant le corps, le bureau et tout le reste ». En 1701, il a renouvelé l’opération à Germiny, en peignant la tête de l’évêque Bossuet destinée à son grand portrait en pied en habit d’hiver » Paris, musée du Louvre . En mars de la même année, à Versailles, il a également procédé de la même manière pour les premières esquisses du visage du roi en vue d’un grand portrait en costume royal, devenu célèbre Paris, musée du Louvre Jeudi 10, à Versailles, La goutte du roi continue, il se fait peindre l’après-dîner par Rigaud pour envoyer son portrait au roi d’Espagne à qui il l’a promis ». Le marouflage de la tête sur l’œuvre finale se voit d’ailleurs encore très nettement, en lumière rasante, tout comme dans le spectaculaire portrait du cardinal de Bouillon, peint entre 1708 et 1741, et conservé au musée Rigaud de Perpignan. L’artiste choisit donc de représenter l’archevêque d’Auvergne à mi-corps, tourné vers la droite de la composition et assis dans un somptueux fauteuil de style rocaille se détachant d’un fond neutre en clair-obscur. Il lui fait tenir dans la main droite une barrette de velours à pompon avec, à l’annulaire, la bague faite d’une pierre verte façon d’émeraude montée sur son chaton et anneau d’or » que l’on retrouvera dans un petit baguier de chagrin lors de son inventaire après décès. De l’autre main, l’archevêque est invité à froisser délicatement le pallium que lui a confié le pape, ornement bien reconnaissable avec ses quatre précieuses agrafes en or et rubis, ses bouts plats de plomb recouverts de soie noire et ses cinq croix pattées. Ostensiblement disposée, à droite de la composition, sur une riche table au pied mouvementé orné d’une feuille d’acanthe, l’élégante pièce de tissu semble autant une évocation du pouvoir conféré par le Vatican au modèle qu’un prétexte à Rigaud pour montrer ses talents à peindre les matières d’après le vrai ». Trois livres de maroquin symbolisant la réputation de bibliophile acquise par l’archevêque, ainsi qu’une mitre d’étoffe d’argent glacée à galon et une crosse attributs de ses charges sacerdotales, parachèvent la mise en scène. Derrière, à gauche, on aperçoit le fût d’une colonne cannelée, habillé d’un ample drapé volant fait d’un velours lie-de-vin galonné d’or. Plutôt que de revêtir une simple soutane d’archevêque à camail, Henri-Oswald a choisi de porter l’habit caractéristique des Chanoines et grands Prévôts de la cathédrale de Strasbourg, habit à brandebourgs qu’il avait d’ailleurs contribué à introduire dans le Chapitre au début du XVIIIème siècle Les grands Chanoines de Strasbourg portaient pour habit de chœur, sous un surplis à la Romaine à très-hautes dentelles, une longue simarre de velours rouge à manches pendantes et queue trainante, doublé d’un taffetas de même couleur, avec des Brandebourgs tressés d’or et de soye, & une aumusse d’hermine entremêlée de petit gris doublée en rouge, qu’ils mettent sur les épaules en forme de camail». L’archevêque n’oublie pas de demander la représentation, à son cou, du cordon bleu et de sa croix de commandeur de l’ordre du Saint Esprit obtenu en 1733, en cours d’élaboration du portrait qui n’est achevé qu’en 1735, comme l’atteste la signature discrète de l’artiste, dans l’ombre du fauteuil, en bas à gauche. Comme à son accoutumée, Rigaud a pris un soin tout particulier au rendu des détails, profitant d’un repli sur le devant de l’aumusse pour faire apparaître la doublure de taffetas rouge. La qualité de l’ample surplis de grande dentelle au point de Paris est également prétexte à la plus grande des virtuosités, illustrant combien le maître a su varier les étoffes de cent manières différentes pour les faire paraître d’une seule pièce par l’ingénieuse liaison des plis. Le portrait d’Henri-Oswald de La Tour d’Auvergne semble ainsi, encore aujourd’hui, rendre parlantes les louanges que l’on portait à l’art de son auteur, affirmant que s’il peignait du velours, du satin, du taffetas, des fourrures, des dentelles, on y portoit la main pour se détromper ; les perruques, les cheveux, si difficiles à peindre, n’étaient qu’un jeu pour lui ». Si l’attitude ne déroge pas à une certaine tradition consistant à mettre en scène un prince de l’Eglise dans un intérieur de palais, c’est que cette effigie doit rivaliser avec celles des cardinaux de Rohan 1710, de Bissy, de Polignac 1715, Dubois 1723 et de Fleury 1727 ou avec celles des archevêques de Narbonne 1715, de Cambrai 1723 et de Paris 1731. Toutefois, elle est suffisamment nouvelle pour satisfaire l’orgueil du futur cardinal, empruntant à ses prédécesseurs ici un drapé, là une pièce de mobilier. Reprise l’année suivante avec de menues variantes, pour le portrait d’un beau-frère de notre modèle, Armand-Jules de Rohan 1695-1762, archevêque de Reims ci-dessous , elle vient s’inscrire dans la lignée des portraits de la famille et offre un véritable instantané des charges obtenues par Henri-Oswald de la Tour d’Auvergne. Au commencement de l’année 1739, l’œuvre de Rigaud est gravée en contrepartie à la demande du médecin personnel du cardinal, Jean-François Vallant, également connu comme médecin de la faculté de Montpellier et des écuries du roi. Claude Drevet 1697-1781, l’un des transcripteurs attitrés du peintre, est tout naturellement choisi pour réaliser la planche car il bénéficie du soutien du modèle alors qu’il souhaite conserver un logement au Louvre. Mort cardinal, celui qui n’est à ses débuts qu’ abbé d’Auvergne » est un personnage haut en couleurs. Infatigable voyageur, partagé entre son hôtel parisien du faubourg Saint-Germain, ses obligations à la cour et en province Cluny, Vienne, Strasbourg ou à l’étranger Rome, il est né le 5 novembre 1671 près d’Anvers. Quatrième enfant vivant du lieutenant général Frédéric-Maurice de la Tour d’Auvergne 1642-1707, comte d’Auvergne et d’Oliergues, marquis de Lanquais, et de sa première épouse, la princesse Henriette-Françoise von Hohenzollern-Hechingen 1642-1698, marquise de Bergen-op-Zoom, il hérite d’une histoire familiale parfois mouvementée et contestée. Si son père s’est principalement illustré dans les armes, ses aïeux furent à l’origine de bien des titres dont le jeune abbé va pouvoir se targuer. Décidés à faire reconnaître une princerie » qui apparaît comme défaillante tant chez eux que chez les La Tour auxquels ils se sont alliés, les premiers Bouillon se sont en effet arrogé la principauté de Sedan. Louis XIV, qui craint la souveraineté de la place, a convaincu le grand-père d’Henri-Oswald, le frondeur Frédéric-Maurice 1605-1652 et son frère, le fameux Turenne 1611-1675, d’échanger Sedan contre les duchés-pairies d’Albret et de Château-Thierry, additionnés des comtés d’Auvergne et d’Évreux. Par brevet royal, en avril 1649, l’ensemble des membres des deux familles vont pouvoir jouir du rang et préséances appartenants à leur maison et [être] traitées comme les autres princes issus de maisons souveraines habituées en ce Royaume ». Ce fait est décisif dans la carrière d’Henri-Oswald puisqu’il lui permet de paraître à la cour sur un pied d’égalité avec les plus anciennes familles de France et, surtout, de se prétendre plus légitime que ses confrères moins bien nés. Cependant, son ascension ne serait sans doute pas si fulgurante sans la présence à ses côtés de son oncle, le fameux cardinal de Bouillon 1643-1715. Ce grand prélat, véritable Lucifer français» qui vivait dans la plus brillante et la plus magnifique splendeur» selon Saint-Simon, est mis au banc du royaume après avoir essuyé de nombreux différents avec Louis XIV. Deux fois exilé mais resté jusqu’à sa mort dans l’ombre de son neveu, il se place auprès du pape en ayant l’honneur d’ouvrir la Porte Sainte à Rome lors du Jubilé de 1700. Auréolé de cette gloire, il entreprend de se faire peindre par Rigaud en 1707, dans toute la pompe de ses charges. Le tableau restera longtemps la propriété du peintre à la suite du décès du modèle. Un simple acompte de 1000 livres sur les 8000 prévues est versé en 1708 et son auteur a toutes les peines du monde à en obtenir le solde. Au prix d’un rabais de 1000 livres, l’abbé d’Auvergne règle finalement l’affaire en accordant à l’artiste une rente de 300 livres sur un principal réduit de 6000 livres, récupère le tableau et le conserve jusqu’à sa mort. Henri-Oswald obtient dès 1684, et grâce à son oncle, un canonicat en l’église de Liège, dépendante du duché de Bouillon et est, à la même époque, le premier Français à accéder au chapitre de la cathédrale de Strasbourg. Cette place, chère à son cœur, ne pourrait être acquise sans l’héritage de ses aïeux car l’on y exige d’importants quartiers de noblesse Le chapitre de la cathédrale de Strasbourg est un des plus nobles qu’il y ait dans l’Eglise. Pour y être reçu chanoine, il faut faire preuve de huit quartiers de haute noblesse du côté paternel, & d’autant du côté maternel. La qualification de haute-noblesse exclut les simples gentilshommes, & elle exige une extraction de princes et comte de l’empire pour les Allemands, & de princes, ducs & pairs, ou maréchaux de France pour les François ». Seuls quatre Français répondront alors aux critères demandés notre modèle, son jeune frère Frédéric Constantin 1682-1732, dit le prince Frédéric », l’abbé d’Antin 1692-1733 et le futur cardinal de Rohan 1674-1749. En place, l’abbé d’Auvergne » débute également sa longue quête de bénéfices en obtenant, le 23 août 1692, la commande de l’abbaye de Redon, dans le diocèse de Vannes, poste qu’il garde jusqu’en 1740. Deux ans plus tard, le 27 décembre 1694, il est fait abbé commendataire de l’abbaye normande de Conches-en-Ouche, dans le diocèse d’Evreux. Docteur en théologie de l’Université de la Sorbonne le 11 mai 1695, il devient vicaire général de l’archevêque de Vienne, Armand de Montmorin 1643-1713. Le 22 avril 1697, il se voit confier, grâce à son oncle parti pour Rome, l’administration de l’abbaye de Cluny qui valait alors près de 40 000 livres de rente. L’installation à Cluny, agréée par le pape, sera déterminante dans la carrière du jeune abbé. C’est d’ailleurs de cette époque que date son premier portrait connu, dessiné et gravé en 1699 par Jean-François Cars 1661-1738 un simple buste où l’on voit le jeune Clunisien revêtu d’un vêtement de chanoine quelque peu austère. Prieur de Saint-Pierre d’Abbeville février 1706, chanoine du Chapitre de Saint-Lambert de Liège, visiteur général des carmélites, d’Auvergne est entre temps devenu par sa coadjutorerie de Cluny, abbé de Tournus et de Saint-Martin de Pontoise. C’est aussi à cette époque qu’il reçoit du souverain pontife la Grande Prévôté de Strasbourg. Selon Goulley de Boisrobert, on sait que les Grands Prévôts étaient obligés par an à une résidence de trois mois pour percevoir leurs revenus qui se montent à près de vingt mille livres ». Le choix fait par Henri-Oswald de se faire représenter en 1732 dans cette vêture alors qu’il était déjà archevêque est donc doublement intéressant, montrant l’importance qu’avait Strasbourg dans le message qu’il souhaite véhiculer par son effigie officielle. Abbé titulaire de l’ordre de Cluny, le 5 mars 1716, notre modèle prend la suite de son frère, à la commande de l’abbaye de Notre-Dame du Valasse, en Normandie et, en novembre 1719, il est nommé par le roi à l’archevêché de Tours à la place d’Henri de La Croix de Castries, lequel venait d’être transféré à Albi. Cette décision soulève une vague d’indignation, largement relayée par Saint Simon et l’abbé Dorsanne. Tous reprochent à d’Auvergne d’avoir précédemment intrigué pour récupérer Cambrai, pourtant promis à Charles de Saint Albin 1698-1764, bâtard fort bien fait » du Régent, et surtout de ne pas faire mystère de ses mœurs libertines qui défraient alors la chronique. Henri-Oswald ne s’installe pas en Touraine et doit attendre le 8 janvier 1721 pour être nommé à l’archevêché de Vienne. Préconisé et proposé à Rome le 10 septembre suivant, il reçoit le pallium des mains du pape le 16 avril 1722. Son sacre est célébré le 10 mai dans la chapelle de la congrégation du Noviciat des Jésuites de Paris, par le cardinal de Rouen, évêque de Strasbourg, assisté des évêques de Nantes et de Coutances. L’année suivante, en 1723, on le retrouve aux côté d’autres modèles de Rigaud, en tant que député de sa province à l’assemblée du clergé il en sera l’un des présidents en 1734. Partagé entre Paris et la province, il reste actif à Strasbourg, souhaitant dès 1730 que l’on puisse allonger le chœur de la cathédrale. En mai 1738, il sollicitera d’ailleurs l’architecte Robert de Cotte pour étudier un projet de transformation des jardins du grand doyenné de sa ville. Abbé commendataire de l’abbaye royale de Saint-Martin d’Ainay de Lyon, le prélat cumule désormais d’importants revenus qui lui permettent d’acheter au cardinal de Fleury, pour la somme de 300 000 livres, sa charge de premier aumônier du roi. Muni de lettres de provisions signées par le roi en décembre 1732, il peut désormais bénéficier d’un tabouret aux audiences de la reine et obtient, le 2 février 1733, le titre de commandeur de l’ordre du Saint-Esprit La dernière étape de sa carrière est celle du cardinalat, franchie le 20 décembre 1737 grâce à la protection du pape Clément XII, qui le nomme prêtre cardinal du Consistoire avec le titre de Saint-Calixte. Cet événement considérable est commémoré par une estampe réalisée par le romain Jérôme Ressi, et figurant le cardinal en buste dans un ovale surmonté de ses armes et de celles de son bienfaiteur. Le tout nouveau cardinal reçoit son chapeau des mains de l’abbé Delci, camérier du pape, lors d’une pompeuse cérémonie qui se déroule dans la grande chapelle de Versailles et en présence du roi. Participant au conclave de 1740, il est toutefois contraint de se démettre de son aumônerie royale en 1742 puis de son évêché en mars 1745 du fait de son mauvais état de santé. Le roi lui offre en compensation la commanderie de l’abbaye d’Anchin qui lui vaudra 30 000 livres de rente, toutes charges déduites ». Peu de temps avant de mourir, Henri-Oswald fait frapper quelques jetons à son effigie. Le cardinal accumule une fortune estimée dans sa succession à 700 000 livres. Comme pour mieux afficher son opulence, il acquiert à Paris, dans le faubourg Saint-Germain alors en pleine expansion, un hôtel nouvellement bâti par l’architecte Jean Cailleteau dit Lassurance » 1690-1755. Rue de l’Université, non loin des hôtels d’Estrées, de Conti et de Maisons, il dispose ainsi, contre le prix de 133 840 livres, d’un bâtiment moderne de deux étages entre cour et jardin, avec toutes les commodités destinées à la représentation. En 1738, il le fait profondément transformer par le décorateur Giovanni Niccolò Servandoni 1695-1766, qui y inclut un escalier demeuré célèbre. Les grands appartements d’apparat de l’hôtel d’Auvergne contiennent un grand nombre de meubles de prix, d’importantes tables à plateau de marbre d’Italie et olivâtre ainsi que plusieurs suites de grandes tapisseries des Gobelins. Dans la salle de compagnie trône le buste en marbre blanc du cardinal, sur son piedestal de marqueterie d’écaille en cuivre », œuvre réalisée à Rome en 1742 par Michel Ange Slodtz 1705-1764 et dont le peintre Jean-François de Troy 1679-1752, alors directeur de l’académie de France à Rome, vante la beauté dans lettre adressée au cardinal le 8 août de la même année le buste de son Eminence est fini entièrement et parfaitement beau ; il ne tardera pas à l’envoyer et on pourra juger par ce morceau de ce qu’est capable de faire l’auteur ». Le cardinal commande également à Slodtz dès 1740 un magnifique mausolée, aujourd’hui dans la cathédrale Saint-Maurice de Vienne. D’Auvergne est avant tout un bibliophile fin lettré, s’entourant de beaux esprits, il est un ardent collectionneur de livres qu’il rassemble patiemment en une impressionnante bibliothèque composée de 9064 volumes. La souche en est constituée dès 1610 par Henry de la Tour d'Auvergne 1555-1623, prince de Bouillon et augmentée de celle du Cardinal de Bouillon à qui elle passa en 1670 devenue ensuite plus considérable entre les mains de Monseigneur le Cardinal d’Auvergne ». Si le Portrait d’Henri-Oswald de La Tour d’Auvergne par Rigaud n’est pas décrit dans l’inventaire après décès du principal intéressé, réalisé entre le 2 mai et le 31 octobre 1747, c’est qu’il a déjà été légué par testament à sa petite cousine à la mode de Bretagne », Louise Julie de La Tour d’Auvergne 1679-1750, épouse du duc de Rohan Montbazon Je prie Madame la duchesse de Montbazon ma cousine germaine, d’accepter l’original de mon portrait fait par Rigaut, lequel je la prie de garder par durant sa vie et le laisser ensuitte si elle le juge à propos à Monseigneur le Duc de Bouillon ou a son fils ayné » . Malheureusement, la duchesse meurt trois ans après son oncle, et le portrait passe donc à son neveu, Charles Godefroy, 5ème duc de Bouillon 1706-1771. Malgré la volonté du duc de mettre à l’encan la plupart de ses biens pour éponger ses dettes, les portraits de famille ne sont pas dispersés et restent quai Malaquais. Comme le prouve la description faite du contenu d’une chambre à coucher à balustrade étant en suite du grand salon ayant vue sur le jardin, à l’occasion de l’inventaire après décès du duc À l’égard de deux grands tableaux peints sur toile, l’un représentant feu mgr le Duc de Boüillon père du deffunt et l’autre le cardinal Dauvergne … il n’en a été fait aucune prisée comme portraits de famille c’est pourquoy ils seront icy tirés pour mémoire ». Oncle et neveu, nos deux cardinaux se retrouvent donc sur les cimaises de l’hôtel de Bouillon et y restent au moins jusqu’au début du XIXe siècle. Les différentes éditions de la Nouvelle description des curiosités de Paris de Jacques Antoine Dulaure décrivent en effet le portrait du cardinal de Bouillon comme l’un des principaux attraits de l’hôtel. Quant au portrait du cardinal d’Auvergne, il échappe à la description, car sans doute relégué dans le garde-meuble, évoqué par Luc Vincent Thierry Cet Hôtel magnifique contenoit autre fois quantité de Tableaux précieux, qui y existent bien encore, mais dans un garde-meuble où ils dépérissent, M. le Duc de Bouillon occupant rarement son Hôtel, réside presqu’habituellement au Château de Navarre ». On le retrouve dans l’inventaire après décès du 6ème duc, Godefroy Charles Henri 1728-1792, réalisé le 11 février 1793 à Paris, dans une pièce ayant vue sur la grande cour Le bisaïeul de M. de Bouillon régnant, D’Auvergne, Le cardinal d’Auvergne, Mme de Montbazon Bouillon ». La suite est plus complexe à établir. Les biens des Bouillon étant mis sous séquestre par la loi révolutionnaire du 30 septembre 1793, le dernier duc Jacques-Léopold 1642-1802 se retire à Navarre et lègue tous ses biens à son ancien régisseur, le futur ministre Antoine Roy 1764-1847, en échange du solde de ses dettes. Si le buste en marbre de Slodtz connaît un destin particulier, la plupart des œuvres d’art furent vendues de manière opportuniste, au gré des occasions, et réapparaissent dans différentes ventes publiques entre 1801 et 1814. Ainsi, le grand portrait du cardinal de Bouillon par Rigaud figure au catalogue de la seconde vente, en 1814, du marchand mercier Jean-Baptiste Pierre Lebrun 1748-1813. Il n’est donc pas incongru de penser que l’effigie du cardinal d’Auvergne ait pu connaître un sort assez similaire, probablement acquise de manière plus anonyme par les ascendants des actuels collectionneurs. Nous remercions monsieur Stéphan Perreau pour son aide à la rédaction de cette notice. Hôtel des Ventes de Dijon Sarl le 30/03/2016 - PARIS Abel GRIMMER Anvers ca. 1570 - avant 1619 Cinq mois février, mars, avril, octobre et décembre Abel GRIMMER Anvers ca. 1570 - avant 1619 Cinq mois février, mars, avril, octobre et décembre Suite de cinq tondi D 25 cm Soulèvements et manques Février signé et daté en bas ABEL GRIMMER 1609. Au revers, inscription ancienne à la peinture blanche Abel Grimmer. 1609 et cachet de cireMars Au revers, inscription ancienne à l'encre Mars reprise à la peinture blanche MARS / Abel Grimmer. 1609 et cachet de cireAvril au revers inscription ancienne à l'encre Avril reprise à la peinture blanche AVRIL / Abel Grimmer. 1609 et cachet de cireOctobre au revers, inscription ancienne à l'encre Octobre reprise à la peinture blanche Estimation 400 / 600 000 € Provenance Collection de la famille Drouhot à Villersexel en Franche Comté, très probablement depuis le début du XVIIe siècle ; par héritage familial, collection Claude Drouhot 1907-2006 ; conservée par Madame Claude Drouhot dans la maison familiale jusqu'en 1946 ; puis conservée dans la demeure de fonction de son époux le baron Gilbert de Dietrich Président Directeur Général de la société de Dietrich en Alsace près de Niederbronn-les-Bains, de 1946 à 1969 ; puis conservée dans la propriété bourguignonne de Madame Claude Drouhot jusqu'en 2006 ; restée depuis chez ses descendants. Sujets réprésentés, tirés des Evangiles Février en bas, référence aux versets Marc 1 l'appel des premiers disciplesMars en bas, référence aux versets Matthieu 21 plantation de la vigne de la parabole des vignerons meurtriersAvril en bas, référence aux verset Luc VIII parabole du semeur Octobre en bas, référence aux versets Matthieu 21 fin de la parabole des vignerons meurtriers; Décembre en bas référence aux versets Luc 2 recensement de Marie et Joseph à Bethléem Ces cinq panneaux inédits complètent de façon heureuse la série de douze mois de l'année peinte par Abel Grimmer en 1609, dont on connaissait déjà six panneaux vendus chez Sotheby's Paris vente du 17 juin 2015, pour 819 000 € de même provenance que les nôtres, encadrés de façon similaire et dans le même état de conservation exceptionnel. Ceux-ci représentaient les mois de janvier, mai, juin, juillet, août et septembre. Seul le mois de novembre reste à la suite de son père Jacob, Abel Grimmer a réalisé plusieurs séries sur les douze mois de l'année. Trois séries entières nous sont parvenues la plus connue de format rectangulaire, signée et datée de 1592, est conservée à l'église Notre-Dame de Montfaucon Haute-Loire. Les deux autres sont traitées en tondi celle de l'ancienne collection Schloss, de 1592 aussi, est aujourd'hui dispersée ; la troisième date 1599 commerce d'art.Pour ses compositions, Grimmer s'inspire en partie des gravures d'Adrian Collaert 1585 d'après les compositions rectangulaires de Hans Bol, qui replacent des épisodes du Nouveau Testament dans des paysages flamands. Abel Grimmer adopte la forme du tondo, reprend la gamme colorée jaune-brun-vert et les détails rustiques de Pieter Brueghel l'ancien, dans un style schématique et un peu naïf tant apprécié de nos jours. FRAYSSE & ASSOCIES le 18/11/2015 - PARIS Willem Claesz HEDA Haarlem 1594- 1680 Nature Morte au rohmer, au nautile et au gobelet en argent Willem Claesz HEDA Haarlem 1594- 1680 Nature Morte au rohmer, au nautile et au gobelet en argent Panneau de chêne, deux planches, non parqueté 58,5 x 79 cm Signé et daté HEDA / 1642 Inscrit à la Guilde de Saint-Luc de Haarlem en 1631, Willem Claesz Heda s’illustre tout particulièrement dans le genre de la nature morte et plus spécialement dans les banketje ». Ces collations, repas inachevés ou interrompus, mettent en scène de façon savante mais naturelle des objets précieux et raffinés et permettent à l’artiste d’exprimer toute sa virtuosité. Alors que, dans les années 1620-1630, Heda réalise des natures mortes marquées par une certaine monochromie, les années 1640 voient l’introduction de compositions plus chargées, où la couleur joue un nouveau rôle. Le nautile monté en argent, élément récurrent dans ces compositions et objet typique du cabinet de curiosité, est représentatif de cette volonté nouvelle de raffinement. On le retrouve d’ailleurs dans plusieurs œuvres datées de 1641 La tourte au cassis, panneau, 60 x 77 cm, Strasbourg, musée des Beaux-Arts ou de 1642 Nature morte, panneau, 65 x 74,5 cm, Saint-Etienne, musée d’Art Moderne.Dans notre tableau, daté de 1642, Heda parfait ses harmonies de gris, d’argent et de blanc en les relevant de touches de bleu, rose ou rouge, par le détail du manche du couteau et du nautile. Ceux-ci se détachent sur la nappe blanche aux plis lourds, dont le bord est simplement souligné par un ourlet. La forte présence de cette nappe est idéalement contrebalancée par les tons chauds de la table, le brun doré des noisettes et du rohmer, ainsi que par le rai de lumière qui vient détacher du fond du tableau le délicat verre en cristal. C’est également la lumière qui anime les différents objets, jouant dans les ciselures de l’argent, de la timbale à la monture du nautile. Le citron à demi pelé dont l’écorce se détache en spirale ainsi que les fruits s’échappant de la tourte introduisent un certain dynamisme, le manche de la cuillère reposant légèrement sur la nappe renforçant l’impression d’une collation tout juste Claesz Heda livre ici une de ses plus belles compositions, où la simplicité de la mise en scène accentue le raffinement des objets, sa virtuosité s’illustrant aussi bien dans la texture dans la nappe que dans les reflets mordorés du rohmer et de l’ Vente anonyme, 12 décembre 1988, Paris, Hôtel Drouot Me Millon et Jutheau, lot 30, 2 900 000 fr. Hôtel des Ventes de Montecarlo le 28/06/2015 - PARIS Bernardo BELLOTTO Venise 1720-Varsovie 1780 Caprice architectural avec une villa vénitienne et un pont de pierre Bernardo BELLOTTO Venise 1720-Varsovie 1780 Caprice architectural avec une villa vénitienne et un pont de pierre Toile 48 x 79 cm BibliographieS. Kozakiewicz, Bernardo Bellotto, Milan, 1972, Tome II, n°246, repr. Oberlin, n°1, fig. revers une étiquette Christie’s et le nom de Drowne à la craie pour William Drowne Provenance Olivier Latham, vente Christie's à Londres du 13 avril 1850, lot 27, à Mr Hoare pour 16 guinés avec son Lygon, 7ème comte de Beauchamp, à Londres jusqu'à sa mort en Tooth and sons, qui le vendent au marchand allemand Karl Haberstock à Berlin le 1 avril 1939. La paire est citée dans les inventaires du fonds Haberstock à Ausbourg en 1939, et 1940, et en dépot à la Dresdener bank à Tegersee en 1941. Restituée par les alliés à pour vente par Haberstock à Julius Böhler à Munich en 1950, qui vend la paire à la galerie Silberman de New York en 1951 laquelle cède le pendant à l'Art Insitute de Chiocago en 1961 ;pour notre tableau, vente anonyme, Londres, Christie's, Manson & Woods, 29 novembre 1974, lot 99. Acquis par la famille du propriètaire de Giovanni Antonio Canaletto, Bernardo Bellotto se forme dans son atelier où il suit l’enseignement du grand védutiste vénitien. A partir de 1744, il se détache du style de son oncle et entreprend un périple dans les principales villes du nord de l’Italie Vérone, Turin, Florence, Rome. Sa renommée grandissante lui permet d’être accueilli dans les plus grandes cours d’Europe centrale. Il s’installe à Dresde en 1747, appelé par Frédéric-Auguste II de Saxe, où il reste vingt ans, séjour entrecoupé de voyages à Munich et à Vienne. Il se rend à Varsovie en 1768 où il devient le peintre officiel du roi Stanislas Auguste II Poniatowski. Notre toile est la reprise autographe d’un plus grand format 144 x 218 cm anciennement à la Gemäldegalerie de Dresde et disparu, daté de 1747 ou peu après. Issu de l’imaginaire de l’artiste, ce caprice juxtaposait des monuments qu’il avait pu admirer durant ses voyages. Dans les deux tableaux, de gauche à droite, on distingue une fontaine surmontée d’une urne placée au pied d’une colonne supportant l’architrave en ruine. Derrière, une villa avec une loggia, typiquement vénitienne et reconnaissable à la forme de ses cheminées, expose sa façade au soleil. Au centre, on aperçoit le portique du temple de Saturne sur le Forum romain, et une forteresse médiévale, dont les tours s’inspirent du Castello Sforzeso de Milan et du Castello di Ezelino à Padoue. En contrebas, sur des fortifications, une bâtisse carrée avec une arche évoque une des portes de Padoue. Elle est adossée à l’extrémité d’un que les deux compositions soient très similaires, la représentation des bâtiments de la partie droite est beaucoup plus développée dans notre tableau. Dans l’œuvre disparue, on percevait au fond à droite un bâtiment à coupole ainsi qu’un clocher roman, cachés ici par un grand arbre qui dissimule aussi l’une des rives du fleuve. Notre version comporte, derrière la grande maison au centre, un pavillon de style rococo identifié par Kosakiewicz avec le Zwinger à Dresde, le Punta della Dogana de Venise, ainsi qu’un édifice avec un portique en façade et une église baroque à coupole. Le pont de pierre est également très différent. Dans la rédaction initiale il comporte deux arches, alors qu’on compte trois arcades ici. Bellotto a aéré la disposition des figures en supprimant plusieurs d’entre-elles. Celles qu’il a conservées sont sensiblement au même endroit dans les deux versions. On y retrouve l’homme en costume oriental au premier plan, le couple autour de la vasque, le cavalier de dos devant la villa, et le pécheur courbé alors qu’un chien au premier plan, deux personnages autours du pacha et deux autres encore au second plan ont disparu.Notre version, datée vers 1760/1765, avait pour pendant une Vue de Pirna depuis la forteresse de Sonnenstein, maintenant conservée à l’Art Institute de Chicago Kozakiewicz, op. cit., Tome II, p. 165, n°206. On retrouve dans les deux œuvres le contraste très marqué entre les ombres et une lumière cristalline et froide caractéristique du peintre. Elle est atténuée ici par l’atmosphère, dans les tons rosés et dorés, qui apportent une chaleur et une luminosité toute particulière, rendant vraisemblable et unifiant l’assemblage de constructions disséminées en l’Italie. IEGOR ENCHERES AUCTIONS le 09/12/2014 - PARIS Hendrick GOLTZIUS Venlo, 1558 - Haarlem, 1617 Adonis Hendrick GOLTZIUS Venlo, 1558 - Haarlem, 1617 Adonis Panneau de bois 52 x 40 cm Monogrammé et daté à droite au centre HG 1613 Tout d’abord graveur et dessinateur, Hendrik Goltzius effectue en 1590 un voyage en Italie qui sera déterminant pour la suite de son œuvre. Après avoir visité Bologne, Venise, Florence, Rome et Naples, il rentre à Haarlem à la fin de l’année 1591. C’est à partir de 1600 qu’il se consacre vraiment à la peinture. On remarque alors l’influence déterminante de Rubens dans les corps opulents et la richesse de la nature, avec également de nombreuses références à l’art du Titien et à la peinture vénitienne. Goltzius intègre ainsi différents modèles tout en gardant une identité propre qui fait de chacune de ses compositions une œuvre particulièrement lance travaillée, la fine bordure de fourrure et l’anneau d’or à l’oreille font de cette figure un Adonis plutôt qu’une simple image de chasseur. En effet, notre figure d’homme en buste est à rapprocher d’une grande composition de 1614, Vénus et Adonis toile, 141 x 191 cm, Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Alte Pinacothek , où l’on retrouve le même type iconographique. L’influence sensible de Rubens est transcendée par la manière de Goltzius qui confère à ce portrait une forte présence. La chevelure retombant en boucles épaisses sur le front, le visage aux traits fermes, le regard assuré sont rendus avec une précision et une justesse du trait dues à sa formation de graveur. Goltzius donne toute la mesure de son talent dans le modelé de la musculature puissante, admirablement rendue par le jeu de la lumière. FRAYSSE & ASSOCIES le 03/12/2014 - PARIS MAITRE de la nature morte de HARTFORD actif à Rome vers 1600 Nature morte aux fruits et légumes d'automne disposés dans une corbeille, un guéridon et un panier, ou posés sur un entablement MAITRE de la nature morte de HARTFORD actif à Rome vers 1600 Nature morte aux fruits et légumes d'automne disposés dans une corbeille, un guéridon et un panier, ou posés sur un entablement Toile 100 x 133,5 cm Sans cadre Restaurations anciennes Le Maître de la nature morte de Hartford est considéré comme le premier peintre spécialiste de nature morte à Rome. On réunit sous ce nom un petit groupe d'œuvres, prenant pour tableau de référence la "Table chargée de fleurs et de fruits" du Wadsworth Atheneum de Hartford toile, 74 x 100 cm publiée par Charles Sterling dès 1952. Il rattache au Caravage 1571-1610, sans toutefois y reconnaître la main du maître, cette oeuvre qui, jusqu'alors, était donnée à Fede Galizia Cf. La Nature morte de l'antiquité à nos jours, 1° éd., ill. 55 et 2° éd. p. 54. Par analogie, une paire de toiles conservée à la galerie Borghese à Rome "Nature morte aux oiseaux et Fleurs, fruits , légumes" et "Deux lézards" toile, 105 x 184 cm a été attribuée à ce Maître de la nature morte de Hartford . Elles proviennent de la collection du cavalier d'Arpin et le tableau de Hartford pourrait avoir la même provenance. Ce fait amène à penser que l'auteur de ces toiles fréquentait l'atelier du cavalier d'Arpin où se côtoyaient des artistes de toutes nationalités. Caravage y est entré quand il est arrivé à Rome vers 1593/95 et Bellori, son premier biographe, rapporte qu'il y exécutait des fleurs et des fruits. La lumière arrive sur cette nature morte comme d'une fenêtre. Dans cette pièce aux murs noirs, elle avive les contrastes entre des ombres très sombres et des éclairages très clairs qui donnent leur relief aux tableaux attribués au Maître de la nature morte de Hartford, à tel point que Federico Zeri a pu y voir une production de jeunesse du Caravage. D'autres noms ont été suggérés Giovanni Battista Crescenzi par Mina Gregori , Francesco Zucchi, le frère de Jacopo par Maurizio Marini et, plus récemment, Prospero Orsi 1558-1630, ami du Caravage au sein de l'atelier du Cavalier d'Arpin et son premier mécène. Tout, dans la nature morte que nous présentons, porte la marque du Maître la composition générale qui semble coupée sur les bords, l'éclairage, l'entablement très bas, le contraste de sa ligne claire avec le fond noir, l'écriture archaïsante de motifs récurrents chez l' élément témoigne de l'excellente maitrise du peintre. La corbeille est présente dans plusieurs de ses compositions, notamment l'une de celles conservées à la galerie Borghese. Des guéridons similaires sont peints sur chacun des pendants de la collection Frascati Cf. Zeri,1989, repr. 821 et 822 p. 694 . Notre tableau, pendant de celui que nous avons présenté le 5 décembre 2012 lot 47 "Nature morte au vase de fleurs, plat de figues, poires, pêches, fraises des bois, champignons", 100,5 x 130 cm, est inédit à ce jour. Bibliographie en rapport Alberto COTTINO Maestro di Hartford in Federico ZERI "La natura morta in Italia", Milan, 1989, pp. 691-693[Expo. Rome, 1995-1996] La natura morta al tiempo di Caravaggio, notices 18 et 19 par Alberto COTTINO[Expo. Londres et Rome, 2001] The genius of Rome, catalogue 18 et 19Clovis WHITFIELD Prospero Orsi, interprète du Caravage in " Revue de l'Art ", n° 155 -2007/1, pp. 9-19. Mes GAUTIER GOXE BELAISCH HDV D'ENGHEIN le 23/11/2014 - PARIS FRANS POURBUS le Jeune Anvers, 1569 - Paris, 1622 Portrait d'un homme agé de cinquante-six ans FRANS POURBUS le Jeune Anvers, 1569 - Paris, 1622 Portrait d'un homme agé de cinquante-six ans Panneau de chêne parqueté 101,5 x 76 cm Signé en haut à droite FIL, FR, FECITAnnoté en haut à gauche ANO DNI 1591 et à droite AETATIS SUAE 56 Infimes petits manques et restaurations anciennes Provenance Collection des comtes de Schönborn décrit, selon Thoré-Burger, dans le catalogue de 1719; n° 532 du catalogue de 1857.Vente de la galerie de Pommersfelden, Paris, Hôtel Drouot Me Pillet, 17-18 et 22-24 mai 1867, n° 201 11000 fr. ; catalogue rédigé par Théophile Thoré alias William Burger.Vente Paris, galerie Charpentier, 15 décembre 1959 succession Mrs. R. Biddle et divers, n°27, 1 000 000 fr. reproduit pl. Heim, Paris, en 1963 par les propriétaires - Gustav Parthey, Deutscher Bildersaal. Verzeichniss der in Deutschland vorhandenen Oelbilder verstorbener Maler aller Schulen, Berlin, Nicolaische Verlagsbuchhandlung, 1864, vol II, n° Ludwig Burchard, "Pourbus, d. J." in Ulrich Thieme et Felix Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, Leipzig, 1933, 37 vol., vol Blaise Ducos, Frans Pourbus le Jeune 1569-1622. Le portrait d’apparat à l’aube du Grand Siècle entre Habsbourg, Médicis et Bourbons, Dijon, Faton, 2011, détail du visage en pleine page et pp. 185-186, 4 localisation inconnue, en rapportPortrait d'une dame âgée de cinquante-quatre ans , panneau, 100 x 74 cm, San Francisco, Fine Arts Museums of San Francisco, California Palace of the Legion of Honor, inv. Pourbus le Jeune, reçu maître à la Guilde de saint Luc d’Anvers en 1591, travaille à la cour des Habsbourg dès la fin des années 1590. C’est là que Vincent Gonzague lui demande de le suivre à Mantoue, en 1599. Appelé à Paris en 1609 par Marie de Médicis, il y devient peintre de la cour et y reste jusqu’à sa mort en 1622. Durant cette carrière dans les cours européennes, il est au service de la diffusion de l’image princière, à l’instar des portraits de Marguerite de Savoie toile, 206,5 x 116,3 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. 6957 et de Marie de Médicis toile, 312 x 185,5, Paris, musée du Louvre, inv. 1710.Elève de son grand-père, Pieter Pourbus, à Bruges, il fut également marqué par l’influence des Key et d’Anthonis Mor. Ses premières œuvres connues datent de 1591, année qui fut particulièrement riche pour sa production malgré la chute d’Anvers en 1585 après le siège des Espagnols et l’exode qui s’ensuivit. Ce portrait, qualifié de chef-d’œuvre de vérité et d’expression » par Thoré-Burger dans son catalogue de 1867, illustre tout le talent de Pourbus à dépeindre les signes de l’âge. Mais l’homme représenté ici n’est pas un homme fatigué, usé par la vie. Les fines rides du front, le regard vif traduisent une tranquille assurance, une autorité méritée. Sa posture fière, le poing sur la hanche, presque monumentale, remplit et dépasse même le cadre du tableau, comme si sa prestance ne pouvait être toute entière contenue dans ce panneau. Il s’agit ici d’un bourgeois d’Anvers, à ce jour non identifié, mais ce portrait n’a rien à envier aux portraits de cour qui suivront. L’impression de puissance qui émane de cet homme est d’autant plus saisissante que la simplicité de son costume noir bordé de fourrure se détachant sur le fond gris contraste avec les riches habits des portraits de cour. La table recouverte du tapis vert, à gauche, complète la composition en lui donnant une certaine tridimensionnalité. Au lieu de servir d’appui au modèle, comme dans la plupart des portraits qui incluent une table et comme dans son pendant, la table est ici placée en arrière, réduite à une plage de couleur, tandis que l’homme, solidement campé, dédaigne de s’y appuyer. Les inscriptions et la signature calligraphiées, qui encadrent si parfaitement le modèle, ne se retrouvent que sur le pendant de notre tableau et sur un Portrait d’homme panneau, 49,5 x 37,5 cm, West Yorkshire, Temple Newsam House daté de 1591 également. Elles traduisent ici la fierté de l’artiste de vingt-deux ans, en même temps qu’elles l’inscrivent dans son contexte et les échanges entre Flandres et Hollande. En effet, c’est en 1590 qu’eut lieu à Rotterdam le prix de la plume couronnée », récompensant les meilleurs calligraphes et favorisant la diffusion des ouvrages. On ne peut s’empêcher de penser au portrait de Jean de Bologne par Goltzius, daté lui aussi de 1591 pierre noire rehaussée de pastel, 370 x 330 mm, Haarlem, Teylers Museum. En Italie dès octobre 1590, Goltzius se trouvait à Munich au mois de mai 1591. La parenté entre les deux portraits exprime bien les échanges continuels dus aux voyages et aux rencontres entre artistes, non seulement entre les Flandres et la Hollande, mais également entre les différents pays d’Europe. Goltzius s'adonne très rarement à l'art du portrait peint Portrait de Jan Govaerts Van der Aar, 1603, toile, 107 x 83 cm, Rotterdam, musée Boijmans Van Beuningen, prêt de la Fondation P. et N. de Boer même si nombre de ses figures allégoriques s'en rapprochent et privilégie plutôt le dessin, méthode dans laquelle il excelle à partir des années 1588 - 1589, atteignant son apogée entre 1590 et 1592. Cette parfaite maîtrise culmine justement avec l'extraordinaire portrait de Jean de Bologne daté de cherche-t-il ici, en transcrivant avec une extraordinaire acuité le rendu psychologique des portraits dessinés de son confrère, à le surpasser ? ou plus simplement lui rend-il hommage ? Nous n'avons malheureusement pas trace d'éventuels échanges artistiques entre les deux artistes. Cet exemple de l’art de Pourbus, avant qu’il ne devienne peintre de cour, illustre déjà la maîtrise et toute la mesure de son talent qui s’exprimera également dans les portraits princiers. La transcription si fine de la personnalité même du modèle en fait l’un de ses plus beaux portraits et une rareté dans dans l'art du portrait anversois du seizième siècle finissant. DAGUERRE le 14/11/2014 - PARIS Ecole FRANCAISE vers 1670 Nature morte au tapis iranien, vase de fleurs et singe Ecole FRANCAISE vers 1670 Nature morte au tapis iranien, vase de fleurs et singe Toile 178 x 215 cm Restaurations anciennes Provenance Probablement collection des ducs de Choiseul au XVIIIème siècle;Resté dans leur descendance jusqu'à ce deux spectaculaires compositions sont remarquables non seulement dans leur technique mais aussi dans les objets représentés. En effet, les deux tapis qui occupent la plus grande partie de l’espace sont des objets d’un très grand luxe. Ces tapis persans atteignent un tel prix au XVIIème siècle qu’il doit s’agir soit de cadeaux diplomatiques, offerts à quelque puissant personnage d’une cour européenne, probablement française, soit d’une commande d’un riche aristocrate voulant illustrer par là son pouvoir, son influence et son goût dans les arts. L’inventaire des tableaux du Roy rédigé en 1709 et 1710 par Nicolas Bailly mentionne des compositions similaires, mais ces Tapis de Turquie » qui sont accompagnés de fleurs, fruits, violon et coffret à bijoux, ne peuvent correspondre à nos tableaux. On ne peut pas davantage rapprocher avec certitude nos tapis de ceux répertoriés dans l’Inventaire général du mobilier de la couronne sous Louis XIV. Pourtant, leur existence est avérée par l’exactitude des motifs complexes, impossible à rendre sans modèle. De plus, de telles compositions ne se comprennent qu’en tant que portraits » de tapis, les autres éléments étant accessoires. Les couleurs éclatantes , dont le bleu puissant est dû au lapis-lazuli, concourent à l’expression de ce luxe. Elles n’étaient pas destinées à recouvrir le sol, mais bien plutôt à orner une table, afin d'être vues dans toute leur splendeur. Cette importance accordée aux objets de prestige se retrouve dans nos compositions, dont l’auteur a soigneusement rendu les différents dessins des tapis, avec une telle exactitude qu’on peut affirmer qu’il n'a pu exécuter ces chefs-d’œuvre que sur le des recherches approfondies, l’auteur de ces deux portraits » de tapis, uniques dans leur genre , est encore inconnu, bien qu’il doive se situer dans la lignée de Jean-Michel Picart et de Joseph Yvart, dont deux études de tapis présentent quelques similitudes sans pour autant atteindre à la perfection de nos compositions toile, 88 x 118 cm et 81 x 105 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 4057 et 4056. Les objets d’orfèvrerie ainsi que le bouquet de tulipes et le singe sont peut-etre dus à un autre artiste; le nom de Willem van Aelst, de passage à paris quelques années, entre 1645 et 1651 peut être mentionner mais situerai nos tableaux à une date plus précoce. L’hypothèse d’un peintre de tapis », comme il y eut des peintres de fleurs ou d’orfèvrerie, est corroborée par le degré d’excellence du rendu des matières et du dessin. On peut supposer qu’il s’agit d’un artiste proche des Gobelins, comme celui qui collabora avec Henri Testelin dans sa célèbre toile de 1666, Colbert présente les membres de l’Académie royale des sciences à Louis XIV Versailles, musée du château de Versailles, MV 2074, où un riche et lourd tapis recouvre la table sur laquelle s’accoude Louis de portraits souvenirs de tapis offerts par la couronne de France à une cour étrangère ? cela expliquerait qu’ils ne figurent pas dans L’inventaire du mobilier de la couronne sous Louis XIV. Ou de compositions en rapport avec le monde ottoman? en effet, la présence de tulipes, dont le dessin rapelle les faïences d’Iznik, est une référence à la provenance des remercions monsieur Berdj Achdjian, expert en tapis, de son aide pour la description de ces tableaux. ENCHERES SADDE SARL le 26/05/2014 - PARIS Eglon Hendrick Van der NEER Amsterdam 1634 - Dusseldorf 1703 Une grande dame Eglon Hendrick Van der NEER Amsterdam 1634 - Dusseldorf 1703 Une grande dame Toile 64 x 55,5 cm Signée et datée en bas à droite E Van der Neer 1665 Restaurations Provenance Collection Louis- Bernard Coclers, Liège ;Sa vente, Amsterdam, 7 août 1811 P. van der Schley, Un précieux cabinet de tableaux des plus célèbres maîtres rassemblé avec beaucoup de goût et de connaissance, par monsieur Coclers, peintre », n° 52, non repr. non vendu, 200 Fl. ;Sa vente, Amsterdam, Doelenstraat n° 22 maison Coclers, 8 avril 1816 P. van der Schley, Un précieux cabinet de tableaux des plus célèbres maîtres rassemblé avec beaucoup de goût et de connaissance, par monsieur Coclers, peintre », n° 75, non repr. 161 Fl. ;Collections Evrard Rhôné, Paris et Etienne Le Roy, marchand d’art à Bruxelles selon le catalogue de la vente Piérard;Collection Piérard, Valenciennes ;Sa vente, Paris, Hôtel Drouot, 20 et 21 mars 1860 Me Escribe Catalogue de la belle et riche collection de tableaux anciens, des écoles flamande, hollandaise et française, formant la collection de feu M. Piérard, à Valenciennes », n°52, non repr. La grande dame », Fcs au duc de Galliera suivant Le Roy ;Collection Isaac et Emile Péreire, Paris, en 1864 ;Sa vente, Paris, 6 mars 1872 Me Pillet, n° 140, non repr. Une grande dame », Fcs ;Acquis à cette vente par le baron Hottinguer ; Resté dans la famille par descendance. Bibliographie Philippe Burty, Mouvements des Arts et de la Curiosité », in Gazette des Beaux-Arts, 6 1860, p. 53 Une grande Dame » ;Probablement De Nederlandsche Spectator, 21 avril 1860 ;William Bürger, Galerie MM. Péreire » in Gazette des Beaux-Arts, 16 1864, pp. 297-317, décrit p. 310 Un autre charmant portrait de femme » ;Hofstede de Groote, A catalogue raisonné of the works of the most eminent dutch painters of the seventeenth century, based on the work of John Smith., Londres, 1908, vol. 5, n° 147, p. 513;Henri Mireur, Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant le XVIIIe et le XIXe siècles, Paris, 1911, vol. 5, p. 385 ;Eddy Schavemaker, Eglon van der Neer 1635/36 – 1703, zijn leven en werk/ Eglon van der Neer 1635/36 – 1703, his life and his work with a summary in English, Thèse de l’Université d’Utrecht, 2009, cat. 135, p. 538 dans “C Works known from documents” “Een elegante Dame”.Connue par la littérature mais jamais reproduite cette Grande Dame » n’a pas été présentée en vente publique depuis 140 ans. Elle a appartenu à Louis-Bernard Coclers, portraitiste liégeois qui donna aux femmes de son époque une silhouette également grâcieuse et élégante. Passée ensuite dans la remarquable et précieuse » galerie de tableaux de M. Piérard, peintre amateur formé à l’Académie des Beaux-Arts de Valenciennes, elle y côtoya les plus grands noms de la peinture des écoles du Nord et française. Elle est ainsi décrite au catalogue de sa vente qui comptait plus d’une centaine d’œuvres 52- LA GRANDE DAME - Ce titre de grande dame convient parfaitement à la personne que le pinceau d’Eglon van der Neer nous montre descendant un escalier de deux marches, ayant à droite son chien, et regardant à sa gauche un singe enchaîné sur un pilastre où se trouve jeté un est vêtue d’une jupe en satin cerise brodée d’or et d’un corsage avec une seconde jupe en satin blanc et crevés en satin cerise. Un collier, des bracelets, des boucles d’oreilles et une double chaîne de corsage avec agrafe en perles complètent sa parure. Au fond, divers personnages et accessoires ».Avec le duc de Galliera, elle entre en 1860 dans les collections formées au XIXème siècle par les grands noms du monde de la finance et de l’industrie. En ¬1864, William Burger, expert à qui l’on doit la redécouverte de Vermeer, la cite dans un article sur les galeries des frères Isaac et Emile Péreire. Ceux-ci s’étaient fait construire rue du Faubourg-Saint-Honoré deux galeries, une à éclairage zénithal pour présenter une partie des collections de peinture d’Emile et, au premier étage, une autre éclairée de côté pour les tableaux d’Isaac. Leur riche collection de tableaux de toutes les écoles, depuis les italiens primitifs jusqu’aux peintres contemporains, MM. Péreire l’ont formée successivement, sans prétention et presque sans intention, en achetant dans les ventes fameuses, telles que Rhoné, Piérard, si bien qu’aujourd’hui MM. Péreire possèdent dans les galeries et appartements de leur hôtel, faubourg Saint-Honoré, au pavillon de Monceaux et au château d’Arminvilliers De portraits divers, il y en a quantité un charmant portrait de femme, figure entière, de petite proportion, signé d’Eglon van der Neer, et ressemblant beaucoup à Samuel van Hoogstraeten ; » cf. Burger, pp. 297 et 310.Le catalogue annoté de Louis Soullié, auteur d’un ouvrage sur les ventes publiques du XIXème siècle, indique que le baron Hottinguer en fut l’acquéreur à la vente Péreire de 1872. Rodolphe Hottinguer 1835-1920, fils du financier et entrepreneur Jean-Henri Hottinguer, a été à l’origine de la création de la Banque impériale ottomane et Régent de la Banque de France. Il apparaît dans Le cercle de la rue Royale, tableau de James Tissot acquis en 2011 par le musée d’Orsay. S’il débute avec son père, Aert van der Neer 1603-1677, paysagiste réputé, Eglon van der Neer s’en différencie radicalement. Alors que le premier fit toute sa carrière à Amsterdam, se plaisant à fixer sur la toile les clairs de lune, le second s’adonne aux scènes de genre et au portrait qu’il traite avec une grande finesse. Son biographe, Arnold Houbraken rapporte qu’il fréquente l’atelier de Jacob van Loo, un des artistes les plus renommés d’Amsterdam. Sa première peinture datée l’est de 1657, un an avant son retour en Hollande, après un passage à Paris et un séjour de quatre ans dans le Sud de la France où il a accompagné le comte Frédéric de Dohna, gouverneur de la principauté d’Orange. Après quelques années à Amsterdam, il s’installe en septembre 1663 à Rotterdam, ville natale de sa première épouse. Les plus beaux de ses portraits sont ceux réalisés dans les années 1660/70, pour une clientèle d’Amsterdam, Leyde ou La Haye. Rarement identifiés aujourd’hui, les modèles sont peints dans une manière proche de celle de Gérard Dou ou Gabriel Metsu. Eglon Van der Neer entretient une relation privilégiée avec Frans van Mieris, dont il peint le portrait et pour lequel il réalise un pendant à l’une de ses Schavemaker suppose que sa réputation lui a permis de choisir ses clients qu’il représente dans de riches décors et pour lesquels il adapte costumes, accessoires et postures, excellant dans le rendu du satin et des tapis. Nous retrouvons le même modèle avec un habit quasiment identique dans le tableau La Jeune femme au plat d’huîtres panneau, 31 x 27 cm, conservée à Vienne, Sammlungen des Fürsten von Liechtenstein. Estimation 300 000 / 400 000 € THIERRY- LANNON et Associés sarl le 10/04/2014 - PARIS Ecole FLORENTINE vers 1395-1400, suiveur d'Agnolo GADDI Vierge à l'Enfant entourée de saint François et de saint Julien Ecole FLORENTINE vers 1395-1400, suiveur d'Agnolo GADDI Vierge à l'Enfant entourée de saint François et de saint Julien Peinture à l'oeuf et dond d'or sur panneau, une planche, renforcée; panneau unique de dévotion 72 x 51 cm La Vierge est assise devant une riche draperie ornée de fleurons dorés sur fond noir, rouge et or; elle est vêtue d'une robe blanche à motifs dorés et d'un manteau bleu et tient l'Enfant sur son genou gauche. Ce dernier placé frontalement porte une robe cintrée à la taille et un manteau rouge. il bénit de la main droite et serre un oiseau dans sa main gauche. Les deux saints, vus en pied encadrent ce groupe faut replacer l'exécution de ce panneau, inédit jusqu'ici, dans l'entourage d'Agnolo Gaddi Florence vers 1351-1396 lors des travaux de ce dernier au Dôme de Prato entre 1392-1395 pour lesquels celui-ci s'entoura d'aides. L'artiste responsable de notre tableau a dû travailler dans le sillage d'Agnolo Gaddi et dans celui de ses assistants dont l'un d'eux, le maître de la Chapelle Manassei fut responsable des fresques de la vie de sainte Marguerite et saint Jacques dans ce même Dôme les deux saints de notre tableau en reprennent la physionomie et le caractère sérieux ainsi que le graphisme appuyé des personnages cf. M. Boskovits, Pittura alla vigilia del Rinascimento, Florence 1975, figs. 419-421; quant au groupe marial il dérive directement de la fresque d'Agnolo Gaddi au Palazzo del Bacchino de Prato représentant la Madone et l'Enfant dont ce suiveur reprend la présentation et l'iconographie cf. M. Boskovits , Restaurations anciennes Hôtel des Ventes de Nîmes Sarl le 01/02/2014 - PARIS Peter CLAESSEN dit CLAESZ. Berchem ?, 1596/97 - Haarlem, 1660 Nature morte de déjeuner avec un Roehmer, un faisan, un saleron d'argent et vermeil, un pot de grès, Peter CLAESSEN dit CLAESZ. Berchem ?, 1596/97 - Haarlem, 1660 Nature morte de déjeuner avec un Roehmer, un faisan, un saleron d'argent et vermeil, un pot de grès, Panneau de chêne, deux planches renforcées 49 x 75 cm Etiquette ancienne au dos Peter Claesz/ n° 12 de la vente Paul Mantz du 10/11 mai 1895 et n° 601 sur le châssis Fente Provenance Ancienne collection Paul Mantz Sa vente, Paris, 10-11 mai 1895, lot 12 Le travail de Martina Brunner-Bulst en 2004 a permis de faire le point de nos connaissances sur Peter Claesz. Une confusion entre deux peintres éponymes avait fait naître en Allemagne celui qui est en réalité originaire de Berchem, près d'Anvers. Ont également été revues des attributions erronées basées sur une confusion entre les monogrammes de Clara Peeters, peintre flamande contemporaine de Peter Claesz et traitant de sujets identiques, et celui de Peter Claesz. Dès 1883, Paul Mantz, critique et historien d'art, se faisait l'écho des recherches de son époque en écrivant dans la "Gazette des Beaux-Arts", revue à laquelle il contribuait depuis que son ami Charles Blanc l'avait fondée en 1859 " Clara Peeters se rattache à l'école flamande. Cette déclaration a son importance, puisque le tableau de l'ancien cabinet de Peter Claesz , Nature morte de déjeuner, x 175,5 cm, conservé au musée de Berlin et les peintures analogues que nous avons rencontrées sont tout ce qu'il y a de plus hollandais au monde ". Celui qui fut propriétaire du " Déjeuner " que nous présentons conclut " le maître au chiffre est bien Pieter Claesz ". Après une première formation à Anvers, Peter Claesz s'exile. Comme beaucoup de protestants il s'établit à Haarlem vers 1620, contribuant à la notoriété de la ville par l'impulsion qu'il donne à un nouveau type de nature morte, celles dites " de déjeuner ". Quand il arrive dans cette ville, Floris van Dijck Haarlem, 1575 - Haarlem, 1651 et Nicolaes Gillis actif à Haarlem, mort vers 1632 peignent déjà, depuis une dizaine d'années, des tables dressées pour une collation. Ils adoptent un point de vue frontal pour des compositions qui mettent en valeur des boules de fromages ou des fruits colorés, présentés sur des nappes blanches bordées d'un picot, aux plis marqués par l'empesage. Peter Claesz, qui a vu les tableaux d'Osias Beert Anvers, 1580, Anvers, 1624 à Anvers préfère un point de vue latéral et plongeant, qui oblige à une parfaite maîtrise des règles de la perspective. Martina Brunner-Hulst, qui ajoute cette œuvre inédite au corpus du peintre, la situe vers 1625, c'est-à-dire au début de sa production, sa première œuvre datée l'étant de 1621. L'artiste réduit alors la gamme de coloris de ses prédécesseurs pour évoluer vers les gris et beiges qui caractérisent les " monochrome banketje ". Les objets choisis sont peints sur un fond neutre avec un réalisme que n'avaient atteint ni Floris van Dijk, ni Nicolaes Gillis. Si on trouve, par exemple, le même type de couteau dans leurs toiles, aucun n'est rendu avec une telle maîtrise. Peter Claesz fut particulièrement apprécié pour ses représentations d'orfévrerie qui ont probablement fait l'objet de commandes spécifiques. Le saleron peint ici est proche de deux modèles qui sont parmi les premiers produits en orfèvrerie dans les Pays-Bas du Nord l'un, de Franssoys Eeliot, a été exécuté à Utrecht en 1624. Il est conservé au Victoria and Albert Museum Cf. Brunner, p. 183, repr. 67, argent, h 11,6 cm. L'autre a été exécuté à Middelburg en 1622 cf. Vente Sotheby's, Amsterdam, 16 mars 1983. On y retrouve sur une base tripode la figurine armée d'une lance et d'un Claesz peindra ensuite à plusieurs reprises des modèles analogues, en argent ou en or dans deux tableaux datés 1630 Cu. 52 x 73,5 cm ; cf. Brunner, Cat. 45 p. 231 et B. 50 x 73 cm ; cf. Brunner, Cat. 46 p. 231, dans un tableau situé en 1643 B. 49 x 66 cm ; cf. Brunner, Cat. 121 p. 274, un tableau daté 1645 T. 82 x 107 cm ; cf. Brunner, Cat. 137 p. 283 et planche p. 93 , un tableau daté 1646 B. 40,5 x 61 cm ; cf. Brunner, Cat. 149 p. 288 et 290 , un tableau daté 1647 T. 62 x 110 cm, cf. Cat. 166 p. 298-299 et enfin dans un tableau situé vers 1652/53 T. 91 x 108 cm ; cf. Brunner, Cat. 201 p. 322 et 324 . Le pot en grès est d'un modèle fabriqué à Cologne dans les années 1590 et répandu dans toute l'Europe du en rapport Martina BRUNNER-HULST Pieter Claesz. der Hauptmeister des Haarlemer Stillebens im 17. Jahrhundert Kritischer Oeuvrekatalog Lingen, 2004Paul MANTZ Le père de Nicolas Berchem in la " Gazette des Beaux-Arts ", Paris, 1883, Vol. XXVII, pp. 182-186 May et associés le 09/12/2013 - PARIS Attribué au Maitre de la Madeleine Mansi actif à Anvers, 1510-1530 Vierge à l'Enfant Attribué au Maitre de la Madeleine Mansi actif à Anvers, 1510-1530 Vierge à l'Enfant Panneau de chêne, une planche non parqueté 37,4 x 27,4 cm Soulèvements et petits manques Le maître de la Madeleine Mansi, actif à Anvers entre 1510 et 1530, tient son nom d'un tableau représentant sainte Marie-Madeleine, jadis dans la collection Mansi à Lucques et aujourd'hui conservé au musée de Berlin. Autour de ce tableau qui a porté une attribution à Quentin Massys, Max Friedländer a regroupé un corpus sous le nom du maître de la Madeleine Mansi qu'il suggère d'identifier à Willem Meulenbroec, mentionné comme élève de Quentin Metsys en ce tableau de dévotion, l'artiste a choisi une représentation des plus intimes. Avec délicatesse, cette Vierge accueillant et présentant l'enfant Jésus en montre l' humanité dans ce qu'elle a de plus vulnérable. La palette réduite, le fond neutre, la douceur des traits confèrent à l'œuvre une grande sérénité et la finesse de l'exécution du vêtement est remarquable. Sa composition reprend celle de la première vierge à l'enfant connue, une vierge allaitante peinte dans les catacombes de Priscille à Rome au début du III° siècle. On y retrouve l'enfant lové sur le bras droit de sa mère, la main posée sur son sein. Bibliographie en rapport Max FRIEDLÄNDER Early Netherlandish painting Quentin Massys, Vol. VII, ill. 89-101 Leyde, 1971 Me Pierre Audap & Me Fabien Mirabaud le 15/11/2013 - PARIS Elisabeth VIGÉE-LEBRUN Portrait de Madame de Gramont Elisabeth VIGÉE-LEBRUN Portrait de Madame de Gramont Toile 57 x 46 cm Signée et datée en bas à droite Vigée / Le Brun à / Vienne 1794Provenance Galerie Wildenstein d'après une étiquettes au dos Elisabeth VIGEE-LEBRUNParis, 1755- Paris, 1842Portrait d'Aglaé de Gramont, née de Polignac, duchesse de Guiche 1768-1803Toile57 x 46 cmSignée et datée en bas, à droite à la hampe du pinceau Vigée/Le Brun à/ Vienne 1794Au dos, étiquettes anciennes de l'exposition de 1909 Provenance Collection du duc de Gramont jusqu'en 1894Collection Wildenstein, en 1909Expo Marie-Antoinette et son temps, Paris, 1894Exposition rétrospective de portraits de femmes, Paris, 1909Bibliographie [Exposition Paris, galerie Sedelmeyer, 1894] Marie-Antoinette et son temps, Cat. 44 " Portrait de la Duchesse de Guiche par Mme Vigée-Lebrun. La duchesse est représentée de face, en buste, la tête légèrement tournée vers la gauche. Elle porte les cheveux tombant attachés par un turban bleu, une robe rouge, à l'antique. Appartient à M. le duc de Gramont. "[Exposition Paris,palais de Bagatelle, 1909] Exposition rétrospective de portraits de femmes sous les trois républiques organisée par la Société Nationale des Beaux-Arts, Cat. 185, repr. Pl. 3" Portrait de Madame de Grammont, peinture. Appartient à M. WildensteinŒuvre en rapport Portrait d'Aglaé de Gramont, née de Polignac, duchesse de Guiche toile, 82 x 55 cm, 1794, coll. part,. repr. in Joseph BAILLIO Vigée-Lebrun pastelliste et son portrait de la duchesse de Guiche, " L'œil " n° 452, juin 1993, pp. 20-29 et page 158. Il s'agit d'une autre version de ce portrait, la duchesse n'y porte pas de collier. Daté 1794, ce portrait de " la Guichette " a été exécuté à Vienne où madame Vigée-Lebrun réside de 1792 à 1795. C'est le comte de Wilczek, ambassadeur d'Autriche à Milan, qui la pousse à quitter l'Italie où elle s'est exilée en octobre 1789. La ville de Joseph II, frère de Marie-Antoinette, accueille avec enthousiasme celle qui a portraituré la reine et les enfants de France. Elle y retrouve une partie de sa clientèle émigrée , en particulier la famille de Polignac. Le duc de Polignac, père de la duchesse de Gramont ici portraiturée, est le représentant officieux de Louis XVI à Vienne en 1792. La duchesse, amie de Marie-Antoinette, fut gouvernante des enfants de France. Elle connait bien Elisabeth Vigée-Lebrun qui l' a plusieurs fois portraiturée à Versailles et la décrit ainsi dans ses Souvenirs " Quelques années avant la révolution, la duchesse de Polignac vint chez moi, et j'ai fait plusieurs fois son portrait de même que celui de sa fille, la duchesse de Guiche. Madame de Polignac avait l'air si jeune qu'on pouvait la croire la sœur de sa fille ; et toutes deux étaient les plus jolies femmes de la cour. Madame de Guiche aurait parfaitement servi de modèle pour représenter une des Grâces " cf. Elisabeth VIGEE-LEBRUN Souvenirs 1755-1842, éd. par Geneviève Haroche-Bouzinac Paris, 2008, cf. Souvenirs, pp. 283 Aglaë, la fille aînée des Polignac, naît en 1768 au château de Versailles et y grandit. En 1780, à l'âge de 12 ans, elle est mariée à Antoine-Louis-Marie duc de Gramont et de Guiche 1755-1836. Issu du Béarn, ce capitaine des gardes du roi, vient alors d'être nommé au service de la reine. La famille royale assiste à ce mariage et Aglaë continue à vivre entre Versailles, le château de la Muette et l'hôtel des Polignac, rue Saint-Dominique à Paris. Musicienne, elle s'adonne aussi au théâtre, rejoignant la troupe amateur " des seigneurs " où elle tient volontiers des rôles de jeune fille ou de soubrette dans des comédies jouées au Trianon quand la révolution l'amène à suivre ses parents et ses frères à travers l'Europe. Après la Suisse, voici l'Italie puis l'Autriche où meurt madame de Polignac, enterrée à Vienne le 5 décembre 1793. C'est alors qu' Elisabeth Vigée-Lebrun fait une série de portraits, probablement à la demande du duc de mémoire, elle fixe les traits de la duchesse sur la toile et deux dessins gardent le souvenir des deux frères d'Aglaë, Auguste et Camille, nés en 1780 et 1781. Pour le portrait que nous présentons, elle rencontre " la duchesse de Guiche, dont la belle figure n'avait pas changé le moins du monde " cf. Souvenirs, chap. XII et réalise cette figure qui témoigne du goût de l'époque pour les toilettes " simples ", mode promue par madame de Polignac dont les toilettes décontractées firent beaucoup l'Autriche, la duchesse de Guiche connaît la Pologne puis l'Allemagne. En 1801, le comte d'Artois la fait venir en Angleterre où elle entre au service de Marie-Joséphine-Louise de Savoie, épouse du comte de Provence, futur Louis XVIII. Missionnée pour user de ses charmes auprès du premier consul et le convaincre de rétablir les Bourbons, elle se rend à Paris mais Joséphine voit en elle une rivale dangereuse et Aglaë rentre sans avoir rencontré Bonaparte. Elle meurt en Angleterre en 1803 et Charles X fait rapatrier son corps en Béarn en 1825. Les Souvenirs de Madame Vigée-Lebrun listent plusieurs portraits de la duchesse de Guiche " deux portraits de la duchesse de la Guiche " en 1782 ; " la duchesse de Guiche tenant une guirlande de fleurs, la même, au pastel " en 1787 ; " Madame de la Guiche, en laitière " en 1788 ; " deux fois madame de la Guiche, au pastel " en 1789 ; puis, après avoir quitté la France, " Portraits faits à Venise sur toile La duchesse de Guiche, en turban bleu, buste ". Nous n'en connaissons aujourd'hui que trois un pastel daté 1783 et les deux versions du portrait que nous présentons, dont l'une pourrait être celle décrite comme peinte à Venise mais qui aurait été, en réalité, peinte à Vienne. Le comte de Vaudreuil 1740-1817, homme de lettres, soutien d'Elisabeth Vigée-Lebrun et amant de la duchesse de Polignac passe pour avoir eu dans sa collection les portraits de la duchesse de Polignac et de la duchesse de Guiche. BAYEUX ENCHERES SARL le 11/11/2013 - PARIS Hubert ROBERT 1733-1808 La visite au marquis de Travanet lors de sa détention à la prison de Saint-Lazare, 1794 Hubert ROBERT 1733-1808 La visite au marquis de Travanet lors de sa détention à la prison de Saint-Lazare, 1794 Toile et châssis d'origine 49,5 x 60 cm Signé et localisé en bas, à gauche St Lprovenance familiale du modèle/ ligne directe Hubert ROBERT1733-1808La visite au marquis de Travanet lors de sa détention à la prison de Saint-Lazare, 1794Toile et châssis d'origine49,5 x 60 cmSignée et localisée en bas à gauche St L Cadre en bois sculpté et redoré, travail français d'époque Louis Dans la famille du marquis de Travanet depuis l'origineNotre tableau, resté dans la famille du marquis de Travanet depuis ses origines et jamais publié, est un beau et intéressant témoignage de la période tourmentée de la révolution. Originaire de la région d'Albi, Jean-Joseph-Guy Bourguet est né en 1746 à Réalmont, au lieu-dit "La Roque Travanet ". " Mestre de camps de dragons " en 1776 et anobli de ce fait, son mariage avec Jeanne-Renée de Bombelles lui ouvre le cercle de la famille royale et lui permet d'être nommé trois ans plus tard banquier des jeux de la Reine. Son talent à gérer cet important flux de monnaie lui apporte le succès et, après avoir acquis dès 1780 la seigneurie de Viarmes, au Nord de Paris, il s'offre en 1784, un hôtel particulier rue de Grammont à Paris. Entrepreneur, administrateur de la compagnie des Eaux de Paris, ses idées libérales entraînent l'éclatement de son couple, resté sans enfant. Devenu " Citoyen Travanet " il acquiert l'abbaye de Royaumont le 31 mai 1791 lors de la vente de ce bien, devenu bien national, pour y installer une filature de coton dans le voisinage de son domaine de ascension fit des envieux et, bien que commandant la garde nationale de Viarmes, il est dénoncé à Paris, le 11 septembre 1793 par Louis Héron, du Comité de Sûreté Nationale, comme " homme suspect, étalant le luxe le plus insolent, possédant au moins 300 000 livres de rentes. Il est, comme ses pareils, ennemi de notre Révolution, et l'équité et le salut du peuple exigent que l'on s'assure de sa personne. " Le soutien des membres de la Municipalité, du Comité de Surveillance de la commune de Viarmes et de ses ouvriers n'empêche pas son arrestation à Viarmes, le 15 novembre 1793 avec son frère Nicolas et son neveu Henri de Marliave. Si ces derniers sont rapidement relâchés, lui doit attendre la chute de Robespierre pour être libéré le 4 août avoir été incarcéré au palais du Luxembourg puis à la Folie-Regnault, à l'Est de Paris, il est transféré le 20 juillet 1794 à la prison de Saint-Lazare, dans les faubourgs devenus aujourd'hui la gare de l'Est . Cette ancienne léproserie confiée à Saint Vincent de Paul et aux Lazaristes au milieu du XVII° siècle devint lieu de retraite pour les uns, maison de correction pour les autres. Pillée dans la nuit du 12 au 13 juillet 1789 et déclarée bien national, elle devient prison après la suppression des congrégations le 1 septembre 1792 et le restera jusqu'à sa démolition en quelques jours qu' y passera le marquis de Travanet seront marqués par la " conspiration ", élimination massive des prisonniers pour désencombrer les prisons parisiennes. Cent soixante-cinq prisonniers de Saint-Lazare furent exécutés les 6, 7 et 8 thermidor et l'on voit ici le lieu où se sont déroulés les évènements décrits dans le Tableau historique de la maison Lazare cité dans les Mémoires sur les prisons, Paris, 1823 p. 296 C'était le 5 Thermidor, jamais ce jour, et les deux qui l'ont suivi ne s'effaceront de mon souvenir. Sur les quatre heures de l'après dîner, deux longs chariots couverts sont introduits dans la première cour. Nos cœurs se serrent, notre sang se glace en les apercevant de nos fenêtres. /... D'un air sombre et silencieux, une vingtaine de guichetiers se répandent dans les corridors, ils se détachent trois par trois pour aller chercher ceux que l'on appelait Un instant après nous les voyons monter dans les fatals chariots ; /... Le 6 et le 7 nous souffrîmes les mêmes angoisses, nous eûmes la même agonie, nous vîmes nos frères, nos amis s'arracher de nos bras pour marcher à l'échafaud ; mais ces deux derniers jours, par un raffinement de barbarie, on entra quatre heures d'avance les chariots dans la cour, afin de faire éprouver lentement à chacun le supplice affreux de douter s'il était, ou s'il n'était pas du nombre des proscrits que les bourreaux attendaient. La chute de Robespierre le 9 thermidor mettra fin à cet épisode sanglant et les prisonniers seront rapidement libérés dans les jours suivants. Revenu malade, Travanet meurt à Royaumont le 9 octobre 1795, année de la naissance de Lazarine, troisième enfant de son frère Nicolas qui reprendra la à voir donc avec l'atmosphère romantique que peint ici Hubert Robert, co-détenu de Trabanet à la prison Saint-Lazare où il est transféré depuis Sainte-Pélagie en janvier 1794 . Le peintre n'a jamais cessé de travailler, s'évadant ainsi par la pensée . Il " se levait alors à six heures du matin, peignait jusqu'à midi et, après le repas, jouait au ballon avec une adresse étonnante. Sa gaieté et sa tranquillité ne l'ont pas abandonné un seul moment "cf. Expo. cité p. 21. La tradition familiale identifie chaque personnage avec précision Depuis une fenêtre de la prison, le marquis salue un groupe de femmes qui, peut-être, attendent l'heure de la visite. Assise au pied des marches d'une chaumière, Catherine Tolleking est la nourrice des enfants de Nicolas de Travanet. L'aînée, Sophie, est à ses côtés. Deux femmes vêtues de blanc présentent son frère, Scipion, né à Paris, dans l'hôtel de la rue de Grammont le 22 mai 1794. Leur mère, la vicomtesse Marie-Victoire de Travanet est la jeune femme brune tandis que la jeune femme blonde qui tend le bébé est selon toute vraisemblance Joséphine Bourguet dite Chaville, fille du marquis née hors mariage qui épousera son cousin germain, Irénée de Marliave. Hubert Robert, maître de la lumière, l'utilise ici pour opposer deux mondes. A droite la masse sombre de la prison gardée par les baïonnettes révolutionnaires ; à gauche, une image de l'Ancien Régime doucement éclairée. La chaumière n'est pas sans rappeler le hameau de la Reine au Petit Trianon pour lequel Hubert Robert œuvra. Au-delà du potager et des murs de l'enclos Saint-Lazare, Paris et le Panthéon sous un vaste ciel, espace de liberté. Les nombreux détails de la vie quotidienne rendent la scène familière, faisant oublier les circonstances tragiques de la scène. Nous pouvons la rapprocher de plusieurs œuvres conservées au musée Carnavalet S' y trouve la contre-épreuve d'une sanguine située à Saint-Lazare et représentant un moment similaire scène d'adieu à des condamnés ou visite ordinaire de femmes présentant un enfant cf. Expo. cat. 33 p. 110, repr.. Quand il peint, en 1793 Le corridor de la prison Saint Lazare, Hubert Robert y représente le même chien et il signe et localise Le ravitaillement des prisonniers à la prison de Saint Lazare comme le nôtre en rapport [Expo. Royaumont, 2008] Royaumont au XIX° siècle, les métamorphoses d'une abbaye et notamment l' article de Françoise KLEIN [Expo. Valence, 1989] Hubert Robert et la RévolutionEstimation 120 000 / 150 000€ PIASA le 19/06/2013 - PARIS Marie-Gabrielle CAPET Lyon 1761 - Paris 1818 Portrait de la baronne Dannery tenant son fils Jean Germain Samuel dans ses bras Marie-Gabrielle CAPET Lyon 1761 - Paris 1818 Portrait de la baronne Dannery tenant son fils Jean Germain Samuel dans ses bras Gouache sur ivoire 13,5 x 9,5 cm Signée en bas vers la gauche mg capet / an 7 Infime rayure en bas Provenance- Salon de l'An VII 1799, Supplément, N° 704 Miniatures Portrait de la Cne D*** tenant dans ses bras son Salon de l'An VIII 1800 n° 65 Portrait de Madame D*** tenant son enfant sans ses bras.sous le N° 67 Melle Capet exposait cette même année le portrait en miniature de Houdon , récemment récupéré par le musée de Caen. - Resté dans la famille du modèle jusqu'à ce vie et l'œuvre de Marie-Gabrielle CAPET sont intimement liées à celle d'Adélaïde LABILLE GUIARD 1749-1803, et de François-André VINCENT 1746-1816.Accueillie par le jeune couple lorsqu'elle arrive à Paris en 1781, est formée par Labille-Guiard et devient vite son élève qui naît alors entre le couple Vincent-Guiard Labille-Guiard ne deviendra Madame Vincent qu'en 1800 et la jeune Marie Gabrielle Capet, ne se démentira débute au salon de la Correspondance en 1781 et y expose jusqu'en 1785. En 1791 elle est l'une des vingt et une femmes artistes qui exposent pour la première fois au salon du les troubles révolutionnaires, alors que leur grande rivale Elisabeth Vigée-Lebrun quitte la France, les deux femmes restent à Paris et prennent ensemble le virage de la révolution, exposant souvent côte à côte au salon. Afin de ne pas porter ombrage à son amie, Martie Gabrielle Capet, qui souvent avait pris une large part à la réalisation des portraits de Labille-Guiard, n'expose du moins jusqu'en 1795 le plus souvent que des de plus en plus régulièrement, dans une technique dans laquelle elle excelle également, le portrait au pastel de ses concitoyens, confrères ou amis, tels Labille-Guiard et Vincent bien sûr, mais aussi Chénier, les avocats Berryer et Demetz, le peintre expose pour la dernière fois au salon de 1814. Outre le tableau que Labille-Guiard exposa au salon de l'an VI qui représente son élève, et plusieurs autoportraits, le visage de l'artiste nous est connu par le Portrait de Mme Labille-Guiard et ses deux élèves Melles Capet et Carreaux de Rosemond 1785, New York, The Metropolitan Museum, le Portrait de Marie Gabrielle peignant le Sénateur Vien Munich, Alte Pinakothek ainsi que par plusieurs dessins de Vincent pour l'un, Paris, musée du Petit Palais.Au salon de l'an VI 1798, Marie Gabrielle Capet ne montre qu'une seule facette de son talent en n'exposant que des miniatures, dont les portraits de Labille-Guiard et de Vincent ainsi que celle que nous Frégot, alias Forget 1772-1845 de Saint-Germain épouse Jean-Baptiste-Thomas Dannery Versailles, 1744 - Ollainville,1806 qui fut consul de France en Espagne. S'il prit position pour la déchéance de Louis XVI, il s'opposa à la peine de mort en 1792. Ils eurent un fils, Jean-Germain-Samuel Adam Dannery né à Boston en 1795 et mort au Chili en 1837. une note au dos du cadre nous dit... Samuel Dannery agé de 2 ans, ce que confirme la date de notre miniature. Après avoir été gouvernante des princesses d'espagne, filles de Joseph Bonaparte, elle est nommée surintendante de la maison d'éducation de la Légion d'honneur à Saint-Denis, fonction qu'elle occupe de 1837 ou 1840 à sa mort en 1851. Elle est enterrée dans le cimietière de cette maison, à côté de sa petite-fille, ancienne élève de cette maison décédée à 17 ans. Elle est ici avec fils Samuel, âgé de deux ans. VERSAILLES ENCHERES SARL le 14/04/2013 - PARIS Bernardino MEI Sienne, vers 1615 - Rome, 1676 Dalila et Samson retenu à un clou par sa chevelure Bernardino MEI Sienne, vers 1615 - Rome, 1676 Dalila et Samson retenu à un clou par sa chevelure Toile 216 x 185 cm Agrandie d'une bande de 8cm en hautPorte une ancienne attribution à Luca Giordano Accidents, manques Provenance Coll. Scipione Bargagli, Sienne, avant 1723 Coll. Claudio et Celso Bargagli, Sienne, en 1740 Palais Farnese, Rome d' après la vente de 1838 Vente Londres, salle du Pantechnicon, Christopherson, en 1838 Coll. privée anglaise à la fin du XIX° siècle Resté depuis dans la même famille d'origine anglaise qui s'installa en 1903 dans un manoir de la région de Fécamp Cet épisode de l'histoire de Samson et Dalila, rapporté dans le Livre des Juges, n'a que trés rarement retenu l'attention des peintres. Consacré à Dieu, Samson lutte avec succès contre les Philistins. Pour connaître le secret de sa force, Dalila le séduit et l'interroge à plusieurs reprises. La troisième fois, elle lui demande "Jusqu'à quand me tromperas-tu? Dis-moi donc avec quoi il faudrait te lier. Samson lui dit Si tu entortilles sept cheveux de ma tête avec la chaîne du tissu et, qu 'ayant fait passer un clou par dedans, tu l'enfonces dans la terre, je deviendrai faible." Profitant du sommeil de Samson pour ce faire, Dalila le réveille ensuite, lui disant " Voilà les Philistins sur toi, Samson ! Et s'éveillant tout à coup, il arracha le clou avec ses cheveux et la chaîne de tissu." Juges XVI, 13-14 C'est cet instant que dépeint Bernardino Mei avec une force et un réalisme qui font de ce tableau l'un des chefs d'oeuvre de celui qui fut le plus grand artiste de Sienne après la mort de Rutilio Manetti en 1639. Ce "Dalila et Samson retenu à un clou par sa chevelure" apparaît dans deux inventaires des biens du siennois Scipione Bargagli. Son inventaire après-décès du 17 décembre 1723 répertorie une galerie de plus de 70 tableaux. Le numéro 482 décrit "Un quadro grande in diacere, con sue cornici nere largo b[racci]a 3 et alto b[racci]a 3 1/3 col ritratto di Sansone con le chiome al chiodo, e Pallada con altre figure al naturale del Mej sic". Le format indiqué 175 x 195 cm est bien celui du tableau que nous présentons avant son agrandissement. On retrouve le tableau dans les biens encore en indivision entre les deux frères de Scipione, Claudio et Celso Bargagli, le 22 décembre 1740 "Sansone colle chiome al chiodo. Del Mei ... 40".Le tableau, décrit avec une grande précision, réapparaît à Londres en 1838, avec une attribution à Annibal Carrache "N° 790. The chef d'oeuvre by Annibale Carracci, From the Farnese Palace at Rome, -representing Samson and Dalilah...This splendid workis noble and grand in conception as it is fine and masterly in execution. In the beautiful forms of the antique is here seen the perfect design and grandeur of outline of Michael Angelo; the sweetness and purity of Correggio; the warmth and distribution of Colours of Titian, harmoniously blended in Annibale Carracci's force. The expression of Samson is wonderfully wrought his gigantic figure in fine proportion the right hand grasping the jaw-bone, the left raised above the head, both in accordance with that writhing espression caused caused by sudden and violent pulling of the hair; to the locks the nail is attached, painted as drawn from its hold. The fine figure of Dalilah is beautifully contrasted with the head of the aged waiting woman. L'amour flying from the scene, by the finger placed in and about to be withdrawn from the mouth, announces hios resolve to depart the cherub is painted, as nature round, exclaiming, "Io non ti voglio più" or, "Addio, me ne vâdo".-I leave you to return no more- I quit you for ever. The expression is frequently used by the Italians, when one person is moved with indignation at the conduct of another. Le chef d'oeuvre d' Annibal Carrache, provenant du palais Farnese à Rome, représentant Samson et Dalila... Cette oeuvre magnifique est d'une grande et noble conception, d'une belle et remarquable exécution ... L'expression de Samson est merveilleusement traduite, sa taille gigantesque a de belles proportions, sa main droite qui tient la mâchoire et sa main gauche levée au-dessus de la tête traduisent sa douleur quand il est, soudain, violemment retenu par la chevelure. Le clou qui retient ses cheveux semble lutter pour ne pas céder. La belle figure de Dalila contraste avec celle de la femme âgée qui attend. L'amour quitte la scène qu'il désigne du doigt, celui qu'il retire de la bouche signifiant sa décision de partir pour ne plus revenir. Tout en rondeurs, il s'exclame "Io non ti voglio più" ou "Addio, me ne vâdo", expression souvent utilisée par les Italiens pour dire leur indignation face à la conduite d'un autre.Le cartel indique qu'il a également été attribué à Luca Giordano FRAYSSE & ASSOCIES le 10/04/2013 - PARIS Jacobus VREL actif à Delft et Haarlem de 1634 à 1662 Une femme à sa lecture Jacobus VREL actif à Delft et Haarlem de 1634 à 1662 Une femme à sa lecture Panneau de chêne parqueté 54,5 x 41 cm Signé en bas sur un papier froissé au sol jaco/bus/Frell Provenance - Coll. Mme James Odier ;- Sa vente, Paris, 25 mars 1861, lot 25 comme Pieter de Hooch ;Acquis à cette vente par Mündler 470 francs ;- Coll. de l'expert Febvre selon Brière-Misme;- Vente Paris, 11 avril 1868, lot 38 comme Vermeer, " Belle œuvre digne de Pieter de Hooch " ;- Collection Adolphe Schloss, Paris, en 1904 et en 1929 ;- Collection Mme Henri Schneider, Paris, en 1935 ;- Succession de ;Puis par Clotilde BRIERE-MISME Un " intimiste hollandais ", Jacob Vrel in " Revue de L'Art Ancien et Moderne " novembre et décembre 1935, pp. 160-162, ; Van der Meer de Delft , Gazette des Beaux Arts oct-nov. 1866 p. 566, n. 44;HOFSTEDE de GROOT Kritische opmerkingen, op. cit., 1904, Jacobus Vrel, op. VALENTINER Pieter de Hooch Stuttgart, 1929 p. XXXIV collection Schloss. Looking in to Jacob Vrel , Yale Journal of Cristicism, Volume 3, number 1, 1989 fig. 13 location unknown.Estimation 80 / 120 000 €________________________________________ Jacobus Vrel est l'un des artistes les plus rares et les plus attachants de l'école hollandaise. Si l'on sait peu de choses de son lieu de naissance et de ses débuts, la réputation de l'artiste devait être établie assez tôt puisque deux de ses œuvres apparaissent dans l'inventaire de l'archiduc Léopold dressé en 1659. Tombé dans l'oubli jusqu'à sa redécouverte en 1935 par Clotilde Brière-Misme, le corpus de son œuvre se reconstitue depuis et l'on dénombre aujourd'hui une petite quarantaine d' œuvres réparties en deux groupes, les scènes de rues et les vues d' œuvre évoque irrésistiblement celui de Pieter de Hooch auquel ont pu être attribués plusieurs de ses tableaux, mais Vrel se détache de son contemporain par des compositions plus dépouillées et intériorisées, moins " mondaines ". Les personnages sont issus du peuple et l'extrême sobriété de ses intérieurs concentre l'attention sur le sujet ; les murs clairs associés au noir des huisseries et des plinthes évoquent les églises peintes par Saenredam avec lesquelles ils partagent le même mystère qui a fait dire à Brière-Misme A chacune de ses œuvres il se détourne davantage du monde. Lugt possédait un tableau de Vrel aujourd'hui à la Fondation Custodia, Paris qui fait écho à celui que nous présentons, Une femme faisant signe à un enfant à travers la fenêtre 46 x 39 cm, signé VREL sur un papier froissé à terre ; le tableau date certainement de la même période. On y retrouve une palette restreinte et les mêmes protagonistes. L'importance des murs blancs éclairés par un lustre dont la lumière se reflète dans les verres bombés de la fenêtre est renforcée par l'obscurité dans laquelle apparaît l'enfant, le visage collé à la cette même période doit dater également Les soins maternels, autrefois à la galerie Knoedler Panneau, 53 x aujourd'hui conservé au musée de Detroit Brière-Misme, fig. 16. Les scènes d'intérieur de Vrel comptent parmi les plus poétiques de l'âge d'or hollandais. Autour de Vermeer et de Pieter de Hooch, Vrel compose " une strophe personnelle et charmante dans le plus beau poème créé par la peinture hollandaise au 17è siècle, le poème de l'intimité " Brière-Misme May et associés le 18/03/2013 - PARIS Balthasar van der AST 1593-1657 Nature morte à la coupe de fruits, vase de fleurs, coquillages et insectes Balthasar van der AST 1593-1657 Nature morte à la coupe de fruits, vase de fleurs, coquillages et insectes Panneau de chêne, trois planches non parquetées 43 x 69 cm Cadre cadre en bois sculpté et redoré, travail francais d'époque Louis XIII Trace de signature et de date en bas à gauche Restaurations anciennes Balthasar Van der Ast est né à Middelburg et entre en 1609 après la mort de son père dans l'atelier de son beau-frère Ambrosius Bosshaert le vieux 1573-1621. C'est probablement vers 1615 qu'il déménage à Bergen-op-Zoom avec la famille Bosshaert, avant de s'installer à Utrecht en 1619 où il est fait membre de la guilde de Saint Luc. Après la mort de Bosshaert en 1621, il semble que Van der Ast soit devenu le doyen de la guilde des peintres de fleurs et de fruits. En 1632 il s'installe à Delft ou il reste actif jusqu'à sa mort en 1624 Van der Ast s'inspire littéralement des compositions, et de la manière, de Bosshaert au point que certains oeuvres ont parfois été confondues. On trouve des compositions généralement en hauteur, souvent uniquement des fleurs, dans un vasse posé sur un entablement de pierre que viennent agrémenter quelques insectes, l'ensemble baigné dans une lumière assez froide. A partir des années 1625 Van der Ast semble mettre au point un nouveau type de compositions , plus en largeur, dans lesquelles il isole les fleurs des fruits souvent dans des porcelaines Wanli Kraak sur un entablement de pierre et que veinnent égayer des coquillages, des papillons ou des ci sont un emprunt à la manière de Roelandt Savery, nouvellement installé à Utrecht après un séjour à Prague. Au 17è siècle les coquillages exotiques étaient rapportés d'Indonésie, du Japon, du Brézil des Indes Orientales et des Carraïbes par les bateaux de la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales. Tout comme les bulbes de tulipes, ceux-ci furent l'objet de convoitises et de spéculations très importantes. Leur valeur dépendant autant de leur rareté et de leur prestige que de leur valeur d'investissement. etd épendait de la mode du moment, il pouvait ainsi en couter plusieurs miliers de guilders chacun. Le poète Romer Vissher en fit une vive critique, stigmatisant dans son Sinnepoppen qui parut en 1614 les collectionneurs en anotant en bas d'une gravure repésentant des coquillages exotiques le Ridicule des fous qui dépensent leur argent et spéculent sur les coquillages... voir The Bosshaert Dynasty, 1980, Van der Ast excellait dans la manière de représenter ceux-ci si bien que de nombreux comtemporains l'imitèrent. Sam Segal a suggéré que les coquillages étaient vus comme un symbole de vanité A Prosperous Past, catalogue d'exposition, 1989, Cependant il est très probable qu'ils symbolisaient également la gloire des créations de Dieu par la richesse de leur reflets et leur texture. qui, selon le poète Philippe van Borsselin en 1611 exprime la conviction que toute beauté et éclat sont le reflet de Dieu. On pourra comparer notre composition à celle passée en vente chez Christie's à Londres le 8 décembre 1995, n°38 panneau x 84cm, signée et datée 1626. Avec celle vendue chez Sotheby's le 3 juillet 1996, n° 66, datée 1625, elle pêrmet de dater notre tableau autour de cette date . Nous remercions Monsieur Fred Meijer pour nous avoir confirmé le caractère autographe de notre tableau. Claude Aguttes le 07/12/2012 - PARIS Hendrick Van BALEN 1575-1632 Le Frappement du Rocher Hendrick Van BALEN 1575-1632 Le Frappement du Rocher Cuivre parqueté 50 x 65 cm Cadre cadre en bois et stuc doré d'époque Empire Quelques restaurations anciennes Selon Karel Van Mander, Hendrick Van Balen fut élève de A. Van est admis à la Guilde d'Anvers en 1593 puis entreprend un voyage en Italie. De retour dans sa ville natale d'Anvers en 1602 il dirige un atelier prospère qui forma pendant plus de 20 ans de nombreux et talentueux élèves dont le jeune Van Dyck ainsi que Frans Snijders. Van Balen s'attacha surtout à la représentation de peintures mythologiques et allégoriques ainsi que des thèmes issus principalement de l'ancien Testament. Il travailla souvent en collaboration avec ses confrères anversois tels Joos de Momper, Frans Snijders Jan Brueghel le vieux, Gaspar de Witte et Jan Brueghel le jeune. Son coloris chaud et son dessin précis, empruntés à l'art de Rottenhamer qui introduisit l'art vénitien dans les Pays-Bas, se conjuguent parfaitement avec le support de cuivre qui permet les effets les plus raffinés. Notre tableau peut être rapproché de deux compositions Fait rare, on peut voir à l'extrême gauche de la composition, ce qui pourrait être le seul autoportrait connu de l'artiste qui nous livre ici l'une de ses comppositions les plus abouties. une version de notre tableau, à notre avis de moindre qualité, est reproduite dans Bettina Werche, Hendrick Van Balen 1575-1632; Ein Antwerpener Kabinettbildmaler der Rubenszeit, Brepols N° A 7H localisation inconnue. May et associés le 18/06/2012 - PARIS David TENIERS le Jeune 1610 - 1690 L'intérieur de l'alchimiste David TENIERS le Jeune 1610 - 1690 L'intérieur de l'alchimiste Toile 60 x 74 cm Sans cadre Provenance - Collection Abraham Bredius 1855-1946 ;- Galerie Goudstiker, Amsterdam, 1919 catalogue vol. XIV, n°75 ;- Collection Charles Huet ;- Succession de Mme Huet, vente Paris, galerie Charpentier, 14 juin 1960, Me Ader, n°52 reproduit Racheté à cette vente par les enfants de Mme Huet, parents des propriétaires actuels. Expositions - Schilderijen van Oude Meesters, La Haye, Pulchri Studio, 1890, n°108 Bredius- Oude Schilderejien bijeengebracht uit de verzamelingen van Dr. A. Bredius en La Haye, Kunstzaal Kleykamp, 1915, n°26 Bredius ;- Catalogue de la collection Goudsticker d'Amsterdam, Amsterdam Maastschappij voor Beeldende Kunsten, 14 décembre 1919 - 4 janvier 1920, n° 75, illustré. - Lille, Musée de l'hospice Comtesse, vers remercions Madame Margaret Klinge qui, après examen direct de l'œuvre, en a confirmé son authenticité. Un certificat de Madame Margaret Klinge sera remis à l' une atmosphère bouillonnante, une profusion de fioles, cornues, livres, pots de terre vernissée, alambics, chaudrons, bouteilles sont disposés sur une table, sur une étagère, sur un tabouret, ou sur un tonneau, ou bien jonchent le sol dans un désordre savamment orchestré. Sur le devant de la scène deux jeunes apprentis s'occupent, l'un à attiser les braises, l'autre se tient prêt à l'assister. L'alchimiste, relégué au fond de la scène, explique à un incrédule les bienfaits de son élixir. De part et d'autre un aide ravive la forge, un autre s'active au mortier ; un spectateur qui passe la tête par la fenêtre s'amuse de la droite un petit chien ferme la composition et dirige habilement l'œil du spectateur vers quatre nature-mortes qui se succèdent en escalier et invitent le spectateur à sortir de l'atmosphère suffocante de cet atelier d' trouve des traces écrites de l'Alchimie, art de la transmutation, depuis plus de trois millénaires dans toutes les grandes civilisations. Elle remonte à l'origine du travail des métaux et sa tradition nous vient des Egyptiens qui transmirent leur savoir aux Grecs avant de parvenir aux Arabes du persan Kimia, la Substance qui ajoutèrent au nom originel le préfixe but principal de l'alchimie est la recherche de la pierre philosophale, substance qui serait capable de transformer les métaux en or. Il est également la recherche de la Panacée universelle, remède capable de guérir tous les maux, de rajeunir la vieillesse et de prolonger indéfiniment l'existence. L'alchimie est aussi la science des faussaires, des fous et des charlatans. Devenue l'apanage des esprits chimériques, elle atteint son paroxysme au XVIème siècle. L'empereur Rodolphe II, grand protecteur des alchimistes, en aurait eu, selon certaines sources, jusqu'à deux cents à son service. Petit à petit les alchimistes ont posé les bases de la chimie moderne avec la découverte des acides, des alcools Mais l'alchimie, et c'est bien la vision que nous en donne Teniers, est l'expression d'un regard sur le monde. Ce qui caractérise avant tout l'alchimiste c'est la patience et sa capacité à transmettre aux plus jeunes les secrets d'une expérience inachevée. Elle est avant tout un cheminement, une éducation au les quelques versions sur le même thème de Teniers, on pourra comparer notre Intérieur d'alchimiste à - L'alchimiste au travail, toile, 78 x 87cm, signée, Vente Christie's Londres, 6 avril 1984, lot 60 ; - L'alchimiste, toile, 65 x 86cm, signée, Vienne, Galerie Sanct Lucas 1993-1994, cat. n° 11 ; - L'atelier de l'alchimiste toile, x 69cm, signée, Vente Paris, Mes Ader- Picard- Tajan, 12/12/1994, n° 22. C'est de cette dernière composition, dans laquelle on retrouve la même mise en scène et le même ordonnancement des objets, que se rapproche notre toile qui reste l'une des plus ambitieuses du peintre sur ce tableau a appartenu à Abraham Bredius 1855-1946 qui fut l'un des plus grands historiens d'art de son temps. Grand connaisseur de la peinture des maîtres du nord, et de Rembrandt en particulier, il publia de nombreux ouvrages sur cette école ; il fut également le spécialiste de Jan Steen. Il s'opposa souvent à Cornelis Hofstede de Groot 1863 - 1930 l'autre grand spécialiste de Rembrandt et légua à La Haye une grande partie de sa collection de tableaux qui fut érigée en musée. Le Rijksmuseum bénéficia également largement de ses documentation de ces deux grands historiens d'art forme aujourd'hui le noyau du Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie RKD à La Haye. GROS & DELETTREZ le 01/06/2012 - PARIS Ambrosius BOSSCHAERT le vieux Anvers 1573 - La Haye 1621 Bouquet de fleurs dans un vase de bronze posé sur un entablement près d' un coquillage Ambrosius BOSSCHAERT le vieux Anvers 1573 - La Haye 1621 Bouquet de fleurs dans un vase de bronze posé sur un entablement près d' un coquillage Cuivre 34,2 x 23,4 cm Cadre en bios et stuc doré, travail Français d'époque empire Monogrammé et daté 1621 ? en bas à droite Petit manque ProvenanceFrance, collection privée depuis au moins le début du 19è siècle Ambrosius Bosschaert est baptisé à Anvers le 18 novembre 1573. Il est l'unique fils d'un peintre du même nom dont aucune œuvre n'est aujourd'hui connue. Fuyant l'arrivée des Espagnols, les Bosschaert se réfugient à Middelburg vers 1587. Ambrosius est reçu maitre de la guilde de cette ville vers 1593. Sa carrière s'épanouit alors, favorisée par une forte tradition locale de collectionneurs. Ambrosius Bosschaert fonde une véritable dynastie de peintres de fleurs avec ses trois fils Ambrosius le jeune, Johannes et Abraham, ainsi que son beau frère Balthasar Van der Ast. A l'instar de Rubens, Bosschaert développe un commerce de tableaux. Il semble s'être spécialisé dans les écoles allemandes et flamandes. De nombreux documents attestent de cette activité tant à Anvers qu'à Francfort, en Angleterre et en Irlande. Un commerce qui semble lui avoir réussi puisqu'en 1611 il achète une grande maison à Middelburg. En aout 1619 il quitte la ville qui a fait sa fortune pour Breda, mais l'artiste meurt subitement en 1621 alors qu'il est de passage à La Haye pour livrer à un serviteur du prince Maurice d'Orange une des ses compositions qui firent sa réputation..Ambrosius Bosschaert est considéré comme le pionnier de la nature morte de fleurs en Hollande. L'étude des plantes médicinales et leur représentation dans les manuscrits enluminés trouve sa source au moyen-âge. Alors que l'intérêt scientifique pour les fleurs se développe vers la fin du 16è siècle, il prend une dimension plus esthétique au début du 17è siècle et Bosschaert est le premier peintre à s'en faire une spécialité probablement avant même que Jan Brueghel le vieux ne fasse croitre à Anvers une école de nature morte sur ce dispose ici dans un vase de bronze ou de verre ? agrémenté de mufles de lion, un bouquet d' iris, tulipe, jacinthe bleue, roses, myosotis, muguet, cyclamen, ancolie, fritillaire, pensées et renoncules qu'il présente sur un entablement à côté d' un coquillage et d'une mouche . Sur une fleur à droite est posé un papillon. Au-delà de leur beauté, les fleurs sont choisies pour leur symbolique. La rose qui représentait à l'origine l'amour triomphant de Vénus est devenue l'image de l'amour universel de la Vierge Marie, " rose sans épines ". Entre les roses, une ancolie blanche, une des sept fleurs du jardin de la vierge, représente l'un des dons de l' Esprit-Saint, parmi eux, la Foi, l'Espérance et la Charité. Le myosotis, de la couleur du ciel, est la fleur du Paradis. Il rappelle le salut de l'âme restée fidèle à son Dieu. Le muguet, par son parfum délicat, évoque l'humilité de la Vierge. Les cinq pétales de la pensée sont l'image des cinq plaies du Christ, tandis que ses trois couleurs sont un rappel de la Trinité. En haut de la composition, un bel iris jaune se hisse pour se faire une place à coté d'une imposante tulipe. Annonçant la future royauté du Christ, il est aussi le symbole de la douleur qui transperce la Vierge, telle un glaive dont il rappelle la forme. Il lutte avec la tulipe , plus tard objet de collection, source de richesse et de convoitise qui est le symbole des vanités contemporaines. Discrète, la jacinthe bleue, fleur de la Sagesse chrétienne s'élève davantage encore. Sur la pivoine de droite, symbole de sincérité, se pose délicatement un papillon représentant le côté éphémère de la vie qui passe. La mouche, qui évoque la décomposition à laquelle n'échappera pas ce bouquet de fleurs coupées rappelle que toute vie à une fin et qu'il faut s'y préparer. Pour cela il convient de ne pas s'éloigner de la parole du Christ, seul vainqueur de la mort. Le coquillage, par sa structure interne, est une image de la résurrection, renaissance à la de donner vie à sa nature morte et lui éviter un côté " statique ", Bosschaert emploi un procédé simple mais efficace sur un fond léger gris et transparent, l'artiste " charge " certaines fleurs tulipe, iris ainsi que le feuillage pour leur donner consistance et relief, tandis qu'il peint plus légèrement roses et muguet, ce qui leur confére une certaine fraîcheur. Tirant parti du fond gris sur lequel on devine les traits de construction au crayon, il traduit la nacre du coquillage par des glacis bruns que viennent réveiller de petits accents de tableau dérive d'une autre nature morte du maitre, datée 1621, conservée dans une collection particulière cuivre, x cm, image RKD 122688; d'une composition analogue, elle s'en distingue toutefois pas une vase bulbe en verre, l'absence de coquillage, la présence du papillon sur l'entablement et un cartouche sur fond bleu lapis au bas de l' à ce jour, notre tableau est un ajout très important au corpus de l'œuvre restreint de Bosschaert. Il n'était connu jusqu'à présent qu'à travers plusieurs copies anciennes - L'une au Erschede Rijksmuseum bois, 34 x 22cm ; ancienne collection Van Heel,- L'autre vente Sotheby's Londres, 6 dec. 1972, n°8 ; puis Paris, Galerie d'art Saint Honoré, 1985 17th century Netherlands Paintings Ambrosius Bosschaert le Jeune, comme peint sur cuivre x puis Salomon Lilian Amsterdam, 1995, comme peint sur argent.- Une troisième est reproduite dans The Bosschaert Disnaty, 1960, 49 comme atelier de remercions Monsieur Fred Meijer qui, d'après photographie, a bien voulu nous confirmer le caractère autographe de notre tableau. ENCHERES SADDE SARL le 21/05/2012 - PARIS Osias BEERT l'ancien Anvers ?, vers 1580 - ?, 1624 Nature morte aux plats d' huîtres, volaille rôtie, friandises et fruits secs posés sur un entablemen Osias BEERT l'ancien Anvers ?, vers 1580 - ?, 1624 Nature morte aux plats d' huîtres, volaille rôtie, friandises et fruits secs posés sur un entablemen Panneau de chêne, deux planches, non parqueté 58 x 92 cm Fente et petits manques Osias BEERT l'ancienAnvers ?, vers 1580 - ?, 1624Nature morte aux plats d' huîtres, volaille rôtie, friandises et fruits secs posés sur un entablement avec des verres et un bocal " façon-de- Venise "Maître à la Guilde d'Anvers en 1602, Osias Beert est probablement né à Anvers vers 1580. Jan Brueghel de Velours, Anversois de 12 ans son aîné, lui a ouvert le chemin en assemblant des objets de formes et matières diverses pour créer des natures mortes d'un genre nouveau . Osias Beert excelle dans ces arrangements, imaginant sans cesse de nouvelles compositions. Le point de vue légèrement plongeant qu'il adopte permet une mise en perspective de chaque objet, décrit avec réalisme. La partie gauche baigne dans une lumière qui joue avec les verreries, l'éclat des étains et les grains de gros sel. Le couteau qui reprend la diagonale allant des radis aux verres mène notre regard vers cette partie remarquable du tableau. Ce qui semble n'être qu'une reprise d'éléments présents dans d'autres compositions se révèle une invention originale Osias Beert ne peint jamais deux verres identiques. Faits pour rehausser la robe du vin, blanc ou rouge, leurs formes sont uniques, associant jambes et paraisons de décors variables. Les arrangements de friandises et fruits secs sont également toujours renouvelés. Le papillon qui anime le premier plan rappelle l'engouement de l'époque pour les vanités associé à un moment de bonne chère qui ne peut durer, il rappelle que la vie est un passage éphémère, ce que disent également la coquille de noisette vide et le ver, image de la Greindl recense 12 tableaux signés par l'artiste dont une Nature morte au plat d'huîtres et cinq plat de friandises avec un bocal et deux verres comparable à celle que nous présentons toile, 77 x 112 cm ; cf. Les peintres flamands de Nature Morte au XVII° siècle, Bruxelles, 1983, pp. 335-337, Cat. n°4, repr..Nous pouvons également la rapprocher de la Nature morte aux plats d'huîtres et fruits secs, biscuits dans un plat de porcelaine Wan-Li et verreries sur une table conservé à la National Gallery of Art de Washington et daté des années 1620/24 Panneau, 52 x 73 cm. Maître Adrien BLANCHET le 26/03/2012 - PARIS Jusepe de RIBERA Jativa 1588 - Naples 1656 Saint Jean l'évangéliste Jusepe de RIBERA Jativa 1588 - Naples 1656 Saint Jean l'évangéliste Toile 105 x 83 cm Cadre ancien avec petits accidents Porte au dos une étiquette d'inventaire N°14-Salle à manger/ Tableau représentant Saint Jean/ Joli morceau de peinture/ La main en particulier, est trés belle/ Ecole francaise du XVIII° siècle/ inspiration de Philippe de Champaigne Petits manques f JEAN DIT CAZAUX et ASSOCIES SARL le 20/10/2011 - PARIS Jacob SAVERY 1545-1620 Patineurs sur une rivière gelée devant une église Jacob SAVERY 1545-1620 Patineurs sur une rivière gelée devant une église Panneau de chêne une planche, non parqueté 29 x 41 cm Fente et petits manques SAINT GERMAIN EN LAYE ENCHERES le 28/11/2010 - PARIS Jean-François de TROY 1679- 1752 Psyché et l'Amour Jean-François de TROY 1679- 1752 Psyché et l'Amour Toile 67 x 82,5 cm PIASA le 01/12/2006 - PARIS Jacques Louis DAVID Paris 1748-Bruxelles 1825 Portrait du général baron Claude Marie Meunier, gendre de Jacques Louis David Jacques Louis DAVID Paris 1748-Bruxelles 1825 Portrait du général baron Claude Marie Meunier, gendre de Jacques Louis David Sur toile d'origine 72,5 x 58 cm Résultats de votre recherche Jean-Léon GEROME 1824 - 1904 L'épouse du roi Candaule Toile circulaire x cm Estimation 8 000 / 12 000 € , 28/09/2022 COUTON VEYRAC JAMAULT Antoine-Jean GROS dit le Baron GROS Paris 1771 - Meudon 1835 Charlemagne et Hildegarde, esquisse pour la coupole du Panthéon Toile d'origine 128,5 x 128 cm Estimation 80 000 / 120 000 € , 25/09/2022 Me Jacques FARRAN Jean-Baptiste GREUZE Paris 1725 - Tournus 1805 Portrait de Madame de Champcenetz 1742-1805 Toile ovale67 x 56,8 cm Estimation 30 000 / 40 000 € , 18/09/2022 DAGUERRE Mes Benoit Derouineau et Bertrand de Cotton Attribué à David de KONINCK 1636 - 1699 Un couple de pigeons dans une corbeille avec des peches et quetsches ; Ara et lapin avec des raisins, un melon et des peches Paire de toiles 40 x 57,5 cm Estimation 4 000 / 6 000 € , 10/08/2022 KACZOROWSKY Salorges Enchères Giovanni Paolo PANINI Piacenza 1691 - Rome 1765 Vue du Forum romain prise du Capitole Toile67 x 119 cmrestaurations Estimation 60 000 / 80 000 € BIARRITZ , 07/08/2022 Boisgirard Antonini Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT 44 19 paysages Dimension du cadre 144 x 151,5 cm Estimation 80 000 / 100 000 € , 03/07/2022 DAGUERRE - VAL de LOIRE Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT 43 19 paysages Dimension du cadre 147,5 x 145 cm Estimation 80 000 / 100 000 € , 03/07/2022 DAGUERRE - VAL de LOIRE Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT42 24 Paysages Dimension du cadre 154,5 x 152,5 cm Estimation 80 000 / 100 000 € , 03/07/2022 DAGUERRE - VAL de LOIRE Auguste Jean Baptiste VINCHON Paris 1787 - Bad Ems 1855 LOT 41 24 Paysages Dimension du cadre 154,5 x 153,5 cm Estimation 80 000 / 100 000 € , 03/07/2022 DAGUERRE - VAL de LOIRE Bernardo DADDI Florence, vers 1290 - 1348 Saint Dominique ressuscite le jeune Napoleone Orsini Panneau à fond or38,9 x 35,2 cm Estimation 200 000 / 300 000 € , 23/03/2022 ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier Jean Simeon CHARDIN 1699-1779 Le panier de fraises des bois Toile38,5 x 46 cm Estimation 12 000 000 / 15 000 000 € , 23/03/2022 ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier Bernhard STRIGEL Memmingen 1460 - 1528 Ange thuriféraire vêtu d'une tunique jaune Panneau de chêne, quatre planches, non parqueté48,8 x 61,2 cm Estimation 600 000 / 800 000 € Jusepe de RIBERA Jativa 1588 - Naples 1656 Saint Pierre repentant Toile76 x 64 cm D’origine en bois mouluré et doré, travail italien du 17ème Estimation 200 000 / 300 000 € , 13/12/2021 GROS & DELETTREZ Raden Syarif Bastaman SALEH Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880 Vue de la route descendant du mont Megamendung Toile d'origine, cachet au dos de G Rowney & C° à Londres 134 x 165,5 cm Estimation 1 000 000 / 1 500 000 € , 02/12/2021 DAGUERRE Mes Benoit Derouineau et Bertrand de Cotton Jean-Honoré FRAGONARD Grasse 1732 - Paris 1806 Un philosophe lisant Toile ovale d'origine x 57 cm Estimation 1 500 000 / 2 000 000 € , 26/06/2021 PETIT EPERNAY Jan Jansz Van de VELDE III Harleem 1620 - Enkhuizen 1662 Nature morte au Rohmer, salière, huîtres et citron Toile43 x 55 cm Estimation 200 000 / 300 000 € , 09/06/2021 ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier Frans SNYDERS Anvers, 1579 - 1657 Nature morte avec deux singes jouant avec une corbeille de fruits renversée panneau de chêne, trois planches, non x cm Estimation 300 000 / 400 000 € , 09/06/2021 ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier Claude Joseph VERNET Avignon 1714 - Paris 1789 Pêcheurs retirant leur filet dans un paysage classique Toile74,5 x 98 cm Estimation 80 000 / 120 000 € , 08/06/2021 AUDAP et Associés ZHURAVLEV Firs 1836-1901 Jeune fille en kokochnik Toile d'origine 66,5 x 54 cm Estimation 20 000 / 30 000 € , 06/05/2021 LIBERT Me Damien Maria van OOSTERWYCK Nootdorp,1630 - Amsterdam,1693 Bouquet de fleurs dans un vase en grès du Rhin posé sur un entablement à côté d' une nature morte de coquillages Toile101,5 x 78 cm Estimation 100 000 / 150 000 € , 26/03/2021 POMEZ - BOISSEAU Mes Luca GIORDANO Naples 1632-1705 Cain et Abel Toile194 x 145 cm Estimation 40 000 / 60 000 € , 29/01/2021 ADER NORDMANN & DOMINIQUE Giuseppe VERMIGLIO 1585 - 1635 Le Mariage mystique de sainte Catherine entre sainte Agathe et saint Jean-Baptiste Toile 170 x 196 cm Estimation 150 000 / 200 000 € , 29/01/2021 ADER NORDMANN & DOMINIQUE Lazzaro BASTIANI actif à Venise de 1449 à 1512 Vierge à l'Enfant Panneau renforcé 48 x 31 cm Estimation 50 000 / 70 000 € , 27/11/2020 POMEZ - BOISSEAU Mes GIAN GIACOMO CAPROTTI dit le SALAI Oreno di Vimercate 1480 - Milan 1524 Marie Madeleine Panneau une planche65 x 50 cm Estimation 100 000 / 150 000 € , 18/11/2020 ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier Charles Antoine COYPEL Paris 1694 - 1752 La mise au tombeau toile 67 x 57 cm Estimation 20 000 / 30 000 € , 31/10/2020 BRISCADIEU Me Antoine Abraham WILLAERTS Utrecht 1603 - 1669 Vaisseaux, dont l'Amélia, devant la ville de Mauritsstad, Brésil panneau, une planche, non parqueté46 x 81 cm Estimation 15 000 / 20 000 € , 10/10/2020 CHAMPION KUSEL Louis GAUFFIER Poitiers 1762- Florence 1801 Famille d'un diplomate accrédité en Italie sous le Directoire, la cueillette des oranges toile69 x 99 cm Estimation 40 000 / 60 000 € , 04/10/2020 ROUILLAC Mes Philippe et Aymeric Salomon Van RUYSDAEL vers 1600/1603 - 1670 Voilier au large Panneau de chêne parqueté 18 x 24 cm Estimation 40 000 / 60 000 € , 22/09/2020 PESCHETEAU-BADIN François DESPORTES 1661 - 1743 Nature morte de gibiers et de fruits x 83 cmen bois sculpté doré, travail français d'époque Louis XIV Estimation 150 000 / 200 000 € , 19/09/2020 BRISCADIEU Me Antoine François BOUCHER 1703-1770 Joueur de vieille Joueur de x 32 cm Estimation 40 000 / 60 000 € Paris, 23/06/2020 DAGUERRE Mes Benoit Derouineau et Bertrand de Cotton Jusepe de RIBERA Jativa 1588 - Naples 1656 Un philosophe l'heureux géomètre Toile100 x 75,5 cm Estimation 200 000 / 300 000 € PARIS, 16/06/2020 DAGUERRE Osias BEERT le Vieux Anvers ? vers 1580 - 1624 Bouquet de fleurs dans un vase sur un entablement Cuivre22 x 18 cm Estimation 25 000 / 30 000 € Saint Martin Boulogne, 29/02/2020 Maitre Anne RICHMOND Michael SWEERTS Bruxelles 1618- Goa 1664 Un enfant tenant un fruit allégorie du goût Toile24,6 x 18,3 cm Estimation 80 000 / 120 000 € Paris, 09/12/2019 Maître Emmanuel FARRANDO MAÎTRE DE VISSY BROD, Bohême vers 1350 La Vierge te l'Enfant en trône, panneau de dévotion Peinture à l’oeuf sur panneau de bois fruitier22 x 20 cmSans cadre Estimation 400 000 / 600 000 € Dijon, 30/11/2019 Maître Hugues Cortot et associés Jean-Baptiste PERRONNEAU Paris ca. 1715 - Amsterdam 1783 Portrait présumé de François Gorsse en habit gris Pastel57 x 47 cm Estimation 15 000 / 20 000 € PARIS, 20/11/2019 Damien LIBERTSVV Michael SWEERTS Bruxelles 1618- Goa 1664 Le toucher Toile75 x 60 cm Estimation 400 000 / 600 000 € Paris, 15/11/2019 MIRABAUD FABIEN & MERCIER CLAUDIA Cesare MAGNI Milan 1492 - 1534 Vierge à l'enfant Panneau, une planche, renforcé74 x 56,6 cm Estimation 200 000 / 300 000 € PARIS, 13/11/2019 ARTCURIAL Artemisia GENTILESCHI 1593 - 1652 Lucrèce Toile95,5 x 75 cm Estimation 600 000 / 800 000 € PARIS, 13/11/2019 ARTCURIAL Cenni di Pepo dit CIMABUE Connu de 1272 à 1302 Le Christ moqué Peinture à l’'oeuf et fond d’'or sur panneau de peuplier25,8 x 20,3 cmSans cadre Estimation 4 000 000 / 6 000 000 € Senlis, 27/10/2019 HOTEL DES VENTES DE SENLIS sarl Michelangelo Merisi dit Caravaggio Milan 1571 - Porto Ercole 1610 Judith et Holopherne Toile144 x 173,5 cm Estimation sur demande TOULOUSE, 27/06/2019 Marc Labarbe Sarl Horace VERNET Paris 1789 - 1863 Daniel dans la fosse aux lions Toile147 x 114,5 cm Estimation 150 000 / 200 000 € Jacques STELLA Lyon, 1596 - Paris, 1657 Judith avec la tête d'Holopherne Ardoise26,6 x 22,5 cm Estimation 20 000 / 30 000 € ANGERS, 05/12/2018 Xavier de La Perraudière Eurl Frans II FRANCKEN Anvers 1581 - 1642 La traversée de la Mer Rouge Panneau présentant au dos un décord peint118 x 213,5 cmSans cadre Estimation 120 000 / 150 000 € Troyes, 29/09/2018 Maître Thierry Pomez Willem van de VELDE 1633-1707 et son atelier Plage de Schweningen Panneau de chêne, renforcé36,5 x 47,5 cm Estimation 15 000 / 20 000 € Paris, 22/06/2018 ADER NORDMANN Jan Jansz. Van de VELDE III Harleem 1620 - Enkhuizen 1662 Nature morte au pichet de grès Panneau de chêne, une planche, non parqueté36 x 28 cm Estimation 150 000 / 200 000 € Paris, 22/06/2018 Me Pierre Audap & Me Fabien Mirabaud François BOUCHER Paris 1703-1770 Une Caravane Toile56 x 74 cm Estimation 150 000 / 200 000 € Paris, 22/06/2018 Me Pierre Audap & Me Fabien Mirabaud Antonio NICCOLINI San Miniato 1772 - Naples 1850 et Letterio SUBBA Messine 1787 - 1868 Vue recomposée de Naples et des antiques du Real Museo Borbonico Toile81,5 x 120 cm Estimation 15 000 / 20 000 € Paris, 22/06/2018 ADER NORDMANN Les frères Le NAIN Antoine Laon avant 1600 - Paris 1648 Louis Laon avant 1600- Paris 1648 Mathieu Laon 1607 - Paris 1677 L'Enfant Jésus en adoration de la croix Toile72 x 59 cmSans cadre Estimation sur demande Vendôme, 10/06/2018 Maîtres Philippe et Aymeric Rouillac Charles MEYNIER Paris 1768 - 1832 Télémaque, pressé par Mentor, quitte l’île de Calypso Sur sa toile d'origine154 x 203 cm Estimation 150 000 / 250 000 € Nantes, 27/03/2018 Hotel des ventes Nantes Joseph VIVIEN Lyon 1657- Bonn 1734 Portrait de l'abbé Ambroise Lalouette 1653-1724, aumônier de Louis XIV, chanoine de l'église Sainte-Opportune Pastel entoilé82 x 65 cm Estimation 80 000 / 120 000 € PARIS, 21/03/2018 ARTCURIAL Ecole FRANCAISE vers 1630 Scène de cabaret avec des mousquetaires Toile134 x 203 cm Estimation 80 000 / 100 000 € PARIS, 21/03/2018 ARTCURIAL Paulus MOREELSE Utrecht 1571 - 1638 Le Pastor Fido Panneau73 x 58 cm Estimation 30 000 / 40 000 € Verviers Belgique, 22/02/2018 Benoît LEGROS Raden Syarif Bastaman SALEH Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880 La Chasse au taureau sauvage banteng Toile110 x 180 cm Estimation 150 000 / 200 000 € VANNES Cedex, 27/01/2018 JACK-PHILIPPE RUELLAN Nicolas POUSSIN Les Andelys 1594 - Rome 1665 La Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste Toile52 x 68 cmCadre cadre Louis XIV Estimation 200 000 / 300 000 € Artemisia GENTILESCHI Rome 1593 - Naples 1652 Sainte Catherine d'Alexandrie Toile71 x 71 cm Estimation 300 000 / 400 000 € Paris, 19/12/2017 Maître Christophe JORON DEREM Cornelis BAZELAERE documenté à Anvers en 1523, dit le MAITRE AU PERROQUET Vierge à l'enfant tenant un perroquet Panneau de chêne, une planche, non parqueté40 x 32 cm Estimation 20 000 / 30 000 € Paris, 11/12/2017 Maître Vincent de Muizon et Maître Olivier Rieunier Elisabeth Louise VIGEE-LE BRUN Paris 1755 - 1842 Portrait de la Mária Franzcisca Palffy 1773-1821 Toile96 x 74 cm Estimation 150 000 / 200 000 € Heidelberg Allemagne, 09/12/2017 Antiquitaten Metz Frans SNYDERS Anvers, 1579 - 1657 Le poissonnier et son étal Toile202 x 334 cm Estimation 350 000 / 450 000 € PARIS, 14/11/2017 ARTCURIAL Jacob van HULSDONCK Anvers 1582- 1647 Oranges, citrons et grenades dans une coupe Wan-Li sur un entablement de pierre Panneau de chêne, une planche, non parqueté27 x 34 cm Estimation 80 000 / 120 000 € Coutances, 25/02/2017 HOTEL DES VENTES DE COUTANCES Jan MASSYS Anvers 1509 - 1575 Saint Jérôme dans son atelier Panneau de chene, trois planches, non parqueté72 x 99,5 cm Estimation 80 / 120 000 € Villefranche sur Saône, 15/10/2016 Maître Gérald Richard Le Maître de FRANCFORT né vers 1460 - actif à Anvers entre 1596 et 1520 La Crucifixion Panneau de chêne, parqueté83 x 71,5 cm Estimation 150 / 200 000 € Saint Cloud, 02/10/2016 Me Le Floc'h Jean Baptiste PERRONNEAU Paris ca. 1715 - Amsterdam 1783 Portrait de Aignant Thomas Desfriches Pastel60 x 50 cm Estimation 120 / 150 000 € PARIS, 08/06/2016 EVE Me Alain LEROY Gaspard DUGHET Rome 1615 -1675 Paysages animés Estimation 150 000 / 200 000 € Monaco, 30/04/2016 Hôtel des Ventes de Montecarlo Hyacinthe RIGAUD Perpignan 1659 - Paris 1743 Portrait de Henri-Oswald de La Tour d'Auvergne Toile, visage inclus dans la toile146 x 112 cm Estimation 120 / 150 000 € Hôtel Drouot, Paris, 04/04/2016 L'HUILLIER Abel GRIMMER Anvers ca. 1570 - avant 1619 Cinq mois février, mars, avril, octobre et décembre Suite de cinq tondiD 25 cm Estimation 400 / 600 000 € DIJON, 30/03/2016 Hôtel des Ventes de Dijon Sarl Willem Claesz HEDA Haarlem 1594- 1680 Nature Morte au rohmer, au nautile et au gobelet en argent Panneau de chêne, deux planches, non parqueté58,5 x 79 cm Paris, 18/11/2015 FRAYSSE & ASSOCIES Bernardo BELLOTTO Venise 1720-Varsovie 1780 Caprice architectural avec une villa vénitienne et un pont de pierre Toile48 x 79 cm Monaco, 28/06/2015 Hôtel des Ventes de Montecarlo Hendrick GOLTZIUS Venlo, 1558 - Haarlem, 1617 Adonis Panneau de bois52 x 40 cm Montréal, 09/12/2014 IEGOR ENCHERES AUCTIONS MAITRE de la nature morte de HARTFORD actif à Rome vers 1600 Nature morte aux fruits et légumes d'automne disposés dans une corbeille, un guéridon et un panier, ou posés sur un entablement Toile100 x 133,5 cmSans cadre Paris, 03/12/2014 FRAYSSE & ASSOCIES FRANS POURBUS le Jeune Anvers, 1569 - Paris, 1622 Portrait d'un homme agé de cinquante-six ans Panneau de chêne parqueté101,5 x 76 cm Enghien, 23/11/2014 Mes GAUTIER GOXE BELAISCH HDV D'ENGHEIN Ecole FRANCAISE vers 1670 Nature morte au tapis iranien, vase de fleurs et singe Toile178 x 215 cm Paris, 14/11/2014 DAGUERRE Eglon Hendrick Van der NEER Amsterdam 1634 - Dusseldorf 1703 Une grande dame Toile64 x 55,5 cm Moulins, 26/05/2014 ENCHERES SADDE SARL Ecole FLORENTINE vers 1395-1400, suiveur d'Agnolo GADDI Vierge à l'Enfant entourée de saint François et de saint Julien Peinture à l'oeuf et dond d'or sur panneau, une planche, renforcée; panneau unique de dévotion72 x 51 cm Brest, 10/04/2014 THIERRY- LANNON et Associés sarl Peter CLAESSEN dit CLAESZ. Berchem ?, 1596/97 - Haarlem, 1660 Nature morte de déjeuner avec un Roehmer, un faisan, un saleron d'argent et vermeil, un pot de grès, Panneau de chêne, deux planches renforcées49 x 75 cm Nîmes, 01/02/2014 Hôtel des Ventes de Nîmes Sarl Attribué au Maitre de la Madeleine Mansi actif à Anvers, 1510-1530 Vierge à l'Enfant Panneau de chêne, une planche non parqueté37,4 x 27,4 cm Roubaix, 09/12/2013 May et associés Elisabeth VIGÉE-LEBRUN Portrait de Madame de Gramont Toile57 x 46 cm Paris, 15/11/2013 Me Pierre Audap & Me Fabien Mirabaud Hubert ROBERT 1733-1808 La visite au marquis de Travanet lors de sa détention à la prison de Saint-Lazare, 1794 Toile et châssis d'origine49,5 x 60 cm Bayeux , 11/11/2013 BAYEUX ENCHERES SARL Marie-Gabrielle CAPET Lyon 1761 - Paris 1818 Portrait de la baronne Dannery tenant son fils Jean Germain Samuel dans ses bras Gouache sur ivoire13,5 x 9,5 cm Bernardino MEI Sienne, vers 1615 - Rome, 1676 Dalila et Samson retenu à un clou par sa chevelure Toile216 x 185 cm Versailles, 14/04/2013 VERSAILLES ENCHERES SARL Jacobus VREL actif à Delft et Haarlem de 1634 à 1662 Une femme à sa lecture Panneau de chêne parqueté54,5 x 41 cm Paris, 10/04/2013 FRAYSSE & ASSOCIES Balthasar van der AST 1593-1657 Nature morte à la coupe de fruits, vase de fleurs, coquillages et insectes Panneau de chêne, trois planches non parquetées43 x 69 cmCadre cadre en bois sculpté et redoré, travail francais d'époque Louis XIII Roubaix, 18/03/2013 May et associés Hendrick Van BALEN 1575-1632 Le Frappement du Rocher Cuivre parqueté50 x 65 cmCadre cadre en bois et stuc doré d'époque Empire Neuilly-sur-Seine, 07/12/2012 Claude Aguttes David TENIERS le Jeune 1610 - 1690 L'intérieur de l'alchimiste Toile60 x 74 cmSans cadre Roubaix, 18/06/2012 May et associés Ambrosius BOSSCHAERT le vieux Anvers 1573 - La Haye 1621 Bouquet de fleurs dans un vase de bronze posé sur un entablement près d' un coquillage Cuivre34,2 x 23,4 cmCadre en bios et stuc doré, travail Français d'époque empire Paris, 01/06/2012 GROS & DELETTREZ Osias BEERT l'ancien Anvers ?, vers 1580 - ?, 1624 Nature morte aux plats d' huîtres, volaille rôtie, friandises et fruits secs posés sur un entablemen Panneau de chêne, deux planches, non parqueté58 x 92 cm Moulins, 21/05/2012 ENCHERES SADDE SARL Jusepe de RIBERA Jativa 1588 - Naples 1656 Saint Jean l'évangéliste Toile105 x 83 cmCadre ancien avec petits accidents Paris, 26/03/2012 Maître Adrien BLANCHET Jacob SAVERY 1545-1620 Patineurs sur une rivière gelée devant une église Panneau de chêne une planche, non parqueté29 x 41 cm Bordeaux, 20/10/2011 JEAN DIT CAZAUX et ASSOCIES SARL Jean-François de TROY 1679- 1752 Psyché et l'Amour Toile67 x 82,5 cm Saint-Germain-En-Laye, 28/11/2010 SAINT GERMAIN EN LAYE ENCHERES Jacques Louis DAVID Paris 1748-Bruxelles 1825 Portrait du général baron Claude Marie Meunier, gendre de Jacques Louis David Sur toile d'origine72,5 x 58 cm

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